Julio (Julio's day)
Julio, bébé issu d’une famille de paysans mexicains, traverse le XXe siècle, ses guerres mondiales ou sa guerre froide, avec l’œil du témoin ordinaire. Quatre générations se succèdent de 1900 à 2000, lestées de silences qui sont autant de bombes inconscientes...
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Julio nait en 1900, au sein d’une famille de petits paysans d’Amérique latine, dans un hameau isolé. Or dès les premiers jours, la famille panique car le bébé est introuvable. C’est son oncle Juan qui le retrouve indemne, après qu’il a roulé tout en bas d’une butte à quelque distance des maisons. Sofia, la sœur de Julio, se méfie de Juan, dont elle perçoit l’âme sombre : elle se doute que c’est lui qui a jeté le bébé dans le ravin. Sans doute pour paraître en sauveur devant les siens. Secrètement amoureuse d’un garçon parfois en proie à des crises de folie, Sofia s’occupe dès lors plus affectueusement de son petit frère. Julio est plutôt tendre, ce qui lui faut d’être chahuté à l’école par les garçons plus forts que lui. Un jour, le père de Julio doit effectuer un voyage de quelques jours à pied. Il lui arrive alors une curieuse mésaventure. Tout d’abord, il glisse sur une coulée de boue et dévale douloureusement du haut d’une falaise. Il se relève sans rien de cassé, mais plus tard, lorsqu’il croque enfin dans le sandwich que lui a préparé sa femme, il s’aperçoit trop tard qu’il est infesté de vers bleus. Particulièrement toxiques, ces vers génèrent une réaction spectaculaire sur son métabolisme, alors qu’il est esseulé en pleine nature : œdème généralisé fulgurant, langue qui gonfle, yeux qui saignent…
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Date de parution | Février 2014 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Une vie, 100 ans, 100 pages - Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre. Il est paru pour la première fois en 2013. Il a été écrit, dessiné et encré par Gilbert Hernandez (surnommé Beto). Cette bande dessinée de 100 pages est en noir & blanc. Cette histoire a fait l'objet d'une prépublication dans les 20 numéros du magazine américain "Love and Rockets" (deuxième version) de 200& à 2007, à l'exception des numéros 15 et 16. Pour cette édition en 1 tome, Hernandez a repris les morceaux prépubliés, en a étoffé certains, et a ajouté quelques pages de transition. En 1900, Julio voit le jour dans un petit village du sud des États-Unis. Peu de temps après le nourrisson a disparu. Il est retrouvé par son oncle Juan. Sofia (la soeur de Julio) est persuadé que c'est Juan qui l'avait caché lui-même. En tant qu'enfant, Julio n'était pas très apprécié de ses camarades, sauf par son copain Tommy. Quelques années plus tard, son père doit faire une course dans un village éloigné, il n'a d'autre possibilité que de s'y rendre à pied. Son voyage est rendu hasardeux par des coulées de boue, et par les vers bleus. 100 pages plus tard, Julio a 100 ans et expire son dernier souffle. Vu de l'extérieur, le concept de ce récit semble simple et facile à saisir. Un homme naît en 1900 ; il meurt en l'an 2000. L'auteur montre au lecteur quelques moments de sa vie qui sont choisis pour leur portée significative sur la vie du personnage, et qui porte la marque des grands événements du siècle. En feuilletant cette bande dessinée, l'impression de simplicité se confirme. Les dessins sont réalisés à gros traits. Certains décors sont simplifiés au point d'en devenir simplistes. Certains personnages sont caricaturaux et hideux (par exemple les 2 vieux page 26). Certaines pages sont frappées du coin de la naïveté dans leur composition (par exemple le nuage noir qui recouvre toute la région du village page 16). Cette simplicité apparente permet au lecteur de découvrir confiant cette bande dessinée d'un auteur exigeant. Juste avant la première page de l'histoire proprement dite, il découvre un trombinoscope recensant les 17 personnages les plus significatifs du récit. Merci à l'auteur d'aider le lecteur à s'y retrouver, car sur une période de 100 ans, il est certain que les apparences (surtout les visages) des uns et des autres évolueront. Rapidement, le lecteur constate que Gilbert Hernandez a conçu une apparence visuelle différente facile à mémoriser pour chaque personnage, sans aucun risque de confusion pour le lecteur. Par quelques traits maîtrisés, il définit un personnage de manière exemplaire. Il y a quelques variations de représentation en fonction des individus, avec une