Les Esclaves oubliés de Tromelin

Note: 3.82/5
(3.82/5 pour 17 avis)

En 1761, un navire négrier français fait naufrage sur l'îlot de Tromelin, perdu dans l'océan indien. Les blancs de l'équipage construisent une embarcation qui leur permet de quitter l'île, mais ils abandonnent les esclaves malgaches à leur sort. Une poignée d'entre eux survit 15 ans sur l'îlot sablonneux…


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L'île des Sables, un îlot perdu au milieu de l'océan Indien dont la terre la plus proche est à 500 kilomètres de là... À la fin du XVIIIe siècle, un navire y fait naufrage avec à son bord une "cargaison" d'esclaves malgaches. Les survivants construisent alors une embarcation de fortune. Seul l'équipage blanc peut y trouver place, abandonnant derrière lui une soixantaine d'esclaves. Les rescapés vont survivre sur ce bout de caillou traversé par les tempêtes. Ce n'est que le 29 novembre 1776, quinze ans après le naufrage, que le chevalier de Tromelin récupérera les huit esclaves survivants : sept femmes et un enfant de huit mois. Une fois connu en métropole, ce "fait divers" sera dénoncé par Condorcet et les abolitionnistes, à l'orée de la Révolution française. [Texte de présentation de l'éditeur]

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 24 Avril 2015
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Les Esclaves oubliés de Tromelin © Dupuis 2015
Les notes
Note: 3.82/5
(3.82/5 pour 17 avis)
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28/04/2015 | Eric2Vzoul
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L'avatar du posteur bamiléké

J'ai vraiment beaucoup aimé cette série de Sylvain Savoia. Plus je découvre le travail de cet auteur et plus j'ai de l'admiration pour ses créations. L'ouvrage s'articule autour de deux récits qui se renvoient l'un l'autre à une image de la responsabilité de l'humanité sur son présent. Une partie documentaire où Savoia intervient de façon humble et précieuse. Il y a de l'humilité devant les éléments d'une nature hostile et résiliente à la présence de l'homme. Toutefois cette présence est précieuse au devoir de mémoire d'une aventure humaine à la fois tragique et grandiose. C'est tragique car cela renvoie à une des périodes les plus sombres de l'histoire de notre pays. Mais c'est grandiose de voir comment un groupe d'hommes et de femmes a pu trouver les ressources pour s'organiser et survivre des années sur cette minuscule île volcanique et sableuse. La construction est compliquée car il s'agit de passer du récit de fiction très émotionnel à un récit documentaire scientifique bien plus raisonnable et froid. Le risque de déséquilibrer les deux parties était réel. C'est tout l'art de Savoia d'introduire une part de poésie où réflexions personnelles dans la partie contemporaine. J'ai souvent été séduit par les analyses de l'auteur sur son action et sur ses positions tout au long des découvertes effectuées. Ses pensées font ainsi un pont avec justesse vers l'autre partie du récit qui met en valeur les grandes qualités humaines du groupe Malgache avec la jeune Tsimiavo en tête de proue. L'auteur ne propose pas un récit moralisateur car la dénonciation de l'esclavagisme se fait d'elle-même : d'un côté un capitaine cupide et incompétent de l'autre un groupe qui montre toutes ses qualités avec des hommes et des femmes abandonnées mais libres de faire valoir leur résistance et leur résilience face à l'adversité. Au milieu, un groupe illustré par le lieutenant Castellan qui accepte l'ignominie de son époque comme un fait économique établi tout en gardant une lueur de conscience d'humanisme au fond de lui-même. J'ai trouvé le final très émouvant et plein d'espoir dans un sursaut d'humanité. Graphiquement Savoia travaille sur deux styles qui permettent de différencier les deux récits. La partie doc utilise un trait précis avec des personnages souvent en bustes ou figés dans leurs actions de recherches. La part est belle pour les détails des équipements, de la faune ou de l'océan. Le texte est très présent et souvent d'excellente qualité. La partie fiction revient à un dessin plus rond avec des séquences narratives plus visuelles et longues aux plans plus larges. La voix off devient rare et seuls les dialogues plus intimes nous font rentrer dans le quotidien possible des survivants avec beaucoup d'émotion. La mise en couleur est de toute beauté sachant traduire avec bonheur une lumière qui rend ces paysages hostiles mais sublimes. Une excellente lecture pour découvrir et faire partager un devoir de mémoire.

