Le Rapport de Brodeck

Note: 4.42/5
(4.42/5 pour 19 avis)

Prix Landerneau de la BD 2015 Manu Larcenet s'attaque pour la première fois à une adaptation, celle du chef-d'oeuvre de Philippe Claudel, Le Rapport de Brodeck. Mais lorsque l'auteur de Blast et du Combat ordinaire s'empare du texte, c'est pour le faire sien et lui donner une nouvelle vie, éclatante, sombre et tragique. Des pages d'une beauté stupéfiante, magnifiant la nature sauvage et la confrontant à la petitesse des hommes ; une plongée dans les abîmes servie par un noir et blanc sublime et violent.


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Manu Larcenet s'attaque pour la première fois à une adaptation, celle du chef-d'oeuvre de Philippe Claudel, Le Rapport de Brodeck. Le héros de ce roman, Brodeck, revient dans son village après avoir été déporté dans un camp. Dans ce texte, les thèmes du crime, de la lâcheté, de la mauvaise conscience et de la xénophobie sont abordés. Le rapport de Brodeck est une sorte de parabole, de fable. L'action se déroule dans un village de montagne, située près de la frontière allemande. Le narrateur, Brodeck est chargé de rédiger un rapport sur la mort d'un étranger, der Anderer (l'autre), qui séjournait dans le village. Son exécution par tous les hommes du village, sauf Brodeck est appelée l'Ereigniës. D'où vient ce mot ? Das Ereignis siginifie en allemand l'événement, il fait référence au meurtre perpétré dans le village. L'Anderer, par son comportement, ses dessins, est un miroir de ce qu'ils sont vraiment, au-delà des apparences et des statuts sociaux. Il leur renvoie leur lâcheté et leurs trahisons, leurs compromissions avec l'occupant de la guerre passée et cela, ils ne peuvent pas l'accepter

Scénario
Oeuvre originale
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 10 Avril 2015
Statut histoire Série terminée 2 tomes parus

Couverture de la série Le Rapport de Brodeck © Dargaud 2015
Les notes
Note: 4.42/5
(4.42/5 pour 19 avis)
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13/04/2015 | Jetjet
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Par Alix
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Adapter une œuvre d’un medium à un autre est souvent casse-gueule (combien de romans retranscrits en films ou séries télé déçoivent les fans ?). Les adaptations de romans en BD sont courantes (766 séries référencées sur le site au moment où j’écris ces lignes) mais l’exercice est difficile. Manu Larcenet réussit pour moi un sans-faute, et évite les pièges classiques (textes trop abondants et grosses coupures scénaristiques). Le dessin n’est pas « juste » magnifique, avec ce noir et blanc d’une précision remarquable, et ces scènes contemplatives d’une poésie rarement égalée. Non, ce qui est remarquable selon moi dans le dessin, c’est qu’il accomplit parfaitement son rôle dans l’adaptation : il capture le texte original, les descriptions, les émotions, et les retranscrit dans le medium de la BD : le dessin. Les regards et les silences en disent long, les paysages sont un personnage à part entière. Seuls les dialogues factuels ont été conservés, ce qui donne une narration légère et fluide. L’histoire de Philippe Claudel est sombre au possible, et parle de l’âme humaine, de la peur de l’autre, de la lâcheté face au danger… bref, vous voyez le tableau. Je suis ressorti de ma lecture bouleversé. « Le Rapport de Brodeck » est pour moi un diptyque parfait. Je me retrouve complètement incapable de justifier une note autre que 5/5… et je vois que je ne suis pas le seul.

