Feux (Mattotti)

Note: 3.6/5
(3.6/5 pour 5 avis)

Une oeuvre graphique exceptionnelle où le dessin joue un rôle majeur. Une oeuvre qui se vit.


Auteurs italiens Echo des Savanes La BD au féminin Linus Marine moderne

Un équipage est chargé d'aller comprendre ce qui se passe sur une ile mystérieuse. Une partie de l'équipage débarque et l'un des personnage se fait comme envouter par l'ile. Decouvrir ce qui se passe sur cette ile est impossible.

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution Janvier 1986
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Feux (Mattotti) © Casterman 1986
Les notes
Note: 3.6/5
(3.6/5 pour 5 avis)
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01/10/2002 | régis
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Présence

Dans ma tête, je veux le jour. - Il s'agit d'un récit complet en 1 tome, indépendant de tout autre, décomposé en 6 chapitres. Il est paru pour la première fois en 1984. Il a entièrement été réalisé par Lorenzo Mattotti, un artiste italien. L'état de Sillantoe est composé d'un archipel d'îles. Il a dépêché un navire militaire (l'Anselme) pour aller enquêter sur les phénomènes inquiétants se déroulant sur l'île de sainte Agathe. le lieutenant Absinthe fait partie du premier groupe à débarquer pour une mission de reconnaissance. La nuit précédant l'expédition, il fait des rêves étranges où apparaît le symbole du feu. Lors de l'exploration il tombe nez à nez avec une étrange créature indigène. de retour sur le navire, il n'en dit mot à son supérieur. En son for intérieur, il ressent comme un attachement pour cette île. Il est un petit peu intimidant d'ouvrir "Feux" qui a connu un écho retentissant lors de sa sortie, qui est classé parmi les chefs d'oeuvre du neuvième art, qui a donné naissance au courant baptisé "bande dessinée picturale". le lecteur se demande s'il va bien tout comprendre, sans même aller jusqu'à identifier les éléments narratifs novateurs. L'intrigue s'avère très linéaire et simple. le lieutenant Absinthe est en quelque sorte contaminé par quelque chose qui se trouve sur l'île. Son point de vue sur la nature de l'île s'en trouve radicalement modifié, ce qui l'oblige à appréhender autrement la mission de l'équipage, et à prendre parti pour l'île. de ce point de vue, il n'y a rien de très compliqué. Les années ayant passé depuis 1984, la découverte des planches de Mattotti n''est pas traumatisante. Les lecteurs ont intégré dans leur esprit, que l'approche picturale dans la bande dessinée n'est pas unique, que certains artistes disposent d'une culture en peinture qu'ils sont en mesure de mettre au service de leur récit. Les planches de "Feux" n'en restent pas moins saisissantes. le temps n'a pas diminué la force de leur impact. D'un point de vue formel, Mattotti se plie à la composition de planche découpée en cases, en moyenne 6 par page, avec quelques dessins pleine page, essentiellement en tête de chapitre. Les images qu'il créée évoquent les peintres illustres de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième (par exemple Cézanne, Van Gogh, Picasso période Demoiselles d'Avignon, Edward Hopper). Certaines cases empruntent également des idées de compositions à Roy Lichtenstein, en particulier la façon de représenter les canons comme des objets géométriques, détachés de leur support. Certaines cases prises hors de la trame narrative s'apparentent à une image abstraite, dont le sens ne peut se déduire qu'à partir des cases qui la jouxtent, pour identifier à quel élément figuratif cette composition géométrique appartient. Il ne s'agit cependant pas d'un exercice de style qui viserait à contraindre la peinture académique au cadre de la bande dessinée. Il s'agit bel et bien de raconter une histoire en exprimant au mieux les sentiments, les sensations et la vie intérieure du personnage par des images, le choix du mode de représentation étant asservie au récit. Dans un entretien avec Jean-Christophe Ogier, Mattotti a dit de manière explicite que chaque case a été pensée, conceptualisée pour apporter quelque chose au récit. Ce besoin d'explication en dit long sur les réactions qu'a dû susciter l'ouvrage à sa sortie, tellement il sortait des normes de l'époque. Il explique également qu'il a écrit les textes après avoir conçu la bande dessinée. Là aussi, Mattotti utilise le langage pour servir son histoire. Il respecte syntaxe et grammaire. Il utilise des phylactères pour le dialogue, et il développe le flux de pensées intérieur du lieutenant Absinthe, créant ainsi une forme de poésie dans la façon d'appréhender les événements. Même dans la forme des phylactères, Mattotti insère