Courtes Distances (Driving Short Distances)
Un portrait singulier, à la fois touchant et drôle, de deux âmes esseulées dans l'Angleterre d'aujourd'hui
Angleterre Auteurs britanniques Cà et Là Format carré Iles Britanniques Les petits éditeurs indépendants
Sam, jeune anglais désœuvré de 27 ans, se remet d’une dépression chez sa mère quand, par un curieux concours de circonstances, il se retrouve engagé comme assistant d’un certain Keith Nutt. Quinquagénaire bedonnant que la mère de Sam ne laisse pas indifférent, Keith a une mini entreprise, KLN Ltd, spécialisée dans « la distribution et le transport », mais son travail semble consister uniquement à faire la tournée de petites entreprises des zones d’activité économique locales pour faire signer des papiers à des interlocuteurs que Sam ne voit jamais. Coincé dans la voiture de Keith la plus grande partie de la journée, Sam s’attarde sur les petits détails du quotidien de la ville et des habitants qu’il croise chaque jour. Dans un premier temps très distante, la relation de Sam et Keith évolue progressivement et les problèmes de communication cèdent le pas à une certaine forme de connivence. Talentueux portraitiste, Joff Winterhart s’attarde avec tendresse sur les détail des corps et des visages pour brosser le portrait de ces deux âmes esseulées. Poignant, drôle et brillamment dialogué, Courtes Distances confirme la singularité du travail de cet auteur.
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Date de parution | 16 Février 2018 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Du pur roman graphique, où il ne se passe quasiment rien. Il ne faut donc pas être réfractaire à ce type d’ouvrage. Ça ne m’effraie pas a priori, mais je suis quand même passé à côté de cet album, au format atypique (une sorte de grand carré). C’est l’histoire de ce jeune homme qui se cherche (et cherche du boulot), qui est pris sous son aile par une vague connaissance familiale, ce dernier parlant, parlant, racontant sa vie, ses affaires, donnant son opinion sur tout, lui présentant son chien, etc. C’est un petit exploit de Winterhart de tenir aussi longtemps sur une base assez ténue. Mais il y a des longueurs, je me suis un peu ennuyé. Il n’y a pas de passages contemplatif, d’humour, ou je ne sais quoi pour « relever le plat ». Ainsi, si l’auteur sait construire une narration claire, et que son dessin – aussi précis pour les détails des visages qu’avare pour tout le reste (les décors sont ainsi souvent évacués) – est très lisible et plutôt agréable, je crois n’avoir jamais pu ou su entrer complètement dans cette histoire. J’arrondis aux trois étoiles, parce qu’il y a de réelles qualités, que d’autres ont visiblement davantage appréciées que moi, mais ça a quand même été une lecture laborieuse. Disons que ça n’est pas ma came. Note réelle 2,5/5.
Comme le dit si bien Mac Arthur dans son avis, il ne se passe (presque) rien dans cet album, et pourtant tant de choses y sont montrées et racontées. Le duo Sam/Keith, que tout semble séparer, fonctionne au niveau narratif : d’un côté les grands discours un peu egocentriques de Keith, son professionnalisme, ses principes bien ancrés et « vieux jeu »… en face : les réflexions idiotes de Sam, sa mollesse et passivité presque adolescente… Des protagonistes différents jusqu’à dans leur corpulence. A ce titre leurs échanges sont souvent cocasses. Sam passe son temps à observer ses alentours, les gens, les voitures, les mains poilues de Keith… leur relation évolue au fil des pages, jusqu’à un final qui m’a beaucoup plu et touché. Certains passages m’ont beaucoup amusé, comme la représentation que Sam se fait de Keith portant un corset pour ses douleurs au dos. Le dessin sied parfaitement l’histoire, avec quelques trouvailles graphiques rigolotes. Un excellent moment de lecture, et un album englouti assez vite malgré ses 128 pages.
Le titre de ce one-shot est bien trouvé parce qu'il y a eu une grande distance entre moi et le récit ! J'aurais pourtant aimé pouvoir apprécier cet album qui met en vedette un jeune homme de mon âge qui a des problèmes auxquels je peux m'identifier et surtout tout le coté mystérieux de son nouveau patron est intéressant... sauf que je me suis rapidement ennuyé. Malgré tous mes efforts je n'ai pas réussi à rentrer dans le récit et j'ai même fini par ne plus en avoir à foutre du patron et de sa personnalité un peu hors du commun. Lorsqu'il y avait une scène censée me toucher, je ne ressentais rien hormis l'ennui. Je n'ai pas trop aimé le dessin non plus, ce qui doit expliquer en partie pourquoi je n'ai pas réussi à apprécier ce récit. Bon, je ne considère pas que c'est en soit une mauvaise BD en soi. Si vous aimez les histoires très contemplatives où il y a très peu d'action et où pratiquement n'importe quoi qui semble insignifiant est mis en avant, vous aurez plus de chance de mieux apprécier ce récit que moi.
