Florida

Note: 3.91/5
(3.91/5 pour 11 avis)

Au XVIIème siècle, l’épopée sanglante et désastreuse de la première tentative de conquête des Amériques par la France.


1454 - 1643 : Du début de la Renaissance à Louis XIII Indiens d'Amérique du nord Les Guerres de Religion Les prix lecteurs BDTheque 2018 Mirages Nouveau Monde One-shots, le best-of [USA] - Dixie, le Sud-Est des USA

Éléonore et son mari Jacques, peintre floral pour Marie Stuart, sont des protestants convertis qui coulent des jours tranquilles en Angleterre, après avoir fui les persécutions catholiques en France. Leur tranquillité est malheureusement chamboulée lorsqu’un proche de la reine Elisabeth, Walter Raleigh, leur apprend le massacre de la Saint Barthélémy. Le temps passe et Walter revient solliciter les conseils de Jacques, car il souhaite mettre en place une expédition pour la conquête anglaise de la Floride et espère que ce dernier pourra participer à ce voyage. Jacques avait en effet compté, bien des années auparavant, parmi les Français ayant vainement tenté de conquérir cette région hostile des Amériques. Mais celui-ci refuse catégoriquement. Pour parvenir à ses fins, Walter va tenter de séduire Éléonore, qui semble sensible à ses charmes et qui est absolument fascinée par ces territoires inconnus. Pressé par sa femme qui le supplie de se confier à elle, Jacques va entreprendre de lui raconter l’enfer qu’il a vécu.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 02 Mai 2018
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Florida © Delcourt 2018
Les notes
Note: 3.91/5
(3.91/5 pour 11 avis)
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21/06/2018 | Erik
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Par Emka
Note: 4/5
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Une découverte de Jean Dytar avec cet album. L'histoire d'un cartographe français réfugié à Londres pour échapper aux purges religieuses. Son passé resurgit quand un noble anglais le sollicite sur son précédent voyage aux Amériques. C'est très bien documenté, le récit aborde les relations de couple, la place des femmes et les premiers pas européens en Floride. C'est fluide et subtil. La narration et la mise en page accompagnent très bien le dessin épuré et efficace. En fin d’album, des gravures issues de l'histoire sont reproduites et on a le droit à un laïus historique assez complet réalisé par un spécialiste. Cela rend l'ensemble encore plus intéressant. On comprend d'autant mieux le sérieux de la démarche de Jean Dytar. Une belle réussite en tout cas, dont je recommande la lecture !

03/06/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
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J'adore le trait et le style de Jean Dytar, dont j'ai moins apprécié Le Sourire des Marionnettes mais qui m'a ébloui avec son La Vision de Bacchus. Je n'ai pas encore lu les deux derniers volumes de sa main mais je l'attends avec impatience. Très plongé dans l'Histoire, il se permets de nous disséquer des périodes de façon complète, s'attachant à décrire les hommes, les femmes, les politiques, les aspirations et les rêves d'une époque. Ici, c'est les grandes découvertes et l'effervescence d'une Europe qui devient terrain de guerres nouvelles (guerres d'empires et guerres de religion), avec au centre un rescapé d'une expédition en Floride et les questions de récits de voyage. Mine de rien, l'ensemble est dense en thématiques, mais l'histoire se lit d'une traite. C'est une histoire qui va prendre à nouveau un personnage central de femme (comme dans La Vision de Bacchus) dans sa vie, parfois monotone et dans laquelle elle espère plus d'aventures. Aventures que son mari a vécu, violemment et brutalement, dans le Nouveau Monde, mais dont il ne parle jamais. Je pense que l'attachement que j'ai aux BD de Jean Dytar est surtout dû à la précision qu'il met dans la documentation, et ça se sent. Tout son récit est accroché à des faits historiques précis, chacun étant non pas simplement mis dans la BD pour ancrer à une période, mais aussi pour détailler comment les personnages le comprennent. On décapite Marie Stuart, qu'en pensent les protestants anglais ? Ces questions diablement intéressantes à mon sens permettent à l'histoire racontée dans la BD de dépasser les cadres de sa propre histoire. On baigne ainsi dans une période, plutôt que de la regarder de loin. C'est immersif et surtout ça rajoute une densité à ce monde, qui semble exister en dehors de l'histoire des protagonistes. J'adore donc le traitement, mais l'histoire m'a intéressée aussi : les premières expéditions en Floride, avec tout ce qu'il s'est passé sur place, mais aussi la vision en Europe de ces expéditions, l'attrait pour les merveilles du Nouveau Monde, les guerres qui commencent à ravager l'Europe avec le conflit protestant … Ces intrigues croisées placent les personnages au cœur de plusieurs intrigues passionnantes. Le récit cache pendant un long moment ce qu'il en fut de l'expédition en Floride, et lorsqu'il est raconté c'est d'une façon qui rappelle les récits de voyage publiés à posteriori. Le récit est très complet sur son sujet et porte un regard assez sombre sur l'humain, comme le rappelle Jacques dans son échange final. Il y a aussi toute la question des imaginaires qui se créent, Jean Dytar semblant dire (dans plusieurs BD) que ce que nous imaginons, rêvons et pensons n'est qu'une déformation de la réalité qui fut. C'est ce qu'on nous a raconté, ce qui nous en est parvenu. Les planches finales sont assez explicites dessus (le texte en postface est éclairant aussi). Tout est factice, sans être complètement faux. Une morale que j'apprécie beaucoup mais surtout qui se veut très proche des conceptions qui animent un(e) historien(ne) : trouver ce qui fut vrai derrière ce qui est dit, comprendre ce que vivaient les humains de cette époque au-delà des faits. Jean Dytar est décidément un auteur que j'apprécie beaucoup. Même ses BD que j'aime moins sont bonnes, et celles qui me plaisent me semblent excellentes !

