Ralentir
Une remise en question de notre mode de vie. Ralentir pour prendre le temps de réfléchir au sens que l'on veut donner à son existence, c'est ce que va faire David, par la faute d'une auto-stoppeuse marginale et sans gêne.
La BD au féminin Road movie
David est représentant commercial et vient de recevoir une proposition de promotion. Après une semaine passée loin de sa famille, il prend la route pour rentrer pour le week-end. Le temps est pluvieux et David ne se sent pas très bien. Alors qu'il s'arrête pour reprendre ses esprits, Emma, une auto-stoppeuse à l'allure marginale s'engouffre dans sa voiture. Il n'avait pas vraiment prévu ça mais, bonne âme, il accepte de faire un bout de chemin avec cette passagère encombrante.
Scénario | |
Dessin | |
Couleurs | |
Editeur
|
|
Genre
/
Public
/
Type
|
|
Date de parution | 24 Mars 2017 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
On pourrait regretter quelques facilités scénaristiques. La rencontre de deux personnages que tout oppose (David, cadre commercial à la vie réglée et pleine de rythme, Emma autostoppeuse marginale vivotant de courts CDD), dans le confinement d’une automobile, ce qui pousse à la discussion. Surtout le fait d’échouer pour passer la nuit, chez des altermondialistes accueillants, avec, là aussi, la possibilité, la nécessité d’une discussion. Mais ces petites facilités, qui aident bien le scénario, passent finalement très bien, et le message de Horellou et Le Lay – déjà auteurs de plusieurs albums « engagés » – ne tombe jamais dans le prêchi-prêcha, on reste dans la nuance et l’argumentation. Le titre prend rapidement son sens, et l’on a vite compris qu’Emma et les altermondialistes sont un peu les porte-paroles des auteurs, mais aussi que David n’est pas un être monolithique, qu’il est accessible au changement, et que c’est le travail sur la personnalité de David qui importe le plus aux auteurs. Le faire « ralentir » - mais c’est toute la société qui devrait faire cette pause réflexive – comme David – pour mieux poursuivre sa route. En cela l’accident de la route, qui coûte la vie à un automobiliste, avant qu’Emma et David ne rencontrent leurs hôtes, est un point de rupture, au mitan de l’album, assez allégorique de ce qui pourrait arriver à la société si elle ne « ralentit pas », David en étant alors l’incarnation. Une histoire simple, qui brasse des sujets sérieux et d’actualité, en douceur – personnages et dialogues « sonnent juste ». Une lecture agréable en tout cas. Seul réel bémol, la fin trop brutal – la « conversion » de David, mais aussi et surtout de sa femme, en une ou deux phrases.
Ralentir est une oeuvre dont l'idéologie véhiculée n'est absolument pas la mienne sans vouloir être péremptoire. Bien sûr, cet avis n'engage que moi dans ma liberté d'expression et en rien la modération de ce site comme tous mes avis d'ailleurs. Je tiens à le préciser avant de développer ma réflexion quant à la lecture de cette oeuvre. Il y a des auteurs qui pensent (et ils en ont tout à fait le droit) qu'il faut arrêter de courir après le travail car il y a des choses plus importantes dans la vie. Nous devons oublier de gagner de l'argent pour vivre pleinement de nos passions et de nos relations avec les autres dans une France apaisée et accessoirement bio. J'admire ce détachement propre sans doute à ceux qui n'ont jamais connu la pauvreté ou la valeur travail qui nous permet de progresser et surtout de construire quelque chose de positif. Les adeptes du revenu pour tous seront par contre réceptifs à ce discours. Ralentir nous indique qu'il faut prendre une autre voie et cette oeuvre va en faire la démonstration de manière concrète. Un père de famille prend une jeune auto-stoppeuse marginale qui lui casse son téléphone portable comme pour marquer une rébellion face à ce moyen de communication. C'est un homme rangé qui ne jure que par son travail. Le hasard des circonstances va le faire se poser. Bien entendu, le récit évitera l'écueil de la facilité en l'orientant vers un autre choix professionnel plutôt qu'une révolution anti-matérialiste. Avoir des responsabilités nécessite certainement des sacrifices qu'une certaine génération d'individus n'est pas prêt à consentir par choix idéologique. Cette bd peut produire chez les plus faibles une remise en question sur le fait de ne pas être heureux dans la vie que nous menons. Par rapport à cette réflexion qu'elle produit, cette oeuvre est utile. Je mets 3 étoiles tout en conseillant l'achat pour marquer le fait que je peux ne pas être d'accord avec une idée mais reconnaître que le débat est parfois utile.
