L'Ombre de moi-même
Il est seul face à la mer. Il pontifie, il s’écoute, il se congratule. Serge est son propre public. Il campe dans la posture du philosophe revenu des Hommes.
BD minimaliste Les petits éditeurs indépendants
Autrefois, il était quelqu’un d’important. Mais la vie a passé, qui l’a dépouillé des attributs du pouvoir. À l’aube de la vieillesse et du déclin, il feint de croire que ce n’est pas lui qui a changé mais que c’est le monde qui ne marche plus droit. Misogyne, vaniteux, réactionnaire, Serge l’est par nature.
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Date de parution | 03 Octobre 2016 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
L'avis de Jetjet m'avait donné envie de lire cet album de deux auteurs que je ne connaissais pas du tout. J'ai vraiment adoré le dessin qui est dans un style à la fois épuré et bien maîtrisé. Je suis un peu moins enthousiasmé par le scénario. On suit donc la vie quotidienne d'un homme dans la cinquantaine et qui est imbue de lui-même. J'ai bien aimé comment les auteurs ne diabolise pas leur personnage principal et ont font quelqu'un qui est tout simplement humain et qui a peur de vieillir dans un monde qu'il ne reconnait plus. Certains passages sont même touchant comme lorsqu'il remarque que plusieurs personnes de son entourage sont maintenant mortes. Toutefois, même si je que le scénario ait des qualités, je ne peux pas dire que j'ai été grandement captivé durant ma lecture. Il y a des scènes et des dialogues qui m'ont faire et je ne suis pas ennuyé, mais il n'y a rien qui ne donne envie de faire une relecture un jour (ou alors juste pour regarder le dessin). En gros, j'ai passé un moment sympa et puis c'est tout.
Selon le Larousse, la Surprise est définie comme telle : évènement inattendu. Et comment être davantage surpris par une œuvre sortie de nulle part, avec des dessins aussi épurés que celles qui illustrent le Canard Enchainé au pitch d'une banalité affolante et mettant en scène le frère jumeau graphiquement du méchant Gru, nez en pointe et calvitie en prime ? L'Ombre de Moi-Même est un titre qui se lit et se dévore comme on peut apprécier un bon vin sans pour autant être un amateur avisé. Superficiellement, on peut s'attendre à lire le quotidien banal d'un homme mur de 55 ans, à la retraite (donc fort éloigné de nos turpitudes professionnelles mais je m'égare), divorcé et aisé. Vivant à Paris dans un appartement confortable, Serge n'est entouré que d'une ex-femme, d'une petite amie trentenaire et d'un ami écrivain dépressif. Et c'est tout. Martiny divise ce quotidien en autant de petites scénettes journalières de 2 à 6 pages ou plus où Serge est omniprésent. Toujours présent pour les siens mais orgueilleux et fier, Serge a surtout peur de vieillir, de ne plus pouvoir séduire et de se sentir inutile. Je ne sais comment l'alchimie s'est opérée avec un trait si éloigné de mes affinités mais absolument tout le contenu de ce gros bouquin qui se dévore m'a séduit... Petit-Roulet utilise une ligne volontairement épurée mais maitrisée et très agréable finalement à la lecture pendant que Martiny multiplie les lignes de dialogue se succèdant à de longs silences contemplatifs. Face à la mer, à son ex-belle mère ou à son docteur, Serge est loin d'être le con odieux et réac que l'on adorerait détester mais tout simplement un homme pétri de qualités comme de défauts le rendant bien plus humain que d'autres profils plus explicites. On passe constamment du sourire au rire et de la consternation à l'empathie dans un récit rythmé et homogène. Difficile de faire apprécier un vieux bobo Parisien aux apparences égoïstes et capricieuses par un dessin aussi aride et dépouillé et pourtant le pari est remporté haut la main. Ici personne ne juge personne, libre au lecteur d'apprécier des visages si expressifs ou des situations éloquentes sans apport de paroles (une amitié est remise en cause en quelques cases et sans un mots mais chuuut). La fin en suspens pourra décevoir en premier lieu mais après réflexion, il ne pouvait pas en être autrement. Ici la mélancolie se veut réaliste et finalement pudique à défaut d'être joyeuse. Pourtant il peut s'agir d'une Happy End comme d'une fin plus sarcastique. C'est le propre de ce récit unique qui peut être lu comme une Comédie ou une Poésie de prose, le trademark des ouvrages importants indéniablement. Oui, vraiment quelle belle surprise.
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