Le Confesseur sauvage
Dans la ville de Tchernobourg, suite à une catastrophe nucléaire, une partie de la population se retrouve transformée en d'effroyables mutants.
Ecole Supérieure des Arts Saint-Luc, Bruxelles Glénat One-shots, le best-of
Dans la ville de Tchernobourg, suite à une catastrophe nucléaire, une partie de la population se retrouve transformée en d'effroyables mutants. Résultat : des limaces géantes, hommes-araignées et toutes autres sortes de monstruosités côtoient à présent les citoyens lambda. L'un de ces mutants, un poulpe empathique, remarque un fait étrange : lorsqu'il s'assoit près de quelqu'un, l'un de ses tentacules se met inéluctablement à venir tapoter amicalement l'épaule de son voisin qui se met aussitôt à se confesser. C'est ainsi que notre ami poulpe va s'improviser prêtre et venir à la rencontre des habitants de Tchernobourg recueillir des témoignages tous plus délirants les uns que les autres. A travers une succession d'histoires courtes monstrueusement loufoques, Philippe Foerster nous décrit un univers à nul autre pareil, entre Kafka et Topor, où l'humour noir se teinte d'absurde ! Savourez cette suite des histoires macabres que l'auteur réalisait pour Fluide Glacial dans les années 1980 et qui viennent d'être magnifiquement rééditées sous le nom Certains l'aiment noir.
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Date de parution | 04 Mars 2015 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Pauvre être humain - Ce tome comprend 5 histoires qui se déroulent dans la même ville à la même époque, avec un personnage récurrent qui est le récipiendaire de ces récits, celui qui est qualifié de confesseur sauvage. Il est initialement paru en 2015, écrit, dessiné, encré et mis en couleurs par Philippe Foerster. Ce créateur a longtemps collaboré à Fluide Glacial, à partir de 1979. Une anthologie lui a été consacrée récemment : Certains l'aiment noir. À une époque contemporaine, dans la bonne ville de Tchernobourg, il y a eu une grosse catastrophe : un croissant de Lune a chu sur la centrale nucléaire toute proche, et les habitants ont alors commencé à engendrer des mutants aux déformations monstrueuses et à subir eux-mêmes des mutations. Parmi cette population tératologique, il en est un avec tronc d'être humain, et des tentacules de poulpe en lieu et place des jambes, qui se fait appeler Père Irradieu. Il a un don : chaque personne qu'il touche se confesse spontanément à lui. Durant ces 5 chapitres, madame Génuflexion évoque le cas très particulier de sa fille Gisèle à qui elle avait tenté de cacher qu'elle était une limace (en commençant par casser tous les miroirs). Puis il touche un sans-abri dans un parc. Il s'appelle monsieur Annonciation, il était employé aux fromageries Lovecheese, et amoureux de sa voisine de bureau, mademoiselle Desurcroit. Dans le troisième chapitre, quelqu'un lui raconte l'histoire du major Oraison, exterminateur de mutants dans Tchernobourg. Puis l'ex-humoriste Piedepoule lui raconte l'histoire de Sagamore, le fils de Sophie-Charlotte et Baudouin Transfiguration. Enfin, il reçoit la confession de madame Absolution qui lui raconte l'histoire de Wilfried, son fils, mangeur de revenants. Il existe en France un magazine mensuel de bandes dessinées, dont le succès ne se tarit pas depuis 1975. Il a accueilli des auteurs aux personnalités aussi fortes que diverses comme Marcel Gotlib, Binet Edika, Goossens, Lelong, Maëster, Tronchet, et bien d'autres. Parmi eux, Philippe Foerster dispose d'un trait aussi personnel que les autres et immédiatement reconnaissable. Qui plus est ses histoires présentent des caractéristiques très fortes, baignant dans un humour noir et macabre, avec un soupçon de glauque. Dans ce tome, le lecteur retrouve tout ce qui fait la force de ce créateur sans pareil. De prime abord, le lecteur se dit que ça ne peut pas marcher. Foerster mélange des ingrédients infantiles et surannés qui malmènent la logique et semblent provenir d'une époque révolue. Comme la présentation en atteste, il a le chic pour choisir des noms idiots, sans rapport avec les personnages, une collection de noms communs piochés dans un registre en total décalage avec ses récits (entre Annonciation et Transfiguration, on est servi). Ensuite, il utilise les conventions d'une