Etunwan - Celui-qui-regarde

Note: 3.33/5
(3.33/5 pour 6 avis)

Etunwan, Celui-qui-regarde n’est pas un western. C’est le récit romanesque en bande dessinée du génocide amérindien à travers l’oeil du photographe, nommé « l’attrapeur d’ombre » chez les Sioux. L’histoire d’une beauté qui se perd, d’un monde qui se meurt. Un récit certes très documenté, mais où l’inspiration, le goût de l’écriture, la maturité de son graphisme prennent toute leur mesure. Etunwan est une oeuvre très singulière et personnelle de Thierry Murat qui pour ses derniers livres s’était associé à d’autres signatures : Rascal, Ernest Hemingway… Un livre étape dans les méandres de l’exploration passionnée de la création artistique.


1816 - 1871 : De la chute du Premier Empire à la Commune Indiens d'Amérique du nord Photographie Sioux et Cheyennes [USA] - Middle West

1867. Pittsburgh, États-Unis d’Amérique. Dans la ville industrielle grouillante et riche, Joseph Wallace, 33 ans, est photographe et tire le portrait des nombreux notables, ce qui lui assure une vie confortable mais sans possible fantaisie artistique. Il s’engage à suivre l’expédition dans les Montagnes Rocheuses. Le programme dirigé par le Docteur Walter est financé par le Gouvernement américain afin d’explorer de nouvelles zones à cartographier et découvrir si de nouveaux gisements d’or ou de charbon sont exploitables, s’il existe, toujours plus loin, d’autres terres à coloniser. Parmi les plus éminents scientifiques de la côte Est, Joseph Wallace a pour mission de photographier les régions traversées, le relief, la végétation, et aider à cartographier le territoire. Mais l’expédition se révèle être un voyage intime sans retour. Suivant le dédale géographique, Wallace entame un cheminement artistique. Le tranquille époux et père de famille rencontre les Indiens Sioux Oglalas et sa vie va s’en trouver changée. Il est désormais Etunwan, Celui-qui-regarde. De retour en ville il n’aura de cesse de vouloir retourner en terres indiennes, d’autant qu’il a aimé corps et âme la femme papillon. Le projet d’envergure humaniste, ethnographique et artistique devient une nécessité pour lui qui connaît « un détachement lent, progressif, physique et cérébral » du monde blanc, telle une mue animale pour appréhender le réel d’une façon nouvelle, alors que la photographie est un art neuf en rapide évolution technique. La mission artistique du photographe est là : ne plus seulement reproduire la réalité des êtres et des choses mais les sublimer. Il faut raconter avec le regard. Au-delà de tout progrès technique. C’est là l’essence de son art, c’est ce qu’il aura solennellement appris de ces voyages à l’Ouest. Texte: L'éditeur

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 16 Juin 2016
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Etunwan - Celui-qui-regarde © Futuropolis 2016
Les notes
Note: 3.33/5
(3.33/5 pour 6 avis)
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07/11/2016 | Gaston
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L'avatar du posteur Noirdésir

Voilà un album que j’ai lu assez vite (il y a peu de texte et d’action), mais avec grand plaisir. Le travail graphique de Thierry Murat est original, sans doute clivant, je ne sais pas. Il y a certes quelque chose de frustrant à le voir utiliser ce rendu un peu minimaliste, aux tons sépia et vieillots, les superbes paysages décrits par le héros (et on imagine aisément qu’ils l’étaient !) sont peut-être escamotés. Mais par contre ce rendu colle parfaitement au ton employé, contemplatif, plein de nostalgie et de regrets. Cela colle aussi et surtout aux photographies de l’époque, où le sépia dominait. Car le personnage principal, Joseph, est photographe. Dans les années 1860, il participe à une expédition d’exploration (avec d’autres scientifiques) dans les grandes plaines jusqu’aux Rocheuses, et est littéralement envoûté par les paysages et les quelques Indiens qu’il rencontre. Quelques années plus tard, il revient, seul cette fois, pour mener un travail de recueil photographique : cela va confirmer sa passion pour le monde amérindien (ici semble-t-il des Lakotas ou des Cheyennes) – il va aussi rencontrer l’amour, lui qui pourtant est marié et père de famille « à l’Est ». De retour chez lui, il va jusqu’à la fin de sa vie trainer regrets et frustrations. Par rapport à l’Indienne laissée derrière lui. Mais aussi par rapport à son œuvre photographique, qui n’a pas eu l’exposition dont il rêvait. Plus j’avançais dans l’album, plus je me disais que Murat avait utilisé comme modèle pour Joseph le grand photographe E. S. Curtis, dont les centaines de photos ont magnifié le monde amérindien en voie de disparition (j’ai depuis longtemps été ébloui par ses photos), même si Curtis a réalisé le rêve de Joseph quelques années plus tard (à la fin du XIXème siècle et au début du XXème). Et puis Murat a finalement lié les deux photographes (sa création Joseph et l’immense Curtis) en fin d’album. Mais je suis sûr que c’est Curtis qui a donné à Murat l’idée de cette histoire. Une histoire à la narration agréable. Le rythme est lent, contemplatif. Et le monde amérindien est montré – de façon parcellaire certes – sans les déformations qui vont caricaturer ses actions et sa pensée dans beaucoup de westerns. Murat s’est documenté, et n’est pas loin de ressentir les mêmes attirances que Joseph pour cette façon simple et franche de vivre, sans artifice. J’ajoute que les nombreuses citations littéraires qui émaillent le récit (Les fleurs du Mal de Baudelaire, mais aussi les poèmes de Blake, ou les écrits de Thoreau) ne sont pas étrangères au charme de cette lecture – elles me touchent en tout cas. Une chouette lecture.

