Ces jours qui disparaissent
2017 : Prix des Libraires de bande dessinée Une course poursuite contre le temps perdu... Que feriez-vous si d'un coup vous vous aperceviez que vous ne vivez plus qu'un jour sur deux ?
Prix des Libraires de Bande Dessinée
C'est ce qui arrive à Lubin Maréchal, un jeune homme d'une vingtaine d'années qui, sans qu'il n'en ait le moindre souvenir, se réveille chaque matin alors qu'un jour entier vient de s'écouler. Il découvre alors que pendant ces absences, une autre personnalité prend possession de son corps. Un autre lui-même avec un caractère bien différent du sien, menant une vie qui n'a rien à voir. Pour organiser cette cohabitation corporelle et temporelle, Lubin se met en tête de communiquer avec son « autre », par caméra interposée Mais petit à petit, l'alter ego prend le dessus et possède le corps de Lubin de plus en plus longtemps, ce dernier s'évaporant progressivement dans le temps... Qui sait combien de jours il lui reste à vivre avant de disparaître totalement ?
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Date de parution | 13 Septembre 2017 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Vous savez, s’il prend votre place, c’est que vous le laissez faire. - Ce tome contient une histoire compète et indépendante de toute autre. La première édition date de 2017. Il a été entièrement réalisé par Timothé le Boucher. Il comprend 192 pages de bande dessinée en couleurs. Il s'agit de la troisième bande dessinée de l'auteur, après Skins Party (2011), Les Vestiaires (2014). Sur la scène d'un théâtre, sous les yeux du public, Lubin Maréchal habillé d'une robe blanche et d'une coiffe réalise un numéro d'acrobatie, sur une cage à oiseau géante. Il laisse tomber sa robe ; il porte en-dessous un juste au corps blanc. Il danse avec sa robe qui a retrouvé du volume. Il effectue des figures au sommet de la cage, et tombe lourdement quand elle casse. En coulisses, les autres acteurs sont inquiets, mais Maréchal se relève et le spectacle peut continuer. le lendemain il se réveille à 07h45 et se dépêche de s'habiller et de partir à vélo, pour gagner son pari d'arriver avant son copain Léandre pour prendre leur service à la caisse du supermarché Smart Shop où ils travaillent. Lubin est particulièrement fier de lui car il s'assoit une minute avant Léandre à son poste. Ce dernier lui fait observer qu'il a perdu son pari car il a 23 heures et 59 minutes de retard. Lubin met un peu de temps à comprendre et encore plus à le croire : ce n'est pas le lundi 02 septembre, mais le mardi 03 septembre. Il a perdu un jour de sa vie. Léandre et Lubin aident le livreur à décharger son camion. Le soir ils récupèrent quelques invendus périmés pour leur repas, Lubin ayant invité Gabrielle à manger chez lui. Lubin rentre chez lui à vélo. Il reçoit Gabrielle et ils passent au lit avant de manger. Il se réveille le lendemain, un peu surpris que Gabrielle ne soit plus dans lit et qu'elle ait déjà récupéré ses affaires. Il consulte le calendrier de l'ordinateur et il doit se ranger à l'évidence : il n'a aucun souvenir du mercredi. Il se rend au supermarché où il est reçu par Andrès qui lui fait la morale sur l'assiduité et qui lui donne son congé. Lubin donne rendez-vous à Léandre à 18h00 au Mantra. À 18h00, les 4 membres de la troupe de spectacle se retrouvent au café. Ils passent en revue les raisons plus au moins fantaisistes qui pourraient expliquer l'absence de Lubin pendant 2 jours. Comme ils doivent se produire le lendemain à Bruxelles, Pedro & Alexandra proposent de passer chez lui pour venir le chercher. Avant de rentrer chez lui, il envoie un texto à Gabrielle, mais il reste sans réponse. Lubin se réveille en ayant encore perdu une journée, celle du vendredi. Il appelle Léandre qui lui indique que quand ils sont venus le chercher le vendredi, il n'y avait personne dans son appartement. Quelle étrange expérience de lecture. La couverture semble annoncer un conte fantastique, avec un jeune homme à moitié entré dans l'eau, de la verdure derrière lui, et un double maléfique qui se reflète. Le choix des couleurs est étrange avec une végétation violette et une onde orange. L'entrée en matière déstabilise tout autant avec 5 pages muettes (sans texte) comme si le lecteur assistait réellement au spectacle. Il assistera d'ailleurs à un deuxième spectacle, tout aussi muet, de même nature durant les pages 102 à 107. Il suppose que ces scènes ont une valeur métaphorique, celle d'un récit dans le récit, provoquant une mise en abîme dont il ne peut pas soupçonner le sens du fait qu'il s'agit de la première scène, et qu'il ne dispose pas