Vincent - Un saint au temps des mousquetaires
Avec ce one-shot intitulé Vincent, Dufaux signe un scénario original autour du patron des oeuvres charitables, selon les dessins incroyable d'un Paris du XVIIe de Jamar. (texte de l'éditeur)
1643 - 1788 : Au temps de Versailles et des Lumières Jean Dufaux Paris
En 1643, saint Vincent de Paul était le père Vincent, un prêtre exceptionnel qui battait le pavé de Paris pour aider les plus démunis. Lorsqu'un de ses protégés, Jérôme, se fait assassiner, il décide alors de mener l'enquête. Ses actes de charité et son ouverture d'esprit lui permettent d'interroger tant les marauds que les grands de ce monde. Avec ce one-shot intitulé Vincent, Dufaux signe un scénario original autour du patron des oeuvres charitables, selon les dessins incroyable d'un Paris du XVIIe de Jamar.
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Date de parution | 28 Octobre 2016 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
23/11/2016
| Mac Arthur
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Les avis
La méchanceté est souvent une souillure qui recouvre bien des fragilités. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, mettant en scène Vincent de Paul (1581-1660). Sa première publication date de 2016. Elle a été réalisée par Jean Dufaux pour le scénario, Martin Jamar pour les dessins et les couleurs, et le lettrage a été réalisé par Joëlle François. L'ouvrage commence par une introduction d'une page, écrite par le scénariste en 2016, évoquant le fait qu'il s'agit avant tout d'une évidence, mais aussi d'un pari, d'écrire une bande dessinée mettant en scène un saint homme. Il se termine avec un texte de dix pages, illustré de crayonnés de Jamar, rédigé par Marie-Joëlle Guillaume, historienne, autrice de Vincent de Paul, un saint au Grand Siècle (2015). Elle évoque le temps des mousquetaires et le siècle des saints en plusieurs chapitres : la France au XVIIe siècle, Paris au temps de Louis XIII une ville et des personnages hauts en couleurs, Ce siècle a eu Vincent, L'odyssée du petit paysan des Landes, Saint-Lazare et compagnie, Les femmes à l'honneur, le secret de Vincent. Paris. Maison de Saint-Lazare. Avril 1643. Au petit Matin. Vincent de Paul, aumônier général des galères, est en train de prier seul devant l'autel de l'église. Antoine un adolescent arrive accompagné d'une jeune demoiselle et il lui fait observer que les prières de Monsieur Vincent sont de plus en plus courtes. Et ses journées de plus en plus remplies. Il craint qu'il ne se casse le dos à courir ainsi dans tout Paris. La demoiselle ajoute que ce qui l'inquiète elle, ce sont ces vilaines personnes qu'il fréquente. Vincent de Paul s'est relevé et il se dirige vers eux : aujourd'hui Antoine et lui se rendent chez Madame Marguerite-Claude, marquise de Magnelais, sœur du général des galères, Philippe-Emmanuel de Gondi. Monsieur Vincent vient solliciter un don de six mille livres pour acheter la liberté de Manon, une jeune prostituée de quinze ans. La marquise y consent avec quelques réticences, bien évidemment du fait de la somme, mais aussi de la consacrer à une prostituée. Monsieur Vincent se rend seul dans le quartier de la tour de Nesles en fin de matinée. Il s'assoit à une table d'une auberge, en face du chevalier d'Aubrac, proxénète. Il lui a apporté la somme dite, elle correspond au salaire annuel d'un maître de camp ce que fut l'homme. La discussion s'engage et Monsieur Vincent fait observer que son interlocuteur exerce un négoce qui le perdra, car il n'y a guère d'espoir dans la voie qu'il s'est choisie. Monsieur d'Aubrac lui expose les circonstances de sa vie. Sa mère est morte en couches. Son père l'a élevé seul. Il était de petite noblesse. Il l'a jeté dans l'armée. Ce n'était pas idiot. Par son nom, par quelques coups d'éclats dus à la jeunesse, il a gagné sa place de maître de camp. Et puis, une femme lui a fait perdre la tête. Elle avait un défaut, elle avait un mari. Il a tué le mari. Ses supérieurs l'ont chassé. Il s'est retrouvé sans le sou. Mais comme il plaisait aux femmes, il s'est laissé gagner par d'autres pratiques. Plus reposantes que la vie de régiment. L'introduction du scénariste est pile entre les deux yeux : elle établit clairement le défi de mettre en scène un homme qui a été canonisé, de trouver le bon dosage pour montrer l'importance de la Foi dans sa vie sans faire de prosélytisme, de montrer ses pratiques cultuelles sans tomber dans le catéchisme, de mettre en lumière en quoi ses croyances guident sa vie. Pour se lancer dans ce défi, il bénéficie de la narration visuelle impeccable d'un dessinateur avec qui il avait déjà réalisé Les Voleurs d'empires, tome 7 : Derrière le masque (sept tomes de 1993 à 2002), puis Double Masque, tome 1 : La Torpille (six tomes de 2004 à 2011). La reconstitution historique s'avère être d'une solidité impressionnante, montrant l'évidence de la présence des hommes d'Église dans la société de l'époque. Pour ce récit, les auteurs ne cherchent pas à réaliser une analyse sociétale, politique ou philosophique de la matérialité de la religion. Leur projet réside dans la mise en scène de cet aumônier au travers de ses actes, de ses interactions avec les autres, de son quotidien, pratique de la prière comprise. le lecteur pratiquant n'y trouve pas un moyen d'approfondir sa Foi, le lecteur athée n'est pas pris en otage par une apologie du saint homme. Monsieur Vincent agit en cohérence avec les préceptes de sa religion, à commencer par la charité. Cette bande dessinée s'ouvre avec une vue en élévation de la maison de