06/12/2023 (modifier)
Par Titanick
Note: 4/5
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Alors là, je découvre un pan de l'histoire qui m'était personnellement plutôt mal connu, les tentatives françaises d'implantation dans ce nouveau monde pour concurrencer les espagnols. Très belle réalisation que ce récit double, et j'aime beaucoup le fait d'avoir utilisé le personnage du cartographe de l'expédition pour raconter de l'intérieur l'aventure à laquelle il a participé. Récit double disais-je, car on suit Jacques le Moygne, ce cartographe, à deux moments de sa vie. À la fois réfugié en tant que huguenot à Londres avec sa famille à l'aube de la Saint-Barthélémy. Le personnage principal est surtout son épouse, éprise de grands espaces et qui peine à se cantonner à son rôle domestique, d'autant plus que Jacques, devenu dessinateur floral pour les dames de la bonne société, sombre dans le mutisme dès qu'il s'agit d'évoquer l'aventure en Floride. Elle parviendra pourtant à lui faire « raconter » et c'est là que le récit prend une autre dimension. Grâce à l'appui d'un historien et d'une documentation sans faille, l'auteur parvient à nous transporter dans cette aventure par le biais de ce qu'a dû vivre ce Jacques. Et c'est là qu'on voit l'horreur et aussi l'absurdité de la chose. Autant les rapports avec les autochtones semblent plus diplomatiques et teintés de méfiance que franchement belliqueux (sur cet épisode précis j'entends, hein, ce fut largement plus sanglant ailleurs), autant les rivalités entre puissances colonisatrices ont été dévastatrices pour les français. Très belle performance de l'auteur d'avoir su nous raconter ce moment d'histoire, et les pages d'explications historiques remettent bien les enjeux et perspectives en place, elles m'ont grandement éclairée. Après, même si l'ensemble est sous-jacent (et que l'allusion aux arguments de Bartolomé de Las Casas est jucieusement placée), le propos de cette bd n'est pas de faire le procès de la colonisation, juste d'essayer de retranscrire cette page de l'histoire. Et ce qui est curieux et intéressant, c'est qu'on a également un aperçu de comment s'écrit l'histoire, avec la retranscription du travail des explorateurs par les éditeurs, les approximations, les erreurs qui sont faites, recopiées...volontairement ou non, un peu comme le travail de journalisme qui doit (devrait) recouper ses sources. Réussite également sur le dessin, même si je ne suis pas fan des styles graphiques employés. Le fait d'employer cet espèce de flou dans la retranscription des souvenirs du narrateur donne une impression de distance du lecteur, je suppose voulue, avec les évènements qui se sont déroulés. J'ai aussi aimé le fait d'avoir mis en annexe les gravures d'époque, et d'avoir cité toutes les références quant aux copies d'originaux que l'auteur a insérées dans son œuvre. Un beau boulot, vraiment, j'ai apprécié. Que n'ai-je eu ce genre d'oeuvre dans les listes de lectures données par les profs dans mon jeune temps !!!

