Comment naissent les araignées
4 personnages, 4 destins croisés, 4 vies enchaînées
La BD au féminin
Alice, jeune blonde fraîche et séduisante se cherche dans une ville banale de l’Amérique des années 90. Elle cherche l’amour, elle cherche un sens à sa vie.Isadora, la clocharde, alcoolique… qui se cache derrière cette façade, y avait-il une femme avant l’épave ? Billie, est l’amie d’Alice. Elle ne va plus au cours de danse. Billie est noire.Billie est amoureuse d’un blanc. Barack Obama n’est pas encore président.Dwight aurait bien pu s’appeler Kurt. Artiste dans l’âme, il dessine.Il aime dessiner Alice… Texte éditeur
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Date de parution | 25 Mars 2015 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Alice, mal dans sa peau, déprimée par le départ brutal de son petit ami... Isadora, SDF quadragénaire, une vie cabossée par l’alcool …Billie, camarade de classe d’Alice, victime d’une mère poule et d’un frère dominateur. Trois femmes, trois vies en souffrance qui vont se rejoindre le temps d’un voyage aux allures d’errance, comme une quête. La première chose que voient les bébés araignées, c’est leur mère, comme le raconte Alice à sa copine Billie qui cherche le sommeil dans le froid nocturne. Et comme les bébés ont faim, alors ils la grimpent et se mettent à la bouffer, vivante… « Comment naissent les araignées », un titre réussi, pour une histoire en forme de toile. Trois portraits touchants, trois fils reliés par un autre fil, celui d’une aventure commune sur la route, hors des murs, comme une tentative d’ébranler l’inertie d’un cauchemar. « Comment naissent les araignées » aurait pu s’appeler « comment naissent les névroses ». Car qui dit « naissance » dit « mère ». Et qui dit mère dit transmission, transmission du bon comme du moins bon. Et quand le moins bon ressemble à la méchanceté ou la possessivité, les dégâts sont immenses pour la victime et la folie n’est jamais bien loin. Faut-il alors bouffer sa mère pour s’en sortir ? C'est très exactement de cela dont il est question ici. La Française Marion Laurent nous propose donc là un beau roman graphique estampillé « USA in the nineties », une histoire de femmes américaines à la dérive. Si ce sont principalement les rapports mère-fille qui sont abordés, à l’exception de l’épilogue dédié au petit ami d’Alice, lui-même rejeton d'un géniteur absent, la thématique a trait à la filiation en général et aux bonnes vieilles casseroles familiales que chacun, homme ou femme, traîne avec soi des années durant, avec quelques pistes pour les larguer avant d’être cuit dedans. C’est aussi une « love story » impossible et désespérée entre Dwight et Alice, jeune et jolie Barbarella sous le pinceau de son « boyfriend », impossible parce que la tête et le cœur du jeune homme refusent de s’accorder. En plus d’un scénario très bien construit, le dessin de Marion Laurent invoque l’urgence avec son trait gras et son absence de fioritures, exprimant à la fois la sensibilité de l’auteure et l’âpreté de ces vies déchirées, que les couleurs obstinément rosâtres tentent peut-être d’apaiser. Les dialogues sonnent juste, les paroles font mal mais libèrent aussi, et quand il n’y en a pas, ce sont les regards, les attitudes, les gestes qui parlent. C’est ainsi qu’en alternant les séquences avec et sans textes, Marion Laurent sait faire respirer son récit avec talent, nous captivant jusqu’à la dernière image, sublime, alors que Dwight vient d’avoir un accident, de cette biche hagarde en pleine forêt au milieu des croquis flottant dans les airs. « Comment naissent les araignées », un des coups de cœur de l’année ? On dirait bien que oui…
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