Ailefroide - Altitude 3954
Jean-Marc Rochette nous révèle son adolescence et son apprentissage de la montagne.
Autobiographie Best of 2010-2019 Casterman Escalade et alpinisme La Montagne Les Alpes Les prix lecteurs BDTheque 2018 One-shots, le best-of
Originaire de Grenoble, il va par ses rencontres successives devenir un alpiniste chevronné. En parallèle il cherchera à répondre aux questions que la vie ne lui manque pas de lui poser.
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Date de parution | 21 Mars 2018 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
J'ai mis du temps à enfin lire cet album parce que je ne suis pas un fan de l'alpinisme et j'avais peur de m'ennuyer ou de tomber encore une fois sur un album que tout le monde trouve génial et que je trouve correct sans plus. Au fil des pages, mes craintes sont parties. Rochette raconte sa jeunesse via les deux passions de sa vie: l'alpinisme et le dessin. Il va se demander quel voie prendre et au final c'est le dessin qui va gagner parce que dessinateur de BD c'est moins dangereux que guide de montagne. Parce que oui l'auteur aime la montagne, mais il montre aussi à quel point c'est aussi un endroit dangereux même si on a de l'expérience. La jeunesse de Rochette est remplie de drames avec des copains de montagne qui finissent blessés ou morts et lui-même ne sera pas à l'abri des accidents. Le scénario est prenant avec le ton juste lorsqu'il s'agit d'aborder le drame. Rochette est très bon dans le style réaliste et les plans de montagnes sont de toute beauté. Bien hâte de lire les autres albums que cet auteur a consacré à la montagne.
Et dire que j'ai failli passer à côté de l'oeuvre de Jean-Marc Rochette parce que je n'ai pas accroché de prime abord avec son dessin en feuilletant cette BD parmi tant d'autres en librairie. Après la lecture de Le Loup qui m'a totalement conquis, j'ai attaqué ce récit personnel qui raconte son parcours d’adolescent à Grenoble, fasciné par l’escalade et les sommets des Alpes. Il y décrit comment, lassé par les cours du lycée, il trouve dans la montagne une échappatoire et une vocation qui façonneront une partie de sa vie. J'aime beaucoup cette manière authentique de raconter la montagne. Rochette ne se contente pas de dessiner des paysages, il nous fait ressentir la rudesse des sommets, l’exaltation de l’ascension, mais aussi la proximité de la mort, toujours présente à chaque faux pas. Le style de Rochette est parfois brut, sans fioritures, mais il capture à merveille l’essence de la montagne : immuable, dangereuse, mais terriblement attirante. Les teintes bleues et blanches dominent, évoquant la pureté des glaciers et le ciel infini, tandis que les personnages, presque secondaires face à l’immensité, sont représentés avec une simplicité touchante. Le récit est un mélange de souvenirs d’ascensions, de rêves brisés et de moments d’euphorie. À travers l’histoire de Rochette, c’est toute une génération d’alpinistes qu’on entrevoit, avec leurs défis, leurs doutes, mais aussi leur soif de liberté et d’absolu. Il y a une sincérité dans cette quête de soi-même à travers la montagne, qui m’a beaucoup touché. On ressent cette tension constante entre l’appel du sommet et le danger, entre la passion et la réalité. Rochette ne cherche pas à enjoliver son récit, au contraire, il expose ses failles, ses moments de faiblesse, ce qui rend cette histoire encore plus humaine et accessible. Un gros coup de coeur donc qui fait suite à Le Loup et avant de poursuivre avec La Dernière Reine
