Aïvali
Elles ont deux vies ces maisons : une grecque et une turque.
1919 - 1929 : L'Après-Guerre et les Années Folles Grèce moderne La Turquie Les petits éditeurs indépendants Proche et Moyen-Orient
Elles ont deux vies ces maisons : une grecque et une turque. Mais si les maisons pouvaient parler, elles ne parleraient ni des Grecs ni des Turcs, mais de la souffrance des hommes. À travers quatre portraits croisés, Soloup rend hommage à Aïvali, lieu symbolique du double déracinement des Grecs et des Turcs faisant suite à la Première guerre mondiale.
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Date de parution | 16 Septembre 2015 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Soloup, de son vrai nom Antonis Nikolopoulos, est un caricaturiste et spécialiste de la bande dessinée grecque. Grec lui-même, il tente, au travers de divers récits et de sa propre expérience, de parler de l'histoire étroitement mêlée des peuples grec et turc. Symboliquement, il choisit la ville d'Aïvali, sorte d'enclave grecque en Asie Mineure (la Turquie côté asiatique), en face de l'île de Lesbos. Il faut dire qu'elle a une histoire chargée : en 1934, après le Traité de Lausanne, 1, 5 million de Grecs ottomans et 500 000 Turs de Grèce doivent passer d'un territoire à l'autre. C'est ainsi que les maisons vides d'Aïvali (auparavant occupées par les Grecs) furent habitées par des Turcs chassés de Crète... L'album est découpé en six histoires, racontant des histoires particulières dans ce contexte, des deux côtés. Il est intéressant de noter que malgré l'antagonisme séculaire des deux peuples, Soloup les traite à peu près à égalité, ne montrant du doigt ni l'un ni l'autre, simplement des hommes, des femmes et des enfants, pris dans la tourmente de l'Histoire. Cependant je n'ai pas trouvé ces récits palpitants. Je ne demande pas du sang, mais peut-être qu'une petite compression de certains passages aurait aidé à une meilleure rythmique. Son style semi-réaliste rend son récit accessible à tous, et même si je le trouve un peu léger par moments, il a le mérite de s'inscrire dans une imagerie traditionnelle commune des deux pays. A noter, en fin d'album, la biographie des personnes ayant alimenté les différents récits par leurs propres écrits. La maquette de ce gros album (près de 400 pages) est très soignée, ce qui en fera un album élégant et intéressant dans votre bdthèque.
Même si on est féru en histoire, on ne peut tout connaitre. Ainsi, j’ignorais totalement le destin de cette ville côtière située en Turquie en face des îles grecques. Aivali était doté d’un statut particulier sous l’Empire ottoman. A la chute de cet empire suite à la défaite de la Première Guerre Mondiale, les alliés ont lâché les grecs vivant en Asie Mineure et qui étaient présents depuis Alexandre le Grand dans l’Antiquité. Le traité de Lausanne de 1923 imposait un échange de population qui s’est déroulé dans les pires conditions. Il faut dire que cela a concerné près de deux millions de personnes. En Grèce, on a parlé de cet épisode trouble comme de la grande catastrophe. C’est toute cette histoire dans la grande histoire qui nous est conté. Juste un regret : ce traité de Lausanne remplace le traité de Sèvres signé en 1920 qui prévoyait la mise en place d’un Etat Kurde et d’un Etat arménien ainsi que la domination grecque sur la région de Smyrne. S’il avait été appliqué, on aurait sans doute évité bien des conflits par la suite. Paradoxalement, ce deuxième traité était très favorable aux vaincus qui avaient pris soin de se retourner contre le pouvoir central en établissant par la même occasion une soi-disant République. Bon, en même temps, on peut comprendre des individus qui n’acceptent pas une paix humiliante. A noter que ce roman graphique prendra les deux points de vue en considération et que la philosophie va au-delà de prendre parti. C’est surtout la souffrance qui est pris en compte que l’on soit d’un côté ou de l’autre. On se cherche toujours des ennemis pour ne pas avoir à s’affronter soi-même. Au-delà de cet angélisme, il faut comprendre également que beaucoup de grecs (les hommes de 18 à 45 ans) ont été déporté en 1921 comme le furent les arméniens quelques années plus tôt. Les exactions des uns ont provoqué les atrocités des autres. Bref, il faut également savoir doser. Je reprocherais juste la longueur un peu excessive de ce roman graphique qui passe d’un témoignage imagé à l’autre. Pour le reste, c’est toujours intéressant d’apprendre de nouvelles choses sur un conflit méconnu mais qui visiblement a encore un impact sur cette région de nos jours. Les habitants ont été les victimes collatérales d’accord diplomatiques : c’est ce qu’il faudra retenir.
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