Le Déploiement (Unflattening)
La première thèse de doctorat en bande dessinée soutenue aux Etats-Unis.
Bd : mode d'emploi BDs philosophiques
Une épopée scientifique, dans laquelle Sousanis s'intéresse aux limites de notre système perceptif, à nos conditionnements et aux moyens de nous en libérer pour déployer nos potentialités. En même temps qu'un éloge de la bande dessinée, et une démonstration inventive, par l'exemple, des ressources de la pensée visuelle. Texte : Editeur.
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Date de parution | 18 Mai 2016 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Quelle lecture, j'en ai pris plein les yeux et mon cerveau est en surchauffe. Nick Sousanis est un ancien joueur de tennis professionnel, dessinateur, mathématicien, chercheur, il enseigne le langage de la bande dessinée à l'université de Calgary. Rien que ça, sic. Et là, il pond une thèse sur la bd. Alix a déjà tout dit, voir son avis ci-dessous. Une démonstration imparable en dix parties. - Un : Planitude. Dès notre naissance nous sommes programmés, c'est à dire qu'une succession d'étapes nous formatent dans le temps, l'espace et l'expérience. Ce qui permet l'interchangeabilité puisque tout est standardisé. Pensée et conduite sont alignées dans une seule dimension. - Interlude : Flatland. Il décrit plusieurs mondes. Il prend pour exemple une pièce de monnaie et le fait de la regarder sous différents angles change sa forme. Les Flatlandais ne la voit que sur la tranche, en deux dimensions. Les Linelandais ne voient qu'une succession de points, la ligne. Une dimension. Le Carré avec ses trois dimensions. Sousanis demontre les limites de notre vision. - Deux : L'importance de voir double et plus encore. Il faut éveiller les potentialités. Une expérience, regardez un objet avec l'œil droit puis le gauche et enfin avec les deux. Notre vision stéréoscopique est l'intégration de deux vues, deux sources distinctes. Toujours remettre en cause nos perceptions. Il compare aussi nos sens limités, l'odorat et l'ouïe, avec un chien. Il faut pousser notre curiosité à découvrir ce qui se trouve au-delà de notre horizon. - Trois : La forme de nos pensées. Les langages sont de puissants outils mais avec leurs limites respectifs. Pour exemple le thermomètre n'est qu'une vue partielle du temps. Les mots ne sont pas les seuls véhicules de la pensée, dès qu'ils sont intégrés aux dessins, nous sommes prêts pour de nouvelles explorations. - Quatre : Notre corps en mouvement. La frontière texte/image, nos yeux toujours en mouvement explorent sans cesse, nous révélant ainsi de nouveaux aspects. Dessiner est un moyen de coucher nos pensées sur du papier. - Cinq : La cinquième dimension. L'imagination permet de dépasser notre point de vue, point de vue inévitablement limité. Elle permet aussi de franchir les failles de la perception et ainsi de révéler de nouveaux mondes. - Six : Ornières. La marche des idées creuse des sillons qui ne cessent de grossir, nous suivons ces chéneaux initiés par nos prédécesseurs. A force de répéter dans le temps les mêmes gestes, on devient compétent mais cela freine notre flexibilité. - Interlude : Ficelles. Sousanis nous compare à un pantin sur lequel on tire les ficelles et qui suit sa routine quotidienne. Mais il suffit d'une perturbation au scénario.... La philosophie commence avec l'étonnement. - Sept : Vecteurs. Il ne suffit pas de couper les ficelles, bien au contraire, elles doivent servir de liens. De ne pas les voir comme des contraintes mais comme des forces à exploiter. - Huit : Éveil. Nous devons trouver en nous-même le moyen d'arriver à bon port, avec des chaussures à nos "dimensions". Un album qui m'a remué avec de très nombreuses références philosophiques. Je vais digérer cette première lecture avant d'en faire une seconde plus tard et peut-être réhausser ma note. Graphiquement, un noir et blanc tantôt charbonneux, tantôt clair et fin. Une mise en page explicite qui me rappelle Dans la tête de Sherlock Holmes. Superbe. Un index chronologique en fin d'album avec des notes explicatives. Déployez-vous.
Nick Sousanis est professeur de bandes dessinées et publie de nombreux articles sur les bienfaits de l’apprentissage par ce medium. Il démontre la validité de son discours d’une façon pour le moins originale : cet album est la première thèse de doctorat réalisée entièrement en bande dessinée ! Le thème central est philosophique : les limites de notre système perceptif, nos conditionnements et les moyens de nous en libérer pour déployer nos potentialités. En s’aidant de nombreuses références scientifiques et philosophiques, l’auteur nous démontre que notre compréhension est bridée par nos perceptions dimensionnelles et temporelles, nos acquis, nos expériences passées, notre langage, notre société et ses règles établies… et comment s’en libérer pour mieux s’émanciper et se « déployer ». Il en profite aussi pour nous exposer sa passion pour le medium de la bande dessinée. Son discours est assez similaire à celui de Scott McCloud dans L'Art Invisible. Il explique comment la fusion de deux langages (textuel et graphique) permet de mieux représenter des concepts complexes en se libérant des contraintes et des limites linguistiques. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la démonstration est réussie. Les planches sont époustouflantes et font preuve d’une lisibilité et d’une ingénuité narrative rarement vues… sans oublier d’être magnifique esthétiquement parlant. Un album incroyable, passionnant, pas forcément facile d’accès (il s’agit d’une thèse, le langage employé est parfois un peu lourd, et les références académiques abondent), mais indispensable… un sans-faute selon moi !
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