Idéal Standard
Claire, trentenaire, infirmière en néonatalogie, voit défiler ses relations amoureuses et désespère de construire un couple - le vrai, le bon, l'idéal. En choisissant de vivre avec Franck, elle croit enfin y être arrivée. Mais la réalité standardisée de ce qui l'attend n'est pas à la hauteur ! Aude Picault aborde avec grâce et humour des thèmes essentiels aux femmes d'aujourd'hui : le couple, le désir, la recherche de soi, la jouissance...
Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs Femmes d'aujourd'hui La BD au féminin
Claire, trentenaire, infirmière en néonatalogie, voit défiler les hommes pour une nuit où quelques mois. Trouver un homme pour une nuit ce n'est jamais très compliqué. Elle veut plus. Elle veut un homme à aimer au quotidien et qui l'aimerait en retour. Puis après un moment, ils construiraient ensemble une famille. Le plus difficile est de trouver l'homme qui partagera sa vie. Lors d'une soirée, elle rencontre Franck. Au début, elle est un peu distante. Puis petit à petit, ils se rapprochent pour former un vrai couple. Elle quitte son logement pour aller vivre chez lui. Au début, tout est rose, puis petit à petit des questions viennent se poser. Au lit, ce n'est pas l'extase et il n'arrive pas à comprendre que ce n'est pas seulement son plaisir à lui qui compte. Puis lorsqu'elle tombe enceinte, il lui reproche qu'elle a oublié sa pilule avant tout enthousiasme pour construire un futur à deux. C'est une goutte d'eau qui fait déborder le vase. Lui prend de plus en plus ses distances. Elle réfléchit si vraiment elle se voit encore rester avec lui pendant quelques années. Que s'est-il passé pendant ces trois années ? Il faut faire un choix et avancer, en gardant toujours en soi l'espoir d'un lendemain plus beau.
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Date de parution | 06 Janvier 2017 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Les attentes - Ce tome contient un récit complet indépendant de tout autre, publié en 2017. Cette bande dessinée a été écrite et dessinée par Aude Picault, également auteure de plusieurs autres ouvrages comme La comtesse, Parenthèse Patagone ou encore Moi Je, Intégrale : Moi je In Extenso. Il s'agit d'une bande dessinée de 147 pages, essentiellement du noir & blanc, avec quelques surfaces habillées de bleu ou de 2 teintes de jaune, et quelques touches de rose. Comme tous les matins, Claire se prépare pour aller au travail, elle est infirmière dans un service de néonatalogie. Elle applique de la crème sur son visage, se sèche les cheveux, met du déodorant, recourbe ses cils, et s'habille. Arrivée au boulot, elle papote avec sa collègue au sujet de son rendez-vous du soir. Après une soirée sympathique et une partie de jambe en l'air, elle se met à rêvasser sur la possibilité de se mettre en couple. L'au revoir matinal assez frais lui fait comprendre que ce n'est pas encore le bon. Elle a des aventures avec d'autres hommes, mais aucune qui ne dépasse les 3 mois. Elle se retrouve souvent seule dans son petit appartement parisien. Quelques temps plus tard, une autre collègue lui raconte qu'elle a acheté un appartement avec son copain. Lors d'une visite chez la gynécologue, cette dernière lui montre où Claire en est sur la courbe de fécondité en fonction de l'âge. En train de marcher sur le trottoir, elle s'imagine retrouver son mari en train de pousser la poussette, après avoir acheté un cadeau pour sa mère. Elle est bientôt klaxonnée par sa propre mère et monte dans sa voiture. Sa mère lui demande où elle en est de sa vie amoureuse, et Claire explique à nouveau qu'elle n'a pas trouvé chaussure à son pied. Plus tard, malgré un coup de déprime, elle accepte de rejoindre des copines à une soirée dans un bar, et l'une d'elles lui présente Franck dont elle décline les avances. Franck la recontacte à plusieurs reprises les jours suivants, et elle finit par se laisser tenter pour entamer une nouvelle relation, une alternative à une soupe de cresson de plus. Le lecteur a l’œil attiré par le jaune de la couverture franc, sans être trop vif, ainsi que le visage agréable de la jeune femme, souriante, sans être une caricature de mannequin, sans