science-fiction des années 1950, avec une représentation littérale de nature infantile. Un morceau de la Lune est tombé sur le centrale nucléaire de Tchernobourg : il a la forme d'un croissant de Lune, et trône en arrière-plan de la ville, avec une jolie forme de croissant (comme celle sur laquelle est adossé le Pierrot lunaire). Ensuite la destruction de la Lune n'a eu aucune incidence sur les masses maritimes. De manière tout aussi littérale, les radiations ont provoqué des mutations grotesques, mais pas de brûlure, ou de cancer, ou tout autre conséquence biologique prévisible. En outre ces mutations sont grotesques et affectent aussi bien les adultes que les enfants à naître. le confesseur a donc des tentacules à la place des jambes, et Gisèle Génuflexion est une grosse limace, avec la personnalité d'un être humain, sans bras, sans jamais prendre conscience que sa morphologie ne s'apparente en rien à celle de ses parents. Rapidement le lecteur se rend aussi compte que l'anatomie des personnages humains présente parfois de légères exagérations. Cela commence par les nez. Quelques-uns (mais cela n'a rien de systématique) présentent un nez un peu plus charnu que la moyenne, sans que cela devienne un gros nez à la Albert Uderzo, ni que ces personnages soient majoritaires. D'autres présentent un nez pointu et allongé, un peu au-delà de la normale. Il y a aussi le cas particulier des mentons. Des personnages peuvent être dépourvus de mentons, et d'autres affligés d'énormes goitres ou de bajoues. de temps à autre, un front va être un peu plus large, ou un peu plus volumineux que la normale, une forme douce d'hydrocéphalie, comme si même es êtres humains normaux étaient légèrement monstrueux. Philippe Foerster peut également dessiner les yeux plus grand que la normale pour accentuer l'expressivité d'un visage. Lorsque le lecteur commence à détailler chaque dessin, il se rend compte que cet artiste utilise de nombreuses approches différentes dans ses représentations. Il peut aussi bien esquisser une forme par quelques traits sans soucis de réalisme (le cadavre en décomposition de Gisèle), s'inscrivant ainsi dans une registre plus iconique que réaliste. Il peut légèrement gauchir les perspectives pour déstabiliser sa composition, décontenancer le lecteur et introduire une forme de déséquilibre qui fait converger le regard du lecteur vers l'élément surnaturel ou anormal. Il peut tout aussi bien s'attacher à de menus détails très concrets et très banals. Ainsi, les intérieurs des appartements des différents protagonistes disposent tous d'un mobilier et d'une architecture intérieure différents. Les tenues vestimentaires sont adaptées à chaque personnage. Les façades des immeubles relèvent de périodes bien identifiables. Au fur et à mesure de la lecture, le lecteur constate d'ailleurs que ces mobiliers et ces tenues renvoient aux années 1950, créant une ambiance surannée, dépassée et ringarde. Cette particularité ajoute encore à la noirceur du récit. Malgré toutes ces caractéristiques qui ne donnent pas forcément envie de découvrir cet étrange ouvrage et cet auteur, le tout présente une grande unité narrative qui plonge le lecteur dans un monde glauque, d'une grande noirceur, un mélange d'un humour très noir et d'une forme de désespoir existentiel qui fait rire jaune. Bien sûr que cette science-fiction n'a rien de réaliste, qu'elle utilise des visuels et des concepts infantiles, mais l'inanité de l'existence n'en ressort que plus. le confesseur sauvage n'a même pas de nom véritable (juste un pseudonyme qu'il s'est choisi), juste des tentacules qui le place à part de l'humanité, sans aucun espoir d'une vie normale, ou même d'être d'une quelconque utilité à la société. Chacune des personnes qui se confesse malgré elle n'en ressort aucunement soulagée. Pour commencer ce confesseur n'est pas un prêtre et ne dispense aucune absolution d'aucune sorte. Ensuite leur confession ne fait qu'entériner le constat de leur échec, de leur faiblesse morale, de leur solitude, de leur médiocrité, etc. Il n'y a rien de romantique dans ces récits, ou de morale venant ouvrir une fenêtre d'espoir. Sous ces dehors peu crédibles, le lecteur découvre rapidement qu'il s'agit de fables à destination d'adultes, au cœur bien accroché. La force de ces récits ne réside pas