Borb

Note: 3.67/5
(3.67/5 pour 3 avis)

La dure vie d'un sans abri.


AAARG! Comix Les petits éditeurs indépendants Les SDF

Borb est un clodo. Sa vie n'est pas enviable ! En tout cas elle passe mieux avec un bon litron.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution Novembre 2015
Statut histoire Série terminée 1 tome paru

Couverture de la série Borb © AAARG! 2015
Les notes
Note: 3.67/5
(3.67/5 pour 3 avis)
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26/01/2016 | Noirdésir
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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À la rue - Il s'agit d'un récit complet en noir & blanc, indépendant de tout autre. Il se présente sous une forme un peu particulière, en format paysage. Chaque page comporte une seule bande dessinée pouvant s'apparenter à un gag, ou à une scène avec une chute. Jason Little est également l'auteur de Shutterbug Follies et Motel Art Improvement Service. La lecture commence, avec un déchet par page, allant d'une cassette vidéo éventrée à une boîte de donuts ouverte. La page suivante recense 13 mots pour désigner une personne à la rue. L'histoire en elle-même comporte 78 bandes de cases, à raison d'une par page. Dans la première, Borb (le surnom de la personne à la rue) essaye de mordre dans un quignon de pain trouvé dans une poubelle. Il éprouve une vive douleur dans les gencives, ce qui lui reste de sa dentition ne lui permettant pas d'en arracher un morceau. Par la suite, Borb se rend chez un dentiste pour personne nécessiteuse. Il se casse un tibia en tombant dans un escalier. Il s'enfuit de l'hôpital. Il se voit attribuer un logement précaire. Il rêve qu'il est recueilli par une riche rentière. Il se rend dans un foyer pour sans-abri. Il perd sa ceinture. Il subit plusieurs intoxications alimentaires. Après les escapades mouvementées et esthétiquement séduisantes, le lecteur ne s'attendaient pas à ce que Jason Little choisisse un sujet plus social, ou qu'il adopte un format plus austère. Les dessins sont en noir & blanc avec des traits un peu secs qui évoquent plus le stylo que la plume. Jason Little n'utilise que très peu d'aplats de noir, préférant colorier en noir les surfaces, en laissant les traits de crayons apparents (ils ne sont pas complètement jointifs. Les contours sont délimités avec soin, avec un petit degré de simplification qui rend chaque image facile à lire. Ce degré de simplification ne rend pas les dessins trop jolis, leur apparence s'adressant plus à des adultes qu'à des enfants. Jason Little dose avec soin la densité d'information visuelle par case. Elles peuvent s'apparenter à un cliché instantané, avec les personnages, les accessoires (table, couvert, plat sur la table) et l'arrière-plan (mur, fenêtre, paysage derrière la fenêtre), ou alors très rarement ne contenir qu'un personnage (par exemple Borb) ou un élément de décor (par exemple une poubelle). le lecteur peut donc se projeter dans chaque lieu, ou en tout cas s'en représenter les caractéristiques qu'il s'agisse d'un bout de trottoir au pied d'un mur en brique, d'un cabinet de dentiste, d'un escalier de métro, d'une chambre d'hôpital, d'un banc dans un jardin public, d'une rame de métro, d'un petit appartement, d'un tribunal, etc. Comme cette énumération le laisse supposer, cette bande dessinée n'a rien de répétitive. Jason Little réussit à transformer le quotidien d'un SDF, en une sorte de suite d'aventures cocasses, faisant intervenir plusieurs personnages (aucun récurrent, si ce n'est Borb lui-même), dans des endroits divers et variés que le lecteur associe sans mal avec une vie à la rue. Assez étrangement, Jason Little sait décrire cette vie de misère, en y intégrant une dimension burlesque qui dédramatise pour partie les situations. le degré de simplification lui permet d'utiliser des dispositifs visuels qui relèvent de la bande dessinée humoristique, telles que des étoiles et des petits éclairs pour représenter la douleur (après que Borb ait mordu dans le quignon de pain), des tourbillons au-dessus de la tête pour figurer la stupeur alcoolique, des lignes courbes pour indiquer que Borb rebondit sur les marches d'escalier lorsqu'il a perdu l'équilibre, ou encore des expressions exagérées sur le visage de Borb (yeux ronds, bouche grande ouverte), etc. Ainsi les mésaventures de Borb perdent une partie de leur dimension sordide et tragique. Heureusement, parce que ce pauvre homme ne subit pas que des avanies, il souffre physiquement et psychologiquement. En cours de récit, l'auteur montre comment cet homme en est arrivé à cet état de déchéance. Il n'y a rien de complaisant ou de suffisant dans cette dégringolade sociale, mais il n'y a pas non plus de glorification d'un perdant. Little ne dépeint jamais son personnage principal comme un héros. Dès les premières séquences, Little a su faire comprendre au lecteur que Borb a passé le point de non-retour. Derrière le comique de situation se cache une pulsion morbide. La force de ce récit est d'inciter le lecteur à contempler le quotidien de ce monsieur comme s'il s'agissait de quelque chose sans réelle conséquence. Dès la première image, Borb apparaît comme un individu à forte carrure, capable d'endurer bien des épreuves et des privations, sans s'en sentir plus mal. Finalement ce n'est pas grave. La dentition de Borb part en sucette, mais il réussit quand même à trouver de quoi se nourrir dans les poubelles, en choisissant des trucs mous. Cela lui détraque les intestins, mais sa robuste constitution fait qu'il finit par s'en remettre. Il se fait tabasser en prison, mais son corps récupère assez rapidement. Il passe un hiver dehors, et perd son petit doigt gelé, mais… Mais c'est horrible. Petit à petit l'horreur gagne l'esprit du lecteur. Sous des dehors de farce macabre, il sait que ce qui est décrit peut arriver, arrive de temps à autre. Pas tout à la même personne, mais il s'agit bien de faits réels. L'apparent détachement avec lequel Borb semble tout supporter, tout encaisser, ne fait que renforce la dimension morbide de son comportement. Ce n'est qu'un SDF, un paumé, mais un être humain quand même. Toutes les horreurs qu'il subit, c'est très exactement ce contre quoi tout individu socialisé essaye de se prémunir de son mieux. Quand même, il est presqu'impossible d'éprouver de l'empathie pour les souffrances de Borb. C'est un alcoolique irrécupérable. C'est le cliché de l'individu qui mendie, pour aller boire l'agent récolté, immédiatement après. C'est un individu irresponsable, au point d'en être idiot (par mégarde il met le feu à la masure où l'ont placé les services sociaux). C'est quelqu'un de désocialisé au dernier degré, sans aucune envie de réintégrer une place dans la société. L'alcool a cramé son cerveau, à un niveau pathologique. Oui mais toutes les formes d'atteinte à sa personne sont autant de risques qui planent au-dessus de la tête de n'importe quel individu, qui rappelle la fragilité de la normalité, la fragilité du statut social. Manger dans les poubelles, se retrouver avec un os cassé en pleine rue. À quoi tient d'être secouru, d'être pris en charge ? Pouvoir faire ses besoins en toute intimité, c'est quand même basique, un droit presque. En dépeignant cet individu repoussant, en lui faisant subir des horreurs très concrètes, Jason Little montre au lecteur sa propre fragilité, à quel point il est tributaire du système social dans lequel il vit. le lecteur se retrouve à sourire devant les tribulations de Borb, à tourner les pages rapidement parce que c'est drôle et que le rythme est entraînant, parce que chaque catastrophe est aussi inventive que plausible. La fin survient telle que l'on s'y attend, dans des circonstances surprenantes. Le tome se termine avec un page écrite dans laquelle l'auteur dédie ce livre à la personne à la rue qui a vécu sous un viaduc, avec son chariot, certainement à un passage fréquenté par l'auteur. Il y ajoute une incitation à participer à des associations de logement d'urgence américaines (en y incluant l'adresse du site internet afférent). Borb constitue un ouvrage sans concession. Jason Little évoque la vie de personne à la rue dans toute son horreur, rendant encore plus mal à l'aise par le personnage au comportement morbide, à la réinsertion impossible. le lecteur se surprend à trouver cette histoire très divertissante, grâce à une narration intelligemment pensée qui montre (Borb ne prononce que 3 ou 4 mots au plus pendant tout le tome). En même temps qu'il constate que Borb est responsable de sa déchéance, il ne peut pas cautionner ce qui lui arrive, il ne peut pas rester indifférent. Alors même que Borb supporte tout sans broncher, qu'il se remet d'à peu près tout, le lecteur sait qu'il s'en faut de très peu pour qu'il se retrouve dans sa situation et que ce qui lui arrive est intolérable. Jason Little a réussi un tour de force en impliquant le lecteur dans la vie d'un SDF antipathique, en le divertissant sans rien diminuer de l'impact tragique de cette survie indifférente au reste de la société.

