Ed the happy clown

Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)

À l’été 1982, se mettant lui-même au défi de produire plus de pages, Chester Brown improvise des histoires. Sa compagne l’encourage à publier ces planches sous forme de fanzine. Le premier numéro de Yummy Fur paraît en juillet 1983. C’est dans ces pages que naît Ed, personnage lunaire et naïf, entre Harry Langdon et Little Orphan Annie. Ce clown malchanceux subit les pires indignités. Il est enfoui sous une montagne de merde, voit son gland remplacé par la tête d’un Ronald Reagan improbable…


Auteurs canadiens Comix Drawn & Quarterly Les petits éditeurs indépendants Trash

À l’été 1982, se mettant lui-même au défi de produire plus de pages, Chester Brown improvise des histoires. Sa compagne l’encourage à publier ces planches sous forme de fanzine. Le premier numéro de Yummy Fur paraît en juillet 1983. C’est dans ces pages que naît Ed, personnage lunaire et naïf, entre Harry Langdon et Little Orphan Annie. Ce clown malchanceux subit les pires indignités. Il est enfoui sous une montagne de merde, voit son gland remplacé par la tête d’un Ronald Reagan improbable… Ses aventures mêlent macabre et scatologie, horreur et science-fiction, sexe et religion, fiction et autobiographie. Brown fait feu de tout bois, adopte l’imagerie catholique, tout en ridiculisant l’homophobie et mettant en scène vampires et savants fous. Sans surprise, son refus de l’autocensure lui vaut d’être accusé de perpétuer des stéréotypes racistes ou sexistes. Le livre est en réalité un véritable OVNI, burlesque, jouissif et profondément dérangeant. En 1989, Chester retravaille ce serial déjanté pour le transformer en « roman graphique ». Puis il le modifie à nouveau en 2005 et en 2012 pour aboutir à cette version définitive qui, grâce à ses notes inédites donne un extraordinaire aperçu du processus créatif de l’auteur. Ed the happy clown ne sera pas le Tintin de Chester Brown, qui l’abandonne à son sort et met en avant Josie et Chet, les amants tragiques, dont la fin révèle soudain un univers plus proche des Louvin Brothers que de Charles Schulz. Texte: L'éditeur