d'autres séquences auxquelles la rattacher. Il apprécie la qualité de la narration visuelle, pouvant suivre la logique d'enchaînement des mouvements dans l'évolution de Lubin Maréchal. Il apprécie aussi la forme d'épure des dessins (avec des traits de contours fins et élégants) apportant une touche d'onirisme au spectacle. Timothé le Boucher sait donner une apparence simple et immédiatement reconnaissable à ses personnages, en jouant sur la couleur de leur peau, la forme de leur coiffure, leur couleur de cheveux, mais aussi leur morphologie (la silhouette d'Alexandra est plus étoffée, Pedro est plus grand et plus costaud). Il n'hésite pas à faire apparaître les marques de l'âge sur les visages et même dans la façon de se tenir, par exemple pour Josiane, la mère adoptive de Lubin, ou pour Lubin lui-même au fur et à mesure des années qui passent. Il donne un air assez jeune aux principaux personnages : Lubin, Gabrielle, Tamara, Léandre, Pedro, Alexandra, avec des traits de visage proches de la ligne claire et une discrète influence manga pour des éléments éparses, par exemple la chevelure de Léandre. Le lecteur adulte peut se retrouver un moment décontenancé car la représentation des personnages semble être à destination de jeunes adolescents, voire tout public. Le dessinateur montre bien quelques personnages dénudés, mais les caractéristiques sexuelles sont très atténuées et se limitent aux fesses et à la poitrine. En outre, il utilise des couleurs assez douces, voire un peu ternes, à l'exception de la chevelure rousse de Tamara. Il exagère un peu les expressions de visage, de manière à ce que l'état d'esprit du personnage soit plus clair. Il n'y a que dans le dernier quart du récit que les personnages ont des gestes plus mesurés, attestant qu'ils ont pris de l'âge. Les éléments de décors sont également détourés par des traits très fins, et l'artiste n'utilise que très rarement les aplats de noir, préférant foncer la teinte d'une zone par endroit pour figurer les ombres portées. Néanmoins, s'il prête attention aux différents environnements, le lecteur constate que Timothé le Boucher ne se contente pas de les tracer à la va-vite. Après la scène de théâtre, le premier environnement d'importance est la chambre / salon de l'appartement de Lubin. Dans un premier temps, le lecteur peut rester dubitatif devant sa grande taille. Les meubles sont, comme le reste, détourés avec des traits fins, et la mise en couleurs reste un peu terne, sans chercher à faire ressortir chaque objet par rapport aux murs du fond ou au plancher. Le lecteur intègre donc ce décor de manière machinale sans plus y prêter attention. S'il s'y attarde à l'occasion d'une case, il remarque les différents objets et accessoires, reflétant bien la personnalité de Lubin. Or par la suite, une remarque de Lubin l'incite à y prêter un peu plus d'attention et il se rend compte qu'il y avait des informations visuelles juste sous ses yeux. Sans en avoir l'air, Timothé le Boucher réalise des décors consistants, établissant des lieux concrets et uniques : le balcon de l'appartement de Lubin, les façades d'immeubles des rues qui constituent des paysages urbains différents suivant les quartiers, l'aménagement de l'appartement de Gabrielle qui reflète également sa personnalité, le viaduc autoroutier au-dessus de la rivière encaissée pour se rendre chez la mère de Lubin (page 40), le réseau routier quand Gabrielle emmène Lubin en weekend, le parcours de jogging de Tamara, les Champs Élysées pour le défilé du 14 juillet, les lieux de répétition de la troupe d'acrobates, la maison à la campagne de la mère de Lubin, etc. Le récit se prolongeant dans le futur par rapport au temps présent du lecteur, il peut également faire comme Lubin et regarder autour de lui pour voir les stigmates des avancées technologiques, discrets mais bien présents. En dépit d'une apparence gentille et tout public, la narration visuelle de Timothé le Boucher repose sur de nombreux éléments visuels brossant des personnages et des environnements tangibles et bien formés. Le lecteur plonge donc bien volontiers dans ce récit de dédoublement de la personnalité, avec une tonalité dédramatisée grâce à une narration bienveillante. L'auteur ne tergiverse pas sur la situation de Lubin Maréchal : sa conscience n'est présente qu'un jour sur deux, et une autre conscience ou une autre personnalité habite son corps et l'utilise les autres jours. Le lecteur accorde bien volontiers la suspension d'incrédulité nécessaire pour accepter ce postulat. Il suit donc Lubin alors qu'il essaye de comprendre ce qui lui arrive, de s'en accommoder dans sa