L'Île des Justes
Un one-shot salutaire sur le rôle méconnu des Corses pendant l’Occupation
1939 - 1945 : La Seconde Guerre Mondiale La Corse Racisme, fascisme
Marseille, alors que la France est sous l’Occupation. Suzanne Cohen, une jeune femme juive et son fils Sacha partent se réfugier en Corse. Arrêtée à son arrivée sur l’île de Beauté, elle est séparée de Sacha qui, grâce à la solidarité des insulaires, est mis en sûreté. Réussissant à prendre la fuite, Suzanne part retrouver son fils dans le petit village de Canari où un prêtre les recueille. Bienveillant, celui-ci leur permet de loger dans le vieux moulin du village où il les imagine à l’abri. Mais il oublie qu’en Corse aussi, l’ennemi est présent : Suzanne ne tarde pas à être dénoncée par une lettre anonyme adressée directement au nouveau préfet en place... (texte : Glénat)
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Date de parution | 06 Mai 2015 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Je guettais le moment où cet album serait dispo en bibli, et voila c'est chose faite, et je ne le regrette pas. C'est encore un récit qui se déroule sous l'Occupation en 1942 avec des histoires de rafles de juifs, de recensement, de gouvernement de Vichy, de maréchal Pétain et de zone libre... je commence à en avoir lu pas mal depuis que la bande dessinée m'a fait mieux découvrir cette néfaste période en France, et je pressentais une Bd plutôt banale et qui ne ferait que répéter des choses déjà vues ailleurs. Tout ceci n'est pas très agréable et souvent honteux au sujet du comportement de certains personnages ou autorités françaises, bref je m'attendais à une sorte de resucée historique. Et finalement, je ressors ravi de cette lecture, c'est une histoire triste, douloureuse et édifiante comme il y a dû en avoir beaucoup en cette époque sombre de la guerre. Le sort que connait Suzanne, cette jeune femme juive courageuse, est celui que beaucoup de juifs et de Français fuyant le STO ont dû connaitre. Mais le récit est bien mené, il y a un peu d'émotion, c'est prenant et encourageant de voir la volonté, le courage et le rôle des habitants Corses (enfin certains, pas tous comme on le voit ici) dans la résistance contre le régime de Vichy ; c'est en plus instructif car j'ignorais la part de la Corse dans cette lutte. Les 4 types de personnages qu'on voit ici sont bien décrits, soit dans l'extrême condamnable (le flic fonctionnaire zélé qui suit aveuglément les directives du maréchal), soit dans la demi-mesure et l'hésitation (le préfet qui aborde le problème de façon humaniste), soit dans le courage et le sacrifice (le curé et sa soeur qui tentent d'aider les réfugiés), soit dans le rôle de la victime (Suzanne et son fils). Je crois aussi que ce récit est doublement passionnant grâce à la qualité du dessin, il est soigné et propre, Espé a fait de beaux progrès ou s'est particulièrement appliqué ici, il soigne les visages, offre de belles images de la Corse et de ses petits villages retirés autour de Bastia, les lieux connus comme Marseille ou Bastia sont bien reproduits... donc je crois que ce dessin joue également un rôle indéniable dans l'attrait de cet album, en tout cas pour moi, ça a été déterminant.
Je suis ressorti presque bouleversé de ma lecture... Il est vrai que le rôle du peuple corse pendant l'Occupation est peu traité dans les journaux, les films, etc. Et cet album est l'un des plus beaux hommages que j'aie pu lire, en plus de saluer la mémoire des grands-parents du scénariste. Enfin, surtout sa grand-mère, séparée de son mari à la suite d'une rafle à Marseille. L'album commence assez "mollement", le récit du passage en Corse est bon, mais sans plus. Mais dès que Suzanne et Sacha mettent les pieds sur l'Île de Beauté, on passe deux crans au-dessus. L'ambiance est tellement particulière en Corse, qu'elle se ressent dès la première page de la séquence. Le récit devient tétanisant, avec cette peur permanente d'une nouvelle rafle, ou du fait que le commissaire Rossi arrive à ses fins... Les personnages sont admirablement campés, même ceux qui cachent leur vrai visage, et très vite on est embarqué dans ce jeu du chat et de la souris à l'issue incertaine. L'âme corse est admirablement reconstitué, sans verser dans les clichés ni en faire des tonnes. Une âme dont est empreint le préfet Balandier, qui lui n'est pas corse, mais Juste. Le travail graphique d'Espé, qui a déjà une quinzaine d'albums à son actif, suit cette trajectoire : il se cherche un peu sur les premières planches, monte en puissance lors de la traversée entre Marseille et Bastia, et se montre subtil et solide dès la planche 12 (sur 86 au final). Le travail sur les couleurs, réalisé par Irène Häfliger, est lui aussi remarquable : c'est chaud, c'est lumineux, c'est accueillant. C'est la Corse. Un bel album, salutaire comme l'indique l'éditeur.
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