19/01/2022 (modifier)
Par Benjie
Note: 4/5
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L’expédition a viré au désastre ! A la fin du XVIe siècle, une expédition pour la Floride se prépare. Un jeune cartographe, Jacques Le Moyne de Morgues, va être du voyage. Ce n’est pas qu’il ait très envie de partir et de quitter sa promise, mais il se fait violence et embarque pour le Nouveau Monde. Rentré à Londres deux ans plus tard, Jacques Le Moyne s’enferme dans un mutisme inquiétant. Qu’a-t-il bien pu se passer lors de ce voyage ? J’ai été immédiatement happée par le récit. Avec une maîtrise parfaite, Jean Dytar nous fait revivre cet épisode historique avec brio. On y retrouve des personnages historiques bien connus, mais aussi et surtout les héros de cette histoire, Jacques Le Moyne et surtout de sa femme qui rêve d’aventure. C’est très bien écrit. Les cases s’enchaînent naturellement, les allers et retours dans le temps sont faciles à suivre et on apprend plein de choses. Personnellement, j’ai un peu moins d’enthousiasme pour le dessin mais j’avoue que le quadrillage des pages, à la manière d’un cartographe est une super idée… il ne m’a pas empêché de m’immerger dans ce récit épique avec plaisir. Sur le fond, évidemment se posent les questions de la colonisation, du rapport des Européens aux populations natives, de la violence sans limite qui peut s’exercer quand la survie du groupe est menacée, des raisons religieuses qui peuvent motiver des atrocités. Vraiment passionnant et quelques pages documentaires en fin d’album qui achèvent de nous imprégner de cette histoire assez peu connue.

19/02/2021 (modifier)
L'avatar du posteur carottebio

Récit témoignage historique reconstitué intéressant pour les curieux d'histoire pré-colonialiste française sur le sol américain du XVIème, sur fond de guerre de religion entre catholiques et protestants. Comprenez donc que cette oeuvre s'adresse à peu de personnes. Du point de vu du récit je la trouve plutôt réussie. On sort de cette lecture avec une assez bonne compréhension des évènements et de leurs lieux de déroulement. Par contre la BD dans son ensemble souffre de trois défauts trop visibles pour être ignorés. Premièrement l'histoire met beaucoup de temps à se développer... on s'ennuie ferme jusqu'au moment du récit des aventures en Floride. Ensuite graphiquement, c'est très inégal. Les personnages sont bien dessinés certes, mais alors les arrières plans ou les objets sont vraiment vilains et pauvres. D'ailleurs très souvent l'auteur se contente d'un fond brun pour une action présente et d'un fond bleu pour les souvenirs. Pourquoi pas. Mais quitte à mettre de temps à autre des arrières plans, autant les faire bien et beaux, non? Et enfin, le personnage principal manque de charisme. C'est un loser à tous les niveaux (avec sa femme, ses enfants, son métier) qui s'est trouvé presque malgré lui dans une aventure extraordinaire. Et à aucun moment le lecteur n'arrive à s'attacher à ce personnage alors que son aventure traumatisante devrait le rendre sinon intéressant, pour le moins empathique. Dommage.

03/05/2020 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
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Cet album propose un cadre et un sujet fortement intéressants, mais l'amertume qui s'en dégage m'a empêché de l'apprécier pleinement. Le cadre est double : il y a celui des français protestants partis tenter de fonder une colonie en Amérique quelques ans avant le massacre de la Saint-Barthélémy, puis celui des protestants encore mais cette fois en Angleterre après la fameuse Saint-Barthélémy à une époque où certains membres hauts placés dans le pays souhaitent eux aussi favoriser l'entreprise de colonies américaines. Trois thématiques au moins sont donc abordées dans un même récit : les tous débuts de la colonisation américaine, les guerres de religion et aussi, comme on va s'en rendre compte sur la fin, la manière de manipuler l'opinion du public par la publication de livres savamment orchestrés. Ces sujets sont originaux et peu traités dans le domaine de la BD. Autant dire qu'ils m'ont intéressés sur le fond. Sur la forme, pourtant, je me suis un peu ennuyé. Je ne parle pas du dessin. Il est tout à fait agréable, même si j'ai eu un peu de mal à apprécier le côté délavé des souvenirs de la tentative de colonisation. Je ne parle pas vraiment de la narration non plus car le fonctionnement du récit sous la forme de flash-back et de récits du passé est relativement efficace. Non, je parle plutôt du rythme narratif et du personnage principal. Côté rythme, l'intrigue prend vraiment son temps, au gré des refus du héros de raconter son passé. Son obstination et son caractère farouche entre colère permanente et traumatisme m'ont agacé. J'ai attendu trop longtemps que l'action se lance pour de bon, que ce soit avec le récit de son passé ou alors le début d'une éventuelle nouvelle tentative de colonisation. Et le rejet que ce personnage fait de cette expérience ainsi que son extrême amertume ont déteint sur moi et m'ont rendu le récit morose. J'ai retrouvé un regain d'intérêt sur la fin, quand on voit la manière dont l'imprimeur et l'homme politique vont créer en grande partie le livre qu'ils vont diffuser pour l'utiliser comme un outil de manipulation de l'opinion et parvenir à leurs fins. Si c'est bien par de tels moyens qu'ont été engagés les premiers pas qui allaient mener l'Angleterre à devenir plus tard la plus grande puissance coloniale au monde, c'est assez fort et édifiant. Globalement, j'ai donc apprécié les informations que cette BD a su me transmettre. Mais je n'ai pris qu'un plaisir mitigé à sa lecture.