C'est plus beau qu'un Soutine. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2018. Il a été réalisé par Jean-Marc Rochette (scénario, dessins, encrage, couleurs), et Olivier Bocquet (co-scénariste). Il comprend 278 pages de bandes dessinées. Il s'ouvre avec une citation de Gaston Rébuffat (1921-1985, alpiniste français) sur le Massif du Haut-Dauphiné. Il se clôt avec une postface de 5 pages rédigée par Bernard Amy (1940-, alpiniste, écrivain et chercheur français) sur l'entrée en montagne, la première expérience, texte accompagné de 7 pages de photographies. Rochette a déjà travaillé avec Bocquet pour Transperceneige : Terminus (2015), la suite de Transperceneige (1982, 1999, 2000, avec Jacques Lob et Benjamin Legrand). Récemment a été réédité le tribu avec Benjamin Legrand. Au musée de Grenoble, un jeune Jean-Marc Rochette reste en arrêt devant le tableau le boeuf écorché (1925), de Chaïm Soutine (1894-1943). Il s'apprête à céder à la tentation de le toucher quand sa mère le rappelle à l'ordre. Il est temps de partir. Ils sortent et remontent dans leur voiture, une Ami 6 Citroën. Sa mère décide que son fils a besoin de faire une promenade dans la montagne avoisinante. Ils marchent sous la pluie, avec leur poncho à capuche. Ils arrivent en bordure d'un lac alors que la pluie a cessé, et Jean-Marc grimpe sur un sommet proche. 3 ans plus tard, Jean-Marc est adolescent et son copain Philippe Sempé sonne à sa porte. Il porte son casque sur la tête et son matériel d'escalade dans son sac à dos. Sempé constate que Jean-Marc n'a pas de matériel digne de son nom. Il lui présente son propre matériel, et l'emmène voir un copain Éric Laroche-Joubert pour lui emprunter du matériel. Ils arrivent à le convaincre. Ainsi équipés, ils se rendent sur le cyclomoteur Solex de Sempé, au pied d'une falaise d'entraînement que Jean-Marc trouve particulièrement moche. Sempé prend le guide pour vérifier la difficulté de l'ascension et il explique la cotation des voies à Jean-Marc. Il lui explique ensuite comment passer son baudrier, comment s'encorder, comment faire un nœud de chaise, et comment l'assurer. Sempé passe en premier, et Jean-Marc le suit en suivant scrupuleusement ses conseils. Après un moment d'inquiétude dans un passage difficile, Jean-Marc rejoint Sempé au sommet. Les 2 amis apprécient la vue et se charrient sur leur performance respective, en se marrant bien. le temps est venu de la descente. En revenant chez lui, Jean-Marc indique à sa mère le plaisir qu'il a pris à grimper, encore tout excité par l'expérience. Sa mère n'est pas très réceptive, ni encourageante. Il lui indique qu'il va avoir besoin de matériel ; elle lui indique que c'est conditionné à l'obtention d'un 15 en allemand. Il obtient la note nécessaire et quelques jours après, il se rend à la Bérarde avec Sempé pour une nouvelle ascension. Après une montée assez longue en vélomoteur, ils arrivent au refuge. Ils indiquent au responsable qu'ils veulent manger et y dormir. Ils se font jeter avec moult invectives parce qu'ils n'ont pas de quoi payer. Ils en sont réduits à passer la nuit à la belle étoile à un bivouac, et à lire le Topo pour se renseigner sur l'emplacement des différentes vois d'escalade. Il s'agit donc d'une bande dessinée autobiographique qui retrace la période la vie de l'auteur Jean-Marc Rochette, depuis son coup de foudre pour la montagne, jusqu'à l'abandon de son projet de devenir guide haute montagne. Afin de l'aider à prendre un peu de recul sur sa vie, il a travaillé avec Olivier Bocquet qui a structuré les séquences, l'architecture de la biographie, et ramassé les événements et écrits les dialogues. Avec le dessin de couverture, le lecteur prend conscience que la narration va présenter un aspect brut, des dessins fonctionnels, pas pour faire joli, plus l'impression que produisent les montagnes, les pics, les versants, la roche, les glaciers, qu'une représentation photoréaliste. le ton de la narration est en phase avec les dessins, sans lyrisme, sans romantisme, sans enjolivement. le lecteur éprouve l'impression d'un reportage réalisé sur le vif, sans chercher à mettre en valeur les individus, avec des phrases courtes et factuelles qui laissent le lecteur libre de sa réaction émotionnelle. le lecteur sait qu'il s'agit d'une reconstruction de souvenirs, réalisée 40 ans après les faits et présentée sous la forme d'une bande