Poison City
Le nouveau manga coup de poing de Tetsuya Tsutsui!
Les meilleurs mangas courts Les meilleurs mangas policiers Profession : bédéiste Seinen Shueisha
Tokyo, 2019. A moins d'un an de l'ouverture des Jeux Olympiques, le Japon est bien décidé à faire place nette afin de recevoir les athlètes du monde entier. Une vague de puritanisme exacerbé s'abat sur tout le pays, cristallisée par la multiplication de mouvements autoproclamés de vigilance citoyenne. Littérature, cinéma, jeu video, bande dessinée : aucun mode d'expression n'est épargné. C'est dans ce climat suffocant que Mikio Hibino, jeune auteur de 32 ans, se lance un peu naïvement dans la publication d'un manga d'horreur ultra-réaliste, Dark Walker. Une démarche aux conséquences funestes qui va précipiter l'auteur et son éditeur dans l'oeil du cyclone...
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Date de parution | 12 Mars 2015 |
Statut histoire | Série terminée 2 tomes parus |
Les avis
Tsutsui Tetsuya est un habitué des récits traitant des problèmes sociétaux contemporains, qui probablement sans le vouloir ne touche pas seulement le Japon mais bien tout l'Occident (oui oui le Japon fait partie de l'Occident d'autant plus si tu places les USA au centre d'une carte), qui vit depuis 2 décénnies au moins, une crise de Sens majeur. Le manga va ainsi forcément nous parler à tous. Le thème principal il est clair, c'est la censure de l'Etat sur des oeuvres culturels. Au Japon comme cela est relaté aussi dans un autre récit du même auteur Prophecy, la société vit une fracture entre leur "boomer" et la jeune génération internet. En France le conflit est davantage civilisationnel, lié au fait notamment qu'on s'est éloigné de notre racine dogmatique (le christiannisme), la perte de notre souverainneté et la sous-culture migrationniste constamment mis en avant. Mais si les 2 causes sont différentes, on y retrouve des maux communs, et notamment l'emprise de + en + forte de l'Etat sur la liberté d'expression et plus globalement le contrôle des masses et de l'information. Effectivement Big Brother is watching you. Tsutsui va nous interroger sur les conséquences de la censure sur la Culture et le sens moral avec brio, son dessin et son découpage est limpide jusqu'à la conclusion de son propos. C'est brillant, intelligent et bien construit. Je conseille par ailleurs la plupart des récis de Tsutsui, ce sont des récits courts, qui sans se ruiner va nous proposer des reflexions interessantes sur nos maux. Pour classer ses mangas comme chef d'oeuvre, il va malgré tout me manquer cette dimension "poétique" difficile à décrire, et des émotions profondes que seul quelques auteurs de BD peuvent nous procurer. 2 notions très subjectives car impalpable et qui appartient qu'à notre expérience personnel.
Dans l’ensemble, j’ai bien aimé ce récit. Le dessin réaliste et épuré fait partie de ceux qui me plaisent dans le genre manga. Le thème de la censure dans le monde de la bande dessinée (comics et manga, ici) est intéressant et résonne particulièrement quand on sait que l’auteur en a été lui-même victime et qu’il a écrit ce récit en réaction à cet état de fait. Le fait de mélanger deux récit qui créent une mise en abyme fonctionne plutôt bien dans le premier tome mais, à mes yeux, un peu moins bien dans la conclusion du récit. En règle générale, j’ai moins aimé le deuxième tome, qui présente quelques longueurs, quelques redites. Il y a aussi un décalage entre le caractère très réaliste d’une majeure partie du récit et la conclusion pour le moins radicale de celui-ci. Ce décalage me dérange quelque peu car il fait perdre de la crédibilité à ce récit. Quoiqu’il en soit, ça reste un bon récit, facile à lire, cohérent, avec un personnage pour lequel on se prend d’affection et des passages instructifs sur le mode de fonctionnement de la censure (même s’il est parfois malaisé de différencier la réalité de la fiction). Pas mal du tout, quoi ! Mais un peu léger pour en faire une œuvre culte.