25/03/2024 (modifier)
Par sloane
Note: 3/5
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Lorsque l'on fait une BD qui s'intéresse particulièrement aux paysages, à la nature ou que sais je il est à mon sens essentiel de retranscrire à minima cette nature ou ces paysages. Ici le dessin n'est pas mauvais mais à mon avis il n'arrive pas du tout à retranscrire l'émotion dont nous parle le narrateur. Seule grâce à mes yeux quelques bribes d'un poème de Baudelaire mais à bien y regarder je finis par me demander ce que ça vient foutre là. Dommage l'histoire avait du potentiel mais son traitement un peu froid et une fin dans la plus pure veine romantique destructrice ne me font pas conseiller cet album.

21/10/2017 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
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C'est l'histoire d'un photographe participant à une expédition scientifique vers l'ouest sauvage dans les années 1860 et qui s'éprend de l'idée de photographier le peuple indien au naturel pour immortaliser les moments de vie et de culture d'un peuple en voie de disparition. Je me suis demandé si c'était une histoire véridique mais à priori c'est une fiction même si elle est très réaliste. Tout est crédible et on est rapidement plongé dans l'ambiance d'une exploration de terres sauvages, de grands espaces fascinants et de rencontres avec des hommes d'une civilisation différente, fière et intéressante même si sans avenir. Thierry Murat y utilise le même style graphique que dans Les Larmes de l'assassin, à savoir des dessins tous en ombrages noirs sur fond marron ou sépia, accompagnés de textes narratifs ou de dialogues sans bulles dans une police de caractère de type machine à écrire. Cela donne un aspect vieillot, voire vieilli, aux planches, que je n'aime pas trop car il est austère et sombre. Ce choix graphique me déçoit en outre car il ne rend vraiment pas hommage aux décors décrits comme exceptionnels que le héros peut admirer, ni aux personnages des peuplades indiennes qu'il croise. C'est frustrant. Quant à l'histoire, je l'ai trouvée bonne, intéressante et dépaysante sur la majorité de l'album. Pourtant, vers la fin, quand le héros sombre soudain dans des tourments amoureux, j'ai un peu décroché. Et j'ai été déçu par la conclusion car je n'ai pas compris sa réaction destructrice. Pourquoi agit-il ainsi alors que, même si ça ne vient pas du gouvernement, on lui propose quand même les moyens financiers d'éditer ce fameux ouvrage qu'il voulait pouvoir immortaliser une part de l'âme du peuple indien ? Sa réaction ressemble à un caprice romantique et ça m'a agacé. Bref il y a du bon et du moins bon dans cet album. J'ai aimé le voyage réaliste vers des terres exotiques et l'émotion de l'exploration loin de la civilisation. J"ai moins aimé le graphisme et la fin de l'histoire.