11/11/2019 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Ouaw ! Quelle claque visuelle ! De celles qui laissent des traces. Alors que Larcenet réservait plutôt ses "noirceurs" à sa maison d'éditions des Rêveurs, il en distille aussi de plus en plus chez Dargaud, comme on avait pu le découvrir avec l'excellent, le brillant Blast. C'est bien évidemment à Blast que j'ai pensé en lisant cet album. D'abord pour le dessin, superbe, tout en esquisses parfois, mais aussi d'une netteté quasi cristalline, qui m'a rappelé certains passages où Polza se baladait en forêt. Et, là aussi le Noir et Blanc est franchement superbement utilisé, et très à propos, collant à la peau d'une histoire déroulant toutes les nuances du Noir au Gris. C'est une sorte de reconstruction, de l'histoire d'un village, d'un meurtre collectif, mais aussi peut-être d'un homme, Brodeck, hanté par des peurs, des cauchemars. Sans que cela soit précisément situé, on devine une région d'Europe centrale, peu après la guerre (la "Seconde") et ses horreurs, Brodeck ayant échappé aux tueries des camps en abandonnant son humanité : c'est cette humanité qu'il reconstitue peu à peu, sur le papier en même temps que dans sa tête - j'allais dire dans sa quête. C'est un album épais, qui se lit vite, car de nombreuses cases sont muettes, mais sur lequel on revient. De plus, Larcenet prend son temps, et l'ambiance noire est traversée de longs passages bucoliques, qui étirent le temps. Album à lire, vraiment. ************* MAJ après lecture du second tome. L'indicible, qui donne son titre à ce second tome, cette parole difficile à libérer pour ceux qui gardent un lourd secret, mais aussi pour ceux qui n'ont plus foi dans les mots, eh bien Larcenet a réussi à la rendre tangible. Avec une économie de mots, il conclut brillamment cette histoire déchirante, qui révèle des hommes en jetant un voile sur l'humanité. C'est très noir, mais c'est très beau ! Et je ne parle pas ici que du texte (il faudrait aussi inclure les silences !), mais aussi du dessin, qui est pour beaucoup dans le côté bouleversant de cette œuvre. Pas grand chose à ajouter donc, si ce n'est une cinquième étoile. Comme pour Blast, ce pan nouveau de l'œuvre de Larcenet marquera tous ses lecteurs.

26/09/2015 (MAJ le 28/09/2016) (modifier)
Par sloane
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Comment qualifie-t-on un chef d’œuvre? Lorsqu'il s'agit de littérature et plus particulièrement ici de BD, on parle d'une œuvre qui a été reconnue par son succès public, par les pairs de la communauté pour de multiples raisons. Qualité du dessin, sens du découpage, mise en images, rendu des expressions des différents protagonistes de l'histoire, bref je ne vais pas vous faire la totale, mais ici essayez d'imaginer tout ce qui vous fait apprécier une BD. Quelles qu'en soient les raisons, il reste ensuite ces petits riens, ou grandes choses, qui vos émeuvent. Des choses de l'ordre de l’indicible, du ressenti, du fameux subjectif. Il est des œuvres qui vont au delà de l'exprimable, qui réveillent, révèlent en nous des angoisses, des peurs, des souvenirs, des choses que l'on croyait réglées mais que ce livre font sournoisement ressortir. Subrepticement, insidieusement, à notre plus grand étonnement, ce détail au détour d'une case fait ressurgir l'âme humaine dans toute sa grandeur mais aussi sa bassesse. Que c'est noir, torturé, angoissant, en lisant ce livre je n'ai pu m'empêcher de penser à Conrad puis au colonel Kurtz d'"Apocalypse Now". Rappelez vous les derniers mots du roman et du film: "L'horreur!, l'horreur!". Cet album nous dit donc tout sur l'humain; l'horreur, la noirceur mais aussi la lumière. Pas une lumière christique ou de rédemption et à vrai dire plus une étincelle fragile qui ne demande qu'à être protégée contre la folie, la lâcheté, la veulerie des hommes. Sombres mais magnifiques pages sur la vie, ou plutôt la mort dans les camps de concentration. J'ai particulièrement apprécié le fait que les gardiens, les bourreaux soient traités comme des êtres sans visage. L'universalité de la machine de mort y prend tout son sens. Et ce dessin, ce trait!: Larcenet par ailleurs excellent sur ses œuvres précédentes nous fait ici du Chabouté. Par les Dieux, quel travail!, quel rendu, le format à l'italienne rend un hommage somptueux à son adaptation. Lecture pour dépressifs? Non, juste un constat sur l'état de l'homme. Ma critique peut sembler un peu grandiloquente, partir en live comme l'on dit, mais vraiment lorsque l'on ouvre ce bel album on se trouve comme happé par une histoire mais aussi une atmosphère, des ressentis comme rarement une lecture peut en procurer. Alors immanquable?, évidemment, il est rare de tomber sur un tel choc graphique et scénaristique. Je ne sais ce que vaut le roman dont cette histoire est tirée et peut être le lirai je un jour, quoi qu'il en soit j'attends avec un grande impatience la seconde partie de la BD. Tome 2 " L'indicible" Avais je des doutes concernant cette suite tant attendue du fameux rapport ?; à vrai dire pas franchement. La encore quelle claque mes amis, je ne sais si vous avez lu ce diptyque mais si ce n'est pas le cas un petit conseil allez y les yeux fermés ou plutôt grands ouverts. C'est beau à en pleurer, d'admiration, de rage contre la bêtise crasse, ici le terme de claque est tout sauf galvaudé. Alors oui la lecture n'est pas drôle, elle peut même vous gâcher un bel après midi d'arrière saison tant elle vient titiller les tréfonds de l'âme humaine, celle du lecteur bien sur posant la question de comment nous aurions agit confronté à la même situation. Ici le constat est impitoyable, l'homme est veule, lâche, recroquevillé sur sa petitesse. Sur le fond mes petits camarades ont tout dit, aussi ne redirais je que mon admiration pour la beauté des planches de Larcenet qui livre ici un travail époustouflant tant sur les paysages somptueux que sur les visages qui expriment toute la palette des sentiments les plus vils de l'âme humaine. Oui la bande dessinée est un art, j'en veux pour preuve cette magnifique adaptation. A l'heure du recroquevillement sur soi même d'une grande partie du genre humain je n'aurais qu'un souhait; faites tourner cette BD, faites là découvrir au plus grand nombre. Merci Mr Larcenet pour ce qui resteras une œuvre classée dans mon top 10