09/10/2019 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Cet album est une véritable réussite, tant du point de vue esthétique que du point de vue de la narration (ou même du point de vue historique). Bâti surtout sur des flash-back durant lesquels Jacques Le Moyne raconte son aventure lors d’une expédition huguenote en Floride, l'histoire se lit facilement et très agréablement. Jean Dytar articule très bien les passages en Angleterre – où s’est réfugié Le Moyne avec sa famille protestante (avec les répercussions sur sa vie de couple des mauvais souvenirs rapportés de Floride) et les péripéties de l’expédition dans le Nouveau Monde. Il parvient aussi à bien rendre les enjeux économiques et politiques qui sous-tendent ces expéditions (opposants Etats, mais aussi et surtout Protestants et Catholiques : nous sommes en plein dans les guerres de religions, qui ensanglantent l’Europe, mais aussi, comme nous le voyons dans cet album, les Amériques par contagion). On devine que les Anglais vont tirer les marrons du feu après les combats entre Français et Espagnols. Esthétiquement, c’est aussi réussi. Les passages « américains », en flash-back, ont un beau rendu « vert transparent », et le dessin de Dytar est efficace, dans un style semi-réaliste que j’ai bien aimé. A noter qu’en fin d’album, plusieurs planches de Le Moyne (ou inspirées de son travail) sont reproduites. De plus, un historien spécialiste de l’époque et la région fait une très belle présentation historique, à la fois complète et synthétique. Tout ceci accompagne l’album, et le rend encore plus intéressant et captivant. Une belle réussite en tout cas, dont je vous recommande chaudement la lecture !

16/05/2019 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
L'avatar du posteur Gaston

3.5 Le meilleur album de cet auteur que j'ai lu jusqu'à présent. C'est un auteur qui prend son temps pour sortir un nouvel album et on comprend pourquoi à la lecture de ses albums : il fait beaucoup de recherches historiques et construit des scénarios complexes. Ici, l'action se passe en Angleterre durant les guerres de religion et on suit une famille dont le père est allé en Floride et il a gardé un mauvais souvenir. Il va finir par raconter son aventure à sa femme après des années à avoir gardé le secret sur ce qui lui est arrivé. J'ai bien aimé comment l'auteur traitait son scénario. Déjà je trouve cette période historique intéressante, mais en plus l'auteur développe des sujets que je ne connaissais pas trop comme le territoire de la Floride durant la conquête du nouveau monde par les puissances européennes. Le scénario est un peu lent (ça prend beaucoup de pages avant que le mari décide de se confier à sa femme), mais je ne me suis pas du tout ennuyé. J'ai trouvé le dessin superbe. Un one-shot que je conseille aux amateurs d'histoires.

