Moi, ce que j'aime, c'est les monstres (My Favorite Thing Is Monsters)
Angoulême 2019 : Prix du Meilleur album Grand prix de la critique ACBD 2019 Will Eisner Award 2018 : Best Graphic Album: New Fiction empreinte de vérité, c’est une œuvre sur la différence qui transcende les genres et abolie les frontières entre les lecteurs. Emil Ferris l’a écrite pour les minorités, l’a dessinée pour la liberté d’être ce que l’on veut, humainement et intimement, et l’a portée envers et contre tout pour prouver que l’on peut se relever, que l’on peut se reconstruire et laisser sa marque. Et c’est pour ça que Moi, ce que j’aime, c’est les monstres frappe si fort aujourd’hui, il s’adresse à tous, à nos problèmes, à notre monde.
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Chicago, fin des années 1960. Karen Reyes, dix ans, adore les fantômes, les vampires et autres morts-vivants. Elle s’imagine même être un loup-garou: plus facile, ici, d’être un monstre que d’être une femme. Le jour de la Saint-Valentin, sa voisine, la belle Anka Silverberg, se suicide d’une balle dans le cœur. Mais Karen n’y croit pas et décide d’élucider ce mystère. Elle va vite découvrir qu’entre le passé d’Anka dans l’Allemagne nazie, son propre quartier prêt à s'embraser et les secrets tapis dans l’ombre de son quotidien, les monstres, bons ou mauvais, sont des êtres comme les autres, ambigus, torturés et fascinants. Journal intime d’une artiste prodige, Moi, ce que j’aime, c’est les monstres est un kaléidoscope brillant d’énergie et d’émotions, l’histoire magnifiquement contée d’une fascinante enfant. Dans cette œuvre magistrale, tout à la fois enquête, drame familial et témoignage historique, Emil Ferris tisse un lien infiniment personnel entre un expressionnisme féroce, les hachures d’un Crumb et l’univers de Maurice Sendak. À travers ce livre, Emil Ferris tisse de courage, de force, de résilience, l’étendard de ceux qui survivent, de ceux qui se relèvent et ne veulent plus se taire. Et si ce n’est pas œuvre autobiographique tout y est néanmoins vrai. La clé de ce projet est la différence, et Emil Ferris l’a écrit pour les minorités, l’a dessinée pour la liberté d’être ce que l’on veut, humainement et intimement, et l’a porté envers et contre tout, pour le droit d'être la femme que l’on veut. Et c’est pour ça que Moi, ce que j’aime, c’est les monstres nous frappe si fort aujourd’hui, car il s’adresse à nous, à nos problèmes, à notre monde.
Scénario | |
Dessin | |
Couleurs | |
Traduction | |
Editeur
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Genre
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Public
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Type
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Date de parution | 23 Août 2018 |
Statut histoire |
Série en cours
2 tomes parus
Dernière parution :
Moins d'un an
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Les avis
Je l'avoue, je ne suis pas convaincu que j'aurais acquis cette bd sans le tapage consécutif à son Fauve à Angoulême. Cela aurait été dommage. Comme quoi, les prix, même s'ils peuvent nous apparaître trop élitistes par moments, peuvent être utiles... J'ai vraiment beaucoup aimé me plonger dans ce pavé. L'expérience visuelle est incroyable. Le dessin est absolument somptueux. C'est, certes, aller un peu loin mais certains portraits sont proches de la photographie, tellement ils s'approchent de la réalité (en tout cas, celle qui nous est présentée). Là, où je me dis que je suis clairement un client de ce genre graphique, c'est quand je me revois, pendant ma lecture, avancer de quelques pages pour essayer de trouver une planche particulièrement belle, un peu comme un accro ayant besoin de sa dose, ou revenir en arrière pour en explorer une autre, déjà vue, en quête d'un deuxième shoot. Le dessin mérite clairement un 5/5, de mon avis en tout cas. Côté scénario, on est sur du solide aussi. Deux histoires, deux parcours qui s'imbriquent dans l'Histoire, de façon assez habile la plupart du temps. Bon, on n'est pas tout à fait dans du Spiegelman ou du Levi pour la partie contant la période pré-nazisme et nazie mais l'émotion passe et certains passages, peut-être moins importants pour l'Histoire (je pense ici aux scènes dans le bordel ou aux passages avec l'ami-protecteur noir de Karen, rejeté par la société de bien trop de manières), sont bien décrits et fond froid dans le dos. Et c'est là où on touche à ce qui m'a le plus plu dans le scénario d'Emil Ferris : les détails. Ces petites choses, ces petits évènements, qui rendent une histoire (l'Histoire ?) plus consistante et accessible finalement. J'ai adoré l'héroïne, cette gamine en marge qui choisit de cultiver sa marge, pour se protéger sûrement, mais aussi parce que c'est vachement plus drôle d'être à contre-courant. C'est sans doute un peu caricatural par moment, en particulier dans ses relations avec son frère et sa mère, mais c'est convaincant, on entre dans leur intimité volontiers et on pleure avec eux, on rit aussi. Je ne veux pas trop en dire, pour ne pas spoiler les futurs lecteurs, mais certains twists, même si je m'y attendais pour quelques-uns, font le sel du scénario. Pour conclure, il ne faut pas avoir peur de ce pavé, le début est certes plus dense, plus contraignant également, que la suite mais le dessin happe le lecteur que je suis, et je l'espère que vous serez en plongeant dans cette œuvre. Œuvre que je classerai sans doute "culte" après la lecture du tome 2, si celui-ci est du même niveau.