31/01/2017 (modifier)
Par Blue Boy
Note: 4/5
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Décidément, le western, que l’on croyait désuet, semble revenir à la mode ces derniers temps, non seulement au cinéma mais également en bande dessinée, car indéniablement l’exploration des terres vierges fera toujours rêver. Et en fin de compte, le genre susnommé serait un peu l’ancêtre des space operas devenus populaires avec l’ère de l’exploration spatiale. Avant le succès de la SF, le western existait en grande partie à travers la fascination un rien infantile exercée par les mondes nouveaux et aussi sans doute l’esprit reptilien de ses afficionados. Depuis, les Droits de l’homme sont passés par là. On s’est alors rendu compte que l’Indien n’était plus forcément le méchant que la culture populaire occidentale se plaisait à dépeindre et qu’il pouvait avoir le droit de protéger ses terres dont l’homme blanc, si « civilisé », cherchait à l’expulser. En matière de neuvième art, le genre tente de se renouveler en intégrant des éléments plus littéraires, débarrassés de l’odeur de poudre, évoquant sur le fond les œuvres de Patrick Prugne (Pawnee et Frenchman) ou le dernier album de Frederick Peeters (L'Odeur des garçons affamés), qui lui aussi avait un photographe pour personnage principal. En revanche, l’ouvrage est à mille lieues du genre « aventure », comme expurgé de toute action, purement contemplatif. Bien sûr il y a un récit, mais « Etunwan, Celui-qui-regarde » ressemble presque à un livre de photos, en accord total avec son titre. Avec un dessin qui semble avoir été réalisé à partir de clichés, Thierry Murat se livre au jeu du clair-obscur, recourant à des monochromes désaturés allant du bleu au jaune en passant par le brun sépia, avec des personnages semblant parfois évoluer dans un théâtre d’ombres chinoises. Et comme la photographie est avant tout l’art du sensible, le résultat est magnifique et projette sur le lecteur ses ondes apaisantes. Quant à l’aspect littéraire, il réside dans l’importance que l’auteur accorde aux mots. Tout d’abord, la voix off du narrateur domine, tandis que les phylactères y sont secondaires. Les références littéraires y sont bien présentes, avec notamment ce recueil de poésie que Joseph Wallace emportera dans ses bagages, « Les Fleurs du mal » d’un certain Charles Baudelaire, qui viennent juste d’être traduites pour le public anglophone de l'époque. Un livre au titre vénéneux qui intrigue Wallace « au plus haut point » et imprimera sa marque au récit… Mais outre la langue des poètes, c’est aussi celle des Indiens qui est ici mise en avant, et de fait réhabilitée, jusque dans la typographie. Le photographe est fasciné par cette langue, qui, dit-il, lui donne « le sentiment de pouvoir exprimer [ses] émotions les plus intimes presque aussi clairement que les simples locutions utilitaires. », poussant la démarche jusqu’à l'apprendre durant son séjour dans une tribu. De façon insidieuse, le western nous avait plutôt habitués à faire passer les Indiens pour des analphabètes, leur langue ayant été souvent réduite à onomatopées ou des noms propres correspondant à un animal et l’une de ses caractéristiques (vous savez, les « Cheval fou » et autres « Bison assis » ?). Une manière grotesque de transformer la figure du « sauvage » en potiche muette et inoffensive, presque risible. Ici, on est dans une perspective totalement inverse. « Etunwan, Celui-qui-regarde » est une œuvre lente, empathique et érudite, où la qualité littéraire matche parfaitement avec la beauté graphique. C'est l’histoire d’un homme qui ne trouve pas sa place dans l'univers et se lance dans une quête mystique éperdue au bout de lui-même, tel un romantique désireux de s’immerger dans le monde des origines, dans lequel il ne voit qu’harmonie, mais hélas un monde inéluctablement condamné par la frénésie conquérante de l’homme blanc.

21/01/2017 (modifier)
Par Canarde
Note: 3/5
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Thierry Murat creuse son sillon minimaliste, avec toujours des textes très bien écrits et une image à la limite de l'abstraction. Comme d'habitude je suis étonnée de me laisser prendre par ce dispositif qui parait pauvre . Je suis l'histoire avec une attention émue. Le périple de ce photographe des premiers temps de la photographie qui découvre les cultures amérindiennes et tente d'en fixer l'image à l'aide de ses techniques modernes. Le dessin imite ces premiers héritages du daguerréotype : fort contraste, grain délicat. En fait c'est la même technique que d'habitude, mais elle s'adapte parfaitement à cette histoire. On dirait un documentaire avec la reproduction des images du photographe, comme si sa technique de dessin avait trouvé son origine dans cette histoire vraie. Le déroulement de l'aventure qui finit par lui échapper un peu, pour en finir sur une chute déplaisante, voire agaçante, d'une certaine manière je me sens flouée. Autre source d'agacement le titre: ces noms exotiques sensés attirer le lecteur (ils s'alignent sur les devantures des magasins de BD comme autant de clichés rebattus) ont le don de m'exaspérer, Celui-Qui-Regarde aurait suffit...

14/01/2017 (modifier)
Par Gaston
Note: 3/5
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Un one-shot qui dénonce le sort des amérindiens. On suit un photographe qui va faire plusieurs voyages dans l'Ouest et qui va devenir ami avec les amérindiens et se révolter de leurs sorts. J'aime bien que la narration de ce récit et le fait qu'il n'y a pas de bulles pour les dialogues est plutôt original. Malheureusement, il manque quelque chose pour rendre le tout passionnant à lire. J'ai déjà lu des livres sur les amérindiens qui étaient plus mémorables que cette BD. Le principal problème c''est que je trouve le dessin froid. Il n'arrive pas à me communiquer des émotions. Par exemple, si le personnage trouvait quelque chose splendide, ben moi ça me laissait de marbre. C'est un album qui se laisse lire, mais c'est clairement pas un indispensable.

07/11/2016 (modifier)