L'Ombre de moi-même

Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)

Il est seul face à la mer. Il pontifie, il s’écoute, il se congratule. Serge est son propre public. Il campe dans la posture du philosophe revenu des Hommes.


BD minimaliste Les petits éditeurs indépendants

Autrefois, il était quelqu’un d’important. Mais la vie a passé, qui l’a dépouillé des attributs du pouvoir. À l’aube de la vieillesse et du déclin, il feint de croire que ce n’est pas lui qui a changé mais que c’est le monde qui ne marche plus droit. Misogyne, vaniteux, réactionnaire, Serge l’est par nature.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 03 Octobre 2016
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série L'Ombre de moi-même © Cornélius 2016
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)
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11/01/2017 | Jetjet
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Par Jetjet
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Selon le Larousse, la Surprise est définie comme telle : évènement inattendu. Et comment être davantage surpris par une œuvre sortie de nulle part, avec des dessins aussi épurés que celles qui illustrent le Canard Enchainé au pitch d'une banalité affolante et mettant en scène le frère jumeau graphiquement du méchant Gru, nez en pointe et calvitie en prime ? L'Ombre de Moi-Même est un titre qui se lit et se dévore comme on peut apprécier un bon vin sans pour autant être un amateur avisé. Superficiellement, on peut s'attendre à lire le quotidien banal d'un homme mur de 55 ans, à la retraite (donc fort éloigné de nos turpitudes professionnelles mais je m'égare), divorcé et aisé. Vivant à Paris dans un appartement confortable, Serge n'est entouré que d'une ex-femme, d'une petite amie trentenaire et d'un ami écrivain dépressif. Et c'est tout. Martiny divise ce quotidien en autant de petites scénettes journalières de 2 à 6 pages ou plus où Serge est omniprésent. Toujours présent pour les siens mais orgueilleux et fier, Serge a surtout peur de vieillir, de ne plus pouvoir séduire et de se sentir inutile. Je ne sais comment l'alchimie s'est opérée avec un trait si éloigné de mes affinités mais absolument tout le contenu de ce gros bouquin qui se dévore m'a séduit... Petit-Roulet utilise une ligne volontairement épurée mais maitrisée et très agréable finalement à la lecture pendant que Martiny multiplie les lignes de dialogue se succèdant à de longs silences contemplatifs. Face à la mer, à son ex-belle mère ou à son docteur, Serge est loin d'être le con odieux et réac que l'on adorerait détester mais tout simplement un homme pétri de qualités comme de défauts le rendant bien plus humain que d'autres profils plus explicites. On passe constamment du sourire au rire et de la consternation à l'empathie dans un récit rythmé et homogène. Difficile de faire apprécier un vieux bobo Parisien aux apparences égoïstes et capricieuses par un dessin aussi aride et dépouillé et pourtant le pari est remporté haut la main. Ici personne ne juge personne, libre au lecteur d'apprécier des visages si expressifs ou des situations éloquentes sans apport de paroles (une amitié est remise en cause en quelques cases et sans un mots mais chuuut). La fin en suspens pourra décevoir en premier lieu mais après réflexion, il ne pouvait pas en être autrement. Ici la mélancolie se veut réaliste et finalement pudique à défaut d'être joyeuse. Pourtant il peut s'agir d'une Happy End comme d'une fin plus sarcastique. C'est le propre de ce récit unique qui peut être lu comme une Comédie ou une Poésie de prose, le trademark des ouvrages importants indéniablement. Oui, vraiment quelle belle surprise.

11/01/2017 (modifier)