Fin de la parenthèse
Comment ressusciter Salvador Dali
La BD au féminin Sfar
Un Baron dessinateur est appelé depuis son île paradisiaque, pour une expérience artistique qui est censée sauver le monde. Le corps cryogénisé de Salvador Dali, lui est montré. le baron est sommé de s'enfermer 4 jours avec 4 femmes-mannequins de son choix Tous les 5 devront s’immerger dans l’œuvre de Dali, enfermé dans un hôtel particulier, et quelque chose d'extraordinaire devra advenir....
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Date de parution | 14 Septembre 2016 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Ça s’appelle l’égrégore. C’est hautement magique. - Ce tome est le second d’un diptyque : il fait suite à Tu n’as rien à craindre de moi (2016). Sa première édition date également de 2016. Il a été réalisé par Joann Sfar pour le scénario et les dessins, et par Brigitte Findakly pour les couleurs. Il comprend quatre-vingt-dix pages de bande dessinée. Il commence par une page d’introduction rédigée par l’auteur sur l’importance de Salvador Dalí pour lui. Deux individus sont en train de regarder et de commenter un tirage du tarot de Marseille. Ils échangent sur la fixation de l’un à propos des jumelles, sur les systèmes de pensée, sur le pouvoir des Américains, des Saoudiens ou des Qataris dans l’art contemporain, sur Romain Gary, sur les entretiens de Salvador Dalí avec Louis Pauwels, sur la façon dont Platon défendait le Logos par un recours paradoxal au mythe, etc. Sur une plage paradisiaque de sable blanc, Lior, une très belle femme, s’adresse à l’artiste pictural Seabearstein. Elle lui dit que ce qui le fait retourner en France n’a aucune logique. Lui-même entretient des doutes quant à sa décision de rentrer. Elle l’aide à faire son nœud de cravate. Il s’en va, et elle se rend compte qu’il lui manque… au bout de onze secondes. Elle croit qu’elle est vraiment amoureuse. Lui est arrivé à l’aéroport international de La Cucaracha, tirant sa valise à roulettes derrière lui, tout en fumant un cigare. Il prend place dans l’avion, et il sirote des cocktails. Il explique à l’hôtesse de l’air qu’aujourd’hui, pour une fois, un héros qui n’est pas américain va peut-être sauver la planète. Ce n’est pas lui, c’est Salvador Dalí. Derrière lui, deux autres voyageurs papotent en anglais, et évoquent des champignons hallucinogènes. L’artiste s’approche et ils lui en offrent un petit paquet. Seabearstein sort de l’avion à Paris, sous la pluie. Il se parle à lui-même : ce truc qui le saisit lorsqu’on revient en France. Ce sentiment que son pays vit une sorte de malédiction depuis trente ans. L’imaginaire en panne, incapables d’aimer le monde actuel, ni d’être aimés par lui. Ne plus comprendre ni les échanges économiques ni les mouvements de population. Ne plus comprendre l’amour non plus. Comme si à force d’être coincés entre Nord et Sud, on était devenus complètement idiots. Voilà ce vide où est la France aujourd’hui. Par manque de génie. On manque de génie. Il évoque Jean Gabin dans le film Le président, avec l’agent de la douane, lui faisant observer qu’avec un tribun comme lui, le Front National n’aurait aucune chance, ce dont son interlocuteur n’a cure. Il prend un taxi-moto pour se rendre l’aéroport à Paris, et il discute religion avec le motard. Ce dernier estime que la religion donne des réponses à toutes les questions. L’artiste rétorque qu’il veut devenir chrétien apostolique et romain, épouser Gala une deuxième fois, selon le rite copte. Il décide de descendre de moto et de terminer le trajet à pied sous la pluie. Il rejoint le Centre Dalinien pour le Futur dont les bureaux se situent place Vendôme, abrités par la maison Schiaparelli. Il discute avec Farida Khela, et il écoute le projet qu’elle lui propose : ressusciter ou réveiller Dali qui est cryogénisé par une expérience consistant à passer quatre nuits dans un hôtel particulier avec quatre modèles nues. Le lecteur retrouve Seabearstein, exilé dans une île paradisiaque à la fin du tom précédent, en compagnie de la magnifique Lior. Il rentre à Paris et il se voit confier une mission : réveiller