Ralentir, dans un monde qui nous pousse à aller toujours plus vite, à être plus performant, à viser toujours plus haut, ça n’est pas si simple. La crainte d’être mis hors circuit est quelque chose de bien compris par la « matrice productiviste » conçue pour nous conduire par foules entières vers un monde aussi accueillant et lumineux qu’une publicité pour les assurances… Et gare à qui s’aviserait de quitter le troupeau ! Dans cette histoire, le VRP David, bien qu’épuisé par son métier, est prêt à se mettre « en marche » en acceptant une promotion de sa direction. Mais un enchaînement d’événements va concourir à provoquer un déclic chez ce dernier. Tout d’abord, la rencontre inopinée d’Emma qu’il va prendre à son bord, puis l’accident de voiture mortel sous leurs yeux d’un homme qui n’a pas pu « ralentir » à temps, et enfin un arrêt obligé d’une nuit (en raison des conditions météo) dans une communauté d’altermondialistes bons vivants… et quelque peu « déconnectés »… autant de hasards qui vont le conduire à s’interroger sur ses choix professionnels… Après Plogoff et 100 Maisons - La Cité des Abeilles, Delphine Le Lay et Alexis Horellou creusent leur sillon social avec leurs histoires sans prétention, dans un esprit militant empreint de bienveillance, sans volonté de culpabiliser. Avec eux, un autre monde est possible, mais c’est par l’exemple et non les grands discours que le monde changera, et « Ralentir » en est la parfaite illustration. On pourra toujours arguer que la psychologie des personnages, si attachants soient-ils, reste schématique, mais Delphine Le Lay a choisi de privilégier l’axe politique plutôt qu’intimiste. Il n’en reste pas moins que ce récit dégage une grande humanité, que Horellou, avec son trait semi-réaliste, parvient à faire ressortir à travers les physionomies, les attitudes et les cadrages. « Ralentir » aurait pu avoir comme sous-titre « Carpe Diem ». En effet, cette œuvre nous invite à suspendre le temps qui passe et à nous interroger sur notre mode de vie, nous, glorieux représentants de l’homo-technologicus, habitués de plus en plus à satisfaire nos désirs en un clic, et donc de moins en moins enclins à s’interroger voire à se remettre en question. Le progrès est une chose magnifique, mais qui a toujours exigé la monnaie de sa pièce. Quelle sera-t-elle dans les années qui viennent, étant donné que le progrès en question semble suivre une courbe exponentielle ? Ne faudrait-il pas ralentir, à défaut de s’arrêter, et réfléchir un instant ? Il va sans dire que dans une tendance globale à l’individualisme cynique et au « toujours plus », le récit du duo (et néanmoins couple) Le Lay/Horellou est rafraichissant dans sa simplicité et sa générosité d’âme.
Ralentir est un récit dans l’air du temps. On y retrouve quelques préoccupations de gens normaux : le besoin de prendre du temps pour soi, la recherche d’un mieux vivre en accord avec ses convictions, l’envie de changer le monde en commençant par ce qui nous est accessible. Par conséquent, si vous êtes en quête d’un récit d’aventure, je vous invite chaleureusement à fuir cet album. Il ne pourra pas vous satisfaire. Par contre, si vous aimez les récits de rencontres, lents, introspectifs, simples, Ralentir pourrait bien vous apporter ce que vous recherchez. A titre personnel, j’ai bien aimé le personnage principal du récit mais j’ai eu un gros problème avec son auto-stoppeuse, réellement trop chiante pour provoquer chez moi une quelconque empathie. Soyons clairs : si je devais un jour embarquer un tel spécimen, je vous la débarquerai à coup de pieds au cul sur la bande d’arrêt d’urgence illico presto. Ce manque d’empathie pour un des personnages clés du récit aura constitué un réel obstacle dans mon appréciation de l’album. Pour le reste, bin, il ne se passe pas grand-chose. L’histoire coule telle un long fleuve tranquille et son plus grand mérite à mes yeux est de permettre au lecteur de lui-même ralentir. A lire à l’occasion mais je n’en ferais pas une priorité d’achat. Un emprunt en bibliothèque me semble suffisant.
Site réalisé avec CodeIgniter, jQuery, Bootstrap, fancyBox, Open Iconic, typeahead.js, Google Charts, Google Maps, echo
Copyright © 2001 - 2024 BDTheque | Contact | Les cookies sur le site | Les stats du site