Madumo - Premier, seul & unique
Bientôt Madumo sera chef du monde... mais avant, il n'était que Marin.
Bichromie Les petits éditeurs indépendants
Marin revient sur les traces de son passé avant de devenir Madumo, chef du monde. Mais un chef infaillible peut-il avoir une enfance, des faiblesses, avoir subi des échecs ? Si non, toutes les preuves doivent disparaître...
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Date de parution | 12 Mars 2015 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Marin, un quinquagénaire à l'apparence banale, revient dans son village natal où il n'a plus mis un pied depuis presque 30 ans. C'est pour lui l'occasion idéale de retrouver ses parents, sa soeur ou la fille pour qui il en pinçait grave lorsqu'il n'était qu'un gamin. C'est aussi surtout pour lui le moment idéal de leur expliquer en quoi il a réussi sa vie car Marin s'apprête à devenir Madumo, soit le MAître DU MOnde. Malgré ses dessins rigolos, Fabrice Erre construit à l'instar de son collègue Fabcaro, une drôle de carrière avec un quasi sans fautes et développe un univers propre là où on ne l'attendait pas forcément. Car si Madumo distille de pleines pages de fou rire surtout dans sa première partie, le récit n'oublie jamais de lever un voile sur la nostalgie, le temps qui passe, les regrets et la possibilité ou non de tirer un trait définitif sur le passé, qu'on le souhaite ou pas. C'est même en cela que le récit se pose sur une frontière aussi mince que fragile que l'auteur balayera d'une façon abrupte et surprenante dans une toute dernière partie qui donnera beaucoup à réfléchir à son lecteur. Divertissement hors norme avec une bichromie rose et grise des plus agréables, ce petit bouquin à la couverture gaufrée et réussie permet donc de mélanger les genres et de surprendre constamment. Quels sont les différents espions poursuivant Marin comme son ombre et cette organisation cocasse préparant l'avènement du Maître pendant qu'un gugusse banal se promène dans les rues de son village et se souvient qu'avant de devenir l'être le plus redouté, il n'était qu'un gamin des plus ordinaires. La suite est à découvrir dans ce conte inclassable, drôle et cruel et au final terriblement émouvant. Fabrice Erre se joue des conventions, se moque de lui-même (notamment sur les profs d'histoire, son job d'origine) et livre ni plus ni moins son oeuvre la plus personnelle et également la plus percutante.
Voici un bel objet mais dont, fort heureusement, son intérêt ne se limite pas à son esthétisme. Fabrice Erre m’a tapé dans l’œil avec son comparse Fabcaro, dans Z comme don Diego, puis dans Mars !. J’apprécie son trait rondouillard à la Benito Jacovitti. C’est suranné avec une identité graphique propre et décalée des productions du moment. Cette fois ci, il œuvre seul mais non pas sans panache. L’humour est sensiblement le même que dans les deux autres séries précitées, avec, comme différence notoire, la présence d’une histoire qui n’est plus formée de strips mis bout à bout. C’est assez jubilatoire avec des situations plutôt bien vues. Le final paraît un peu abrupt mais justifie amplement le titre. Bref, la boucle est bouclée. A conseiller mais il faut accrocher à ce type d’humour et de dessin …
Fabrice Erre publie de plus en plus – ce n’est pas moi qui m’en plaindrais ! Et Vide Cocagne lui a offert ici un bel écrin, puisque l’édition est on ne peut plus soignée, avec papier épais, couverture reliée et en léger relief. Pour ce qui est de l’intérieur, on retrouve le dessin classique de Fabrice Erre, pas franchement réaliste (je le soupçonne de fantasmer sur les dentiers et autres mise en valeur/avant des quenottes !), exagéré, mais que j’apprécie depuis que j’ai découvert cet auteur – il y a quelque temps maintenant. En ce qui concerne l’histoire proprement dite, j’avoue avoir été un peu plus surpris et, disons-le tout net, quelque peu déçu (mais pas au point de regretter mon achat). D’abord, je m’attendais à un album un peu déjanté, jouant sur l’humour con habituel d’Erre (humour qu’il avait partagé sur plusieurs séries avec Fabcaro). Ici, si l’humour n’est pas complètement absent – les retrouvailles de Marin avec sa famille et un ex quasi flirt n’en sont pas dénuées, et l’ironie de Marin à propos du prof d’histoire (le « vrai » métier de Fabrice Erre) est croustillant –, cela n’est que secondaire, puisque l’intrigue principale est plutôt tournée vers une sorte de fantastique politique. En fait, on est proche ici de certaines tragédies antiques, avec un destin qui se rappelle au bon souvenir de Marin, qui peine à comprendre ce qu’être Madumo – c’est-à-dire maître du monde – implique : toute trace de son passé « ordinaire », de ses échecs doit disparaitre, pour que l’adulation/obéissance dont il doit faire l’objet soit efficace. En cela la fin de l’album est assez noire, et franchement dépourvue d’humour. Un album mêlant donc humour et questionnement politique, quête de son passé et accomplissement d’un destin. C’est peut-être ce mélange, assez inhabituel chez Erre, qui m’a décontenancé. Mais cela reste toutefois un album que je vous recommande, et qui élargit finalement la palette de l’auteur, qui ne se cantonne pas à l’humour potache, et amène de la réflexion (voir en partie son album Une année au lycée ou son étude historique « Le règne de la poire »).
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