Avant toutes choses, j’ai un aveu à faire : Blue Boy, je t’aime !!!!!! Parce que sans son avis, au Blue Boy, je serais très certainement passé à côté de cet album. De prime abord, le dessin me semblait moche, le scénario d’une platitude parfaite, le sujet… en fait, je ne voyais même pas de sujet. Et puis vint Angoulême, la possibilité de me faire dédicacer l’album (assez horrible la dédicace, ceci dit en passant… mais son auteur, lui, est incroyablement sympathique), le souvenir de l’enthousiasme de Blue Boy et la conviction que lui et moi avons des goûts forts similaires pour ce registre littéraire. Il n’en fallait pas plus : j’ai craqué. Courtes distances est un pur roman graphique, qui explore l’âme humaine sans avoir l’air d’y toucher, nous parlant de notre époque, de notre société sur un ton léger. Le personnage central -et narrateur- n’a jamais rien réussi dans sa vie. Après avoir abandonné ses études, avoir lancé sans succès une activité en freelance, il rentre à 27 ans chez sa maman. Décidé à avancer dans sa vie et à ne plus stresser son entourage, il opte pour la normalisation, est prêt à accepter n’importe quel travail et à s’en accommoder. Nous sommes clairement dans ce passage de l’enfance à l’âge adulte où les rêves d’hier doivent céder le champ aux réalités économiques d’aujourd’hui. Seulement voilà, le boulot qu’il va trouver (qui va même lui être offert sur un plateau d’argent) n’a non seulement aucun intérêt mais, de plus, va l’obliger à passer énormément de temps à écouter son mentor. Un mentor empli de bonnes intentions –mais incapable de déléguer quoi que ce soit- aussi bavard que son disciple est taiseux, qui, lui, est à l’autre bout de la route de la loose. Solitaire, il n’a qu’un chien comme compagnon, la réunion Rôtisserie comme seule sortie bimensuelle et un boulot pour lequel il ne semble vraiment pas avoir besoin d’un assistant comme principale occupation. Face à ce vide total, l’auteur parvient à nous raconter une histoire pleine. Il bouche chaque creux, chaque vide grâce aux observations de son narrateur. Tout ce qui paraissait sans intérêt devient touchant vu au travers du prisme de l’auteur. L’idiot du village, un vieux panneau rouillé, une Audi A4 avec conduite à gauche, des poils de nez, tout devient matière à réflexion pour peu que l’on se donne le temps d’observer. Et ce dessin que je trouvais moche, j’ai fini par le qualifier de quasi-génial tant son côté caricatural permet d’insister sur, justement, ces petits détails qui font tout le sel de ce récit. Ajoutez à cela que la fin de l’album m’a touché et vous comprendrez mon enthousiasme. Franchement, cette lecture aura été un immense moment de plaisir pour moi et je ne regrette pas d’avoir investi les 24.00 € dans son achat. Il ne s’y passe rien sinon un long et lent processus de mûrissement mais, pute borgne, que c’est bien fait ! Cet album nous parle autant de l’inutilité de la vie que de sa beauté.
Recommandé par mon libraire (coucou Vlad !), je me suis laissé tenter par ce roman graphique au ton singulier. En effet Joff Winterhart nous propose de suivre Sam, une grande courge apathique qui se retrouve par défaut à assister un représentant de commerce -à moins qu'il soit agent secret ,- lors de ses tournées en voiture dans une banlieue anglaise qui n'a rien d'excitant? Vraiment rien. Nous sommes là dans une zone proche du néant narratif : personnages médiocres, action inexistante et storytelling a priori à l'avenant. Mais lorsqu'on s'en approche, et qu'on fait l'effort de lire l'album, on se rend compte que dans les petites choses de la vie, dans une existence morne se cachent parfois des petits moments de grâce. Car il y en a quelques-uns dans cet album, comme lorsque Sam observe Keith à la dérobée, qu'il découvre ses fêlures mais aussi les points qu'ils ont en commun, indiscernables de prime abord. Il y a une critique pas inintéressante de ces sociétés qui vivotent en Grande-Bretagne. Mais... ce n'est pas vraiment ma came. Quelques instants de grâce, oui, mais trop peu pour me rendre cet album indispensable. Un peu dommage, même s'il a de réelles qualités, qui intéresseront sans doute de nombreux lecteurs.