10/06/2024 (modifier)
Par Erik
Note: 3/5
L'avatar du posteur Erik

Clodo Crevard Epave Hobo Mendiant Crève-la-faim Sac à vin Sans-abri Sans domicile fixe Schlag Traîne-savates Vagabond Va-nu-pieds Zonard Sans-Dents Tous ces mots pour désigner Borb qui n'a décidément pas la vie facile. C'est souvent sombre, cruel et sordide comme pour rappeler le manque d'humanité de la plupart de nos congénères. Ainsi va le monde ainsi que cette société qui isole certains êtres qui se débattent pour survivre. A côté de cela, nous avons le patron de M6 qui déclare que son salaire de 1.4 millions d'euros par an, ce n'est pas énorme ! Oui, quel triste monde. Faudrait sans doute qu'il lise d'urgence Borb afin de relativiser ou simplement de comprendre que cela ne va pas mieux pour beaucoup de gens qui sont dans la précarité.

01/06/2016 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Les éditions issues de la revue éponyme AAARG! poursuivent leur campagne de publications avec ce Borb, toujours avec une couverture épaisse, mais dans un format plus inhabituel, presque un petit carré. Jason Little, auteur que je ne connaissais pas, nous raconte ici les mésaventures d'un SDF (ou un clodo, une épave, un hobo, un vagabond, un mendiant... pour reprendre certains des synonymes évoqués en ouverture d'album). Et le moins que l'on puisse dire (mais on s'en serait douté !), c'est que sa vie n'est pas rose. Son seul plaisir, et ce qui guide sa vie (hormis sa simple volonté de rester en vie), c'est d'avoir de quoi boire (pas de l'eau vous l'aurez compris). Si un certain humour noir affleure, il est clair que l'ensemble est plus noir que drôle. C'est glauque. Et pas seulement la vie de ce SDF, auquel on finit par s'attacher. Mais aussi la société, qui ne cesse de le rejeter, comme une mauvaise conscience à occulter. En tout cas, sur un sujet casse gueule, où l'on peut facilement tomber dans l'indécent ou le facile, Jason Little réussit un petit album sans prétention, mais qui mérite le détour.

26/01/2016 (modifier)