du signifiant. Il a choisi des contours de phylactère en forme de polygones irréguliers, plutôt que les traditionnelles ellipses. Cet aspect induit une forme d'agressivité due aux angles, ce qui teinte les propos eux-mêmes parfois de brutalité, d'autre fois d'hésitation du fait de ce contour irrégulier. Au-delà des références artistiques, la grande innovation de Lorenzo Mattotti est de donner une importance prépondérante aux couleurs, comme expressions des sensations et des sentiments. Les couleurs ne sont pas cantonnées au rôle reproduire la teinte réelle des éléments dessinés. Elles deviennent expressionnistes. Dans certaines pages elles prennent la première place, reléguant les contours des formes au second plan. Les modalités picturales de narration confèrent un impact émotionnel inoubliable au récit, jusqu'à presqu'en faire oublier les péripéties et le thème. L'intrigue est donc très linéaire et très simple, avec ce lieutenant qui change de point de vue suite à une rencontre et qui assiste au conflit entre 2 parties (les militaires contre l'île) qui ne s'entendent pas. D'un côté l'armée est venue avec pour mission de civiliser les lieux ; de l'autre la force vitale de l'île ne se laisse pas dompter. Toutefois, la formulation des réflexions issues du flux de pensée intérieure d'Absinthe ouvre la possibilité à une interprétation moins littérale des événements. Ces phrases indiquent que "les feux s'agitaient dans le noir et lui échauffent l'esprit". Absinthe écrit que " Cette nuit là, j'étais passé de l'autre côté… dans une région où les choses sont comme on les sent.". Plus loin, les soldats essayent de le ramener au monde normal, c'est-à-dire sur le navire. Absinthe est passé par une initiation qui a provoqué en lui une transformation, ou tout du moins un éveil, qui a changé sa façon de voir le monde. Plus loin, il est dit qu'il avait tué pour défendre ses émotions et qu'il était incapable de distinguer la raison de l'instinct. Mais ces phrases ne permettent pas de déterminer la nature de ce changement, ou ce que ce nouveau point de vue lui permet de voir. Il faut alors que le lecteur lui-même considère autrement certains passages. Absinthe écrit encore : "Je ne t'envoie pas des mots, mais des signes. Observe les pendant que moi je les touche.". Il évoque également qu'il éprouve "de l'amour peut-être pour ces couleurs que je ne voyais plus depuis si longtemps". Mises dans la perspective du caractère novateur de "Feux", ces 2 réflexions semblent s'appliquer à Lorenzo Mattoti lui-même, créant une bande dessinée se nourrissant de l'amour qu'il porte pour les couleurs, charge au lecteur d'interpréter ces signes de couleurs. À la lumière de ce rapprochement, cette oeuvre peut être considérée à la fois comme la métaphore de l'initiation d'un individu à une idée, un point de vue, un mode de vie, une culture différente, et comme l'allégorie de la création d'une forme de bande dessinée rejetant les conventions établies qui veulent que le trait du contour asservisse les couleurs de la forme. Cette interprétation semble validée par les dernières phrases du récit : "Je ne veux plus ces feux qui éclaircissent la nuit. Dans ma tête, je veux le jour.". Pour Mattotti, il n'y a pas de retour en arrière possible : Absinthe et sa nouvelle façon de voir les choses vont provoquer la ruine de ses coéquipiers. " Ces couleurs le brûlaient, toujours plus." : il est impossible d'oublier cette façon de voir. Les étranges personnages vus par Absinthe sur l'île sainte Agathe sont autant des muses que des divinités incarnant le destin : il est impossible de s'y soustraire. C'est une vraie profession de foi de l'artiste.

12/04/2024 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Mattotti est un auteur dont le style (graphique surtout, mais narratif aussi) est reconnaissable entre mille. Et qui est sans doute très clivant. En tout cas c’est un auteur qui développe une œuvre originale et intrigante. Ce « Feux » ne déroge pas à la règle. Plus que l’intrigue elle-même, à la fois obscure et légère, c’est avant tout l’ambiance qui donne son prix à cette histoire. Du fantastique avec beaucoup de poésie, une illustration de la folie (d’un homme pour une île mystérieuse et des hommes face à ce qu’ils ne comprennent pas). L’histoire laisse des zones d’ombre (que j’accepte), et est vraiment magnifiée par le dessin (et les couleurs !) de Mattotti. Un rendu à mi-chemin entre Fernand Léger et Jean Terrossian ou Malkine, avec certains passages très stylisés, on a là un travail graphique fort et original. Original. Intéressant. A réserver à des lecteurs curieux sans doute, mais c’est à redécouvrir.