dessinée, c'est-à-dire une adaptation des faits se pliant aux règles de la bande dessinée. Pour autant, il se retrouve transporté aux côtés de Jean-Marc dès la première page devant le tableau de Chaïm Soutine, sans jamais songer à remettre en cause ce qu'il voit, sans éprouver l'impression d'une hagiographie à quelque moment que ce soit. Les 2 premières séquences servent à mettre en place les passions de Jean-Marc Rochette : la peinture, la montagne. Ces 2 séquences sont sobres et efficaces montrant la réaction de l'enfant face au spectacle qui s'offre à lui, le lecteur éprouvant son émotion, se trouvant en phase avec son état d'esprit. C'est une leçon de dosage des éléments présents sur la page, sans sensation démonstrative, sans dramatisation exagérée. La séquence suivante dure un peu plus de 20 pages, pour la première grimpe de Jean-Marc, son initiation à un sport de haut niveau et très technique. Pour un lecteur profane, c'est également une initiation indispensable pour comprendre qu'il s'agit d'alpinisme et pas de simple balade en montagne, avec des passages difficiles. de l'avis des apprentis guides de haute montagne ayant vécu cette époque, c'est une restitution fidèle des sensations de la première fois, et par la suite de la manière de pratiquer, du matériel, de l'entraide, des prises de risques. La première qualité de ce récit est donc le témoignage de la pratique de l'alpinisme dans les années 1970, que ce soit pour le matériel, pour les termes techniques (du nœud de Prusik au Topo, le guide papier utilisé par les grimpeurs pour trouver l'emplacement des voies d'escalade sur les falaises et en montagne), pour les installations, pour l'organisation, pour les caractéristiques de l'émulation dans ce milieu. Les pratiquants de ce sport ont loué l'exactitude des dessins du point de vue descriptif des techniques et du matériel. Le récit et les images ne se limitent pas au témoignage de la pratique de l'alpinisme dans ces années, car ils contiennent aussi la reconstitution historique des environnements où se déroule l'histoire, lorsqu'il ne s'agit pas de la montagne. En page 9, le lecteur reconnaît tout de suite le modèle Ami 6 de la marque Citroën, et la Deudeuche en page 176. le dortoir de l'internat apparaît plus vrai que nature dans son dénuement. L'évocation du surgénérateur Phénix de Creys-Malville semble être extraite directement des archives télévisuelles de l'époque. La découverte des rues d'une grande métropole étatsunienne donne l'impression d'être en train de marcher aux côtés de Jean-Marc. La restitution des conventions sociales de l'époque est plus discrète, mais tout aussi présente, que ce soit la liberté dont jouissent les adolescents pour escalader sans encadrement, les méthodes d'enseignement très directives, l'absence de formation à la gestion de la douleur des patients pour le personnel soignant, la montée des mouvements libertaires avec la participation au magazine Actuel. Ces éléments sociétaux sont intégrés au récit comme faisant partie de la vie de l'auteur. le lecteur comprend que lorsqu'il y consacre plusieurs cases ou plusieurs pages, c'est qu'il s'agit événements ayant compté dans sa vie, ayant une valeur formatrice. Il évoque aussi ses premiers travaux en bande dessinée, comme la série Edmond le cochon (1979) avec Martin Veyron. Au vu du titre de l'ouvrage, le lecteur se doute que la montagne ou l'alpinisme tiennent un rôle aussi important que Jean-Marc Rochette lui-même. Environ 70% du récit se déroule en montagne, à marcher, à grimper, à redescendre. Jean-Marc Rochette donne son avis sur 13 voies d'escalade, par une courte annotation en bas de la page racontant sa propre ascension. Il consacre également 9 dessins en pleine page à la montagne. le lecteur se rend compte qu'il n'éprouve jamais l'impression de voir 2 fois le même paysage. Les ascensions se déroulent de manière différente, racontée par quelqu'un qui les a faites. le relief et les revêtements sont