dans le destin de personnes minables accablées de malchance, mais au contraire dans le comportement très humain de ces individus essayant de faire avec les avanies de la vie. Ainsi madame Génuflexion fait tout pour sa fille Gisèle, avec l'aide de Gino, on second mari dont ce n'est même pas l'enfant. Et Gisèle grandit comme une fille normale malgré sa morphologie de limace. le lecteur ne peut qu'être admiratif de la force de caractère de ces parents s'accommodant de leur situation sortant de l'ordinaire et réussissant dans leur entreprise. Il en va aussi ainsi pour madame & monsieur Transfiguration, ou encore pour Wilfried qui prend sur lui pour faire plaisir à sa maman. le lecteur ressent une forte empathie pour ces personnages dont les motivations sont universelles et très humaines. C'est même le fort contraste entre l'environnement et les circonstances délirantes, et le comportement très normal de ces individus qui fait ressortir avec force leurs émotions, leurs souhaits, leurs espoirs. du coup, le lecteur ressent pleinement leur peur, leur résignation face aux difficultés insurmontables, l'injustice de leur situation quand malgré leurs efforts, il leur est impossible d'échapper à leur situation et qu'elle va en s'aggravant. Au final l'horreur de ces récits ne se trouve pas les situations tirées par les cheveux imaginées par l'auteur, mais bien dans le drame de ces individus incapables de fuir de leur situation, encore moins de l'améliorer. Les éléments idiots (croissant de Lune, champignon atomique en suspens, tentacules à la place des jambes, etc.) finissent par créer une forme de poésie macabre séduisante. le lecteur sait qu'il s'agit d'éléments pour rire, d'idées irréalistes et enfantines. Mais elles s'imprègnent de la noirceur des récits pour devenir des signes apparents des tourments intérieurs des individus. le champignon atomique figé dans le lointain symbolise bien sûr la peur d'une guerre nucléaire imminente, éventualité bien réelle qui pesait lourd sur l'inconscient collectif dans les années 1960 et 1970, mais aussi les catastrophes arbitraires qui peuvent s'abattre à tout moment sur chaque individu, sans qu'il n'y ait de signe avant-coureur, ou sans que l'individu ne puisse s'en protéger, alors même qu'il sait qu'elles vont se produire, soit le caractère inéluctable des événements sur lesquels on n'a pas de prise. Ce retour de Philippe Foerster avec ces nouvelles histoires prouve qu'il n'a rien perdu de son talent, de sa voix propre. Il jette toujours un regard aussi noir et attendri sur la condition humaine. Avec des signes extérieurs de science-fiction ringarde, ses récits parlent des peurs et des émotions de l'être humain, avec une belle perspicacité, et une rare intensité.
Voilà un recueil de nouvelles agréable à lire. Les deux points forts sont à mes yeux : - Le dessin de Foerster, qui est vraiment superbe. Caricatural, riche et pourtant toujours lisible, il démontre la parfaite maîtrise du noir et blanc par son auteur. Aucune planche ne semble avoir été faite sans que Foerster l’ait pensée et repensée jusqu’à certains cadrages dont la subtilité n’apparaît qu’au second regard. C’est vraiment du grand œuvre pour qui aime ce genre de dessin ; - L’originalité des pathologies dont souffrent ces mutants. Foerster ne se contente pas de nous livrer quelques gentilles histoires de mutants. Il cherche réellement à surprendre, à nous sortir de nos habitudes. Même les gros lecteurs trouveront ici des idées qu’ils n’avaient encore jamais vues ailleurs (j’ai particulièrement été séduit par le concept de la dernière nouvelle). Par ailleurs, l’auteur use d’un humour noir discret qui, s’il ne rend pas ses récits réellement hilarants, apporte à l’occasion le sourire au lecteur (je pense notamment à la tragiquement drôle histoire de la limace). Enfin, contrairement aux autres récits du même genre que j’avais pu lire de Foerster, l’auteur dispose ici d’un espace plus large pour développer ses nouvelles (15 à 20 pages au lieu des 6-7 habituelles) et je trouve que ce format lui convient bien. Il peut ainsi créer une progression plus lente vers ses trouvailles absurdes. Seul bémol : le côté verbeux de l’auteur qui alourdit parfois inutilement la lecture. Et c’est un bémol mineur… A lire, et même à posséder si on aime le genre.