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 20 Mai 2014
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Ed the happy clown © Cornélius 2014
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)
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12/01/2015 | Gaston
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Sans tabou - Ce tome regroupe les épisodes consacrés au personnage d'Ed le Clown, parus dans la revue périodique "Yummy fur". Chester Brown (scénario et illustrations) a choisi de collecter les histoires parues dans Yummy Fur 1 à 12, de laisser de coté les autres (estimant qu'ils prolongeaient inutilement l'histoire) et de créer une nouvelle fin spécialement pour l'édition de 1992 qui est devenue la version définitive. Elle comprend également une introduction de Brown expliquant la genèse de cette édition, ainsi que 27 pages de notes en fin de volume. Une grande cité américaine est envahie par des rats toujours plus nombreux et féroces. le maire de la ville choisit de parachuter des pygmées mangeurs de rats sur la ville pour résoudre le problème. Quelque part dans la ville, une association de savants baptisée "Adventures in science" conduit des observations sur les pratiques masturbatoires des pieuvres géantes. Dans un appartement, une femme oblige son époux à vendre la vache pour obtenir de quoi s'acheter à manger. Ed le clown est arrêté par la police, accusé d'avoir sectionné la main gauche de Chester Doodley, homme de ménage dans un hôpital. Ailleurs un homme n'arrive pas à s'arrêter de déféquer. Un concours de circonstances peu ordinaires fait qu'il finit incarcéré dans la cellule voisine de celle d'Ed. Chester Doodley fait un cauchemar dans lequel il se souvient de l'histoire de Saint Justin que lui lisait sa mère, de la mort prématuré de sa sœur. Quelque temps après, il assassine Josie sa maîtresse. La tête de Ronald Reagan (président des États-Unis d'une autre dimension) se manifeste sur une partie inattendue de l'anatomie d'Ed. En début des commentaires, Chester Brown explique que l'écriture de la série "Ed the happy clown" était une forme de défi pour lui, qu'il souhaitait se prouver à lui-même qu'il était capable d'écrire et de dessiner un comics régulièrement. En termes de méthode, le déclic lui est venu à la lecture d'un ouvrage sur le surréalisme abordant l'importance de la spontanéité, et de l'écriture automatique comme outil permettant d'accéder à l'inconscient. Il prend bien soin de préciser qu'il a depuis rejeté toutes les théories freudiennes. "Ed the happy clown" a donc été écrit en partie sur la base de ce principe de libre association d'idées, d'idées attrapées au vol dans le flux de la rêverie, sans planification à long terme de la narration. Ce mode d'écriture au fil de l'inspiration explique pour partie l'aspect apparemment décousu de l'histoire. Toutefois la lecture permet de constater que chaque séquence s'imbrique parfaitement avec sa voisine pour former un récit au long cours, sous forme feuilletonesque, avec une progression logique, l'évolution des personnages et de leur situation, sans solution de continuité. La spontanéité de Chester Brown se révèle plus dans le choix des thèmes abordés, dans les situations délirantes dans lesquelles se retrouvent les personnages, dans l'absence totale de censure dans les éléments dessinés. Comme l'indique le résumé, Chester Brown n'hésite pas un instant à dessiner la matière fécale, le sang qui coule, les blessures à l'arme blanche, ou le sperme. Il y a plusieurs scènes de nudité frontale masculine comme féminine, et même une scène explicite de masturbation masculine. Cette approche sans limite réserve cet ouvrage à des lecteurs au cœur bien accroché (à tel point que l'imprimeur habituel de la série a fini par refuser de l'imprimer). D'un autre coté l'esthétique retenue par Brown fait qu'il est difficile de parler de voyeurisme. Tous les individus ont des morphologies normales (aucune musculature hypertrophiée, aucune anatomie féminine siliconée). Les dessins ressemblent plus à des illustrations d'amateur qu'à des planches bien propres sur elles. Il s'agit effectivement d'un comics publié par un éditeur indépendant (Vortex au départ, un indépendant canadien), en noir & blanc, avec une vision un peu naïve des décors. D'un autre coté, ces dessins montrent sans ambiguïté chaque action (aussi transgressive soit elle) et la mise en page est claire et facile à lire, ce qui est d'autant plus étonnant quand on sait que Brown dessiner chaque case séparément sur un petit carré de papier avant de la coller sur une plus grande feuilles, les unes à coté des autres. Le lecteur aventureux suit donc les péripéties d'Ed dans ce monde de plus en plus étrange et déroutant, dans lequel Ed subit avanie sur avanie, avec une résignation courageuse. D'un rebondissement improbable à l'autre, le lecteur peut effectivement voir émerger des éléments très personnels, très spécifiques à Chester Brown. Ce dernier estime en particulier que la santé mentale fragile de sa mère a fortement pesé sur son développement personnel. Il est facile de reconnaître sa mère dans celle lisant la vie de Saint Justin à ses enfants. Les éléments religieux intégrés à la narration (foi catholique) correspondent à son ressenti de l'époque, sa fascination pour cette foi, de même que son rejet. le thème de la matière fécale ne se ressent pas comme une régression infantile, mais plutôt comme un besoin de dépasser le tabou qui veut qu'on ne parle pas de ce genre de sujet dans un livre ou une BD. Dans les notes en fin de volume, Brown indique qu'il n'est pas très fier des relents de colonialisme engendrés par cette troupe de pygmées, et que son évocation de la gestion des égouts pointe du doigt sa méconnaissance du partage de responsabilité en matière de traitement des eaux usées, entre une municipalité et un département. Pour peu d'accepter de plonger dans un récit aussi personnel que dépourvu de tabou, le lecteur suit un individu qui subit maltraitances sur coups du sort, au fil de rebondissements extraordinaires (dans le sens où ils sortent de l'ordinaire) pour une confrontation avec des scènes absurdes, des tabous sociétaux, des expériences déformées par le subconscient, des horreurs impossibles, des personnages aussi excentriques que touchants, etc. Avec cette troisième relecture, je suis toujours aussi fasciné par ce monde délirant, devant beaucoup à l'inconscient de son auteur, capable d'aborder des sujets censurés par les bonnes mœurs, sans aucune volonté de culpabilisation, ou au contraire d'incitation à la débauche. Chester Brown nous invite à le suive dans son voyage intérieur à la fois onirique et horrifique (avec quelques touches d'humour noir), pour éprouver des sensations inédites ou interdites. Dans ces pages tout est possible, jusqu'à rencontrer 2 jumeaux nommés Quincy Harker (un hommage direct à Tomb of Dracula, une série Marvel).

25/04/2024 (modifier)