Artemisia
Une biographie militante explorant la vie tumultueuse d'Artemisia Gentileschi, une artiste-peintre hors-normes qui, bien que femme, parvint à s’imposer par son talent et sa personnalité.
1454 - 1643 : Du début de la Renaissance à Louis XIII Biographies Féminisme Italie La BD au féminin Mirages Peinture et tableaux en bande dessinée Pionnières
L’incroyable destin de la première femme peintre officiellement reconnue par l’Académie. Épaulée par le dessin sublime de Tamia Baudouin, Nathalie Ferlut nous emmène sur les traces d’une artiste hors du commun. Lorsque Artemisia Gentileschi pousse son premier cri, le Caravage commence à développer son art magnifiquement ténébreux. La peinture est alors un art réservé aux hommes : une femme ne peut ni entrer à l’Académie, ni signer ses toiles, ni être payée pour elles. C’est pourtant ce que l’une d’entre elles va faire… Sa force lui permettra de triompher de tout et de tous, et de révéler au monde une peinture dont la puissance n’a rien à envier à celle des hommes.
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Date de parution | 16 Juillet 2017 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Contrairement à mes collègues, je connaissais la peintre, Artémisia Gentilleschi, pour son tableau que l'on entrevoit derrière le rideau de la couverture : celui de Judith décapitant Holopherne. Un tableau "à la Caravage", où l'artiste n'a pas peur de montrer les plaies, où la servante et la maîtresse forcent comme un chirurgien à l'ouvrage. Cet épisode de l'ancien testament, n'est en effet pas très souvent représenté par la peinture. Bethulie est assiégée, et la femme la plus riche et la plus belle de la cité, Judith, se met en marche avec ses cruches pleines de vin et va souler le général Romain Holopherne, lui faisant miroiter une nuit qui sera bien différente de celle qu'il espère. Une fois l'homme hors d'état de nuire, elle le décapite avec l'aide de sa servante et rapporte la tête à l'intérieur de la ville. Bref, pas étonnant que ce soit une femme qui aie choisi ce thème. (et même plusieurs à sa suite). Pas étonnant non plus qu'aucun homme ne se soit senti inspiré par la scène. Cette bande dessinée raconte l'histoire de cette peintresse, elle-même fille de peintre, Artémisia, qui vit à la renaissance où beaucoup de portes sont fermées aux femmes qui cherchent l'autonomie financière ou sexuelle. Comme beaucoup de femmes, à toutes les époques, elle est violée par un "ami" de la famille et elle trouve donc dans la peinture religieuse, le moyen inespéré d'obtenir une certaine réparation pour le mal subi : elle peint la scène de Judith décapitant un Holpherne avec la tête de son violeur qui devient pour l'éternité l'ennemi de la communauté. J'ai donc lu avec curiosité l'histoire de cette artiste, intriguée que j'étais par ce tableau réaliste, où les femmes sont représentées non comme des modèles de beauté, mais comme des personnes au travail, au service inconfortable de la collectivité... L'histoire est racontée par la fille d'Artémisia, Prudenzia, comme un message qui nous est remis, à nous les femmes : un fil de courage et de prudence qui nous relie à cette Histoire et qui nous oblige. En tout cas un message reçu 5/5 par les deux autrices de cet album. J'ai apprécié l'élégance du dessin, parfois figé et pâle et parfois munificent, dans la richesse des habits ou le contraste des lumières sous les arbres... Un beau début qui promet !
Je ne connaissais absolument pas cette dame (et j’ai dû faire une recherche pour vérifier que ce n’était pas un personnage fictif), et cet album a eu le mérite de me la faire découvrir, talentueuse femme peintre, au cœur de l’Italie de la fin de la Renaissance. Le portrait qui en est dressé ici en fait non seulement une pionnière en matière de peinture (première à obtenir une reconnaissance officielle, avec son entrée à l’Académie), mais aussi une femme forte qui, malgré les blessures (misogynie des milieux artistiques et religieux, père admirant son travail mais absent pour le reste, viols répétés d’un peintre collaborant avec son père, etc.), a su surmonter chaque épreuve avec une belle volonté. J’ai moins apprécié le dessin, plutôt inégal. Les décors, et surtout les vêtements son très réussis (on croirait des gravures de mode parfois), mais les corps beaucoup moins. Souvent figés, avec des visages souvent ratés et pas toujours aisément reconnaissables (alors que parfois ils sont détaillés : irrégularité gênante pour le lecteur). Mais, malgré des défauts, c’est quand même un album qui ne manque pas d’intérêt.