Voilà un manga qui traite d'un sujet bien complexe ! Vaste questionnement dont on n'aura jamais fini de faire le tour et auquel on ne pourra sans doute jamais apporter une réponse claire et définitive : jusqu'où peut aller la liberté d'expression ? Jusqu'où peut-on laisser un artiste aller dans le domaine de la vulgarité et de la violence ? Son impact sur la jeunesse et toute population influençable est-il vraiment concret ou juste le fruit de l'imagination de certains puritains des temps modernes ? Des questions passionnantes, mais dont la réponse est à mon avis moins évidente qu'elle n'y paraît. Bien sûr, la liberté d'expression est quelque chose de très important et à mon avis, l'on ne peut pas imposer de grosses restrictions sur de simples critères moraux instrumentalisés par l'interprétation des censeurs autoproclamés (une scène très parlante où la Commission de censure veut interdire des pages du manga de Mikio Hibino a priori innocente, juste parce qu'on y voit un personnage potentiellement mineur fumer ou grimper une gouttière). La censure peut être et malheureusement, est souvent excessive. Doit-elle être pour autant totalement éradiquée ? Qu'elle soit ou non légitime, je pense pour ma part que la censure soulève de réels problèmes. De par ses dialogues prodigieux, la scène du procès d'Hibino aborde intelligemment ces questions : on peut légitimement penser que la représentation du sexe et de la violence peut avoir un impact réel sur une certaine jeunesse (qu'on revoie l'excellent film La Chasse pour en voir de terribles conséquences) et que cet impact ne doit pas être négligé au nom d'une quelconque liberté d'expression. Et Tetsuya Tsutsui sait faire la part des choses : il y a deux parts dans la censure imposée aux mangas, dans Poison City. La limitation d'âge est à mon avis totalement justifiée et légitime (même si elle peut aussi parfois être excessive, bien sûr, le souci n'étant pas la limitation en elle-même mais ceux qui la décident), mais les censeurs de Poison City vont plus loin en n'hésitant pas à qualifier une œuvre de "nocive". Imposer un âge minimum pour lire ou voir une œuvre vulgaire et/ou violente, pourquoi pas ? (à condition que ce soit fait de manière réfléchie et intelligente, bien sûr) Mais de quel droit peut-on déclarer une œuvre "nocive" ? Alors qu'un avertissement d'âge peut répondre à certains critères relativement objectifs (ne pas montrer des membres découpés ou des relations incestueuses à un enfant de 6 ans relève a priori du simple bon sens), déclarer une œuvre "néfaste" ou "nocive" sort totalement du domaine de l'objectivité. Mais finalement, le problème est bien plus large que la simple représentation du sexe et de la violence dans des œuvres de fiction, et l'on renoue ici avec la réflexion si intelligemment posée dans un de mes films d'horreur favoris : Sinister. Le vrai cœur du problème, c'est avant tout le rôle de l'image dans notre société. Et c'est là-dessus que j'ai trouvé Poison City extrêmement intelligent ! Dans nos sociétés contemporaines, l'image joue un rôle prédominant : certes, on pense d'abord au sexe et à la violence, et les conséquences d'une découverte trop jeune de ce type d'images ne peut être contesté (en tant qu'enseignant, je l'ai déjà vu chez plusieurs élèves "à problèmes", même si cette exposition à des images choquantes est avant tout le fait de parents irresponsables : ce sont eux les coupables, et non pas les créateurs des œuvres concernées). En revanche, l'image est une arme à bien d'autres niveaux : elle est celle du mangaka ou de l'auteur de comics, bien sûr, qui peut les utiliser à des fins de satire. Mais elle est aussi et surtout celle du journaliste. De fait, c'est quand Poison City se transforme en satire des médias qu'il devient à mon avis le meilleur. Lorsqu'on découvre comment une simple image véhiculée par les journaux et les chaînes de télévision a pu faire basculer un adolescent dans un fatal processus de stigmatisation, le récit devient pleinement glaçant. Lorsqu'on réalise que, sans les médias (et dans une moindre mesure les réseaux sociaux, mais le pouvoir de destruction des réseaux sociaux ne devient finalement pleinement efficace que quand ils trouvent dans les médias une caisse de résonnance), la loi sur la censure ne serait sans doute jamais passée, on comprend le véritable cœur de Poison City. Ainsi donc, le problème n'est pas seulement la représentation du sexe et de la violence dans la fiction. Le véritable vecteur de propagation de la violence (physique ou psychologique), c'est la surmédiatisation. Tout comme les mangas, les médias ne doivent pas être censurés en eux-mêmes car ils peuvent être et sont très utiles, souvent. Mais ceux qui doivent obéir à un code de déontologie strict, ce ne sont pas les mangaka, bien plutôt les journalistes. En effet, on pourra se poser éternellement la question de ce qu'un manga