07/03/2022 (modifier)
Par Pierig
Note: 2/5
L'avatar du posteur Pierig

Tout comme Ro, je n’ai guère été touché par ce "Mattotti". Le coup de patte de l’auteur est pourtant bien reconnaissable mais je n’accroche pas aux couleurs ternes et froides même si ce choix est pleinement justifié par le récit. Contrairement à Caboto, les personnages sont beaucoup plus stylisés. Cette histoire d’un officier envoûté par une île pleine de mystères qui sombre progressivement dans la folie est intéressante à la base. Toutefois, je trouve certains passages confus, tant narrativement que graphiquement. De plus, le récit aurait gagné en intensité si certaines séquences avaient été raccourcies. Sans doute la présence de longueurs ou de redondances permet-elle d’appuyer sur l’ambiance glauque du récit ? Une deuxième lecture m’a permis de mieux appréhender l’histoire, notamment en ce qui concerne "les feux" et ces étranges personnages sortis de l’imaginaire. Mais le rendu des planches me rebute trop que pour apprécier davantage cet album.

15/03/2005 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
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Je n'ai sans doute pas su apprécier cette BD comme une âme sensible à l'art aurait pu le faire. J'ai un sentiment partagé par rapport au dessin de Mattoti. Ses couleurs et son style le rendent vraiment à part, c'est certain, proche de l'oeuvre d'art. Certaines planches m'ont parues superbes, même si appréciables sur un plan tout différent d'un dessin classique et détaillé tels que ceux d'autres BD plus conventionnelles. A vrai dire, j'ai même eu le sentiment de lire un recueil de peintures modernes et naïves à la fois, de belles images qui s'agencent en une histoire, un conte fait de formes et de couleurs. Mais ceci étant dit, parmi ces belles images, il en est aussi beaucoup qui m'ont laissé complètement froid, des images complexes, noires, tordues. Dès que l'imagination du personnage principal se met en branle et qu'il voit des choses en rêves (ou pas), je n'aime plus ces images que je n'arrive plus à capter ni à déchiffrer, devenues trop absconses pour moi. En résumé, visuellement, cet album, comme tous ceux de Mattoti, est très particulier, parfois très beau mais parfois moins appréciable à mon goût. Concernant l'histoire maintenant, elle m'a peu charmé. Elle mêle fantastique, onirique et un peu de mysticisme. J'ai eu du mal à apprécier le personnage principal, à entrer dans l'intrigue. Ces alternances de rêves et de visions m'agacent plus qu'autre chose. Si on le résumait, le scénario serait assez facile, en définitive. C'est plus sur les émotions que cette BD essaie de jouer, sur ce qui se dégage des dessins et des situations et images fantastiques dépeintes. Mais ça n'a pas vraiment marché avec moi, en réalité. Je suis resté fermé à la poésie de cette histoire. Une BD originale et forte graphiquement, mais qui n'a pas vraiment su me toucher personnellement.

10/06/2004 (modifier)
Par régis
Note: 5/5

Des bandes dessinées, j'en ai lue quelques unes, mais des comme celle-ci pas souvent! Mattoti, ici a la fois scénariste est dessinateur nous montre par ce qui est une de ces premières oeuvres qu'il est avant tout un artiste. La désignation de roman graphique est plus poussée par le talent graphique de cette oeuvre que par son aspect romancé. Le dessin est tout simplement hors du commun. D'une beauté rare par une utilisation des couleurs sans équivalent, il permet de véhiculer des sensations qui ne pourraient pas passer par d'autres moyens. Il laisse de plus libre cours à l'imagination et la participation active du lecteur pour l'immerger de manière complète dans l'histoire. L'histoire, déja mystérieuse est transcendée par le dessin, un flot de sensations assaillent le lecteur qui se trouve happé par ce lieu étrange, par cette sensation de liberté. C'est une expérience unique, mais il me faut tout de vous mettre en garde, car le dessin est tout de même un peu spécial et mon avis plus que enjoué est peut-être à prendre avec prudence.

01/10/2002 (modifier)