Gustave Caillebotte

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)

Paris, 1875. Alors que ses Raboteurs de parquet sont refusés par le jury de l'Académie des Beaux-Arts, Gustave Caillebotte est invité à exposer aux côtés des « intransigeants ». Ce groupe de peintres réunissant des artistes comme Monet, Manet, Renoir, Pissarro ou Degas – tous refusés au Salon de Paris – possède en commun une vision moderne de l'art.


1872 - 1899 : de la IIIe république à la fin du XIXe siècle Biographies Documentaires L'impressionnisme Milieux artistiques Paris Peinture et tableaux en bande dessinée

Privilégiant les sensations, élargissant le choix des sujets, des compositions et des couleurs, ceux que les critiques nomment avec mépris les « impressionnistes » marquent une véritable rupture avec l'académisme. Collectionneur et mécène, Caillebotte participera à l'essor de ce courant naissant en finançant ses amis et organisant des expositions. Artiste original et audacieux, il en peindra également quelques-uns de ses plus grands chefs-d'œuvre...

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 05 Juillet 2017
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Gustave Caillebotte © Glénat 2017
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)
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09/06/2018 | Ro
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Par Présence
Note: 4/5
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On nous assimile à des Communards. Alors faisons la Commune de l’Art. - Ce tome contient une biographie de Gustave Caillebotte sur une courte période de sa vie. La première édition date de 2017. Il a été réalisé par Laurent Colonnier, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend quarante-six pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de sept pages, intitulé Le célèbre inconnu, rédigé par Dimitri Joannidès. Après une courte introduction en un paragraphe, il développe la vie de l’artiste au fil de chapitres intitulés Une enfance dorée, Vers l’émancipation, Le legs Caillebotte, Le compagnonnage impressionniste, Les raboteurs de parquet, Le jardin du postimpressionnisme, Un visionnaire en avance sur son temps. Ce dossier est agrémenté de reproductions de tableaux de l’artiste : Autoportrait (vers 1882), Partie de bateau ou Le canotier au chapeau haut-de-forme (1878), Vue depuis le balcon (1880), La Seine à Argenteuil (1882), Les raboteurs de parquet (1875), Baigneurs se préparant à plonger bord de l’Yerres (1878), Vue des toits effets de neige à Paris (1878). Dans le Palais de l’Industrie, à Paris, en 1875, un groupe d’hommes commentent les tableaux exposés. Les critiques fusent : quelle horreur ! C’est pire chaque année ! Manet et sa clique font des émules. Ils continuent : Une peinture se doit d’être historique, religieuse ou mythologique, certainement pas vulgaire. Des raboteurs de parquet, ce n’est pas un sujet. Ce panneau peut tout juste servir d’enseigne à un artisan, mais n’a aucunement sa place au Salon officiel. Les trois hommes se penchent sur le cas particulier du tableau de Caillebotte, le jugement tombe : C’est de la peinture de démocrate, de ces hommes qui ne changent pas de linge et veulent s’imposer au monde. Messieurs du jury, le verdict est donc unanime : Refusé ! Le salon est un organisme de protection et de salubrité publique. Édouard Manet et Auguste Caillebotte prennent un fiacre pour rentre chez eux, tout en devisant : Le monde moderne n’a que faire de la mythologie, le labyrinthe moderne n’est pas celui de Dédale, mais celui du baron Haussmann. Les gens se perdent dans toutes ces façades identiques. L’homme moderne est un fantôme qui glisse silencieusement sur le pavé mouillé de la ville grise. Ils estiment que le salon reste figé sur de vieilles lunes, ils refusent de voir que le monde change. Manet descend car son atelier est à deux pas, tout en saluant Caillebotte, et en l’assurant qu’il est un grand peintre et qu’il ne doit jamais laisser personne dire le contraire. Caillebotte continue de réfléchir : pourquoi figer la perspective dans des règles aussi strictes ? Après tout Piero Della Francesca dépeignait la modernité de son époque comme il la voyait. Pourquoi ne pourrait-on dépeindre sa propre modernité ? Ils sont dans l’ère de l’industrie, de la vapeur, des trains et des gares. Il est de retour dans l’hôtel particulier familial. Une lettre l’attend : une invitation des intransigeants à venir exposer à leur côté, le groupe de peintres refusés au salon officiel qui ont exposé il y a deux ans chez Nadar. Le lecteur constate d’entrée de jeu qu’il ne s’agit pas d’une biographie complète de l’artiste : le récit commence en 1875, alors que la tableau Raboteurs parquet est refusé au Salon de peinture et de sculpture (dit le Salon), il s’achève avec la troisième exposition des impressionnistes en 1877. Intégrée, se trouve une séquence dans le passé de la page huit à la page treize, montrant le peintre solliciter la participation d’un raboteur de parquet travaillant dans un appartement de l’autre côté de la rue, qu’il aperçoit travailler depuis son appartement, pour réaliser son tableau. L’auteur s’attache à faire revivre ce moment charnière dans l’histoire de l’art, depuis le point de vue de Caillebotte, à la fois artiste, mécène et participant à l’organisation d’une exposition d’impressionnistes, fréquentant plusieurs autres peintres, et ami de Manet. C’est ainsi qu’il croise, outre Édouard Manet (1832-1883) : Auguste Renoir (1841-1919), Henri Rouart (1833-1912), Edgar Degas (1834-1917), Berthe Morisot (1841-1895), Paul Cézanne (1839-1906), Claude Monet (1840-1926) & Camille Monet (1847-1879), Paul Durand-Ruel (1831-1922), Camille Pissarro (1830-1903), Alfred Sisley (1839-1899). Lors d’une discussion, une partie de ces artistes