Je suis plutôt amateur de ce que fait Foerster, que ce soit au niveau graphique ou au niveau des histoires plus ou moins noires qu’il concocte généralement à merveille. Cet album confirme tout son talent. Le visuel d’abord, vraiment réussi. J’aime toujours autant ce dessin, à la fois classique et « arrondi », en tout cas très lisible. Il travaille ici avec une sorte de bichromie, chacune des histoires ayant son habillage, avec une couleur dominante, même si l’ensemble reste cohérent, très sombre, nocturne, jouant sur les ombres et les non-dits, voire les « non montrés » : en cela on est proche d’une esthétique expressionniste, telle qu’elle s’est épanouie dans le cinéma allemand des années 1930. Pour ce qui est de l’ambiance générale de ces histoires, on n’est plus exactement dans l’horreur qui pouvait parfois dominer davantage dans les histoires de la période « Fluide » (voir la belle intégrale parue récemment), même si Foerster ne l’a pas complètement effacée et que je fais peut-être un distingo trop prononcé. Il y a ici plus de fantastique pur, voire de poésie noire, avec par contre toujours une bonne pincée d’atmosphère « dérangeante » comme peut le faire Blanquet – dans un autre registre il est vrai – (je pense à cette fille/limace par exemple). Pour ce qui est de l’histoire proprement dite, Foerster l’a découpée en cinq chapitres plus ou moins indépendants : suite à une catastrophe et à la destruction d’une centrale nucléaire près de la ville de Tchernobourg (sic), un personnage a le pouvoir de déclencher la confession de ceux qu’il touche. Chaque confession est le point de départ d’une histoire où le bien et le mal ne sont pas clairement identifiés. C’est clairement un album que je vous encourage à découvrir !
Foerster est vraiment un des plus grands en matière de contes macabres. Ici, il invente une ville où s'est produite une catastrophe et maintenant il y a des mutants. À travers le personnage d'un mutant qui a le pouvoir de faire confesser les gens, l'auteur nous raconte 5 histoires différentes. On retrouve le Foerster de Fluide Glacial qui racontait des trucs macabres avec un peu d'humour noir et parfois de la satire sociale (que je trouve très présente dans cet album). Il a plus de pages pour développer ses histoires que dans Fluide Glacial et je ne vais pas me plaindre car les différents récits sont excellents. Il y a pas de longueurs et j'avais toujours envie de lire ce qu'il allait se produire sur la page suivante. J'aime beaucoup comment ses histoires sont cohérentes entre elles quoique le point fort de l'ouvrage est le dessin en noir et blanc que Foerster que je trouve parfait pour ce genre d'histoire. C'est un style un peu malsain qui ne me dérange pas du tout. C'est à lire pour les fans de l'auteur !
Depuis l’époque où je l’ai découvert dans Fluide glacial, Foerster a toujours tenu pour moi une place à part parmi les auteurs du « journal d’humour et de bandessinées ». Ses petites histoires morbides avaient quelque chose d’incongru qui tranchait avec l’ « esprit Fluide » général. Même si l’auteur recourait au trash propre aux années 80, il restait toujours ce petit côté hors du temps, à la fois vieillot et poétique, une sorte de version européenne d’un Creepshow conçu dans les années 50. Et ses cauchemars « en cases » où le quotidien le plus banal rencontrait le fantastique (et souvent l’horreur) exerçaient sur moi une fascination particulière. Des cauchemars souvent peuplés de créatures difformes et dans lesquels des humains on ne peut plus ordinaires voire insignifiants se retrouvaient inéluctablement pris au piège d’un mauvais génie sadique au rictus grimaçant. Chaque semaine, Fluide me procurait ma dose hebdomadaire de Foerster, me plongeant dans un état de douce terreur que venait à peine alléger un humour noir grinçant à souhait. Avec ce « Confesseur sauvage », j’ai retrouvé les mêmes sensations. Car l’auteur belge semble être resté le même, fidèle à lui-même et à son univers unique, prenant un plaisir quasi enfantin à nous narrer ces mini-contes cruels où il s’autorise les délires les plus fous, faisant comme bon lui semble, intégrant du bout des doigts un vernis pseudo-scientifique, se fichant d’un quelconque réalisme psychologique comme de l’an 40, parce que sinon, ça serait forcément moins drôle ! Comme si les pires cauchemars étaient préférables à un quotidien suintant l’ennui, comme si un rire sardonique valait mieux qu’un spleen fataliste face à un monde insensé. Nul doute que certains lui reprocheront de faire toujours la même chose, y compris pour ce qui est du style graphique. Mais son dessin est tellement indissociable des ces récits à l’atmosphère unique qu’on ne l’imaginerait pas autrement, à tel point que même une mise en couleur serait déplacée. Foerster suit la voie qu’il s’est tracé, il n’explore pas, ne se cherche pas, prend son pied et nous avec, tout simplement, où est le mal ? Immeubles et objets semblent animés d’une vie intérieure, forcément lugubre, tandis que les personnages, plus ou moins difformes, ont l’air de lutter pour rester debout, en proie à des tourments indicibles. De son cerveau malade, Foerster injecte avec brio sa poésie à la fois lunaire et grand-guignolesque dans ces contes délirants pour enfants et vieux enfants, probables exutoires à ses propres névroses. Ainsi, à vous qui lisez ces lignes, je ne saurais trop vous conseiller de mieux faire connaissance avec ce confesseur. Et puis vous avez forcément quelque chose à vous reprocher, non ?