Voilà donc l’album récompensé à Angoulême cette année ! Un gros pavé de plus de 400 pages, que je n’avais pas vu sur les rayonnages à sa sortie. Il faut dire que Monsieur Toussaint Louverture n’a pas forcément droit aux têtes de gondole. Et il faut dire aussi, que seuls des petits éditeurs prennent encore le risque de publier ce genre d’œuvres, franchement atypiques. Après un petit temps d’adaptation – on ne rentre pas si facilement dans cet album je trouve –, j’ai été véritablement happé par l’histoire, qui se révèle au bout d’un moment bien plus classique qu’elle n’en a l’air au premier abord. L’un des gros atouts de cette œuvre, c’est l’aspect graphique ! Et je ne parle pas seulement du dessin, mais aussi du parti pris d’en faire une sorte de carnet intime, avec les lignes, le trou pour les spirales, cahier dans lequel une jeune femme raconte sa vie, colle des documents (comme les couvertures de magazines populaires, d’horreur, photos, etc.). Le dessin justement, que j’ai trouvé très beau. En Noir et Blanc le plus souvent, mais avec des touches de couleurs, et parfois même de pleines pages « colorées ». Différents styles, niveaux de crayonnés se succèdent (cela renforce le côté « carnet », « pris sur le vif »). Ce qui est singulier, c’est que Ferris alterne un trait réaliste, très précis, avec des crobars en esquisse, et parfois un trait bien plus caricatural, qui doit beaucoup à une certaine esthétique underground, et à l’influence de Crumb je trouve, avec des corps plus en chair. Styles et précision plus ou moins grande du trait cohabitent donc, sans que cela ne gêne la lecture, ni n’altère l’unité de l’ensemble. A plusieurs reprises, surréalisme et expressionnisme font des incursions. L’intrigue elle-même nous permet de mieux connaître la narratrice, Karen, une jeune fille laide, « qui aime les monstres » (et dont certains côtés m’ont fait penser à certains monstres présents dans l’album enfantin « Max et les Maximonstres », de Sendak). Après nous avoir présenté son existence, plus ou moins rejetée – mis à part quelques rares camarades elles aussi « atypiques » et son frère Deeze – Karen se lance dans une sorte d’enquête, après la mort de la voisine du dessus, Anka (Karen est persuadée qu’elle a été assassinée). C’est ensuite la vie d’Anka qui va occuper une bonne partie de l’album, depuis son enfance dans l’Allemagne des années 30, au milieu d’autres « monstres », pédophiles, Nazis, etc. Puis elle revient aux Etats-Unis, pour les suites de « l’enquête », dans l’entourage de la défunte. Par-delà l’intrigue elle-même, l’album est aussi – et avant tout ? – une très belle ode à la différence, défendant ceux qui « sont mis de côté » parce que « différents » (jeunes, Noirs, Indiens, femmes, Juifs, etc.). L’histoire est d’ailleurs sensée se passer aux Etats-Unis, dans les années 1960, en pleine révolte des « minorités ». Comme je l’ai dit, l’album ne se laisse pas apprivoiser facilement, et sa lecture exige de la concentration et du temps ! (texte très abondant, placé parfois dans tous les sens – j’ai eu quelque fois du mal à savoir dans quel ordre il devait être lu. Les pages sont bien remplies, c’est le moins que l’on puisse dire !!!). Mais il vaut vraiment la peine de s’y consacrer, de s’y plonger. Et pour le coup, je comprends pourquoi cette œuvre a pu décrocher tous ces prix : c’est ambitieux et beau, et bien plus accessible au « grand public » qu’on pourrait le croire – même si je vous recommande quand même un petit feuilletage avant de l’acheter.
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