Comment faire fortune en juin 40

Note: 3.69/5
(3.69/5 pour 16 avis)

Braquer deux tonnes d'or à la Banque de France, ça paraît difficile... ... mais en plein exode, dans un pays à feu et à sang, c'est faisable. Librement adapté de « Sous l’aile noire des rapaces » de Pierre Siniac.


1939 - 1945 : La Seconde Guerre Mondiale Adaptations de romans en BD

Juin 1940. La France est en guerre depuis dix mois, et vient de s'en apercevoir. Après moins d'une semaine de "Blitzkrieg", les Nazis sont aux portes de Paris. Depuis 1939, la Banque de France a prudemment évacué l'intégralité de ses réserves d'or loin de la capitale. À Paris, tous les coffres sont vides... ou presque. Deux tonnes d'or ont été oubliés dans une chambre forte de Saint-Ouen. Deux tonnes qu'un fourgon blindé doit transférer en urgence de Paris à Bordeaux. Sauf que Franck Popp et Ange Sambionetti ont un autre plan pour la tirelire...

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 23 Septembre 2015
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Comment faire fortune en juin 40 © Casterman 2015
Les notes
Note: 3.69/5
(3.69/5 pour 16 avis)
Cliquez pour afficher les avis.

24/09/2015 | herve
Modifier


Par Josq
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Josq

Etonnamment, j'ai découvert Fabien Nury par le cinéma et la télévision. D'abord, j'ai vu (et apprécié) le film La Mort de Staline, en ignorant même que c'était adapté d'une bande dessinée. Ensuite, j'ai regardé l'excellente série Canal+ Paris Police 1900 (créée par Nury), car j'ai vu que mon auteur favori, Alain Ayroles, avait participé au scénario. Puis dans la foulée, j'ai enchaîné avec la précédente création de Fabien Nury, toujours pour Canal+, la formidable série Guyane (il n'a écrit que la première saison, mais c'est justement celle-là qui est exceptionnelle). Je me suis alors tourné vers la bande dessinée et j'ai adoré Silas Corey. Aussi, quand j'ai gagné le chèque cadeau après le concours des 20 ans de bdtheque, j'ai regardé du côté de Fabien Nury. Difficile de savoir quoi prendre, tant son œuvre est prolifique, mais mon choix s'est finalement arrêté sur "Comment faire fortune en juin 40", et bien m'en a pris. Le scénario, écrit à quatre mains par Nury et Dorison, contient tout ce que j'avais adoré dans les précédentes œuvres de Fabien Nury. Comment faire fortune en juin 40 est une pure bande dessinée d'aventures. C'est de l'Aventure, avec un grand A. Beaucoup de références ont été citées, comme évidemment De l'or pour les braves, mais aussi de manière plus générale, le cinéma d'Audiard et de Lautner, ou surtout de Verneuil (qui est sans doute l'influence majeure ici), et elles sont toutes vraies. Bien sûr, les dialogues n'ont pas le génie d'un Audiard, mais la manière dont Nury, Dorison et Astier dirigent leurs personnages évoque forcément ce cinéma bien franchouillard d'après-guerre, avec ses anti-héros qui, parfois, se révèlent des salauds accomplis, mais peuvent aussi de temps à autre, trouver une forme de rédemption, en révélant plus de noblesse que ce dont on les croyait capables. C'est toute l'ambiguïté de ce scénario brillant : les personnages sont pour la plupart des types sans aucune morale, mais pas forcément des criminels accomplis non plus. Non, ils cherchent juste à profiter de la débâcle de juin 1940 pour se faire de l'argent illégalement, en braquant la plus grosse institution financière du pays, qui a commis une légère erreur au milieu de la tourmente... A priori, on n'a pas trop de quoi s'attacher à eux, pourtant les auteurs savent très bien mettre en valeur les qualités et les défauts de chacun des personnages : leur loyauté, leur bravoure, leur honnêteté, qui, à un moment ou à un autre, ressurgit au sein d'une foule de défauts plus visibles. Ainsi, chaque personnage a droit à son petit morceau de bravoure, et c'est ce que j'aime vraiment. Cela prive cette histoire de tout manichéisme, et rend les personnages d'autant plus humains et plus compréhensibles. Scénaristiquement, donc, Comment faire fortune en juin 40 est une merveille. Mais sur le plan graphique, il est loin d'être en reste. Le dessin d'Astier est très bon, réaliste mais pas trop, avec de bonnes gueules et des décors bien croqués. L'ensemble est joliment mis en couleur par Laurence Croix, qui retranscrit parfaitement les atmosphères nocturnes, notamment, par un magnifique travail sur les lumières (les phares, les lueurs de balles et d'explosion, etc. sont très maîtrisés). D'ailleurs, j'ai bien aimé l'alternance de fonds blancs et fonds noirs selon que la scène se déroule de jour ou de nuit, c'est tout simple mais extrêmement immersif. Graphiquement, c'est donc vraiment tout ce que j'aime, ni trop caricatural, ni trop réaliste, et en plus, le choix des cadrages est parfois très intéressant ou original, permettant de donner au récit un vrai dynamisme et d'échapper à un dessin trop conventionnel. Ici, tout est très cinématographique, et le dessin s'échappe régulièrement (mais pas toujours) des limites de la case pour nous envelopper davantage et nous immerger toujours plus dans cette atmosphère fascinante, à la fois drôle et tragique. On a même droit à un plan-séquence lors de la très belle scène de fusillade dans l'escalier, dans le manoir nazi, à la fin, avec cette succession de vignettes où le décor continue sur l'ensemble des cases, formant un ensemble cohérent, tandis qu'on voit s'y déplacer les personnages d'une case à l'autre. Comment faire fortune en juin 40 m'a donc séduit à la fois sur le fond et sur la forme. L'histoire est extrêmement bien menée, avec une grande rigueur, en donnant un maximum de place à l'action, déjantée mais jamais trop délirante. Le dessin, lui, suit parfaitement la dynamique lancée par les auteurs, en renforçant ainsi la puissance d'une histoire tragicomique fascinante, fantaisie historique très ironique et grinçante, mais jamais totalement désespérante. Et la fin est absolument parfaite.