évoquent le jugement d’Émile Zola (1840-1902) sur les Raboteurs de parquet : Caillebotte a exposé les raboteurs de parquet et un jeune à sa fenêtre d’un relief étonnant. Seulement c’est une peinture tout à fait anti-artistique, une peinture claire comme le verre, bourgeoise à force d’exactitude. La photographie de la réalité, lorsqu’elle n’est pas rehaussée par l’empreinte originale du talent artistique, est une chose pitoyable. Le premier contact avec les dessins peut s’avérer déconcertant : le lecteur voit des traits encrés un peu irréguliers, des traits fins pour les contours, des aplats de noir aux formes irrégulières non lissées. Cela donne une sensation de réalité perçue un peu grossièrement, une impression de description pas entièrement précise, pouvant être perçue comme désagréable. Dans le même temps, l’artiste a investi un temps et une énergie considérable pour réaliser une reconstitution historique solide, fiable et tangible. Le lecteur le constate dès la première case avec la façade du palais de l’Industrie : une reproduction détaillée, les arcades, les colonnes, les statues, la forme des toits, jusqu’au trottoir planté, alors que l’impression de surface est celle d’un dessin pas bien fini du fait de traits de contours un peu irréguliers. La scène passe en intérieur, et la verrière est montrée avec le même souci d’exactitude. Lors du trajet en fiacre, le lecteur peut admirer les façades d’immeubles parisiens haussmanniens, reconnaître les places, identifier le modèle de candélabre, retrouver la structure métallique caractéristique du pont de l’Europe, sans oublier les pavés parisiens et les persiennes aux fenêtres. Par la suite, il ralentit son rythme de lecture pour regarder le Café de la Nouvelle Athènes place Pigalle, le moulin de la Galette sur la butte Montmartre, la rue Moncey, ce qu’il reste du palais des Tuileries après la Commune, etc. Il prend tout autant plaisir à regarder les intérieurs, ceux de l’hôtel particulier des Caillebotte, ou de l’appartement accueillant la troisième exposition des impressionnistes, ainsi que l’aménagement des différents cafés parisiens fréquentés par ces artistes. Dans le même temps, le lecteur observe que la mise en couleurs vient nourrir chaque surface détourée, le plus souvent avec une approche de camaïeu autour de la couleur réaliste principale, déclinée en nuances pour rehausser le relief de la forme détourée. Il note dès la deuxième case que l’artiste change de technique et de palette de couleurs pour la représentation du tableau Raboteurs de parquet : avec un résultat évoquant plus l’œuvre d’art, qu’un facsimilé à base de contours détourés à l’encre. Il en a la confirmation en page huit, dans une case représentant les raboteurs à l’œuvre dans l’appartement en vis-à-vis de la pièce où se tient caillebotte : à nouveau l’artiste utilise la couleur directe, établissant le lien visuel avec l’œuvre d’art. D’ailleurs cette technique s’étend également au torse nu de l’ouvrier devenu modèle, avec lequel le peintre discute. Colonnier mixe cette technique avec quelques traits de contour pour les formes principales, afin d’évoquer les autres œuvres d’art présentées lors des différentes expositions, facsimilés qui fonctionnent parfaitement, l’esprit du lecteur effectuant instantanément l’association avec les chefs d’œuvre évoqués. Ayant repéré ce dispositif chromatique, le lecteur le relève à chaque utilisation, et voit comment il sert aussi de repère pour souligner l’évocation d’autres toiles de Caillebotte dans une séquence, comme décor naturel ou urbain. Le lecteur réalise rapidement que l’auteur a choisi de focaliser son histoire sur ces trois années où convergent les impressionnistes au moment des expositions, remettant en cause l’ordre établi. Il perçoit ce mouvement artistique du point de vue Caillebotte, individualité bien distincte, artiste jouissant de la fortune familiale, à l’abri du besoin, achetant des toiles à ses contemporains, leur venant en aide financièrement pour certains. Il découvre son credo artistique en début d’album lors de la discussion avec Manet : dépeindre sa propre modernité. L’auteur sait inclure de manière organique sa méthode de travail : réalisation de nombreux dessins préparatoires, décomposer la toile en carrés, effectuer plusieurs esquisses, jouer sur la perspective en la tronquant, etc. La bande dessinée s’achève avec une réflexion du peintre sur le sens (et la futilité) de leur art : chercher dans la matière, chercher dans les pigments, chercher à faire surgir la lumière de l’opacité. Pas étonnant que les gens les prennent pour des fous. Les peintres se consolent d’être injuriés, d’être niés en comptant sur la postérité, sur l’équité des siècles à venir. Mais si les générations futures se trompaient et préféraient d’aimables bêtises aux œuvres fortes, alors leurs existences de forçats cloués au travail, pour quoi ? Comment rester debout sous les huées sans l’illusion consolante d’être aimé un jour. Quand la Terre claquera dans l’espace comme une noix sèches, leurs œuvres n’ajouteront pas un atome de poussière. À quoi bon vouloir combler le néant. Et dire qu’ils le savent, et que leur orgueil s’acharne ! Peut-être venu avec des a priori, le lecteur commence par s’étonner de l’apparence graphique un peu rugueuse, et de la très courte période retenue. Il entame sa lecture et apprécie sa fluidité, la richesse et la solidité de la reconstitution historique, la manière dont le mouvement impressionniste est montré du point de vue de Gustave Caillebotte. Il repère également l’art consommé avec lequel l’artiste intègre des évocations des tableaux du maître, et de quelques autres peintres. Il comprend en quoi ce mouvement pictural va à l’encontre de l’ordre établi et doit se développer en marge des institutions. Une belle réussite.

