Varto
Un siècle après, les retrouvailles des enfants d’un frère et d’une sœur, séparés par la guerre, ravivent les blessures d’une tragédie longtemps taboue. Un récit poignant à l’occasion de la commémoration des cent ans du génocide arménien.
1914 - 1918 : La Première Guerre Mondiale Génocide arménien Jean-Blaise Djian La Turquie Le Caucase Les petits éditeurs indépendants Proche et Moyen-Orient
De nos jours, en France. Une mère et son fils se présentent à la porte d’un petit immeuble d’une rue tranquille. Ils viennent visiter un vieux monsieur qui habite plus haut dans les étages. Ils l’ont prévenu la veille de leur arrivée. La maman a remis à l’enfant un paquet à son intention. Mais l’accueil est glacial. Sans plus d’explication, le vieil homme refuse de les recevoir et leur claque la porte au nez. Sa femme, restée au salon, désapprouve sa conduite. Claquer la porte au nez d’un enfant, quand même ! Alors que son fils la supplie de rentrer chez eux, la mère décide de glisser une enveloppe sous la porte. Elle semble comprendre l’attitude du retraité, même si elle la regrette. Son fils et elle ont fait pourtant un si long voyage… Printemps 1915 en Turquie. Hassan revient de la ville où il a fait de bonnes affaires. La guerre bat son plein et l’on trouve des tapis et autres denrées pour une bouchée de pain. Le gouvernement mène la chasse aux Arméniens et les exproprie. L’occasion est propice de s’enrichir à peu de frais. Sur son lit de mort, son père va cependant lui confier une autre mission : celle de conduire auprès de leur oncle, en sûreté, deux enfants prénommés Maryam et Vartan. Une promesse faite devant Dieu, que le fils devra tenir pour son père. Malgré la langue et l’incompréhension des autres villageois qui redoutent les représailles de la police jusque dans les villages des montagnes les plus éloignées…
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Date de parution | 01 Avril 2015 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Ça n’est pas le premier album que je lis sur le génocide arménien, et celui-ci recèle de réelles qualités. D’abord, il ne joue jamais sur un quelconque pathos (il y aurait matière à !), et, à part quelques cadavres devinés sur une case en début d’album, la mort n’est qu’évoquée : certes, les maltraitances turques apparaissent bien au fil de la fuite de Varto et de sa sœur, mais c’est un peu comme « un sac de billes », on se focalise sur les gamins – et leur « guide » turc. La fin de cette fuite est traitée en ellipse – c’est dommage, mais c’est un choix, et les parties plus contemporaines (l’intrigue est surtout composée de longs flash-backs en 1915, encadrés par des passages quelques dizaines d’années plus tard – il faut attendre la fin pour comprendre qui sont les personnages que nous y croisons) hachent parfois un peu trop le récit. Je n’ai pas trouvé le dessin de Torossian très beau dans son rendu. Mais là c’est surtout affaire de goût, car son Noir et Blanc jouant sur des nuances de gris est très lisible. A noter un très bon dossier final, qui complète très bien la partie BD en restituant non seulement le contexte du génocide, mais ce qu’il en est advenu jusqu’à aujourd’hui.
La partie BD de cet album n’explique pas vraiment le génocide, ses causes complexes, ses aboutissements etc… l’histoire se contente de nous montrer le drame d’un point de vue humain, en suivant les déboires d’un groupe d’enfants fuyards. Ces derniers font face à des scènes d’horreur bien difficile à appréhender à cet âge innocent… l’auteur s’intéresse aussi à ce silence qui entoura les victimes après les faits, ce négationnisme toujours d’actualité en Turquie. La mise en image est réussie, même si je me dois de noter des petits soucis de clarté narrative par endroits, la faute à un dessin pas toujours très détaillé, et à des enchainements manquant parfois de fluidité. A noter aussi que le dessinateur, qui réalise pourtant en festival des dédicaces époustouflantes à l’encre, s’est vu « forcé » de travailler uniquement à l’informatique, la faute à des délais serrés. Dommage, même si les planches restent jolies. Le bouquin se termine par un long article encyclopédique expliquant le contexte historique, les vraies causes du génocide, les conséquences, les acteurs du drame… Cette documentation est passionnante tout en restant accessible, et complète parfaitement la partie BD. Voilà, un album pas exempt de défauts, mais dont le contenu m’a passionné… recommandable !
Le génocide arménien est un sujet plutôt grave qui ne se prête pas au divertissement. Une bd qui nous raconte une autre facette de celui-ci est toujours instructive pourvu que cela respecte certaines règles de bienveillance. L’auteur ne s’attachera pas à nous mener au cœur de ce massacre mais plutôt à définir certaines des conséquences. En effet, nous suivons le parcours de deux enfants Varto et sa grande sœur qui tentent de fuir mais sans le savoir. Cela crée la séparation avec la famille. Ils seront à la merci du moindre événement pouvant les conduire sur le chemin de la mort. Oui, c’est une autre facette du génocide qui est abordée à travers le regard innocent d’enfants. A vrai dire, mise à part quelques images, on ne verra presque rien de cette déportation à grande échelle qui a affecté ces chrétiens dans un pays largement musulman. Pas un mot non plus sur la situation politique. C’est voulu par les auteurs qui ont préféré mettre l’accent sur le sentiment lié à la séparation familiale et à la détresse morale que cela entraîne. Ils sont restés dans un cadre purement intime. Il est également intéressant de voir que c’est un turc bien sage et malheureusement mourant qui est à l’origine du sauvetage de ces deux enfants suite à une promesse effectuée. On sait que dans la réalité des faits similaires se sont produits. Bref, les turcs ne sont pas tous adeptes de la non-reconnaissance de ce grand massacre ayant causé la mort de près de 1.5 millions de personnes. On peut même affirmer que la plupart des turcs ont sauvé de nombreuses vies par des gestes de non-dénonciation ou d’aide plus marqué. Bref, il ne s’agit pas d’un règlement de comptes et les auteurs ont évité la facilité en soulignant les ambiguïtés des différents protagonistes et en gardant une certaine neutralité notamment dans le dossier complétant le récit dessiné en fin d’album. On évite également le côté pathologique et d’être submergé par l’émotion à tout va. C’est sans doute la grande force de cette œuvre qui reste digne. Ces enfants ne comprennent pas ce qui leur arrive. C’est assez effrayant. Le lecteur arrive à mieux cerner leur psychologie avec ce qui se passe autour. Aujourd’hui encore près d’un siècle après les faits, cela hante la société turque qui n’a pas fait la paix avec son passé. Aujourd’hui encore, on risque 10 ans de prison en Turquie lorsque l’on emploie le mot «génocide» pour évoquer ces massacres. Cette bd est une goutte d’eau qui pourrait contribuer à trouver le chemin de la paix et de la réconciliation entre ces deux peuples à l’occasion de la commémoration du centenaire de cette terrible tragédie. Le message des auteurs est positif et universel. C’est ce qu’il faut retenir. Je vous invite par conséquent à jeter un coup d’œil.
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