vie (semi)quotidienne. Il essaye de communiquer avec son autre lui-même, et de faire comprendre à ses amis ce qui lui arrive. Il fait des propositions concrètes à son autre lui-même pour une vie en bonne intelligence : que l'autre continue à s'entraîner un minimum pour que lui puisse continuer à être un acrobate de haut niveau, essayer de maîtriser son régime alimentaire car il est végétarien, etc. Les deux personnalités finissent également par aller consulter le même psychologue (la docteure Thalmann) pour trouver une solution. Le lecteur se rend bien compte que le récit est raconté exclusivement du point de vue du Lubin acrobate, et même à sa manière, avec sa personnalité. De ce point de vue, les dessins évidents et la bienveillance générale de la narration reflètent l'état d'esprit de Lubin acrobate. Timothé le Boucher s'amuse bien avec les moments de gêne des amis de Lubin ou de sa famille, qui finissent par accepter son état, ce qui conforte le lecteur dans le fait d'en faire de même. La personnalité de l'autre Lubin se révèle différente de l'initiale, plus pragmatique, mieux organisée, plus responsable. Du coup il prend en charge les formalités administratives du quotidien et le ménage, et commence même à gagner de l'argent, que des avantages pour Lubin acrobate. Le scénariste se montre encore un peu plus facétieux du fait que l'un comme l'autre entretiennent des relations amoureuses, mais pas avec la même femme, ce qui génère des situations délicates, à nouveau sans dramatisation larmoyante. Le lecteur sourit quand Lubin acrobate se réveille un matin avec les cheveux courts (l'autre étant passé chez le coiffeur pour être plus présentable), ou quand il décide de se faire faire un tatouage sur le dos en sachant que l'autre n'aime pas ça, ou encore quand l'un se bourre la gueule la veille au soir en sachant que l'autre souffrira de la gueule de bois le lendemain. Le décalage entre les deux personnalités nourrit des métaphores, à commencer par une opposition entre la vie décontractée de Lubin acrobate, et celle plus responsable de l'autre Lubin. Il se produit une comparaison entre un individu ayant suivi une voie d'artiste refusant une forme de conformisme social, avec un autre plus productif dans la société. Néanmoins, ce n'est pas un récit à charge contre Lubin acrobate, car c'est celui que préfère ses amis, sa sœur, et même Insecte & Prêchant, les chiens de sa mère. C'est aussi celui que préfère la rousse flamboyante. Ainsi Lubin acrobate reste le héros de sa propre vie, la personnalité à partir de laquelle le récit, et donc le lecteur, porte un jugement sur les événements. La gentillesse de Lubin acrobate éprouve toutes les difficultés à accepter l'intérêt très personnel de 2 psychologues successifs qui le prennent en charge plus pour les papiers qu'ils vont pouvoir écrire dessus, que pour le soigner, encore moins par empathie. Il reste aussi un héros au sens romanesque du terme, dans la mesure où le récit repose bel et bien sur une intrigue. Celle-ci ne se limite pas à savoir si la coexistence entre les 2 Lubin peut être pérenne, ou si Lubin acrobate retrouvera son état normal. Il se produit des événements qui viennent remettre en cause l'équilibre entre les 2, parfois au détriment de Lubin acrobate. Le lecteur ressent alors une compassion pleine et entière pour lui, car son caractère ne lui a pas appris à se défendre contre ce genre d'événements ou de comportements d'autrui. Le lecteur est pris de pitié pour Lubin acrobate, souffre de le voir ainsi rabaissé et exploité, alors qu'il fait contre mauvaise fortune bon cœur, face à ces injustices. En fonction de ses inclinations, le lecteur peut être plus ou moins attiré par la couverture, ou le résumé de la quatrième de couverture, et dans tous les cas surpris par le décalage qui se produit à la lecture, par rapport à ces présentations. Il se prend vite d'amitié pour Lubin Maréchal, jeune homme éminemment sympathique et facile à vivre, et pour ses amis qui le soutiennent. Il s'adapte progressivement aux dessins à l'apparence gentille, car ils forment une narration visuelle solide et riche. Il apprécie les situations successives qui dessinent des métaphores sur la façon de voir la vie, sur les valeurs morales de l'individu, alors que l'intrigue sous-jacente le tient en haleine. Il est épaté par la manière dont l'auteur met à profit la longueur de son récit, jusqu'à la mort naturelle de Lubin. Il termine sa lecture, attristé de devoir faire le deuil de Lubin et de ce qu'il représente, ainsi que du principe de réalité qui s'est imposé à lui, à a fois Lubin, à la fois le lecteur lui-même.