27/06/2015 (MAJ le 17/09/2016) (modifier)
Par herve
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Tome 1 Après le très sombre mais réussi Blast, Manu Larcenet nous revient avec un récit noir, dur adapté du roman éponyme de Philippe Claudel. Tout d'abord, en ouvrant cet ouvrage (judicieusement édité sous un format à l'italienne), j'ai eu une claque, une claque graphique. Quelle maîtrise du noir et blanc, quelle maîtrise de l'espace où les planches muettes sont toutes aussi, voire plus, expressives que les pages commentées par Brodeck. Certaines pages sont difficiles à supporter: celles consacrées aux camps de concentration par exemple. Le dessin de Larcenet, encore plus réaliste que celui qu'il avait adopté sur Blast, fait de ce premier volume le livre incontournable de cette année. Le parti pris de l'auteur (peu de dialogues, un récit à la première personne, et des planches muettes) est si bien dosé que je n'ose pas, et c'est un comble, découvrir la suite rapidement en lisant le roman, de peur d'être déçu. Une plongée très réussie dans les méandres de la noirceur humaine. PS: l'éditeur aurait dû prévoir un étui plus aisé à retirer !!! Tome 2 Dès la sortie du premier volume, j'avais souligné la beauté des planches, le plus souvent muettes. Changement de registre avec ce second volume, avec des dialogues beaucoup plus nombreux mais le talent de Manu Larcenet reste, heureusement, ici, intact. Alors que les paysages champêtres étaient légions dans le précédent volume, Larcenet se recentre ici autour de deux personnages, ou plutôt de deux destins, qui, en apparence sont différents, mais qui au final se rejoignent, celui de Brodeck évidemment, et celui de l'autre, dit "l'anderer". Larcenet, au fil des pages, réussit à nous transmettre une ambiance de plus en plus étouffante de ce village situé, situé où au fait... au cœur d'une Europe meurtrie par une guerre. Cela pourrait se dérouler en Pologne par exemple. A travers ce rapport, on en apprend autant sur cet "étranger" que sur Brodeck (et sa famille), qui n'est pas loin non plus d'être un étranger au village. Graphiquement Manu Larcenet est ici à son meilleur niveau, encore au dessus de ce qu'il nous avait livré pour Blast. Les planches en n&b sont sublimes à tel point que l'on se demande, après le formidable Blast et ce diptyque inoubliable, ce que nous réserve l'ami Larcenet l'année prochaine. Un sentiment étrange me traverse au travers de la lecture de ce second volume. Autant, je n'avais pas envie de connaître la conclusion de ce récit à l'issue du premier volume, en me plongeant dans le roman de Claudel, autant, après avoir lu ce second tome, je pense lire le roman éponyme de Claudel pour voir la plus-value que Larcenet a apporté à ce récit. Un second volume très sombre, très riche, illustré de façon magistrale, d'après un roman, il ne faut pas l'oublier, de Philippe Claudel...bref une bd indispensable ! J'ai dévoré les deux volumes ce week-end mais je ne cesse d'y retourner pour admirer les superbes planches de Larcenet. Un album à lire, à relire et à admirer...on est proche du chef d’œuvre, non? Pour l'anecdote, les éditions Dargaud ont tenu compte des critiques sur la présentation du premier volume en offrant aux lecteurs un étui plus facile à retirer pour ce second volume !