très différents d'une ascension à l'autre : la forme des parois, la nature de la roche, la présence ou non de neige ou de glace, etc. C'est un exploit extraordinaire d'avoir pu ainsi rendre compte de la diversité des sites, de la rendre visible pour des lecteurs qui ne pratiquent pas la montagne. de prime abord, le lecteur peut être dubitatif devant les traits un peu bruts des dessins, le fait qu'ils ne soient pas peaufinés pour être plus précis, avec une qualité plus photographique. Très rapidement, il s'habitue à ce rendu esthétique, et constate qu'il transcrit avec force le caractère sauvage et minéral de la montagne. le lecteur peut ressentir son caractère inhospitalier, la sensation de devoir se battre pour mériter sa place dans ces lieux, la conquête que cela représente, les risques de chute malgré le matériel, le gigantisme des massifs rendant minuscules les grimpeurs, la nécessité d'une attention de tous les instants pour déceler les crevasses, les endroits moins stables, etc. Rochette a l'art et la manière de faire voir les prises de risques, sans devoir se reposer sur les dialogues ou des explications, un exercice de vulgarisation aussi sophistiqué qu'élégant. Très rapidement, le lecteur prend conscience qu'il ne s'ennuie jamais lors des ascensions. Il voit aussi qu'il dévore les pages à un rythme rapide, sans être creuses. L'artiste a intégré une quarantaine de pages silencieuses qui laissent au lecteur le temps d'admirer le paysage, d'en profiter, de prendre la mesure du gigantisme du spectacle qui s'offre à lui. Les dialogues sont concis et expressifs, portant à la fois des informations factuelles, à la fois des informations sur l'état d'esprit de celui qui s'exprime. Il en va de même pour les cartouches de texte, qui ne sont jamais envahissants, jamais du remplissage. Sous des dehors qui peuvent sembler frustes, les visages se révèlent expressifs, que ce soit celui toujours souriant de Philippe Sempé, ou celui souvent fermé de Rochette, se protégeant par un mutisme, même s'il n'en pense pas moins. Les personnages ne sont jamais réduits à des artifices narratifs, à des coquilles vides pour donner la réplique à Rochette. Les dialogues permettent de comprendre leur motivation propre, et le fait qu'ils ont une histoire personnelle. Tous ces éléments (les voies d'escalade, les différentes facettes de la reconstitution historique, les individus rencontrés et leurs interactions) font que le lecteur peut ressentir les émotions, l'évolution de la construction personnelle de Jean-Marc Rochette par incidence, par un processus d'empathie tellement organique qu'il se transforme en intimité consentie, sans être intrusive. le lecteur voit évoluer cet adolescent, au fur et à mesure de ses expériences. Il y a l'amitié avec Sempé, la sensation d'être vivant en pratiquant l'alpinisme, de se sentir bien et serein en montagne, l'éloignement progressif d'avec sa mère, les relations avec les femmes, le soutien de sa grand-mère, la révolte contre l'autoritarisme, le rapport aux autres, le jugement sur les adultes installés dans la vie, le rapport à l'effort et au dépassement de soi, etc. Les auteurs ne recourent jamais à un discours psychologique, encore moins psychanalytique, tout en mettant en lumière des moments d'une rare intimité personnelle. Juste après l'exaltation de la première grimpe avec Sempé, Jean-Marc évoque son sentiment de bonheur avec sa mère, et se retrouve déconcerté par son manque d'enthousiasme. Plus loin dans le livre, Jean-Marc a l'occasion d'emmener sa mère grimper en montagne et il se retrouve à lui servir de guide (inversant le schéma éducatif parent / enfant) dans une séquence d'une rare finesse, aussi bien psychologique qu'émotionnelle. Au fil des grimpes, le lecteur s'interroge également sur les risques pris par Jean-Marc Rochette, sur sa mise en danger, sur un comportement présentant parfois des symptômes d'addiction. Il voit comment le jeune adulte est confronté à la