J'avoue mon ignorance ; je ne connaissais pas du tout cette Artemisia Gentileschi et j'ignorais totalement l'existence d'une femme peintre parmi les grands noms des artistes classiques italiens. Elle a vécu dans la première moitié du 17e siècle, époque où les femmes n'avaient pas le droit de peindre d’œuvres religieuses ou historiques, et n'avaient même pas le droit d'acheter de pigments ou de matériel de peinture. Autant dire que sa force de caractère, sa carrière artistique et même sa vie intime font d'elle une figure incontestable du combat féministe. Et c'est ainsi qu'elle est présentée dans cet album, non pas comme une militante de la cause des femmes contre celle des hommes mais plutôt comme une artiste qui ne voit pas pourquoi son sexe devrait l'empêcher de faire preuve de son art de manière différente de celle des hommes. Et effectivement, sa vie est exemplaire sur ce plan là. A noter aussi que plusieurs de ses œuvres la représentent elle en train de se venger d'un autre artiste qui l'a violée et trahie dans sa jeunesse, la mettant en scène sous le rôle de personnages mythologiques en train de le tuer ou retrouvant la tête décapitée de ce dernier dans un panier à légumes. Quand je vous dis qu'elle avait du caractère. Maintenant, au-delà du contenu qui est instructif et intéressant, la forme m'a déçu. Le dessin est inégal mais le plus souvent très moyen. Les personnages surtout sont assez moches et régulièrement difficiles à identifier au premier coup d’œil. Et pourtant les couleurs et motifs des vêtements et des décors sont en général plutôt jolis. Et il y a aussi certaines cases ou planches entières qui paraissent nettement plus soignées et belles que les autres, notamment au niveau des costumes. Cela m'a marqué car autant j'ai trouvé beaucoup de planches assez laides, autant d'autres m'ont paru tellement meilleures que je me demandais si c'était la même dessinatrice ou s'il n'y avait pas au plusieurs mois de décalage entre le dessin des unes et des autres. Je reste donc mitigé vis-à-vis de cet album qui présente une femme vraiment intéressante et son histoire marquante, mais dont la forme peut parfois rebuter et amoindrir le plaisir de lecture.
Ni le récit, ni le graphisme ne m'ont guère convaincu. La lecture s'est tout de suite révélé assez pénible et fastidieuse. Le dessin m'a paru assez fade, naïf et parfois les traits disproportionnés. Tout cela est très figé comme gravé dans du marbre. Il s'agissait de faire le portrait d'une féministe avant l'heure à savoir l'une des plus grande artiste peintre italienne du XVIIème siècle. Le sujet aurait pu être intéressant avec une autre mise en scène. Dans le même genre et sur le même sujet mais avec une plus incontestable réussite, il y a le manga Arte que j'adore. Oui, c'est un manga mais mieux vaut quelque chose de bon que de mauvais et quelque soit le support.
On peut parfois se demander si les choses ont vraiment changé depuis l’époque où cette femme dût se battre bec et ongles pour obtenir la reconnaissance de ses pairs mâles, pour qui le talent semblait intimement lié à la testostérone. Il suffit de voir comment aujourd’hui encore, la bande dessinée reste majoritairement un domaine réservé à la gente masculine dont l'attitude vis-à-vis des femmes oscillera le plus souvent entre le simple haussement d’épaules et une certaine condescendance… Pour cet album, le fait qu’il soit réalisé par deux femmes n’est pas tout à fait un hasard. Le scénario est signé par Nathalie Ferlut, également dessinatrice et active depuis une bonne décennie, à l’origine de l’excellente biographie « Andersen, les ombres d'un conteur », parue il y a un an chez Casterman. Aux pinceaux on retrouve une nouvelle venue, Tamia Baudoin, également connaisseuse dans le domaine de la mode, ce qui se ressent dans son dessin où elle porte un soin particulier aux vêtements. On pourra toujours lui reprocher un certain amateurisme sur le plan des visages ou des attitudes, mais globalement, son graphisme passe plutôt bien grâce à un traitement des couleurs harmonieux. Pour ce qui est du récit, on suit avec intérêt l’histoire de cette femme à la personnalité hors du commun, qui, tout en se hissant au niveau du Caravage par son talent, sut défier et surmonter l’arrogance des goujats qu’elle croisa sur son chemin, en particulier Agostino Tassi, peintre lui-même, ami de son père et violeur occasionnel… Depuis quelques temps, les BD valorisant la place de la femme – on peut dire « féministe », ce n’est pas un gros mot, et les défenseurs de la cause ont quelque peu évolué par rapport à l’époque du MLF - semblent gagner du terrain. Est-ce juste une impression ou le fruit du hasard ? Ces derniers temps on peut noter quelques exemples : la série Culottées de Pénélope Bagieu, les biographies de Catel et Bocquet (Olympe de Gouges, Joséphine Baker…) ou encore Les Cent Nuits de Héro d’Isabel Greenberg. Faut-il y voir une volonté de la part des éditeurs de faire contrepoids à la polémique récente qui a perturbé le doux ronron du « festi-mâle » d’Angoulême ? On aimerait le croire… Quoiqu’il en soit, « Artemisia », sans être le chef d’œuvre de l’année, demeure un ouvrage recélant un charme certain, d’un intérêt historique et artistique indéniable, ne serait-ce que pour vérifier que le féminisme a finalement toujours existé à travers des électrons libres, telle l’artiste décrite ici, avant de devenir le mouvement fédérateur qui naquit au XIXe siècle, pour ensuite gagner en notoriété dans les années soixante.
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