Foerster invente une cité, “Tchernobourg” (tout un programme), en partie détruite par un improbable cataclysme, dans laquelle grouillent d'horribles mutants qui vivent au milieu d'humains normaux. Enfin, “normaux”, c'est à voir… Disons sans trop déflorer le suspense que les pires monstres ne sont pas toujours ceux qui présentent l'apparence la plus rebutante. Quand il nous parle de l'humanité, Foerster sait appuyer là où ça fait mal. Au-delà des contes invraisemblables, de la monstruosité grotesque et des délires outranciers, il pratique un humour noir qui fait rire jaune. Son monde n'est que le miroir du notre avec ses tares et ses excès, pointés avec une acuité aussi cynique que tendre. Il n'y a que lui pour suivre les pas d'une limace qui postule à une émission de téléréalité, un autiste explosif, ou un employé de bureau minable aux mains venimeuses… Graphiquement, son univers tourmenté est identifiable du premier coup d'œil. Foerster, c'est un peu Jérôme Bosch qui mettrait en image le Cabinet du docteur Caligari : un cauchemar, mais que l'on aime prolonger. D'autant plus que dans cet album, le noir et blanc est rehaussé de touches de lavis colorés (une couleur pour chaque histoire) du meilleur effet. En somme, l'auteur revient – avec un talent intact – aux courtes histoires d'horreur qui ont forgé son style lorsqu'ils publiait dans Fluide Glacial, et que l'on peut redécouvrir dans un beau volume paru l'an dernier (Certains l'aiment noir (2014)). Peut-être pas neuf, mais virtuose dans un style unique.
Enfin du matériel inédit de la part de Foerster dans son domaine de prédilection : les contes malsains et dérangeants à nul égal. Cette fois, il s'agit d'une histoire "à sketches" dans une ville au nom évocateur de Tchernobourg. La lune s'est effritée en partie sur la centrale nucléaire de la métropole, ce qui a eu pour conséquences des pluies acides qui ont par après donné lieu à des mutations sur l'espèce humaine, la faune et les plantes. Du coup, tout le monde cohabite entre mutants et êtres "normaux". Notre confesseur, un prêtre improvisé dont les jambes sont remplacées par des tentacules, a également comme pouvoir de lire les pensées les plus intimes des gens qu'il croise dans la ville ou dans son confessionnal. Il s'agit de chacune de leurs histoires (soit 5) qui sont narrées sous le trait féroce de Foerster qui m'a toujours autant attiré que écœuré. On n'échappe pas ici à la règle, ceux qui n'aiment pas cet auteur ne lui trouverons pas plus de charme mais pour tout amateur de ces petites histoires bien cradingues que je lisais ado dans Fluide Glacial, c'est un vrai régal... Il y a des dessins admirables avec ces longs corps filiformes aux protubérances répugnantes (amis arachnophobes, ne lisez pas la seconde histoire !) et des cadrages majestueux rendant bien compte de la folie et ici surtout du désespoir de l'ensemble des êtres vivants croisés. Car la mélancolie qui plane est bien présente, bien plus que l'horreur, c'est l'amour et l'espoir d'une vie meilleure qui prédominent. Mais les histoires de Foerster sont tragiques et la fin est toujours cruelle. C'est même incroyable de voir comme l'ensemble se tient. C'est véritablement passionnant à lire. Cet univers est improbable mais complètement cohérent simplement par 3 pages d'introduction nous rendant crédible une ville où tout n'est que noirceur, horreur et chagrin. Chaque histoire est dessinée en bichromie noir et blanc plus une dominante (jaune, bleue, gris, vert) dans un joli bouquin bien classieux ainsi qu'un dessin de garde joliment mis en couleurs dans un style "gouache". Sans trop en dévoiler, la troisième histoire se permet même un pied de nez subtil à certains partis d’extrême droite, une jolie métaphore sur les différences et les conséquences de l'intolérance sur le ton du "tel qui est pris..." La fin reste ouverte et peut décevoir par sa brièveté mais après réflexion, il s'agit d'un véritable constat de la part de notre discret confesseur, témoin d'un monde en pleine déliquescence. Un petit bijou, rehaussé par une palette subtile de couleurs prouvant que Foerster n'a rien perdu de son talent dans son monde macabre si particulier. Les amateurs devraient se rue dessus, les autres n'en seront pas davantage convaincus mais il s'agit surement de sa plus belle œuvre.
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