Voilà un ouvrage comme seuls les éditeurs « indés » peuvent nous en proposer : une histoire sans histoire où il ne se passe pour ainsi dire rien, aucun événement notable, aucun rebondissement, que tchi vous dis-je… L’action (si l’on peut dire) se déroule dans une sorte de banlieue anglaise sans intérêt, faite d’entrepôts hideux et de petits pavillons grisâtres collés les uns aux autres, l’environnement parfait pour susciter la joie de vivre ! Et pour compléter le tableau, Sam, le personnage principal, qui a échoué dans ses trois cursus universitaires et sort de dépression, vient trouver refuge chez sa mère. Affublé d’un physique de grande courge apathique qui semble accablée par ses bras et jambes interminables, Sam n’a qu’un projet : trouver un travail « dont il ignore tout et qui ne lui dit rien », toutes ses tentatives pour obtenir un job passionnant et/ou lucratif s’étant soldées par des échecs retentissants… C’est ainsi qu’il va trouver le « salut » en étant recruté par le lointain cousin d’un père qui a déserté le foyer lorsqu’il n’avait que quinze ans. L’entreprise, on ne sait pas bien ce qu’elle vend au juste, peut-être des tuyaux ou des ventilos pour assainir l’air des boîtes environnantes. D’ailleurs Keith Nutt, le boss, ne semble pas en savoir beaucoup plus, mais là n’est pas l’important… notre quinquagénaire bedonnant passe le plus clair de son temps dans son Audi A4 « left-hand drive »… Quant à Sam, la partie essentielle de son boulot consiste à écouter Keith lui raconter sa vie, et ses responsabilités accrues le verront successivement prendre le volant de la berline allemande de son boss et s’occuper de son toutou au regard tout doux, un « Cavalier King Charles Spaniel »… c’est ce qu’on appelle du challenge ! Dessin atypique, narration atypique… si ce roman graphique hyper-réaliste peut au premier abord laisser dubitatif, il finit par embarquer le lecteur à son insu dans ses méandres, ceux d’une réalité des plus ordinaires. Car sous l’œil de Joff Winterhart, ces arrêts sur image des vains va-et-vient de Keith Nutt, accompagné de son confident malgré lui, le jeune Sam, prennent une dimension intrigante et subtilement cocasse, parfois incongrue. Le dessin, pas forcément abouti, reste pourtant détaillé et fait ressortir chez son auteur un sens de l’observation pour le moins développé, avec un trait semi-réaliste au crayonné, axé sur les personnages et leurs aspérités physiques, rarement rendus sous un jour avantageux il faut bien le dire. On n’est pas sur du noir et blanc mais plutôt sur un bleu foncé monochrome, et les couleurs existent même si elles sont rares, comme cela semble aller de soi dans une région de l’Angleterre minée par la crise. Ce qui importe, chez Joff Winterhart, ce sont visiblement les gens et rien d’autre, le scénario et ses enjeux largement relégués au second plan. Toute l’« histoire » tourne in fine autour de ces deux êtres que tout sépare et dont rien ne pouvait laisser présager qu’ils partageraient un jour des moments communs. Et pourtant, de ce malentendu naît une sorte de connivence, tandis que Sam, dans le rôle du narrateur empathique, comprend de mieux en mieux son patron à force d’être à ses côtés, un homme rondouillard et court sur pattes qui s’efforce de garder son masque de virilité, mais se révèle finalement assez faible et n’en devient que plus touchant, égaré dans sa routine insipide et ses « courtes distances », ses blessures et ses petites névroses… Elu meilleur roman graphique de l’année 2017 par The Guardian, cet album révèle chez son auteur un talent certain de portraitiste. Un moment de lecture sympathique à l’humour discret et inattendu, empreint d’une ironie douce-amère dépourvue de méchanceté, car il ne fait guère de doute que Joff Winterhart est un vrai altruiste possédant cet art de transformer les infimes détails d’un quotidien en tranches de vie singulières…
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