réalité de la mort à plusieurs reprises, sous des formes différentes. de scène en scène, le processus d'apprentissage se fait, provoquant des réminiscences, des échos chez le lecteur quant à ces points de passage de l'adolescence à l'âge adulte, par lesquels il est lui aussi passé au cours d'expériences de vie différentes. Ce récit très particulier d'apprentissage et de pratique de l'alpinisme participe de l'universalité de l'apprentissage de la vie. Derrière un titre énigmatique et une couverture dépouillée et austère, le lecteur découvre un parcours de vie extraordinaire, avec une narration visuelle personnelle exprimant parfaitement le caractère de l'auteur, transcrivant la beauté austère de la montagne. Les auteurs réussissent un récit exceptionnel, donnant envie de s'adonner à la montagne (même sous forme de simple randonnée), un passage de l'adolescence à l'âge adulte rendant compte des différentes facettes de ce moment de la vie, une reconstitution d'une époque, d'une société, une étude de caractère pénétrante… Sans pouvoir se douter de la richesse de cette biographie, le lecteur éprouve un grand plaisir de lecture à s'immerger dans ce parcours de vie à la narration fluide et intelligente, à ressentir la puissance des émotions éprouvées, à se reconnaître dans certaines étapes (prise d'autonomie par rapport aux parents et aux figures tutélaires, passions, amitiés, tests de ses limites) attestant de l'universalité de certaines expériences humaines, indépendamment de la forme qu'elles prennent.
Oui, franchement, je suis très pris par cette BD bien que l'alpinisme ne soit vraiment pas ma tasse de thé (surtout avec le vertige). Mais la montagne m'attire beaucoup et cette biographie est surtout une très belle histoire de découverte de sa vie et sa passion. Je ne connais pas encore d'autre BD de l'auteur, mais je connais le nom. Cependant, je n'avais pas réalisé que l'histoire serait la sienne et expliquerait comment il est devenu alpiniste puis finalement dessinateur de BD. Ça a donc été une agréable surprise, la lecture est très fluide et m'a entrainée dans les grandes hauteurs des massifs alpins sans que je ne décroche une minute. Le trait charbonneux correspond bien au récit, entre l'enfance difficile avec une mère qui ne le comprends pas, une envie de vivre et d'aller plus haut, et une découverte de la BD et du dessin. Progressivement, entre colères d'enfants, contrariété d'adolescents, premiers amours et sensations de liberté, le portrait de Jean-marc se dessine. Ce qui manque dans quelques auto-biographie, selon moi, c'est une réelle implication du spectateur dans le récit. Ici, la finalité est connue si l'on connait l'auteur, mais n'ayant jamais lu ses œuvres ou découvert sa vie, je ne savais pas à quel moment un changement se produirait. De fait, son intérêt pour le dessin et sa passion pour la grimpe se mélangeaient sans réellement se croiser puisqu'il s'agit de la construction d'un jeune adolescent un peu perdu qui se découvre petit à petit. Ce qui renforce les passages prenants, tout en étant franchement drôle dans certaines anecdotes. Mais mine de rien, sous couvert d'une légèreté de début, le récit devient plus grave au fur et à mesure que la montagne s'impose comme une puissance qui prend les vies aussi. C'est grave, lourd, mais jamais pesant. On sent que ce sport est dangereux, qu'il attire et fascine mais qu'il prend des vies aussi. Finalement, le récit montre combien de gens peuvent disparaitre dans ces crevasses traitresses et ces montées dangereuses. Un très bon récit autobiographique qui ne tombe pas dans l'écueil d'un récit trop centré sur soi-même, mais qui arrive à la fois à transmettre l'émotion de grimper les sommets, les questionnements de la jeunesse et de l'adolescence, mais aussi un récit sur l'apprentissage parfois rude de la vie et du danger. C'est une excellente lecture, prenante et poignante, qui donne envie de retourner découvrir le massif des Alpes !