Quelle belle lecture ! Je suis resté scotché à la série de Timothé le Boucher grâce à un scénario que j'ai trouvé d'une rare intelligence. Pourtant l'accroche n'est pas vraiment extraordinaire. En effet le graphisme ne m'a pas saisi d'émotion et le thème de la double personnalité est assez visité depuis des lustres comme le montre le personnage de Smeagol/Gollum chez Tolkien. Mais voila, la mécanique progressive que met en place l'auteur a eu le don de m'emprisonner dans ses filets. Le Boucher construit son récit avec beaucoup de finesse en installant une progression qui accentue le sentiment dramatique de la perte de contrôle de Lubin sur son existence. Le paradoxe est que plus Lubin2 gagne en jours, moins il est présent à l'image mais plus son ombre gagne en puissance. La force du récit est de nous faire réfléchir pour aller au-delà des apparences. En effet plus le récit avance et plus notre empathie et notre sentiment d'injustice vis à vis de Lubin1 grandit jusqu'à une remise en cause totale de nos certitudes dans la scène clé du psychiatre. Le final ne donne pas la clé mais saisit d'émotion sur plusieurs interprétations possibles. Le Boucher parsème son récit d'éléments sociétaux contemporains comme les couples homosexuels ou les couples mixtes ainsi qu'une allusion aux genres à travers une femme à barbe assez curieuse. Ces digressions sont assez marginales dans l'idée directrice ou la construction du récit. Personnellement je privilégie les scénarii originaux et bien construits de bout en bout à un visuel abouti mais vide de sens. Je me suis régalé avec les propositions de l'auteur. C'est graphiquement maîtrisé mais sans grande originalité cette fois. Une lecture intelligente qui m'a vraiment séduit. Un 4 que j'aurais poussé avec un graphisme plus sexy.
« Ces jours qui disparaissent » est l'album qui a révélé TLB et on comprend facilement pourquoi après l'avoir lu. Dès les premières pages, le lecteur est happé par l’intrigue qui voit un jeune danseur, Lubin, confronté à des amnésies récurrentes suite à une chute lors d’une répétition. Cette histoire au départ assez ordinaire basculera rapidement vers le fantastique dès lors que Lubin se rendra compte qu’un double essaie de prendre sa place pendant son sommeil. Qui plus est, ses périodes amnésiques ne cesseront de s’amplifier avec le temps, ce qui aura des conséquences dévastatrices sur son quotidien. On ne peut en dire plus au risque de « divulgâcher » mais force est de reconnaître que Timothé Le Boucher a produit là un scénario irréprochable, où le suspense va croissant jusqu’à la fin, plongeant le lecteur dans un malaise qui pourrait même s’apparenter à de la terreur, terreur qui ne reste que psychologique car ici il n’est pas question de monstres hideux sortis tout droit de l’enfer ! Et si l’auteur suscite en nous de telles réactions, c’est parce qu’il aborde ici des thèmes qui, sous cet enrobage fantastique, font vaciller nos certitudes quant à notre identité profonde. La question du double est bien sûr dominante, un thème angoissant souvent repris par la littérature fantastique et la pop-culture, on pense notamment au célèbre « Docteur Jekyll et Mister Hyde » de R.L. Stevenson ou encore au « Portrait de Dorian Gray » d’Oscar Wilde. Mais d’autres sujets passionnants apparaissent en filigrane tout au long du récit, tels que l’amour (qu’est-ce qui fait qu’on est aimé par notre conjoint ?), l’amitié (à l’épreuve des