Klimt
Jean-Luc Cornette et Marc-Renier nous plongent dans l’univers charnel et symboliste du maître de l’Art Nouveau viennois. Fantasmant par instants les songes hallucinés du peintre desquels il aurait puisé son inspiration, cet album nous offre un voyage aux sources de la beauté, entre rêve et réalité.
1900 - 1913 : Du début du XXe siècle aux prémices de la première guerre mondiale Peinture et tableaux en bande dessinée
Vienne, 1907. Gustav Klimt se rend dans la demeure des Bloch-Bauer. Ce couple de la haute-bourgeoisie viennoise et le peintre semblent partager une profonde amitié. Il faut dire que six ans plus tôt, alors que le scandale de son tableau La Médecine lui mettait à dos les trois-quarts des professeurs de l’université de Vienne, Adèle et Ferdinand Bloch-Bauer étaient parmi les seuls à reconnaître son génie. Visitant son atelier, partageant son quotidien, ils étaient peu à peu devenus amis. Aujourd’hui, Ferdinand lui demande l’honneur de réaliser un portrait de sa femme. Flatté et reconnaissant, Klimt promet de la recouvrir d’or... littéralement.
Scénario | |
Dessin | |
Couleurs | |
Editeur
/
Collection
|
|
Genre
/
Public
/
Type
|
|
Date de parution | 08 Novembre 2017 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Seules les femmes sont capables de sauver les hommes de leurs démons. - Ce tome contient une biographie très partielle de l’artiste Gustav Klimt, correspondant à l’année 1907, qui ne nécessite pas de connaissance préalable de cet artiste. La première édition date de 2017. Il a été réalisé par Jean-Luc Cornette pour le scénario, par Marc-Renier pour les dessins, et par Mathieu Barthelemy pour les couleurs. Il comprend quarante-six pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de huit pages, intitulé Gustav Klimt (1862-1918), l’artisan aux doigts d’or, rédigé par Dimitri Joannidès. Ce dossier est structuré en sept chapitres : Un succès précoce, Vers la libération esthétique, Insaisissable style fin de siècle…, L’objet du scandale, Adèle Bloch-Bauer ou la Joconde autrichienne, Vers la peinture de chevalet, Une postérité à retardement. Il comprend également la reprographie de plusieurs œuvres de l’artiste : Judith et la tête de Holopherne (1901), Pallas Athéna déesse de la guerre, de la sagesse, des artisans et des techniques (1898), Les puissances ennemies (1902), L’attente (1905-1906), Portrait d’Adèke Bloch-Bauer (1907), Maison à Unterach (1916), Femme au chapeau et au boa de plume (1909). À chaque époque son art, à l’art sa liberté. À Vienne en 1907, Gustav Klimt rend visite au couple Bloch-Baeur. Il sonne à la porte et il est accueilli par leur servante Rosa. Elle le reconnaît immédiatement et lui la salue par son prénom. Il ajoute que les années passent et qu’elle est toujours aussi belle, elle leur manque à l’atelier. Elle va pour l’embrasser, mais son geste est interrompu par Adèle Bloch-Bauer qui trouve que Rosa met légèrement trop de passion dans sa façon d’accueillir les invités. D’un autre côté, elle reconnaît qu’il est difficile de résister à ce cher Gustav. Celui-ci indique qu’elle l’a convié et qu’il est venu aussitôt car c’est elle qui est irrésistible. Il lui offre un gugelhupf, il est passé à la pâtisserie Demel. Il salue également le petit chat Prodigo. Le peintre prend ensuite le café avec Ferdinand Bloch-Bauer et son épouse Adèle. Ils se rappellent qu’ils ont fait connaissance il y a six ans, au moment de l’affaire de La Médecine. Le mari pense que le temps est venu pour lui de demander à Klimt de peindre sa femme. L’artiste prend congé et promet à Adèle de la couvrir d’or. Six ans plus tôt, les critiques se déchaînent en contemplant le tableau La Médecine : Ignoble, c’est ignoble ! Tous ces corps mélangés les uns aux autres ! Qu’a-t-il voulu représenter, une orgie ? C’est censé représenter la médecine, et on dirait qu’il fait l’éloge de la maladie et de la vieillesse. C’est clairement pornographique ! Dans la salle, Gustav Klimt écoute ces commentaires désagréables. Un ami lui propose d’aller boire un coup, mais il décline car sa mère l’attend. Celle-ci lui a préparé de la soupe aux pommes de terre, comme il aime. Il lui lâche tout ce qu’il a sur le cœur, contre tous ces médecins qui ont critiqué son œuvre : c’est à Hypocrite que tous ces médecins ont prêté serment ! La nuit, il rêve qu’il est le général Holopherne que Nabuchodonosor envoie en campagne, pour assiéger Béthulie. Une portion assez courte de la vie de Gustav Klimt (1862-1918), qui se focalise sur les affres de la création de l’un de ses tableaux les plus célèbres : Le portrait d’Adele Bloch-Bauer (également appelé La dame en or, ou La femme en or), réalisé entre 1903 et 1907. Le début déroute car un cartouche indique que la première scène se déroule en 1907, c’est-à-dire après la réalisation de ce tableau, mais au cours de la discussion Ferdinand Bloch Bauer indique qu’il est temps pour le peintre de réaliser le portrait de son épouse, mais Rosa est au service du couple, et effectivement sept ans plus tôt elle était une des muses de l’artiste dans son atelier. Et en page quatorze, Klimt se rêve en général de l’empire néo-babylonien, recevant les ordres de Nabuchodonosor II (-642 à -562), évoquant le Livre de Judith de l’Ancien Testament. Le lecteur comprend que certaines séquences sont à envisager comme teintée d’onirisme, s’inspirant de la réalité, sans pour autant relever de la reconstitution historique rigoureuse ou exacte. Dans un premier temps, la narration visuelle peut provoquer un même décalage cognitif. La première page semble fermement ancrée dans un registre descriptif, avec un savant équilibre entre ce qui est montré dans le détail (la façade de l’immeuble des Bloch-Bauer), et ce qui est suggéré (la circulation dans une large avenue). Puis le rêve se charge d’éléments visuels symboliques, les dimensions de l’escalier intérieur dépassent la réalité, certains fonds de case ne sont habillés que par des camaïeux. Les auteurs naviguent entre des repères historiques concrets et avérés, et des interprétations personnelles ou des métaphores. Parmi les premiers, le lecteur identifie Ferdinand Bloch-Bauer (1864-1945), fabricant de sucre austro-tchèque et amateur d'art, époux d’Adele Bloch-Bauer, visiblement peu jaloux. Klimt a peint au moins deux portraits d’Adele Bloch-Bauer (1881-1925), entre 1903 et 1907, et en 1915, à la suite d’une demande adressée par courrier écrit par le mari. Lors d’une discussion avec le peintre, cette dame lui conseille de ne pas aller voir le docteur Sigmund Freud (1856-1939) s’il veut éviter d’entendre des choses ignobles sur sa mère. S’il est allé regarder les photographies de cette dame, le lecteur peut constater une bonne ressemblance des dessins, et il apprécie la sophistication de ses toilettes, ses robes comme ses chapeaux. Il relève encore la présence d’Anna Finster-Klimt (1836-1915, la mère de l’artiste), d’Emilie Louise Flöge (1874-1952, styliste et créatrice de mode), et du ministre Johannes Wilhelm Rittér von Hartel. Il est également fait mention de l’exposition du tableau La médecine (1901) au Palais de la Sécession à Vienne, sa qualité du peintre comme membre de la Sécession viennoise. Les cases nourrissent la reconstitution historique : les façades des rues de Vienne, la devanture d’une pâtisserie aux desserts aussi appétissants que viennois, l’intérieur d’un café, le superbe bâtiment du parlement autrichien, le parc du château de Schönbrunn, l’atelier de Klimt, le lac de l’Attersee, et le Palais de la Sécession, avec la devise À chaque âge son art, à chaque art sa liberté, et son magnifique dôme. Dessinateur et coloriste assument également la tâche délicate de reproduire des œuvres d’art, les peintures Klimt : ils le font avec conviction, les fac-similés reprenant une partie des intentions artistiques, entre tracé, composition et