18/11/2024 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ro

Comme son nom l'indique, cet album est une biographie partielle du peintre Gustave Caillebotte. Partielle car elle nous présente seulement une portion de sa vie s'entamant au moment où il participe pour la première fois à l'exposition des Refusés de 1875 aux côtés de ceux qui se feront plus tard appeler les Impressionnistes puis nous montrant les quelques années suivantes et comment il a su s'intégrer avec eux et surtout ce qu'il leur a apporté. Je connaissais Gustave Caillebotte sans le connaître. Je connaissais quelques-unes de ses peintures mais même si j'en trouvais certaines pas mal du tout, elles faisaient pâle figure à mes yeux comparées aux œuvres d'impressionnistes plus célèbres, mes préférences évidentes allant à Monet, qu'il a directement côtoyé, et à Van Gogh. Mais sans doute aurais-je davantage respecté l'homme si j'avais su à quel point, en même temps qu'il était artiste, il était également un indispensable mécène pour ses confrères impressionnistes. Car c'est avec cet album que j'ai découvert que Gustave Caillebotte était très riche et qu'il a fortement aidé financièrement ses amis artistes moins fortunés, de même qu'il a permis leurs expositions quand les circonstances économiques les auraient autrement empêchés. C'était également un grand collectionneur qui a acheté des dizaines des plus grandes œuvres de ces fameux peintres pour ensuite léguer à sa mort sa collection à l'Etat Français avec la condition impérative qu'elle soit exposé dans des grands musées comme le Luxembourg ou le Louvre. C'est donc en grande partie grâce à lui que les Impressionnistes ont pu vivre de leur art puis s'imposer plus rapidement aux yeux du grand public, même s'il a fallu quand même de longues années pour cela. Tout ça pour dire que cet album est instructif et m'a ouvert les yeux sur un personnage important de l'histoire de l'Art, en plus d'être un artiste de valeur. Maintenant sur la forme, j'ai un sentiment mi-figue mi-raisin. Le graphisme notamment est pour moi à trois niveaux. Le premier niveau, c'est celui des décors et des couleurs. Une grande partie des planches est directement inspirée des tableaux impressionnistes. Et quand elles ne le sont pas directement, elles le sont quand même souvent dans l'esprit car peintes à la manière impressionniste. C'est parfois tellement bien fait que je me suis demandé s'il s'agissait de copies retouchées de célèbres peintures. Je n'en ai pas la certitude mais j'ai l'impression que ce n'est pas le cas, ou en tout cas pas toujours, et dans ce cas là c'est vraiment de la belle ouvrage de la part de l'auteur. C'est joliment peint ! Le second niveau est l'encrage des décors, réalisé par dessus la peinture et la couleur. Même s'il est souvent réussi, j'en suis moins fan. A la limite, je trouve plus belles et plus évocatrices les quelques cases réalisées en peintures sans encrage. Ces dernières me faisaient en effet parfois penser aux œuvres récentes de Rosinski, quand il s'essaie avec succès à la couleur directe. Puis vient le troisième niveau qui est le dessin et l'encrage des personnages et c'est là que le bât blesse à mes yeux. Les anatomies sont peu convaincantes, ce qui n'est que peu gênant, mais par contre les visages me semblent ratés. Ils donnent l'impression d'être en deux dimensions dans un décor en trois dimensions, avec des angles trop figés et récurrents, des nez bizarrement placés et très peu d'expressivité faciale. Pour ne rien arranger, avec tous ces artistes barbus et en costume, ce manque d'aisance technique dans la représentation des visages fait qu'on en vient à facilement les confondre et ne pas les reconnaître. Il y a donc du bon et du moins bon dans cet album. Du bon sur le contenu documentaire et la peinture des décors, et du moins bon dans le dessin des personnages et dans une mise en scène légèrement rébarbative avec beaucoup de discours pas toujours passionnants de la part des différents protagonistes.

09/06/2018 (modifier)