Récit autobiographique signé Jean Marc Rochette qui nous raconte son adolescence, sa découverte de la montagne et de l'alpinisme. C'est avec curiosité que j'ai lu cet album qui se passe pas loin de chez moi et qui met en images les montagnes de ma région (dont certaines que je connais très bien). J'ai reconnu des paysages, j'ai souri face à certaines situations et certains dialogues où je croyais voir des copains à moi. Du coup, forcément, le début est assez sympa. C'est plaisant de voir cet ado faire ses premières voies d'escalade. Sa complicité avec son copain qui ne quitte jamais son casque, c'est amusant également. Leurs premières sorties en haute montagne, leurs aspirations de liberté, leurs rêves de devenir guides de haute montagne sont les éléments qui agrémentent agréablement le récit. Au début en tout cas, parce que j'ai trouvé ça très répétitif sur la longueur (pas loin de 300 pages). On a quand même droit en détail au récit d'un très grand nombre d'ascensions qui se ressemblent toutes la plupart du temps. Les compagnons de cordée se succèdent mais ça reste toujours une marche d'approche, une voie, une nuit en refuge, enchainée avec d'autres voies plus grandes, plus dures, plus longues, plus hautes, plus réputées, plus dangereuses.... C'est carrément un guide touristique pour le massif de l'Oisans. Moi qui apprécie énormément les belles photos de montagne, je n'ai pas tellement été séduit par leur représentation en dessin dans cet album. Sans tous les autres avis extrêmement positifs, j'aurais conclu cet avis en disant "A réserver aux amateurs d'alpinisme". Visiblement ce n'est pas le cas vu que tout le monde a apprécié l'album. Moi j'ai trouvé ça redondant sur une bonne moitié du bouquin. Par contre, c'est vrai que dans la dernière partie il est beaucoup question des dangers de la montagne, des accidents et des décès de ses différents copains. C'est une partie dure qui permet de comprendre comment l'auteur a choisi sa destinée entre montagne et dessin, ses deux passions.
Complètement étranger au monde de l'escalade, plus adolescent depuis longtemps, jamais interné, j'ai été malgré tout complètement happé par ce récit initiatique de l'adolescent devenant adulte. Le dessin est nerveux, sec, et beau quand il le faut. L'histoire oscille entre moments de tension en cordée sur un à pic rocheux ou sur un glacier fondant, entre instants conflictuels de génération, parent et enfant, société conservatrice et adultes en devenir, recherche du plaisir charnel ou de la caresse amoureuse, petits topos historiques sur la montagne et ses héros mortels... Et tout cela se tient, se lit avec plaisir et avidité, le temps s'écoule sans effort. Et à la fin, on finit un peu plus intelligent qu'au début !
La lecture de cette BD a été captivante. Le dessin est très beau, avec un trait épais, assez brut, qui pourtant n’est pas mon style préféré, mais qui réussit à rendre vivante la montagne. Certaines pages m’ont donné le vertige ! J’ai vu récemment le film Everest, et je me faisais la réflexion que la notion de hauteur, d’altitude, est assez facile à représenter . Celle de contrebas, de plongée, de vertige est beaucoup plus difficile... et je trouve que Rochette l’a très bien rendue. Le scénario est vraiment bien. Je dirais que si vous êtes comme moi attiré par la montagne et passionné de bande dessinée c’est une lecture incontournable. L’auteur nous offre un récit autobiographique, un roman sur la haute montagne, un témoignage sur une époque (qu’il s’agisse de l’alpinisme ou de la bande dessinée, avec la naissance d’Edmond le cochon) et une quête initiatique. Une très belle lecture !
