Capitaine perdu
Dans la veine graphique de ses précédents albums, couleurs directes et textes bien écrits, le nouvel opus de Jacques Terpant, en deux volumes annoncés, dévoile une partie ignorée de beaucoup et s'il y avait eu une autre Amérique au temps des français, basée notamment sur un rapport harmonieux avec les indiens, le contraire de celle que les anglo-saxons ont faite .
1643 - 1788 : Au temps de Versailles et des Lumières Indiens d'Amérique du nord Nouveau Monde
Nous sommes sur les bords de ce que les sauvages appellent le messachepe « le père des eaux » le Mississippi. Louis de Saint-Ange, vient d'être nommé capitaine à Fort de Chartres. Il sait que sa mission sera donner le fort aux Anglais, car depuis 1760 et le traité de Paris, les français abandonnent les Amériques. Mais le traité est signé depuis quatre ans et pas un soldat anglais n'a pu avancer jusque-là, car plus à l'est, des chefs se sont dressés, et 'un d'eux, Pontiac, fils d'un Outaouais et d'une mère objiwa , a repris à l' anglais tous les forts que les Français avaient laissé. Pontiac se bat en uniforme des compagnies franches de la Marine de Louis XV, Onnontio Goa son père, et sous sa bannière à fleurs de Lys, il est aussi français. Les Biloxis ont juré de mourir avec les français. Le prohète Delaware Néolin court les tribus, il faut rejeter les blancs à la mer, mais les français peuvent rester car ils vivent avec nous. Sans doute Saint-Ange rêve-t-il d'un repli de l'autre côté du Mississippi, et de là... tenir la position, car là-bas, c'est encore la France ...mais il y a une clause du traité que personne ne connaît, et il n'y a plus de France aux Amériques, sauf... Quelques soldats, perdus au milieu des sauvages. C'est l'histoire du dernier fort, de la dernière garnison, du dernier capitaine... il s'appelle Saint-ange, il est le « Capitaine perdu ».
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Date de parution | 09 Septembre 2015 |
Statut histoire | Série terminée 2 tomes parus |
Les avis
Je découvre avec ce diptyque le travail de Terpant, qui est plutôt agréable et efficace au niveau du dessin. Quelques planches du début m'ont même fait penser aux tableaux de Catlin (surtout lorsque celui-ci représentait les chefs Indiens rencontrés). Je regrette juste que parfois les visages soient un peu figés. En tout cas, ce travail graphique est intéressant, et se distingue de celui de prédécesseurs sur le même sujet et la même période (Prugne, ou Pratt pour ne prendre que les plus importants). L’histoire en elle-même traite d’un moment charnière dans l’histoire de cette région (mais aussi, indirectement, pour l’influence de la France hors de ses frontières), à savoir les conséquences de la défaite française lors de la guerre de sept ans : elle doit céder aux Anglais l’essentiel des terres qu’elle possède encore en Amérique du nord, cette « Louisiane » qui occupait la moitié des Etats-Unis actuels. Terpant a choisi de s’attarder sur ces Français qui partent – et les réactions que cela induit chez leurs anciens alliés indiens, plus que sur les relations belliqueuses avec les Anglais – même si quelques batailles sont traitées. Il insiste aussi sur les différences d’approche entre les Anglais et les Français concernant leur relation aux peuples autochtones. Si elles ne sont pas niables, les généralités qu’il en tire dans les textes de fin d’album mériteraient d’être nuancées : cela ne sera pas vraiment le cas en Afrique ou en Asie au XIXe siècle. Toujours est-il que Terpant nous dépeint très bien un monde qui change, brutalement, les relations humaines – dans tous les sens du terme – qui se nouent entre personnes d’origines bien différentes. Et le personnage de Saint-Ange est bien campé, tout en nuances et « humaniste » après l’heure, c’est-à-dire inadapté à la diplomatie devant laquelle il doit s’incliner. Le gros des massacres – ils ont alors déjà commencé – aura lieu dans les années qui suivent…
Ce diptyque illustre de belle façon un épisode assez peu glorieux dans la guerre que se sont livrée Français et Anglais aux Amériques au XVIIIème siècle, mais surtout c'est différent de ce qu'ont montré d'autres Bd sur le sujet comme Les Pionniers du Nouveau Monde. En effet, c'est le moment où la France doit céder ses territoires à l'Anglais parce qu'elle était gouvernée par un roi incapable et qui faisait des courbettes à l'ennemi au lieu de faire du rentre-dedans, c'est donc peu glorieux comme je le disais, et ça a rarement été évoqué bien évidemment. Comme l'explique le dossier très instructif écrit par Terpant en fin d'album, sur l'Amérique des Français, les Anglais ne pensaient qu'à conquérir en asservissant et en méprisant les peuples indiens, alors que le souci des Français était de comprendre ces peuples, les coloniser intelligemment si on peut dire, ce qui explique que beaucoup de tribus soient restées attachées aux Français, aient arboré le drapeau français et porté parfois une partie d'uniformes comme on le voit ici avec le chef Pontiac. Ces Indiens ne comprenaient donc pas pourquoi les Français devaient partir et abandonner leurs forts, d'où insurrections et révoltes. Mais Terpant, même s'il montre des massacres, a choisi un postulat atypique, en abordant ce conflit entre Français et Anglais de façon humaniste et vu à travers les yeux d'un officier implanté sur un territoire qui lui est cher ; le récit est lent, Terpant installe une ambiance qui demande un petit temps d'adaptation mais qui peut séduire, en dépit parfois d'un petit aspect documentaire. On apprend aussi que la France qui perd ainsi son Amérique (une vingtaine d'Etats actuels constituant la Louisiane plus étendue que celle qu'on connait) aurait pu étendre son hégémonie linguistique ; en effet, si ce n'avait pas été le cas, l'Amérique d'aujourd'hui parlerait français et non l'anglais. Le dessin de Terpant est beau et lumineux, en couleurs directes, il y a de belles scènes un peu figées de palabres où des têtes d'Indiens ont leurs couleurs tribales, et il représente le chef Tamarou avec le physique de l'acteur Wes Studi (vu dans le Dernier des Mohicans). C'est du beau travail graphique et narratif qui je l'espère saura garder la même atmosphère dans sa conclusion..
Si l'on a apprécié Sept cavaliers, le dessin de Terpant, ses grands espaces et ses personnages travaillés, mais aussi son goût pour les aventures épiques, racontées avec ce ton particulier, des séries où l'on prend le temps d'installer un monde, "Capitaine perdu" est dans cette veine, avec en plus le plaisir de découvrir vraiment une part ignorée de l'histoire américaine et, surprise, ô combien plus plaisante que les massacres perpétués ensuite par la jeune Amérique .
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