Salvador Dalí (1904-1989) ou participer à sa résurrection en fonction du point de vue, en réalisant une session de dessins très particulière. L’enjeu est de sauver le monde, ou au moins la France d’un obscurantisme grandissant, par le retour de Dali en prophète non-religieux. Par contraste avec le tome précédent, celui-ci repose donc sur une intrigue, avec une mission dont l’objectif est défini, même si les modalités peuvent paraître floues. Le lecteur continue de voir en Seabearstein, un avatar de l’auteur dont le patronyme évoque une forme orthographique déformée de Cyber-stein. En effet les quatre modèles évoluent nues la plupart du temps, sauf Christel qui a choisi de porter un string avec l’accord de l’artiste. Il s’agit de quatre mannequins travaillant pour la haute couture, des maisons comme Yves Saint-Laurent ou Schiaparelli. En vis-à-vis de la page d’introduction de l’auteur, se trouve une photographie du peintre prise par Jean Gaumy, avec en arrière-plan quatre jeunes femmes nues. Alors que Seabearstein se trouve à assister à la préparation d’un défilé, il se fait la remarque qu’il n’y a aucune de ces modèles qu’il ait envie de voir nue. Il ne parvient pas à comprendre comment Farida Khelfa effectue ses castings : les filles trop sexy sont tout de suite éliminées. La haute couture, c’est l’anti-Pirelli. Il croit qu’elle garde les œuvres d’art sur pattes : des filles aux cartilages originaux, à la démarche inexplicable. Sfar les représente avec cette même vision : de grandes jeunes femmes, avec des os protubérants, parfois tout juste la peau sur les os, souples, conscientes de leur beauté, de très beaux yeux, des jambes interminables, des bras fins, de beaux cheveux. Le lecteur voit cette beauté plastique, sans pour autant qu’elle ne dégage d’érotisme. Le lecteur fait connaissance avec les quatre mannequins dès la couverture, un moment qui se situe vers la fin du récit : la blonde Christel, les jumelles nommées uniquement par leur surnom Tweedle Dee & Tweedle Dum, et au centre Seabearstein avec Ylva derrière lui. L’auteur donne rapidement un soupçon de personnalité aux jumelles qui restent toutefois interchangeables, remplissant leur fonction d’incarnation vivante de la beauté. Ylva bénéficie d’une discussion en tête à tête avec Seabearstein le temps de deux pages (34 & 35), évoquant son habitude d’être en retard à elle, le songe de Jacob (épisode biblique du Livre de la Genèse). Ces éléments ne joueront pas de rôle significatif par la suite ; en revanche le dessinateur retranscrit avec justesse et amour les différents gestes et postures du mannequin, très sensuels. Le cas de Christel s’avère un peu différent : elle et lui ont été dans une relation amoureuse précédemment. Elle assure sa fonction de muse dénudée, avec un soupçon de résistance symbolique au processus en conservant son string, et en ayant un enjeu émotionnel vis-à-vis de l’artiste. Son rôle n’est pas cantonné à une fonction : elle porte un regard personnel sur l’artiste qui les représente. Comme pour l’album précédent, le dessinateur fait preuve d’un degré élevé d’implication pour représenter les environnements, présents dans 95% des cases. Les caractéristiques de dessin restent les mêmes : des traits de contour très fins, un peu tremblés comme mal assurés, donnant une apparence parfois malhabile aux personnages et aux décors, voire froissée, tout en conservant un regard adulte dépourvu de naïveté. En dehors de l’hôtel particulier, l’artiste emmène le lecteur sur une plage paradisiaque, avec bungalow sur le sable, faire du surf sur les vagues, devant l’aéroport La Cucaracha, au guichet d’embarquement, dans les rangées de sièges de l’avion, dans un immeuble de la place Vendôme, dans ses sous-sols pour voir Dalí dans sa chambre de cryogénisation, dans les coulisses d’un défilé pour la maison Schiaparelli, dans les rues de Paris et dans le muséum d’Histoire naturelle. Il apporte également un grand soin à représenter les différentes pièces de l’hôtel particulier et leur décoration : la terrasse, le grand escalier avec ses tentures rouge et sa rambarde de bois, les parquets, les