13/08/2024 (modifier)
Par Yann135
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Yann135

Eté 2010. Je découvre l’histoire d’esclaves « oubliés » pendant 15 ans sur un « caillou » inhospitalier, balayé par les vents et les cyclones au milieu de nulle part dans l’océan indien, à travers le roman d’Irène Frain. A l’époque, cette histoire vraie m’avait subjugué et profondément marqué. Octobre 2015. Le château des ducs de Bretagne à Nantes accueille l’exposition « Tromelin, l’ile des esclaves oubliés ». Ni une ni deux je m’y rends bien évidemment. Et c’est à cette occasion que je découvre avec délectation le travail de Sylvain Savoia. Les planches exposées sont éblouissantes. Après le roman, je replonge sur l’ile Tromelin avec cette BD. Bien évidemment cela va vous remuer. Vous ne pourrez pas rester imperturbable à la lecture de ce récit histoire dramatique. Vous plongerez dans le fin-fond de la cruauté humaine jusqu’à la délivrance. Sylvain Savoia a accompagné en octobre 2008 une mission de fouille sur l’Ile de Tromelin. Une nouvelle expédition pour dresser un inventaire afin de tenter de reconstituer cette histoire dramatique. Sylvain Savoia est donc un témoin privilégié. Son album présente alternativement le naufrage de l’Utile et les conséquences que nous connaissons et les recherches de cette équipe de scientifiques pour mieux appréhender la survie de ces esclaves abandonnés. Cela s’enchevêtre aisément pour le bonheur du lecteur. Un récit croisé passionnant et émouvant. Cette BD est un témoignage historique de qualité. A découvrir et à faire connaitre. L’émotion est au rendez-vous.

24/05/2020 (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

J’ai beaucoup apprécié ce récit, et particulièrement le fait qu’il s’articule sur deux époques. La première époque est une époque historique. Dans ce récit, l’auteur nous raconte le triste destin d’esclaves malgaches. D’abord vendus, les plus chanceux d’entre eux auront ensuite le malheur de s’échouer sur un caillou isolé au milieu de l’océan en compagnie des autres membres de l’équipage (les autres mourront enfermés dans les cales). Et comble de malheur, leurs compagnons d’infortune les abandonneront une fois un nouvel esquif construit. S’ensuivront 15 ans de survie avec les moyens du bord, marquée par les drames, le désespoir et cette indécrottable volonté de survivre envers et contre tout. Ironiquement, cette aventure on ne peut plus dramatique aura permis à ces esclaves de (sur)vivre en hommes libres le temps de leur naufrage. Outre la retranscription du quotidien de ces naufragés, il y a une dimension psychologique qui m’a beaucoup intéressé. Faut-il risquer de mourir en mer en tentant de s’évader de cette île-prison ou rester sur ce caillou où seule la survie à court terme peut être envisagée ? Cette question reviendra fréquemment et le destin et les interrogations des personnages m’ont touché. La deuxième époque prend la forme d’un documentaire. En préparation à l’écriture de cet album, l’auteur a en effet participé à une expédition scientifique sur l’île de Tromelin. Au travers de ce compte rendu de l’expédition, nous, lecteurs, découvrons l’avancée des découvertes, la réalité ‘physique’ de cette île qui, même avec nos moyens actuels, reste isolée du monde et violemment soumise aux aléas climatiques. Ce documentaire est intéressant par de multiples aspects. Tout d’abord, il nous permet de comprendre comment il est possible grâce à des recherches archéologiques de reconstruire le quotidien de personnes mortes depuis des siècles alors que celles-ci n’ont laissé aucune trace écrite. Par ailleurs, il propose une belle mise en abyme puisque les participants de l’expédition vont se retrouver eux aussi isolés sur l’île. Malgré des moyens techniques bien plus importants, ils vont ainsi faire l’expérience de l’isolement. Et voir que l’un d’entre eux, sans doute plus fragile psychologiquement, va rapidement sombrer sinon dans la folie du moins dans un état de confusion qui justifiera son rapatriement démontre toute la force de caractère dont ont dû faire preuve les esclaves de Tromelin pour survivre durant 15 ans à cet isolement. Nous aurons aussi droit à quelques considérations écologiques (et j’ai été marqué par cette vision de déchets plastiques s’accumulant sur une île isolée de tout !) et naturalistes. Tout au long de l’album nous allons sauter d’une époque à l’autre. Le récit historique prend la forme d’une bande dessinée traditionnelle. Les planches sont très académiques avec des cases bien définies. Les dialogues priment sur le narratif et ces chapitres se lisent rapidement. Le documentaire prend lui une forme plus libre, plus proche du journal intime. Les planches sont plus éclatées avec des cases ‘ouvertes’, sans contour fixe. Le narratif est la règle, rarement interrompu par un dialogue. Ces passages sont donc plus lents à lire… mais captivants pour qui s’intéresse un peu à ce genre d’aventure scientifique. Au final, cet album est vraiment excellent. Il présente tellement de thématiques intéressantes qu’il ne peut que plaire à un large public. Chacun y trouvera de quoi satisfaire sa curiosité, sa soif d’émotion ou son envie d’apprendre.

19/11/2019 (modifier)