fidélité à la représentation, avec une prise de recul empreinte d’humilité. Le lecteur observe que dessinateur et coloriste reprennent des éléments de l’œuvre picturale de Klimt, par petites touches discrètes dans un détail ou un autre d’une case, introduisant ainsi un glissement entre symbole et onirisme. Ce décalage entre réalité et rêve prend une forme explicite dans la séquence de la page douze à la page quinze. Gustav Klimt dort profondément et il est réveillé par deux de ses modèles, Edith & Margarethe, nues : elles l’enjoignent à les suivre en l’appelant général, car il est attendu. Le peintre se lève, les suit et traverse des pièces aux proportions gigantesques, évoquant aussi bien un palais qu’un tombeau, pour être mené devant Nabuchodonosor. Le lecteur voit flotter des symboles comme l’œil dans la pyramide, ou la présence de félins. Puis dans un dessin en pleine page, il assiste à une scène fantasmagorique dans laquelle Klimt est un guerrier, maniant le sabre et l’arc sur son char, donnant l’assaut à une citadelle, des cadavres d’ennemis à ses pieds. Les auteurs laissent le lecteur libre de son interprétation. Peut-être une mise en perspective de l’artiste se mesurant à grands maîtres qui l’ont précédé et qui ont eux aussi interprété cette scène biblique : Donatello (vers 1455-1460), Sandro Botticelli (trois fois, 1470, 1472, 1495), Lucas Cranach l'Ancien (vers 1530), Paolo Veronese (1581), Le Titien (1565), Rubens (vers 1616), Le Caravage (vers 1598), etc. Il est également possible de voir en Holopherne assiégeant Béthulie, une métaphore de Klimt assiégeant l’Académisme, comme s’il était envoyé par le courant artistique La sécession de Vienne qui serait Nabuchodonosor pour anéantir ce bastion de l’art officiel. Toutefois, l’issue de ce récit biblique n’est pas à l’avantage du conquérant. Dans la décapitation d’Holopherne, le lecteur peut voir l’artiste au service de la beauté féminine, conquis par elle, et ne pouvant que s’y soumettre, le jeu avec l’ordre chronologique déroutant encore le lecteur puisque ce tableau date de 1901, vraisemblablement avant que Klimt n’ait fait la connaissance d’Adele Bloch-Bauer. Les auteurs montrent également trois modèles féminins, Rosa, Edith et Margareth, vivant dans l’atelier du peintre, très sensuelles, parfois érotiques. En fonction de sa sensibilité, il peut prendre cette représentation au premier degré, entre comportement licencieux et vieil homme libidineux, ou comme une métaphore des muses qui inspirent l’artiste que la force créatrice ne laisse jamais en repos, pour une vie en perpétuel déséquilibre. De ce point de vue, les chatons présents dans son atelier constituent cet élément perturbateur, joueur, espiègle, indifférent, épris de liberté. Le lecteur poursuit sa découverte de cet artiste avec le dossier qui contextualisent la bande dessinée dans le cours de la vie de l’artiste, le mouvement de la Sécession viennoise, la qualification de Joconde autrichienne, la longue lutte de la famille Bloch-Bauer pour récupérer la propriété du tableau après la seconde guerre mondiale, la période d’oubli de l’œuvre de Klimt après sa mort. Évoquer la vie de Gustav Klimt lors de la création de son tableau Judith et Holopherne (1901), et aussi lors de la réalisation du portrait d’Adele Bloch-Bauer (1907), dans une intrication des deux années : cela peut déconcerter le lecteur dans un premier temps. Le dessinateur et le coloriste mettent en œuvre un équilibre sophistiqué entre description détaillée pour la reconstitution historique, pour les tableaux du maître, évocation plus impressionniste, utilisation de symboles, reprise d’éléments des tableaux de Klimt dans son quotidien. Le lecteur s‘abandonne à cette narration sophistiquée, pas toujours conventionnelle, se laissant emporter dans la métaphore du récit biblique de Judith et Holopherne, succombant à la séduction de la Joconde autrichienne. Déroutant et séduisant.