J’ai du mal à donner la note de 5/5. Je pense que c’est en raison du mot "culte" qui lui est ici associé. Une bd culte ne peut pas l’être instantanément, il lui faut des années pour le devenir, même dans une approche purement subjective. Il faut qu’elle ait le temps de m’imprégner, de devenir l’une de celles que j’inscris au panthéon de la bd. Mais du coup, le risque est de mettre de côté certaines oeuvres, de ne les estimer que “franchement bien”sur le moment, alors qu’elles mériteraient le "culte". Bon, évidemment, vous me direz que le risque est assez limité, ça ne va pas changer la face du monde, mais quand même, ça me taraudait un peu. Et pour cette oeuvre, j’ai envie d’y aller. Oui, c’est une bd qui m’a marqué, et dans quelques années, elle fera sans aucun doute partie de mes classiques. J’ai été soufflé par la montagne de Jean-Marc Rochette. J’ai été subjugué par sa beauté, par sa froideur, par la grandeur qui est retranscrite. J’ai admiré ces mecs qui se lancent dans les roches, poussés par un je ne sais quoi qui leur interdit de faire demi tour, pour le défi que ça représente et pour pouvoir admirer la nature comme ils le veulent. Le récit autobiographique n’est pas toujours chose aisée, et j’ai souvent du mal, dans ce type d’ouvrage, à m’attacher au personnage. Ici, on se prend assez vite de sympathie pour le jeune Jean-Marc, qui rêve de liberté, entre ses allers-retours pour s’échapper devant les tableaux de Soutine et ceux sur les roches, pour ressentir l’immensité de la montagne. On ressent les problèmes qu’il a dû surmonter, mais l’auteur n’en fait jamais trop. Il n’est jamais présenté comme une victime, jamais Rochette ne s’apitoie sur son sort. Il parvient très bien à faire ressentir ce qu’il devait endurer mais n’élude pas non plus ses parts de responsabilité, dans la relation avec sa mère ou dans ses divers accidents dans la montagne. J’ai trouvé la construction de l’histoire très bien faite, très pertinente. On oscille entre la relation avec la mère, les avancées artistiques et, évidemment, la montagne. Celle-ci est centrale dans l’ouvrage. Jean-Marc Rochette arrive parfaitement à transmettre sa passion. J’ai bien aimé les légendes écrites au début de chaque ascension, qui indiquaient le nom de la voie, la date de l’ouverture et le nom de ceux qui l’ont faite, ça donne un petit côté sérieux, initié. Et puis le dessin magnifie la montagne. Autant j’ai mis un peu de temps à m’y habituer pour ce qui est des personnages, autant j’ai de suite été happé par cette montagne. Rochette retransmet avec brio son immensité, sa majesté son apparente froideur. Car si la montagne ne fait aucun cadeau, et punit parfois, elle sait être reconnaissante. Et ça, on le comprend à la lecture des pages de cette bd, lorsque l’on voit les étoiles dans les yeux de ces jeunes hommes lorsqu’ils arrivent au sommet. On ressent l’attrait de la montagne en même temps que son danger, sa beauté autant que sa cruauté. Finalement, Rochette a choisi la bd, et c’est tant mieux, car il aurait été dommage de se priver de cet ouvrage. Mais la montagne n’est jamais loin, et il lui rend ici un bien bel hommage.