08/11/2018 (modifier)
Par Blue Boy
Note: 4/5
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Avec ses trois galions abordant un rivage boisé, la couverture, dans des tons bleus et verts, constitue une véritable invitation au voyage, à la fois géographique et historique, à une époque où le Nouveau continent, encore peu exploré, recelait une infinité de promesses, où les océans inspiraient une fascination mêlée de terreur. L’histoire débute dans l’Angleterre des Tudor, où Jacques Le Moyne s’est réfugié avec son épouse et ses filles. Le cartographe de l’expédition française en Floride, qui eut lieu dix ans plus tôt, s’était depuis longtemps converti au protestantisme. A son retour, il avait alors décidé de fuir le climat délétère qui s’était emparé de la France, où la rivalité entre Catholiques et Huguenots n’avait de cesse de s’exacerber. Nous sommes en 1572, le massacre de la Saint-Barthélémy vient tout juste d’ensanglanter Paris et menace de s’étendre à tout le royaume. L’événement aura tôt fait de réveiller les fantômes de Le Moyne, qui depuis son aventure dans le Nouveau monde, l’accablaient d’une mélancolie sombre et incurable. Au fur et à mesure de la narration, on va comprendre l’origine des tourments que dissimule cet homme derrière son masque de mutisme, laissant son épouse désemparée. On apprendra que l’expédition en Floride s’est achevée dans un bain de sang barbare, imprimant en son âme une cicatrice au fer rouge. D’un point de vue plus global, on réalise que les enjeux dans cette Amérique « vierge » étaient autant liés à la conquête de territoires qu’à la conquête des esprits. En cela, les guerres européennes de religion s’étaient déplacées sur le sol américain, et l’Espagne catholique, qui avait pris une certaine avance dans son projet colonisateur, s’en donnait à cœur joie pour extirper, par le fer et le feu, le poison protestant de sa zone d’influence en constante expansion. Et tant pis si ces terres étaient déjà peuplées par les Indiens, qui étaient ramenés sans états d’âme au statut de créatures sauvages ou de sous-hommes, selon les circonstances… Les Huguenots français, menés par Jean Ribault pour y implanter une colonie loin des tensions qui déchiraient leur pays, en tireront une bien amère expérience, tout au moins les rares survivants tels que Jacques Le Moyne. Si Jean Dytar a choisi ce personnage secondaire pour évoquer un fait historique aussi tragique, ce n’est guère par hasard. Cartographe avant d’être explorateur, Le Moyne était d’abord un artiste, d’une sensibilité à fleur de peau et tout comme Dytar, illustrateur (il aimait également dessiner la faune et la flore). Enrôlé presque contre son gré, il fut entraîné dans un projet qui le dépassa et où il faillit laisser sa peau, traumatisé à jamais. Témoin narrateur de cette épopée, il fait ressortir la bêtise et la cruauté du genre humain dans ce qu’elles peuvent avoir de plus révoltant. Dytar n’a pas son pareil pour explorer les tourments de l’âme humaine, en jouant avec émotion sur l’expressivité des visages et des postures. De plus, l’affinité d’activité permet à l’auteur d’imprimer à son œuvre une tonalité graphique pertinente. Pour chaque changement de contexte, c’est un code couleur différent qui est utilisé, assorti de trouvailles visuelles sobres et délicates. Sa technique se rapproche beaucoup de la peinture, lui qui publia il y a quatre ans « La Vision de Bacchus », un hommage à à la Renaissance vénitienne. Contours estompés par l’aquarelle, clair-obscur, naturalisme, cubisme… il sait adapter son style en fonction du sujet. « Florida » est donc une bande dessinée fortement recommandée. On prend beaucoup de plaisir à s’y plonger, tant pour la qualité du dessin que pour l’intérêt historique. Une autre bonne idée fut d’insérer vers la fin du récit les gravures de Jacques Le Moyne, dont on pense qu’elles ont été reproduites de mémoire par l’éditeur liégeois Théodore de Bry, la plupart des dessins du Français ayant été détruits par les Espagnols. Auteur complet, Jean Dytar maîtrise également sa narration et à travers son sujet, exprime son humanisme et son goût pour les choses de l’esprit, notamment dans le champ philosophico-religieux. Voilà donc une bien belle BD pour l’été !

28/07/2018 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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C'est le premier album de Jean Dytar que je lis. J'avais bien lu les très bonnes critiques concernant ses albums précédents mais sans avoir eu l'occasion de les lire. C'est donc chose faite avec celui-ci, et cet album semble confirmer tout le talent qu'on lui prête. Attiré par cette magnifique couverture qui appelle au voyage je me suis donc laissé embarquer par le récit de Jacques, ce cartographe français parti se réfugier à Londres avec sa famille pour échapper aux purges religieuses de la St Barthélémy. On découvre un homme rangé, introverti, qui a même lâché sa passion pour se reconvertir dans le dessin de modèles de broderie pour les femmes de bonne société. Rien de bien folichon en somme... Mais son savoir faire passé va se rappeler à son bon souvenir par le biais d'un jeune noble anglais plein d'ambition qui aspire pour le bien de la couronne à retourner s'implanter aux Amériques et a donc besoin des connaissances de notre Jacques. Mais au désespoir de sa femme, celui-ci n'attend qu'une chose, oublier son premier voyage en Floride qui fut un échec retentissant et qui l'a traumatisé. Malgré un dessin somme toute très simple on est rapidement happé par cette histoire, qui au travers d'un des grands moments de notre Histoire, aborde subtilement beaucoup de choses. Que ce soit les relations de couple, la place de la femme à cette époque, les non-dits et les secrets de famille ou encore la peur de l'inconnu et les grands voyages, Jean Dytar distille judicieusement ces questionnements au fil de son récit et nous accapare pleinement en déflorant au compte goutte le passé tumultueux de Jacques. Un très bel album magnifiquement conduit qui m'a pleinement enthousiasmé !

27/06/2018 (modifier)