œuvres d’art, la chambre de Seabearstein, l’ascenseur, le jardin avec sa piscine, le salon avec ses canapés et ses fauteuils, la salle à manger. Sous des dehors griffonnés à la va-vite, Sfar représente cette habitation avec la même attention et la même affection qu’il porte aux modèles. Dans son introduction, Joan Sfar explicite son intention. Il commence par indiquer que ce livre n’est que la retranscription d’une expérience réelle, vécue à Paris l’an dernier par quatre modèles et un dessinateur. Il n’indique pas si l’expérience menée était exactement identique à celle racontée. Le lecteur peut penser que la forme littéraire l’emporte sur la réalité : Seabearstein semble bien fonctionner comme un avatar de l’auteur, tout en n’étant pas exactement lui, puisqu’il est possible d’assimiler l’un des passagers de l’avion à un autre avatar plus proche physiquement de l’auteur. Dans le même temps, la référence à la pratique du dessin en tant qu’étudiant d’art lors de dissection de cadavres correspond bien à une expérience personnelle de Sfar. Ensuite, l’expérience qui doit participer au réveil de Dalí s’avère très compréhensible : reproduire ses tableaux par les poses des mannequins. Sfar indique que c’est par ce processus qu’il a pu saisir l’esprit de Dalí au-delà des simples images que constituent ses tableaux. L’objectif devient : ranimer l’esprit de Salvador Dalí chez l’artiste pour retrouver sa flamme, ses visions, son génie. Cette interprétation de la présente bande dessinée se trouve confortée par l’introduction de Sfar, et le tirage des cartes du tarot de Marseille, au début et à la fin de l’ouvrage. L’auteur écrit que : L’envie de sacré ne le prend pas tous les jours. Il a peu d’enthousiasme pour les rituels des religions consacrée ; il ressent le besoin de se barder de la mystique de grands artistes. Il s’agit pour lui de défendre les arts et la liberté qu’on attaque de plus en plus. Face au mur des Pleurnichations, à la Pierre noire et à Saint Pierre, un urinoir, ça va pas suffire. Il incombe aux arts de kidnapper la fonction sacrée. Dans la deuxième partie du tirage de cartes, l’un des deux personnages mentionne la Kabbale, une tradition ésotérique du judaïsme. L’enjeu pour l’auteur est bel et bien d’effectuer une expérience mystique lui permettant de faire l’expérience d’une révélation spirituelle sur l’ordre des choses, le sens de la vie. A-t-il réussi ? Après lecture, il s’avère que le texte de quatrième de couverture synthétise bien la nature de cet ouvrage : Et si l’art était la seule alternative à la violence et à l’obscurantisme contemporain ? Et si seul Salvador Dalí, en prophète surréaliste pouvait en montrer le chemin ? Pour répondre à cette question, Joann Sfar raconte son étude des œuvres du peintre, par le biais d’une expérience entre réalité et fiction (dans une proportion impossible à déterminer) : un rituel entre spiritisme et reconstitution des œuvres du maître. Le lecteur ressort de cette bande dessinée avec l’envie irrépressible de découvrir l’œuvre de Salvador Dalí, avec ses propres moyens, un rituel d’acculturation à sa manière en fonction de ses moyens.
Que c'est triste de voir un auteur comme Sfar tomber si bas. Il était bon à une époque, mais depuis quelques années il a fait plusieurs BD qui sont au mieux sympathiques sans plus lorsqu'il collabore avec un dessinateur parce que lorsqu'il est tout seul il semble faire ce qui lui plaît en se foutant un peu du lecteur. Le point fort de l'album est le fait que c'est un one-shot donc pas besoin d'attendre une suite qui va ne jamais arriver vu que Sfar termine rarement ses séries. Dès le début je me suis ennuyé. Les dialogues sont ennuyeux. Sfar parle de trucs qui ne m'intéressent pas du tout et son peintre est sans charisme. Il y a plusieurs filles nues et j'espère que Sfar ne voulait pas essayer d'exciter le lecteur parce que son trait ne me fait pas du tout bander. Je note toutefois qu'aucune de ses femmes n'a de gros seins, ce qui me semble assez rare dans la BD lorsqu'il s'agit de dessiner des femmes nues, mais ce n'est pas ce détail qui va me faire aimer cet album !