Ailefroide est un très bon récit autobiographique au travers duquel l’auteur nous dévoile toute sa fascination, tout son respect pour la montagne et nous montre combien celle-ci a formé l’homme qu’il est devenu. La force du livre tient dans l’art de la narration de son auteur car il n’y a pas de prime abord de quoi s’extasier devant ces planches dans lesquels s’’enchainent les plans d’escalade et les anecdotes passe-partout. Seulement, voilà, c’est raconté avec tellement de talent que ce récit en devient captivant. De plus, Rochette parvient à nous faire ressentir le danger sans chercher à faire de l’effet. Il nous montre avec naturel, jusqu’à l’absurde (pour certains événements dramatiques), combien la montagne peut être sans pitié, combien ce milieu demeure hostile. Et puis, l’air de rien, il nous parle de son parcours intérieur, de la naissance de sa vocation d’artiste… qui finira par s’imposer comme une évidence alors que lui-même ne semblait pas y prêter plus attention que cela durant une bonne part de sa jeunesse. Il s’agit donc d’un livre étonnant car il aurait pu n’être qu’anecdotique mais se révèle finalement passionnant… du simple fait des talents de narrateur et de dessinateur de son auteur.
Tout d’abord, il y eut Soutine et son « Bœuf écorché », que le petit Jean-Marc passait de longs moments à contempler lors de ses visites au Musée de Grenoble. Puis, le coup de foudre pour l’escalade au cours d’une promenade avec sa mère. Ces deux événements en rapport avec deux disciplines en apparence très éloignées scelleront le destin de Jean-Marc Rochette, dont le parcours semble avoir toujours oscillé entre son amour pour la montagne et celui pour le dessin. Rebelle né, l’auteur grenoblois a toujours mené sa vie comme il l’entendait, malgré les remontrances de sa mère avec qui il entretenait des rapports parfois houleux, et celles de ses professeurs qui moquaient les « gribouillis » de cet élève peu docile avec l’autorité. Les multiples tentatives de découragement du système socio-éducatif n’auront fait que renforcer sa détermination à suivre ses envies, en s’échappant mentalement via le dessin, physiquement par l’escalade. On ne domestique pas les loups. « Ailefroide » est la parfaite synthèse de ses deux passions, permettant d’une certaine manière à Rochette de boucler la boucle. Le senior à la barbe et aux cheveux blancs peut aujourd’hui parler de l’ado fougueux qu’il était alors, avec tendresse et sans reniement malgré les années écoulées. Dans une narration très fluide, il évoque avec une sincérité qui fait toute la force de cette autobiographie, son gravissement sysiphéen vers un sommet qu’il n’atteindra jamais, celui qui a donné son nom au titre. Comme une métaphore de sa propre vie, avec cette impression que rien ne pourra vous arrêter dans cette compétition vers les hauteurs (à moins que cela ne soit qu’une fuite…), jusqu’au jour où survient l’accident, celui qui en principe « n’arrive qu’aux autres » et remet les choses en perspective de façon radicale. Un événement grave mais qui sauvera peut-être la vie de notre casse-cou en précipitant son choix définitif vers la bande dessinée, et débouchera sur la création de son personnage fétiche, le cynique et teigneux Edmond le Cochon… On l’aura compris, Rochette n’est pas du genre à s’avouer vaincu ! Graphiquement, le trait ne fait que confirmer le talent de cet auteur pour qui la montagne apparaît désormais comme un genre à part entière et a révélé une nouvelle facette de son art, après notamment l’humour punko-trash des années Actuel/L’Echo des savanes et son cultissime "Transperceneige", œuvre de SF adaptée dans une superproduction hollywoodienne au cinéma. Disposant d’une palette stylistique très étendue, Rochette recourt ici à son trait le plus âpre, où les stries rocailleuses des montagnes se retrouvent jusque dans les visages burinés par le soleil, toujours très expressifs, où l’on ressent quasi-physiquement la minéralité de la pierre et le coupant de la glace, à peine adoucis par le bleu pur des cieux. Si Jean-Marc Rochette n’a pas vaincu le sommet tant rêvé, il est en passe, avec cette aventure humaine puissante, de se hisser au panthéon du neuvième art. « Ailefroide » fait partie de ces œuvres à forte persistance cérébrale, incontestablement un must de l’année 2018, un pavé qu’on se prend en pleine tronche. Et fort heureusement, à l’inverse de ce qui se passe dans la BD, ce n’est ici qu’une image (seuls ceux qui l’ont lu pourront comprendre).
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