16/06/2021 (modifier)
L'avatar du posteur Le Grand A

1970, sur un scénario de Troy Kennedy-Martin, Brian G. Hutton réalise De l’or pour les braves qui raconte la traversée d’un peloton de G.I. américains au-delà des lignes ennemies nazies afin de s’emparer d’un magot de 16 millions de dollars. 1984, d’après un roman de Pierre Siniac qui déjà à l’époque représente un excellent filon pour les cinéastes, Henri Verneuil adapte Les Morfalous : seconde guerre mondiale, Tunisie, 6 milliards en lingots d’or… 2015, inspirés par tous ces polars sortis dans les 60’s et 70’s, le tandem à succès Xavier Dorison – Fabien Nury sort Comment faire fortune en juin 40, adaptation libre du roman noir de Pierre Siniac, Sous l’aile noire des rapaces. Le projet était à l’origine pensé comme un film, Omaha Beach, mais nous sommes en France, pays où les producteurs ne disposent pas de moyens s’il ne s’agit d’une comédie franchouillarde, d’un film social, ou d’une tragédie avec un homme quarantenaire célibataire assis seul la nuit sur le banc d’une gare. Les auteurs pourront toujours se consoler avec cette bande-dessinée à la hauteur des Kelly’s Heroes, Les rois du désert, Cent mille dollars au soleil et tous ces films de la même veine crapuleuse. Comment faire fortune... est un braquo qui se révèle riche en références et clins d’œil cinématographiques, porté par un contexte historique inédit et authentique, des dialogues savoureux interprétés par des personnages dignes de la gouaille des Georges Lautner, Michel Audiard, et autres Sergio Leone. Le contexte historique est à mes yeux le meilleur argument pour convaincre les plus sceptiques qui y verraient, avec un zeste de mauvaise foi, une resucée classique donc finalement inutile. Car il y a d’un côté l’histoire du trio Siniac-Dorison-Nury très romancée, dramatique, faisant la part belle à l’action. Et de l’autre il y a l’Histoire, la vraie : oui la Banque de France, qui était en ce temps-là une institution privée appartenant à de riches familles, a discrètement exfiltré l’or de ses succursales dès 1932. En seconde lecture on révèle le comportement lâche ou calculateur (biffez la mention qui vous arrange) des ploutocrates soutenant financièrement la guerre mais qui dans le feutrer ont fait sortir leur pognon du pays en prévoyant l’arrivée d’Hitler, et de la guerre… pour qu’en juin 1940 le processus s’accélère et l’évacuation de l’or s’achève dans la panique. Au total 2500 tonnes d’or réparties entre les USA (1235t), la Martinique (255t), l'Afrique (740t), entre-temps une partie a dû être sacrifié à Berlin. Les dirigeants de la Banque de France ont dû serrer les fesses entre les américains qui voulaient faire main basse sur l’or de la Martinique, Churchill, de Gaulle se réclamant de la vraie France, « libre », et qu’il était le plus légitime à en prendre possession, la France de Vichy-Pétain à la solde de l’Allemagne et d’Hitler ; pas moins de cinq belligérants se disputant un magot ne leur appartenant pas ! Les rapaces se neutraliseront mutuellement en fin de compte et le plus surprenant est qu’à la fin de la guerre on ne constatera qu’une perte de 300 kilos d’or. Cet argent servira à la reconstruction de la France en attendant le plan Marshall de 1948. Le parti-pris de Comment faire fortune… est d’introduire une erreur de comptabilité. Des nigauds de la Banque de France ont oublié 2 tonnes d’or. Stresse, panique chez les dirigeants ! L’or doit partir, mais les murs ont des oreilles et une équipe de bras-cassés se monte pour intercepter le convoi blindé. On est dans le même état d’esprit que Le Bon, la Brute et le Truand avec des personnages caractériels forcés de faire équipe temporairement avant le « chacun pour sa gueule », de la même façon qu’ont Blondin, Tuco et Santanza de se tirer la bourre pour être le dernier à s’emparer du butin. Sans le cacher Laurent Astier s’est inspiré de ces gueules célèbres du cinéma pour donner vie à ces personnages et emporter l’adhésion des lecteurs passionnés par ce cinéma d’époque. On l’imagine bien prendre comme modèle l’ancien catcheur Lino Ventura ou Robert De Niro époque Ragging Bull pour dessiner Frank Propp le boxeur raté. Alain Delon ne défaillirait pas s’il devait incarner le mafieux corse Sambionetti, le rôle de Kurtz le méchano ancien de la Werhmacht semble être taillé sur mesure pour Horst Frank. Quant à Ninon la serrurier femme émancipée as de la dynamite, Sabine Sinjen ou Dany Carrel seraient au poil. Et pourtant le dessin de Laurent Astier n’est pas ce vers quoi je me dirige d’habitude mais il offre des plans très dynamiques qui donnent du rythme à ce récit de 116 pages, une composition sublime de Paris sur une page, et la mise en couleur pleine d'énergie de Laurence Croix est un véritable plus à mes yeux. Dommage qu’il s’agisse d’un one-shot car avec l’épilogue façon Le Jour le plus long, il y avait peut être moyen d’imaginer une série chorale comme l’avait fait le grand Sergio sur sa trilogie du dollar…