Voilà le portrait d'un peintre bohème qui aime les pâtisseries ainsi que les femmes. Il vit à Vienne au beau milieu de la riche bourgeoisie consultant le Docteur Sigmund Freud. On apprendra comment il a peint son tableau le plus célèbre, à savoir le portrait d'Adèle Bloch-Bauer, en 1907. Il faut également dire que son mari était un riche mécène de l'industrie du sucre. Je me demande où j'avais déjà vu ce tableau. Il a fait l'objet d'un film récent intitulé La femme au tableau avec l'excellente Helen Mirren, car ce dernier avait été confisqué par les nazis lors de leur folie meurtrière envers les juifs. Il a fallu un long combat judiciaire à la fin des années 90 pour que l'héritière puisse reprendre possession du bien volé (adjugé par la suite à 135 millions de dollars à Ronald Lauder, le propriétaire des cosmétiques Esthée Lauder). Je trouve que le scénario de la bd décrit assez bien la phase de composition avec cette reine égyptienne couverte d'or et de bijoux somptueux. Certes, il y a des phases un peu légères, mais la lecture a été très agréable du début à la fin. Cela permet également de mieux connaître Gustav Klimt, dont la côte s'est élevée après sa mort. Il a connu un scandale retentissant lors de l'exposition en 1901 de son tableau la Médecine qui fut descendu par la critique. Visiblement, les médecins avaient un problème avec les femmes nues. Le traitement réalisé par cette bd m'a convaincu, car c'est l'essence de son art qui est perçue et non les fioritures de sa vie. J'ai apprécié cette approche différente mais qui donne du résultat. Au niveau du dessin, on regrettera peut-être des couleurs trop ternes. Pour le reste, c'est satisfaisant. Klimt fait encore de nos jours l'actualité car deux jardiniers ont retrouvé une de ses oeuvres qui avait été dérobée il y a près de 20 ans.
De Gustave Klimt je ne connaissais pour ainsi dire rien. Oui, bon, d’accord, j’étais capable de reconnaître certaines de ses peintures (le gars a quand même un style très personnel) mais j’aurais été totalement incapable de le situer sur une échelle du temps. Et soyons honnêtes, si je me suis penché sur cet album, c’est parce qu’il est dessiné par Marc Renier, un artiste dont j’aime la finesse de trait mais aussi un gars que j’ai eu l’occasion de croiser à de multiples reprises. Et connaissant son goût pour l’art, je me doutais que s’il se lançait dans ce projet, c’est qu’il avait un faible pour le peintre et qu’il allait de ce fait soigner ses planches encore plus que d’ordinaire, histoire de rendre pleinement hommage à Klimt. Et c’est un fait que, visuellement, certaines planches en jettent ! En ce qui concerne le scénario, je suis un peu plus circonspect. Non qu’il soit désagréable… mais je le qualifierai quand même d’étrange. Je m’attendais à lire une biographie, je suis tombé sur une évocation du personnage au travers d’une fiction le mettant en scène, fiction recoupant la réalité par bien des aspects cependant. C’est donc à une plongée dans l’état d’esprit de Klimt, dans ses obsessions, dans ses cauchemars que me convient les auteurs de cet album. Et si le résultat n’est pas déplaisant à lire, je finis ma lecture en me disant… que je n’ai finalement pas appris grand chose sur Gustave Klimt. Bon, d’accord, je sais maintenant le situer sur une échelle du temps, je peux le localiser géographiquement mais de sa démarche artistique, finalement, je ne sais rien. Ses obsessions me paraissent tellement identiques à celles d’autres peintres célèbres, sa quête de reconnaissance, sa recherche d’un regard parfait… Rien ne le distingue des autres. Du coup, à la question « Qui est Gustave Klimt ? » je ne saurais toujours pas répondre aujourd’hui, sinon en débitant quelques banalités. Mais cette lecture ne m’a pas déplu. Je n’y reviendrai sans doute pas mais j’ai terminé cet album sans ennui. Pas mal, donc… mais sans le petit plus en plus.
Site réalisé avec CodeIgniter, jQuery, Bootstrap, fancyBox, Open Iconic, typeahead.js, Google Charts, Google Maps, echo
Copyright © 2001 - 2024 BDTheque | Contact | Les cookies sur le site | Les stats du site