Le Jour le plus long du futur
Avec son récit burlesque et sans paroles dans un univers sci-fi, cette petite bédé de l'auteur argentin Lucas Varela a plus d’un tour dans sa valise.
Auteurs argentins BD muette
Dans un monde futuriste ultra-robotisé, deux multinationales du soda se partagent le pouvoir. Toutes deux s’affrontent dans une guerre commerciale sans merci, où chaque citoyen doit choisir son camp et ne surtout pas se tromper de breuvage sous peine d’être mis aux arrêts. C’est dans ce contexte tendu qu’un extra-terrestre, suite au crash de son vaisseau spatial, va venir perturber le cours des choses, équipé d’une drôle de valise…
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Date de parution | 15 Avril 2015 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Tous les albums auxquels a participé Lucas Varela – du moins ceux que j’ai lus – sont originaux et intéressants. Et ils tournent tous autour de déviances, d’un corps malade (qu’il soit social ou humain). J’avais bien aimé son travail sur L'Héritage du Colonel ou sur Diagnostics par exemple. On retrouve d’ailleurs dans « Le jour le plus long du futur » le même fond visuel, à base de Violet, de Bleu pâle ou de rose terne. On est dans cet album dans un univers différent quand même, très Science-Fiction. Il se lit très bien, et relativement vite car muet. Deux cités-Etats s’affrontent, en envoyant chez l’adversaire quelqu’un pour détraquer leur système, tuer, etc. Une dénonciation du totalitarisme, que Varela mâtine d’un peu d’humour absurde. Il utilise un minimum de moyens pour faire apparaître une émotion sur les visages, mais c’est plutôt efficace. Au final, c’est un album que je vous recommande, même si je reste un peu sur une impression de « pas assez ». Aurait-il fallu aller vers plus de politique ? Plus de loufoque ? Je ne sais pas, mais si la lecture fait passer un bon moment, et que Varela est décidément un auteur à suivre, je m’attendais à entrer dans un univers plus riche (il y a clairement du potentiel inexploité dans cet album).
Lucas Varela que je retrouve ici après avoir été charmé par son style cartoon ligne claire dans son Paolo Pinocchio revient ici avec un style graphique équivalent mais muet. Exit le détournement du conte de Carlo Collodi pour une satire sociale muette dans un monde totalitariste futuriste où deux grosses société de fast food règlent leur concurrence par quelques moyens détournés et complètement amoraux. Le défi de raconter juste par l’image une histoire à la fois simple et complexe, s’il est réussi d’un point de vue graphique, l’est un peu moins par une histoire décousue et où il va falloir suivre les codes et suivre une histoire décousue où chaque élément finira pas s’imbriquer. Sans être totalement perdu, le début est franchement laborieux avec une histoire d’alien débarquant sur la grosse mégalopole, un sujet voulant se suicider et l’identité des deux communautés. C’est assez plaisant même si on a du mal à cerner le sujet principal. Les autres chapitres vont étoffer l’histoire par les différentes manipulations et manigances pour réduire le président du fast food adverse hors d’état de nuire. Mine de rien et même sans paroles, il y a un univers assez complexe qui ne sera malheureusement qu’effleuré, faute de narration ou de pages. C’est bien simple, on aurait aimé en savoir davantage tout du long de la centaine de pages alors que l’histoire reste finalement anecdotique. Rappelant un peu les villes des films Brazil ou Dark City, j’ai également été déçu par la taille du bouquin qui réduit les planches magnifiques de Varela à des vignettes Panini…. L’achat reste néanmoins conseillé car j’ai une forte envie de relire le tout en sachant à quoi m’attendre et à ce que certains points noirs non éludés à la première lecture le soient pour la seconde ! ;) Carton rouge pour Delcourt qui aurait pu présenter l’album dans un format un peu plus imposant néanmoins.
Lucas Varela, après un conte macabro-schizophrène sur la dictature argentine (L'Héritage du Colonel) et une exploration hallucinée des syndromes altérant la perception (Diagnostics), nous surprend encore par son imagination débordante en s’orientant cette fois vers la science-fiction. Dans « Le Jour le plus long du futur », il s’est livré à un exercice de style au ton plus léger mais en conservant son ironie grinçante. Son défi : raconter une histoire muette sur plus de cent pages. La trame reste assez simple (un alien débarque dans un monde dominé par deux « Etats-multinationales » totalitaires) mais l’absence de textes ne dispense pas de toute action neuronale, loin s’en faut. En effet, l’auteur argentin est clairement un cérébral, et son univers graphique foisonne de détails qui ont tous leur importance dans la compréhension du récit, mais peut-être un peu à l’étroit dans ces gaufriers à huit cases publiés dans un format restreint. Ce que lui reprocheront sans doute les plus impatients. Capable d’aborder des styles variés, Varela a repris sa ligne claire tout en mêlant minimalisme et sens du détail. Personnages filiformes et formes oblongues dans des couleurs désaturées matérialisent parfaitement l’univers futuriste et froid de l’histoire. Dans cet environnement paranoïaque saturé de caméras tentaculaires inquisitrices, l’étrange valise de l’extra-terrestre - qui permet de matérialiser les désirs inconscients - va gripper les rouages de la machine « high-tech », produisant une réaction jubilatoire chez le lecteur. On ne rit pas forcément aux éclats, mais si on rit, les éclats ont la couleur jaune de la satire socio-politique. Encore imprégné des miasmes de la dictature militaire dans son pays, Lucas Varela a transposé en filigrane ses craintes dans un monde futuriste qui par bien des aspects ressemble beaucoup à celui de 2015, où la puissance des multinationales tend à empiéter sur les gouvernements. La seule différence, c’est qu’aujourd’hui on peut encore choisir de boire du C**a ou du P***i. Sous des dehors anecdotiques, « Le Jour le plus long du futur » supporte aussi cette grille de lecture et prend du coup une tournure plus subversive qu’il n’y paraît.
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