peut ou non représenter, chacun aura ses critères propres. Mais dans le cas des médias, on ne parle pas seulement de la représentation de la violence. On parle avant tout de la vérité. Et s'il y a bien une chose avec laquelle on ne peut pas jouer, bien plus que le sexe et le gore, c'est la vérité. Poison City n'est donc pas seulement une défense de la liberté d'expression de l'artiste, même si c'en est sans doute l'aspect le plus important. C'est aussi et surtout la représentation de la dérive d'une société suite à la médiatisation du mensonge. Quand les médias ne font plus leur travail, alors la société se corrompt : les politiciens suivent, puis les textes de lois, puis le public, et c'est ainsi qu'une forme de dictature très spéciale (car acceptée et véhiculée par tous) s'établit au nom du progrès et de valeurs morales faussées. De manière plus terre-à-terre, mon seul regret concerne le deuxième tome de cette série choc : pour appuyer le message du manga, j'aurais personnellement davantage renforcé la descente aux enfers de Mikio Hibiro. J'aurais choisi un climax (ou un troisième tome) qui nous montre clairement une société au bord du chaos, un chaos orchestré (de manière volontaire ou non) par cette conjonction des médias, des politiques et d'une opinion publique manipulée. En voulant à tout prix rester sur un ton réaliste (et quasiment autobiographique), Tetsuya Tsutsui ne va à mon avis pas aussi loin qu'il aurait pu aller. J'aurais bien aimé un dernier tome d'anticipation, qui nous montre la société plongée dans une guerre civile à cause de l'inconséquence de ses "élites". A mon avis, cela aurait bien couronné le propos vif et intelligent du scénario. Mais bon, en l'état, on a déjà affaire à un excellent manga, d'une très grande densité narrative et réflexive, au ton acerbe et pertinent, porté par un dessin d'une beauté à séduire même les plus réticents des adversaires du manga. Une vraie réussite, qui me donne clairement envie de découvrir davantage cet auteur apparemment atypique qu'est Tetsuya Tsutsui.
C'est objectivement un bon manga que voilà car il pose une bonne question entre la sauvegarde des bonnes moeurs et la liberté d'expression. Il est vrai que des auteurs quelque soit le support (TV, cinéma, bd...) ont fait dans la surenchère de la violence et du morbide quand ils ne tombaient pas dans des scènes obscènes ou un langage grossier. Il suffit parfois d'une vague de puritanisme pour mettre à mal la liberté de produire des oeuvres un peu subversives. Ainsi, j'ai appris qu'une telle vague avait touché les comics américains il y a pour ne laisser que la place à deux gros mastodonte qui inonde actuellement le marché avec leurs super-héros à savoir Marvel et DC Comics J'ignorais totalement ce pan de l'histoire. Il y a sans doute quelque chose qui m'a échappé. J'avais jamais entendu parler du psychiatre Fredric Wertham et de ses heures sombres de la bd américaine qui aurait pu connaître un autre essor. Bref, j'ai appris des choses. Pour le reste, malgré l'intelligence du propos, j'ai reproché le mélange entre la fiction et la réalité et le fait de ne pas pouvoir les distinguer correctement. Il y a parfois beaucoup de bavardage au détriment de l'intrigue. Pour le reste, j'approuve la démarche de l'auteur qui consiste à dénoncer toutes ces petites dérives qui peuvent conduire à une forme de censure. Oui, j'aime trop la liberté d'expression.
J'attends chaque nouvelle série de Tetsuya Tsutsui avec beaucoup d'impatience. Autant le dire tout de suite, Poison City est une réussite. La série ne comporte que deux volumes mais l'histoire n'en est que plus forte. Toujours dans l'actualité, l'auteur dénonce dans un récit d'anticipation les entraves, les pressions et les censures que peuvent connaître les auteurs et la tentation d'un état de contrôler la création « potentiellement néfaste » pour la société, et d'en faire un bouc émissaire pouvant expliquer de façon simpliste et orientée certains drames ou faits divers. Tsutsui s'inspire de la mésaventure arrivée à sa série Manhole qui fut qualifiée de nocive par les autorités d'un département japonais. A partir de cette base réelle, il imagine un Japon néo-puritain qui profite de l'obtention des Jeux Olympiques pour « purifier » les mangas. Le résultat est glaçant car sans violence physique, il réussit à créer une ambiance sombre et oppressante. L'intrigue est bien ficelée et se révèle passionnante du début à la fin, même si j'ai trouvé la fin un peu mélo. L'auteur met habilement en résonance son propre récit avec le manga censuré de son personnage principal. La mise en abyme donne davantage de profondeur à la saga qui aurait malgré tout peut-être mérité d'être traitée un peu plus longuement. Les dessins, toujours réalistes et rigoureux, sont une fois de plus de grande qualité. Poison City est un manga intelligent et passionnant à découvrir sans tarder.