21/11/2016 (modifier)
L'avatar du posteur Eric2Vzoul

Du tout bon ! Un récit d'aventures viril qui ne se pose pas trop de questions, avec ce qu'il faut de rebondissement et de drames, accompagnés d'une note d'humour à la Audiard, mais sans jamais sombrer dans la référence pesante… Du côté des influences cinématographiques, on dépasse Les Morfalous ; je trouve que cette histoire se hisse au niveau de films comme Cent mille dollars au soleil ou encore De l'or pour les braves. Un histoire de mecs virils, pas finauds, souvent cyniques, mais au grand cœur. C'est vrai que j'aurais bien vu Bébel, Lino Ventura et Blier dans ces rôles-là. Pas très sérieux, finalement ; les scénaristes ont fidèlement restitué l'esprit de Pierre Siniac, auteur prolifique de la célèbre "Série noire". La dimension comique que l'on devine en filigrane sous le récit balaie le tragique des situations, et c'est très bien comme ça. Nury et Dorison s'amusent et c'est un plaisir de suivre leur équipe de bras cassés dans cette course-poursuite haletante. Bonne idée aussi de livrer un one-shot de 112 planches, un travail complet et abouti. Le dessin d'Astier, assez réaliste pour que l'on croie à ce récit rocambolesque, mais avec juste ce qu'il faut de caricature pour qu'on ne le prenne pas totalement au sérieux, contribue à cette belle réussite. En somme, Comment faire fortune en juin 40 est la meilleure surprise de la rentrée.

28/09/2015 (modifier)
Par herve
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur herve

Cet album, dont je guettais la sortie depuis quelques temps, est un des albums incontournables de cette rentrée. Avec Nury et Dorison au scénario, je ne pouvais que m'attendre à une bonne surprise. Par contre, je ne connaissais pas le dessin de Laurent Astier, qui m'a un peu surpris. Son style oscille sans cesse entre le dessin réaliste et la caricature. D'ailleurs, dans les bonus de la (superbe) version en noir et blanc, Laurent Astier ne cesse de faire référence à Alain Delon, Lino Ventura, Gérard Depardieu, ou encore Pierre Fresnay pour dessiner ses personnages principaux. Librement adapté d'un roman de Pierre Siniac " Sous l'aile noire des rapaces", cette bande dessinée est littéralement jubilatoire. Les situations sont souvent drôles, cela flingue à tout va et cela ne va pas sans rappeler le film "les Morfalous", normal, c'est tiré d'un ouvrage dudit Siniac. Cette adaptation qui mêle à la fois la comédie, la tragédie et l'aventure, vous fait passer un très agréable moment de lecture. Pour ma part, je retiens ce titre comme un des meilleurs de cette rentrée. Le format choisi, assez inhabituel, pour la version couleur peut surprendre mais le travail de Laurence Croix sur la couleur est tout à fait remarquable et mérite d'être souligné. Il faut souligner une édition en noir et blanc, avec un format plus grand, plus classique, accompagné d'un bonus assez conséquent, qui rend hommage au superbe dessin de Laurent Astier. Ne pouvant opter pour l'une ou l'autre des versions, j'ai acheté les deux... Dans la débâcle de Juin 40, je vous invite à vous plonger dans ce casse assez surprenant, où les rebondissements ne sont pas rares. Bonne lecture.

24/09/2015 (modifier)