hypersexualisation. En feuilletant cette histoire, il constate que l'histoire repose essentiellement sur des discussions entre les personnages, mais que l'auteure a pris soin de préserver la dimension visuelle propre au média qu'est la bande dessinée, avec quelques dessins en pleine page attestant des mois qui passent, avec des pages composées de cases dépourvues de texte, laissant les images raconter l'histoire. Il observe aussi des changements de lieu assez régulier. À l'évidence, il s'agit d'une tranche de vie, mais avec un côté visuel, sans être spectaculaire pour autant. L'utilisation d'une couleur particulière (majoritairement le jaune) permet d'introduire un peu de variété visuelle, mais l'auteure ne s'en sert pas comme d'une béquille narrative pour masquer des scènes trop statiques, pour introduire artificiellement plus de changement. Elle s'en sert plus pour faire ressortir un élément, pour donner une indication sur la luminosité d'une partie de la case, ou pour augmenter le contraste entre 2 plans du dessin. Cela donne aussi une identité graphique au récit, sans pour autant l'écraser. Aude Picault a choisi un registre graphique descriptif, avec des dessins comportant un bon niveau d'informations visuelles, mais des formes simplifiées. Ainsi les visages des personnages disposent de quelques traits pour figurer les cheveux, les yeux sont souvent représentés par un simple point et les sourcils d'un unique trait. Les silhouettes sont détourées rapidement, sans essayer de rendre compte des plis ou des textures de la peau ou des tissus des vêtements. Il en découle une apparence de légèreté des dessins, et une rapidité de lecture. Pour autant les dessins apportent de nombreuses informations, à commencer par les lieux : appartement, service de néonatalogie, bureau de travail, rue parisienne. L'artiste prend soin de différencier chaque intérieur d'appartement, par l'agencement des pièces, le mobilier. le lecteur se rend compte que la représentation simplifiée des visages permet d'en augmenter l'expressivité, rendant bien compte de l'état d'esprit de chaque protagoniste, de son ressenti du moment. Les postures des personnages s'avèrent parlantes également, transcrivant le langage corporel. Le choix de dessins simplifiant les formes permet à l'auteure de représenter tous les aspects de la vie De Claire, sans jamais tomber dans le graveleux, sans donner au lecteur l'impression d'être un voyeur. Ainsi lors des relations sexuelles, elle n'hésite pas à représenter son personnage dévêtu, et même les différentes positions de l'acte (page 10 & 11) avec des partenaires différents. À nouveau le lecteur s'attache plus au ressenti De Claire qu'à ses performances ou son degré de souplesse. Ces 2 pages sont dépourvues de texte, ainsi qu'une vingtaine d'autres. Ces passages permettent de mieux apprécier la capacité de l'auteure à raconter une histoire uniquement en image. Par exemple, la page 122 est dépourvue de phylactère, et le lecteur observe Claire alors qu'elle prend connaissance des résultats du test de grossesse qu'elle vient de réaliser aux toilettes. L'expressivité des dessins fait des merveilles, et la séquence est d'autant plus prenante que l'absence de mots invite le lecteur à être plus participatif dans sa lecture, à identifier les émotions et les ressentis et à se projeter dans la situation De Claire. La lecture est rendue encore plus fluide par l'absence de bordure de case, et par l'emploi très discret et très limité de petits signes symboliques tels que de minuscules éclairs dans les yeux. La simplification des dessins et de la représentation des personnages a également pour effet de faciliter la projection du lecteur sur les protagonistes, essentiellement sur Claire, le récit en faisant le personnage principal qui apparaît dans toutes les scènes sauf 2 ou 3. Elle a aussi pour effet de dédramatiser la narration, dans la mesure où même lorsque Claire pleure, elle n'en porte les marques visuelles que le temps des cases montrant ses larmes. Pour autant, l'apparente simplicité de la narration visuelle n'est pas synonyme de simplisme. Certes, à la découverte du résumé, le lecteur se dit qu'il s'agit finalement d'une histoire