Saint-Lazare, dans une reconstitution minutieuse et précise, réalisée sur la base d'une documentation solide et fournie. le lecteur peut passer rapidement à la case suivante, mû par le désir de découvrir l'intrigue, ou il peut choisir de savourer cette vue. Il découvre alors les bâtiments en pierre, leur architecture impeccablement reproduite, les toitures et leurs ardoises, les individus en train de s'affairer, les carrioles, une brouette, ainsi que les alentours tel un verger. Déjà lors de leurs précédentes collaborations, le scénariste avait loué les talents de Martin Jamar, son degré d'implication dans les recherches de référence, son application dans la reproduction exacte. le lecteur avait pu se projeter dans la reconstitution soignée des rues de Paris. Cette bande dessinée bénéficie du même savoir-faire et c'est un délice que de pouvoir ainsi visiter Paris en 1643, la Maison de Saint-Lazare, l'hôtel de Marguerite-Claude, marquise de Maignelais, aussi bien sa façade que ses salons, le quartier de la tour de Nesles, l'intérieur de la Maison Sant-Lazare avec son hospice et son réfectoire, les quais de Seine, le cimetière des Innocents, l'hôtel particulier de madame Marie Lumague, le campement de gitans le long de l'enceinte du palais Cardinal, les quartiers mal famés de Paris dont le quartier des Halles, l'hôtel d'Entragues, le quartier de Notre Dame, etc. Dans la planche cinquante-trois, le lecteur découvre une vue d'une étroite artère de Paris en élévation, dans laquelle un chariot s'est renversé, le cheval à terre. Ces deux cases et celles de la page suivante fourmillent de détails montrant les différents badauds, les petits métiers, la violence avec laquelle le cocher du carrosse du duc d'Entragues se fraye un chemin de force. C'est un véritable délice. Le dessinateur apporte bien sûr le même soin pour les accessoires de la vie de tous les jours, et pour les tenues vestimentaires. Ses personnages disposent de physiques réalistes, avec des formes de visages différentes, des barbes ou des moustaches pour les hommes, des coiffures différentes, etc. Les postures appartiennent à un registre réalise, sans exagération, avec un sens remarquable de la mise en scène, en particulier pour les scènes de groupe, ou les actions complexes avec des déplacements des uns par rapport aux autres. L'artiste réalise une mise en couleurs riche et dense, apportant des informations visuelles supplémentaires (par exemple un tableau dans un salon), sans pour autant supplanter les traits encrés. du grand art. le lecteur peut très lire chaque planche sans prêter une quelconque attention à toutes ces caractéristiques de la narration visuelle, sans même se rendre compte du volume d'informations qu'il absorbe ainsi. Très conscient des qualités de ladite narration, le scénariste se repose dessus pour pouvoir raconter une histoire consistante et roborative. La couverture laisse à penser que Monsieur Vincent s'apprête à se lancer au combat, prêt à frapper avec la croix dans sa main. le lecteur comprend vite que l'histoire repose sur l'élucidation d'un meurtre, celui de Jérôme, pensionnaire à la Maison de Saint-Lazare. Monsieur Vincent enquête à sa manière, posant des questions à ses interlocuteurs, certains venant le voir, d'autres chez qui il se rend. Il discute naturellement avec les uns et les autres, plutôt de manière naturelle, sans jamais que le récit ne prenne l'allure d'un interrogatoire formalisé. Cette démarche amène Monsieur Vincent à s'entretenir aussi bien avec des riches et puissants, qu'avec des manants et même des proxénètes, voleurs à la tire, ou va-nu-pieds, c'est-à-dire toutes les strates de la société dont il sonde le fonctionnement implicite. le mobile du meurtre n'est pas bien difficile à anticiper pour le lecteur, mais l'intérêt du récit se trouve ailleurs. Outre l'immersion dans le Paris du dix-septième siècle, l'intrigue permet de plonger dans l'Histoire, auprès de personnages comme le duc d'Entragues, Jean-François Paul de Gondi, et même le roi Louis XIII sur son lit de mort. le lecteur note deux scènes qui détonnent un peu par rapport à l'enquête : l'entretien entre Vincent de Paul et Jean-François Paul de Gondi, puis celui entre Vincent de Paul et le roi. Il se dit que Jean Dufaux en a profité pour évoquer une facette de l'époque qui lui tient à cœur. Il conserve cette idée à l'esprit lors d'autres conversations, au cours desquelles Vincent de Paul dit simplement ses convictions, sur le chagrin, sur la Providence, sur la beauté féminine, sur la méchanceté, sur les moments pénibles. Dans ces moments-là, le lecteur sent bien que Jean Dufaux dit son admiration pour ces valeurs, pour un individu capable de vivre selon de tels préceptes. D'un côté, le lecteur craint de tomber sur une bondieuserie ; de l'autre, il a déjà pu apprécier la qualité extraordinaire des précédentes bandes dessinées de ce duo de créateurs. Il se lance dans les premières pages et il retrouve toute la richesse des pages de Martin Jamar, la consistance de la reconstitution historique, la clarté de la narration visuelle, la nature organique de ce qui est montré. Il comprend qu'il s'agit d'une enquête de type policière dont le mobile est très classique, et dont le déroulement permet de rencontrer des individus issus de toutes les couches sociales. Il ressent rapidement l'implication de Jean Dufaux : ce récit lui tient à cœur et il ne l'a pas écrit pour faire plaisir à son artiste, mais plutôt il s'appuie sur ce dernier pour faire honneur à son ambition. Extraordinaire.
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