3.5 Je ne connaissais pas cet auteur qui semble être un peu connu. Après avoir lu cette série, j'ai bien envie de lire le reste de son oeuvre. Ce mangaka a vu un de ses mangas censuré dans un coin du Japon et du coup il se venge en écrivant une œuvre sur la censure. Le gouvernement japonais veut avoir une image propre durant les jeux olympiques et du coup il y a une censure plus sévère au niveau des œuvres de fiction et un mangaka voit son histoire d'horreur touchée par cette censure. L'histoire est prenante. J'aime bien comment l'auteur montre les différentes étapes de production d'un manga, ce qui arrive lorsqu'il y a de la censure, les répercutions sur la société japonaise, etc. Le sujet est vraiment bien maitrisé et l'auteur sait comment relancer son intrigue (j'aime bien l'éditeur américain). Cela va peut-être un peu trop vite, mais j'ai bien aimé et j'ai été captivé durant la lecture de ses deux tomes. Le dessin est vraiment bon. C'est le style réaliste japonais comme je l'aime.
Tetsuya Tsutsui a toujours été un auteur un peu particulier. Ses mangas, que d'aucuns qualifieront de violents, ne laissent pas indifférent. C'est ainsi qu'il a appris, un peu par hasard, que sa série Manhole avait été frappée de censure dans un département japonais il y a 5 ans. Une censure qui se prononce sur l'aspect visuel, et donc une évaluation tronquée des ouvrages passés sur le grill. Choqué et furieux de cette procédure, il décide d'en faire le sujet de sa nouvelle série, "Poison City". On suit donc les aventures d'un jeune mangaka dont le travail est lui aussi frappé de censure. Un souci qui impacte toute la chaîne de production du manga, au niveau du magazine de prépublication. Tsutsui met donc en scène les différents niveaux (éditeur, responsable éditorial, auteurs) qui vont voir leur travail touchés par une telle mesure, totalement abusive et aberrante, mais bien réelle. C'est plutôt instructif, je pensais que ce genre de censure n'existait pas ou plus au Japon, qui a vu passer bien des choses dans les pages de ses mangas... L'histoire se tient bien, avec en récit enchâssé le manga sur lequel travaille Mikio Hibino, comme un miroir, une deuxième mise en abyme de l'évolution de la société japonaise... Intéressant, même si, dans son souci de nous montrer les différentes facettes de la chose, Tsutsui me semble aller un peu vite en besogne. Une impression confirmée dans le second tome, lu un peu vite à mon goût, et qui aurait eu besoin, à mon goût, d'une écriture un peu plus approfondie. Au niveau graphique c'est toujours aussi efficace, aussi bien dans les scènes d'action -présentes dans le manga d'Hibino- que dans les discussions entre le mangaka et ses partenaires éditoriaux. Un diptyque intéressant sur l'industrie du manga, et la censure dont elle semble encore faire l'objet...
Quoi de plus "d'actualité" qu'un manga sur la censure et la liberté d'expression ! Tetsuya Tsutsui, lui-même censuré en 2013 pour le T1 de son manga Manhole pioche dans son expérience personnelle pour nous livrer cette création originale pour Ki-oon qui nous propulse dans un Japon de 2019 (ce n'est que dans 4 ans...) en mal de purification culturelle à l'approche de l'organisation sur son territoire des JO, événement planétaire qui braquera sur le pays les yeux de millions de gens. Le premier tome de la série, qui en comptera 2, est certes intéressant et fort à propos en ce début 2015, cependant j'ai - une fois de plus - du mal à prendre le fameux "coup de poing" annoncé par l'éditeur. L'idée est louable, le sujet mérite d'être abordé mais la forme est, pour moi, un peu fade à ce stade de ma lecture. Malgré tout, la lecture n'est pas déplaisante, voire même elle est instructive car elle met en lumière les conséquences, parfois insoupçonnées, de la censure d'une histoire sur toute la chaîne d'édition d'un magazine de prépublication. J'attends le 2ème et dernier tome pour me prononcer définitivement.
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