très banale, celle d'une femme ayant dépassé les 30 ans et cherchant à se caser pour fonder une famille. Effectivement, il s'agit bien du but avoué De Claire, la sympathie du lecteur lui est entièrement acquise du fait de son visage souriant et de sa gentillesse. Effectivement, le récit passe par les situations attendues : la mère De Claire qui lui demande pourquoi elle n'arrive pas à rester en couple, les hommes qui rompent au bout de quelques semaines (et surtout avant 3 mois) pour éviter de s'engager, les copines qui se mettent en couple et qui ont des enfants, jusqu'à la remarque de la gynécologue adressée à Claire, sur le fait qu'elle est sur la pente descendante de la courbe de fécondité (page 20), Claire qui décide de ne plus sortir pour éviter de se faire rembarrer et même des remarques misogynes masculines. Le lecteur s'attend même à ce que l'auteure mette en parallèle ou en opposition les relations affectives vouées à l'échec De Claire, et son implication totale à s'occuper de prématurés. Mais, en fait, Aude Picoult raconte son histoire d'une manière plus personnelle, par petites touches délicates. le lecteur peut très bien s'en tenir à accompagner Claire le temps de ces 120 pages, pour observer et compatir devant ses petits soucis (et un ou deux plus gros), tout en se disant qu'elle mérite amplement de trouver une relation épanouissante. Il peut aussi être sensible aux petites remarques, aux petites blessures du quotidien qui font d'autant plus mal qu'elles n'ont rien d'intentionnelles de la part de ceux qui en sont à l'origine. Effectivement les copines et les collègues De Claire lui parlent de leur vie, de la progression de leur couple, de leur grossesse, parce qu'il s'agit de leur quotidien. C'est l'accumulation de ces conversations à bâton rompu qui finit par peser sur Claire, par faire ressortir que sa vie ne se déroule pas selon le schéma normal de celles des femmes de sa tranche d'âge. Effectivement, Franck accueille Claire bien gentiment dans son appartement, et il semble un peu oublieux de quelques détails, mais sans penser à mal. Finalement il accepte à contre cœur qu'elle ne souhaite pas pratiquer la sodomie, mais sans que cela ne se transforme en rancoeur. Effectivement il lui promet un voyage en Toscane qui se transforme en séjour dans la maison de vacances de ses parents, en leur présence, mais sans volonté de se montrer pingre, encore moins méchant. À nouveau c'est l'accumulation de petits détails qui finit par montrer que le degré d'implication de son compagnon dans leur vie de couple n'est pas à la hauteur de celui De Claire. Il n'est pas foncièrement méchant, il est juste satisfait de la présence De Claire dans sa vie, sans rechercher plus. Dans le même temps, il procure à Claire une grande partie de ce qu'elle attendait : une vie de couple dans le même appartement, des fêtes de Noël en famille, des vacances ensemble, etc. C'est tout l'art de l'auteure que de faire ressentir l'intense déception De Claire quand elle comprend que ce n'est pas Franck qui a choisi et acheté son cadeau de Noël, mais la mère de Franck. Avant même que ne se pose la question de la grossesse, Aude Picault pose la celle qui est centrale dans un couple : il faut faire des concessions, mais jusqu'où ? Lors de la lecture, il est également possible de regarder chaque scène sous l'angle de vue sous-entendu par le titre. L'idéal standard renvoie au fait que la société fait peser sur chaque individu des attentes implicites, à l'aune de valeurs tacites. Chaque petite remarque de l'entourage De Claire s'apparente au constat d'un décalage minime par rapport à cet idéal implicite. Sans que son entourage ne le fasse de manière consciente, il renvoie à Claire des signaux de sa différence. L'accumulation de ces petits détails agit sur la représentation qu'elle peut se faire d'elle-même, la poussant à les interpréter comme autant de preuves d'un échec global. Elle se sent en situation d'échec, incapable d'accéder à cet idéal standard que promeut sournoisement la société. L'intelligence narrative du récit est d'acculer le personnage à ce constat par petites touches, générant un malaise sourd, sans jamais donner l'impression