18/04/2015 (MAJ le 21/06/2016) (modifier)
Par Puma
Note: 5/5 Coups de coeur expiré

Qui aurait pu imaginer, après Le Retour à la terre avec scénario autobiographique bien sympa pour un dessin à deux balles, et Le Combat ordinaire avec pas davantage d'investissement graphique que la série précédente - soit le service minimum -, qui aurait pu croire donc, que Manu Larcenet au vu de ce qu'il avait produit, était aussi capable graphiquement tout simplement du meilleur ? Je n'aurais pas misé un demi-kopek sur cette éventualité. Et le miracle est bel est bien arrivé ! Quand cette BD est sortie en 2015, pour ma part, elle était tout simplement ma plus belle découverte et lecture de l'année. Que du noir et du blanc. Au point que le blanc devienne presqu'une couleur, que l'absence par le blanc devienne remplissage, comme le silence en musique qui parfois est encore la musique ! Et les personnages, ... des gueules incroyables, plus vraies qu'on puisse l'imaginer. Pour la plupart de celles de villageois, sombres, taciturnes, inquiétantes, voire mortifères. Pour les autres, un brun de jovialité point. L'histoire est plus que sombre, quasi noire totale, en parfait accord avec ce choix graphique du noir ou blanc. La maîtrise du noir ou blanc est parfaite, et Manu Larcenet rejoint ici, voire dépasse, les grands maîtres de cet art que sont Comès – Chabouté – M.-A. Matthieu Vivement le second volet qui devrait nous parvenir le mois prochain … et chapeau bas Monsieur Larcenet !

07/05/2016 (modifier)
Par Jetjet
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Jetjet

Brodeck, un rescapé d’un camp de la mort d’une Guerre dont on a oublié le nom revient dans sa vallée enneigée… Seul homme du village à n’avoir pas participé au lynchage d’un étranger, il est chargé d’en rédiger un rapport… Mission à haute tension pour Larcenet qui adapte le roman éponyme de Philippe Claudel… Affranchi de son étiquette d’humoriste Fluide Glacial depuis Le Combat ordinaire et surtout la claque Blast, son style adopte un côté semi-réaliste en noir et blanc encré absolument parfait et le hissant dans la cour des Grands. Mais ça on le savait déjà depuis longtemps, ce qu’on savait moins c’est cette faculté à se réapproprier le roman pour en extraire de longs paysages enneigés, pour dessiner une faune et griffonner des visages muets burinés par le froid, le doute et la peur. Car les suspicions sur Brodeck se font pesantes, ces tristes évènements lui rappellent sa captivité où il fut contraint de se comporter comme un chien pour survivre face à des bourreaux sans visage, monstres anonymes d’une violence aberrante… Ce livre, premier tome d’un diptyque édité à l’italienne, est une claque. Ce n’est certes pas de gaieté de cœur qu’on peut lire cette adaptation, en grande partie muette et portée par le trait charbonneux de Larcenet. Tout est pesant dans cette ambiance, les visages expressifs et ridés où on pourrait y lire la peur de chacun, les paysages constamment en activité portant les strates d’un hiver qu’on devine interminable et sa faune… de vols d’oiseaux à la race porcine, Larcenet ne loupe rien et ajoute une part de noirceur étouffante comme une poésie froide.. Pour peu on se croirait dans le Dormeur du Val de Rimbaud, autre influence du nord-est (Claudel est Lorrain) et de ses stigmates vis-à-vis de la Guerre dans une nature en colère…. Le peu de lumière vient du personnage qu’on nomme « L’Anderer », à savoir l’étranger dont le seul crime est de croire encore en une humanité que même le curé du village estime perdue… C’est très fort et finalement très touchant comme lecture. Dommage dès lors qu’il faut être dans de bonnes dispositions pour lire ce récit, dommage que le livre s’arrête là où on aimerait qu’il continue, pris dans la tourmente d’une enquête perdue d’avance… Dommage qu’il faille attendre finalement car sans connaitre l’ouvrage dont s’inspire Larcenet, il vient de démontrer à coup sûr qu’il n’a plus rien à démontrer en tant qu’auteur complet et complètement dévoué à son œuvre car ce récit fera date dans le paysage de la bande dessinée franco-belge, assurément.

13/04/2015 (modifier)