années…), la vieillesse et la tragique fuite du temps (une notion que les moins de 40 ans ne sauraient appréhender aisément…)... Timothé Le Boucher n’apporte pas forcément de réponses mais fait preuve d’une certaine finesse dans son approche. A ce titre, on peut ressentir une certaine frustration, car si le double de Lubin apparaît au début (la scène de la vidéo), on ne saura rien de sa réelle existence (que fait-il vraiment lorsque sa « proie » dort ?). Peut-être l’auteur a-t-il délibérément maintenu cette part de mystère pour laisser à chacun le soin d’imaginer sa propre version, et après tout, c’est bien Lubin le personnage central de l’histoire… Cette finesse dans l’approche de l’auteur se répercute dans sa ligne claire gracile aux accents manga. Certes, il n’y a rien de particulièrement innovant dans le style, et Le Boucher privilégie à l’évidence simplicité et lisibilité, mais il émane de son dessin une délicatesse qui lui est propre et charmera ceux qui sauront la percevoir. La mise en page et et la couleur sont à l’avenant, et on ne pourra qu’apprécier cette disposition de l’artiste à éviter le tape-à-l’œil et l’esbroufe. « Ces jours qui disparaissent » s’impose comme une œuvre incontournable, incontestablement la plus emblématique de Timothé Le Boucher à ce jour. Même si ses productions postérieures ne l’égalent pas en qualité, elles exercent toutes une certaine fascination, le plaçant dans la catégorie des auteurs qui comptent dans le neuvième art.
Malgré un graphisme qui ne m'attirait vraiment pas, j'ai adoré cet album. Un jour le personnage central, Lubin, développe une deuxième personnalité, qui prend sa place un jour sur deux avec une régularité de métronome. Ceci étant posé, si vous pensez que c'est la recherche de la cause de cette "affection" ou d'une solution médicale ou psychologique qui sera le sujet de cette histoire, alors vous faites fausse route. Lubin, un peu passif, accepte en effet de subir cette situation comme s'il n'y avait pas de solution, et c'est la cohabitation de ces deux personnalités et les problématiques qu'elle pose - organisation quotidienne, vie amicale, travail, famille, petites amies, etc. - qui occuperont une assez large première partie. Mais bientôt cette coexistence devient difficile, et le deuxième Lubin prend le pas sur l'original, et ce d'une manière croissante. Le jour sur deux d'existence devient un jour sur trois, quatre, cinq, et la vie du Lubin d'origine se réduit à peau de chagrin, et nous avons là la deuxième partie du récit. On pensera inévitablement à L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde, mais ici, même s'il y a de la tension, on n'est absolument pas dans le même registre. Cette deuxième partie occupera tout le reste de la vie de Lubin. Le récit prend ici des allures de voyage dans le temps, puisque selon son point de vue le Lubin original revient en faisant des sauts dans le temps de plus en plus espacés. Du coup le monde change, ses relations vieillissent, le deuxième Lubin vit sa vie, et c'est l'original qui est devenu l'intrus, anomalie qu'il faut éliminer. Et la fin, que dire de la fin ? Ahlala, qu'elle est bien trouvée et mise en scène, cette fin ! Belle et sombre, désespérément belle, atrocement sombre... Une excellente surprise, donc que cette histoire qui mêle des thématiques diverses, et qui parvient - très bonne idée - à nous faire voyager dans le temps sous couvert de schizophrénie.