d'attentes sociales contraignantes. Finalement cette incapacité à se conformer à l'idéal standard ne peut qu'être intrinsèque à Claire, une sorte de malfaçon impossible à compenser, la rendant impropre à combler les attentes des personnes composant son entourage, alors que ses copines progressent sur la bonne voie. Ce ressenti pèse sur Claire au point qu'elle perde confiance en elle, y compris dans le domaine professionnel, pourtant détaché de la sphère privée, dans une scène déstabilisante (page 131-132) malgré sa douceur. Effectivement, Claire n'est pas tombée sur le meilleur des hommes. Franck porte en lui un relent inconscient de misogynie passive, se conduisant de comme si la place des femmes est aux tâches ménagères, ainsi qu'une forme bénigne d'immaturité qui se traduit par un manque d'attention au besoin de sa compagne, une forme d'inertie qui se traduit par un manque de participation à construire un couple. Il rit de bon cœur aux propos phallocrates de son copain au boulot. de son côté, Claire n'est pas toujours tendre vis-à-vis des femmes qui se maquillent comme des camions pour se conformer aux canons de la mode. Elle prend bien conscience de l'aliénation que constitue le fait d'élever de jeunes enfants, nécessitant une implication de tous les instants. Elle juge de manière sévère le couple formé par les parents de Franck, qui vivent une relation pragmatique, dépourvue d'affection romantique. Elle est en butte au comportement de sa mère qui déplore que sa fille n'arrive pas à se caser, mais qui lui déclare aussi que si c'était à refaire, elle n'épouserait en aucun cas son mari. Cette remarque honnête a pour conséquence de tirer un trait sur l'existence de sa fille, sans une arrière-pensée. Le lecteur se plonge avec plaisir dans cette histoire très facile à lire, procurant le plaisir d'une relation agréable avec une jeune femme sans problème. Il apprécie les dessins épurés et pourtant consistants. Il regarde Claire se heurter en douceur aux attentes implicites de la société, sous la forme de remarques anodines et innocentes, et sous la forme de l'évolution de la vie de ses copines. Il la regarde se heurter aux exigences implicites de la société, la contraignant à adopter des comportements pour se conformer à ces attentes. L'empathie fonctionne à plein pour cette sympathique personne dont la vie refuse de suivre le chemin tout tracé.
Le neuvième art est un art de l'essentiel. L'auteur ne peut pas s'y étendre sur des centaines de pages comme le romancier, il faut couper, éluder, suggérer ce qui se passe entre les cases. On reproche parfois à la bd d'être trop réductrice, d'user de personnages à la psychologie stéréotypée et de raccourcis scénaristiques. C'est qu'il est difficile de faire entrer la complexité du monde dans de petites cases. Il faut dès lors reconnaître aux meilleurs auteurs le talent de savoir dire plus avec moins, d'aller à l'essentiel tout un suggérant dans le détail. Cette impérieuse contradiction me semble parfaitement illustrée par "Idéal standard" d'Aude Picault. Voici une bande dessinée romanesque et psychologique sans récitatif, dont le graphisme, le découpage, le côté épuré des décors vont à l'essentiel mais n'oublient pas ces détails qui donneront corps au récit et à la psychologie de son héroïne : le sous-entendu d'une parole, le caractère métaphorique d'une situation, l'attitude contradictoire d'un personnage, un décadrage, la subtile ellipse temporelle entre deux cases... Cette histoire de célibataire en pleine crise de la trentaine ne passionnera sans doute pas à priori tout le monde, mais n'importe quel amateur de bd devrait sans peine reconnaître à Aude Picault une haute maîtrise de cet équilibre difficile entre le détail et l'essentiel qui lui permet de dépasser son sujet et d'avoir un vrai propos. On n'a pas ici affaire à un ultime avatar du Journal de Bridget Jones, on n'est pas dans la comédie romantique de base, "Idéal standard" met en scène avec force les contradictions de la femme occidentale postmoderne et sa difficulté à trouver l'épanouissement personnel, tiraillée sans fin entre idéal féministe et conformité sociale.
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