L’idée de départ, plutôt bien trouvée, suscite la curiosité, et le lecteur intrigué ne demande qu’à y adhérer, prêt à observer cette étrange performance quasi-mystique de « résurrection » du peintre espagnol. Malheureusement, le récit donne l’impression d’avoir été totalement improvisé, hésitant entre réflexions philosophico-artistiques de haute volée, inserts en référence à la peinture de Dalí et verbiage futile des quatre mannequins (so chic !). Oui, on est intrigué, admiratif devant une telle érudition (Sfar connaît bien l’œuvre du peintre, aucun doute là-dessus) mais globalement, on s’ennuie autant que les personnages, s’interrogeant sur l’intérêt de la chose. On ne peut pas soupçonner l’auteur du « Chat du rabbin » d’avoir voulu attirer le chaland avec cette histoire de partouze qui n’en est pas une (mais peut-être certains se laisseront-ils tenter par la simple lecture du pitch), car pour ce qui est du dessin, c’est du Sfar en plus déchiqueté que jamais. En d’autres termes, ce n’est pas de l’érotique, c’est de l’artistique. Et si les corps des top models sont élancés, ils sont aussi fragiles, quasi squelettiques, et semblent avoir comme double fonction d’évoquer le style dalinien et de caricaturer les actuels canons anorexisants de la beauté. Et tout n’est pas critiquable. Malgré la dépressivité éthérée du trait qui donnerait envie de se pendre dans les chiottes de la Fashion Week, il est possible d’y trouver une certaine beauté. Joann Sfar ne sait pas dessiner, mais il parvient à compenser par son sens de l’esthétique. De l’ensemble, certains avanceront que la lecture doit être faite à travers le prisme de la poésie, mais peut-on, sous couvert de poésie, se dispenser de produire quelque chose de cohérent et surtout qui ne frise pas l’ennui, sauf peut-être pour les amoureux de Dalí. Se doutant que son ouvrage sibyllin pourrait être mal compris, l’auteur a jugé utile d’ajouter une préface auto-justificatrice pour expliquer ce qui ne devrait pas avoir à être expliqué, si l’on considère qu’une œuvre parle pour elle-même. Certes, en fan absolu de son « peintre-héros », Joann Sfar le dit, il avait besoin de produire un exutoire dans une époque chahutée par l’obscurantisme religieux, en reprenant à sa sauce la théorie du maître selon laquelle l’art devait « voler à la religion sa fonction sacrée ». C’est donc tant mieux si c’est pour la bonne cause. Mais la vraie question dans le cas présent est : suffit-il de rendre hommage à un génie pour faire une œuvre géniale ? La réponse serait à chercher du côté du titre…
Totalement bouleversée par Les Olives noires et séduite par Le Chat du Rabbin, amusée par "L'Atroce Abécédaire", je ne vois pas tellement l'intérêt de cet album foutraque. Le fantasme de reconstituer des tableaux de Dali entourés de femmes nues, sous l'effet de substances hallucinogènes, est probablement assez courant dans la tête des artistes admirateurs de Dali. Mais le résultat ne me parait pas époustouflant. Comme d'habitude, le fantasme est destiné à rester informe, puissant, inquiétant et fertile. Mais coincer son fantasme tel qu'il vous apparaît, sans le filtre du genre, de la composition, de la poésie... c'est merdique. Je mets quand même 3 étoiles, parce que , comme toujours avec Sfar, il y a des trouvailles, et il agace tellement bien que ça vaut le coup d'être lu au moins une fois, si une bibliothèque de votre voisinage s'est égaré à l'acheter ! (ça me fait le même effet que les particules élémentaires de Houellebecq : horripilant mais instructif sur des milieux sociaux actuels, très éloignés du mien)
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