Wouah, et Wouah, et Wouah encore. Vraiment, je suis soufflé. C'est assez étrange comme certaine BD peuvent vous attraper parfois, sans vous lâcher, et vous laisser ensuite quelque chose en tête que vous ne parvenez pas à déloger. Comme une pensée qui revient vous démanger la réflexion pendant deux semaines. Voila plus ou moins l'état d'esprit dans lequel je suis depuis cette lecture. Ce qui est curieux, c'est que je n'ai pas vraiment été pris au début, trouvant le style de dessin très proche (trop proche) de Bastien Vives. L'idée de base me rappelait d'autres scénaris ... Bref on partait sur des mauvaises bases. Mais à partir du moment où l'histoire enclenche son rythme ... J'ai été vraiment sur le cul. C'est très rare de trouver ce genre d'histoires, où l'on suivra le "perdant" et l'enfer qu'il connaitra, voyant sa vie disparaitre au fur et à mesure du temps. Et alors qu'on pourrait se dire qu'il n'y a pas grand-chose à en tirer ... C'est bluffant. Je n'ai pas vraiment les mots pour dire ce qui s'est passé à la lecture, mais l'auteur a réussi un tour de force narratif incroyablement réussi. On peut être réfractaire à la façon qu'il a de représenter le futur (j'avoue avoir été un peu réticent sur certains points également), mais globalement c'est surtout pour le propos humain qu'il faut lire cette BD. Parce qu'elle pose des questions justes, et efficaces. Des petites pointes de réflexions, mais aussi de tristesse et quelque chose d'assez mélancolique. On peut y lire un adieu à l'adolescence, une façon de considérer le temps qui passe, un regard sur la vieillesse ... J'y vois surtout quelque chose sur la mort et la mémoire, sur ce qui fait de nous un être humain. Et un superbe regard sur la vie. Sur la vie qui avance malgré tout, et bien qu'elle soit une salope, elle reste incroyablement belle. C'est très difficile de parler de cette BD sans faire de digressions ou d'extrapolations, et surtout sans dévoiler le dernier tiers de la BD qui donne toute la saveur à l'ensemble, alors je me contenterais de vous la recommander chaudement. Parce que c'est une surprise, une grosse surprise et que j'ai vraiment été pris dans l'histoire. Et parce que quand une BD vous trotte en tête pendant aussi longtemps après la lecture, c'est qu'il doit y avoir quelque chose, non ?
J’ai littéralement adoré cette lecture de ces jours qui disparaissent chez un jeune garçon abordant la vingtaine. On va le suivre au cours de toute une vie car il lui arrive un phénomène assez mystérieux. En effet, il se réveille en ayant loupé à chaque fois une journée entière qui est occupé par un autre soi totalement différent. Il est bordélique et l’autre soi est maniaque. Il est acrobate dans un cirque et l’autre va faire un métier plus conventionnel et rémunérateur dans l’informatique. Il est très famille et ami alors que l’autre est plus solitaire. Le gentil poète contre le brillant carriériste. La bataille peut commencer ! On pourrait penser qu’il y a une véritable part de fantastique mais on comprend assez vite qu’il s’agit certainement d’un phénomène de dédoublement de la personnalité qui trouve une origine psychologique à savoir la schizophrénie. Il est assez terrifiant de le vivre du point de vue de l’un des personnages qui va disparaître progressivement pour laisser place à l’autre qui est moins rêveur. C’est une véritable quête sur la perte de l’identité qui est mené de main de maître par l’auteur. Je n’avais jamais rien lu de tel. Il y a véritablement deux parties : celle de la coexistence pacifique et une autre qui correspond à la disparition progressive et dramatique. En effet, il y a une personnalité plus ambitieuse qui va prendre le dessus sur l’autre qui se réveillera moins souvent. C’est bien écrit et bien dessiné avec des planches presque vivantes dans le mouvement. On est littéralement happé par cette intrigue de perte de contrôle qui progresse dans une véritable tragédie psychologique. On a l’impression de vivre un cauchemar du style vertige existentiel avec notre héros. C’est assez poignant par moment. Cela peut nous renvoyer à notre propre rapport au temps, à notre jeunesse, à la vie et à notre mortalité. Ce qui nous touche ne peut que nous faire réfléchir… Inutile de préciser que cette œuvre concourt pour le grand prix d’Angoulême 2017 ce qui est amplement mérité. C’est véritablement la bd à découvrir de toute urgence pour cette rentrée car ce qui est original est plutôt rare. Voici une lecture pour une expérience unique qu’on n’est pas prêt d’oublier. L'auteur livre une véritable bd inattendue et palpitante. Note dessin : 4.25/5 – Note Scénario : 4.75/5 – Notre Globale : 4.5/5
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