exagération passagère (les cernes de la mère de Julio sur son lit de mort) ou une influence inattendue (Osamu Tezuka pour le visage de Sofia page 49). Finalement ce simplisme apparent se révèle être une savante épure qui conserve assez d'informations pour éviter toute confusion. Tout de même une vie de 100 ans racontée en 100 pages, c'est une sacrée gageure. Encore plus quand le lecteur se rend compte que 2 ou 3 séquences sont consacrées à un autre personnage que Julio, comme son père, ou Julio Juan le petit fils de sa sœur. Pourtant une fois le tome refermé, le lecteur se fait une image assez claire de la vie de Julio, des principales forces qui l'ont façonné. Quant aux événements du siècle, le lecteur voit l'incidence plus ou moins directe des 2 guerres mondiales, de la guerre de Corée et de celle du Vietnam, de la libération sexuelle, de l'émancipation des femmes et de la prise de conscience du racisme sous-jacent. Il ne s'agit en aucun cas d'un cours d'histoire, ces éléments étant évoqués plus ou moins rapidement. Du coup, le lecteur est amené à observer la vie de Julio et de quelques membres de sa famille sous un autre angle. En particulier, il constate les circonstances qui ont façonné sa vie, la part d'impondérable et le peu sur lequel il a pu agir. Au fil des séquences, Gilbert Hernandez met en lumière comment son environnement façonne l'individu : le milieu de naissance (origine sociale, localisation géographique), les phénomènes climatiques (pluies pendant plusieurs jour provoquant des coulées de boue), les personnes que croise l'individu. Par effet d'accumulation, il montre à quel point les grandes de lignes de la vie d'un individu sont déterminées par ces facteurs sur lesquels il n'a pas de prise. Hernandez montre aussi que le caractère de l'individu joue un rôle dans sa vie. En particulier le lecteur peut effectuer la comparaison des choix effectués par Julio et par Julio Juan, à quel point leur choix de se conformer ou non les conduit sur des chemins de vie différents. Toutefois, l'un comme l'autre se retrouve face aux limitations de son choix de vie. Hernandez joue également sur le symbolisme. le récit commence par une case noire et se termine par une page noire, c'est-à-dire un symbole facile (= le néant de la non existence, avant la naissance et après la mort). Comme à son habitude, Hernandez intègre à son récit une pincée de réalisme magique ; ici il s'agit de cette maladie des vers bleus que le lecteur interprétera à sa guise. Comme à son habitude il utilise également les conditions climatiques (en particulier les nuages) pour donner une indication de l'état d'esprit des personnages, ou des forces sociales et culturelles auxquelles ils sont soumis. En ayant ces points de vue à l'esprit, le lecteur découvre alors un récit proposant une philosophie de vie intelligente et construite, et également très riche de sous-entendus. La plupart sont identifiables et compréhensibles, d'autres peuvent échapper au lecteur. Il y a donc la métaphore de la maladie due aux vers bleus dont il appartient au lecteur de décider de la signification. Il peut y avoir une page ou deux dont le sens échappe. Par exemple, page 86, Julio Juan prend des postures grimaçantes pendant 8 cases sur fond noir, sans aucune explication venant orienter la signification de la séquence (que je n'ai pas su interpréter). Le récit sous-entend également que l'un des personnages pratique des sévices ou des attouchements sexuels sur plusieurs nourrissons. le lecteur liste mentalement les personnages qui ont dû subir ces maltraitances, en découvrant l'incidence qu'elles ont pu avoir sur le chemin de vie. le constat qui en découle n'a rien de très concluant sur le sens que l'auteur a voulu donner aux conséquences de ces attouchements. Au final, Gilbert réussit son pari de raconter une vie de 100 ans en 100 pages, sans impression de manque, ou de superficialité. Il y parvient grâce à son art de la narration (dessins et textes) épurée, ne conservant que l'essentiel, et à son utilisation (magique à ce niveau de maîtrise) de l'ellipse. Il aborde une quantité impressionnante de thématique, allant de la famille à l'acceptation de soi, en passant par le libre arbitre, toujours dans un langage visuel simple et facile d'accès. le lecteur pourra ressentir une légère frustration du fait de quelques ouvertures plus ambitieuses qui restent en suspens, sans suffisamment d'éléments pour nourrir sa compréhension.
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