Le Voyage de Marcel Grob

En juin 1944 Marcel Grob un jeune Alsacien est enrôlé de force dans la Waffen SS. Des années plus tard il doit convaincre un tribunal qu'il n'est pas un criminel. Cette BD contient un dossier historique.
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Juin 1944, la Waffen SS enrôle un jeune Alsacien pour participer à l'effort de guerre. Après une incorporation rapide Marcel Grob et son bataillon sont chargés d'aller en Italie pour chasser les partisans. Après des décennies Marcel Grob doit répondre de ses actes face à un tribunal, toute sa vie de guerre défile devant ses yeux.
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Date de parution | 11 Octobre 2018 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis


Etant moi-même alsacien, il me semblait inévitable de lire ce récit. Récit qui m'a étonné par sa démarche, puisque j'ai été confronté très jeune au phénomène des Malgré nous et tout le paradoxe des alsaciens dans la Seconde Guerre Mondiale : trop allemand pour les français, trop français pour les allemands. Interdit de parler leurs langue, obligé de souscrire à un état qu'ils n'ont pas voulu, enrôlés de force … Toutes ces histoires me sont connues par les cours d'histoire du collège lycée mais aussi et surtout par ma propre famille. La BD me paraissait donc d'abord un peu superflu. Sauf qu'il faut bien constater que les français (ceux d'outre-Vosges) ne sont pas souvent sensibilisé à ces problématiques là et peuvent avoir une vision biaisé du comportement de nombreux alsaciens. Il faut dire que leur situation était bien souvent catastrophique, comme le rappelle cette BD : participer ou être déporté, adhérer ou être fusillé, collaborer ou disparaitre. J'ai entendu de nombreuses fois cette histoire : j'ai fait ça, parce que sinon ma famille était emmenée. Et la famille, c'est au sens large : cousin, tante, oncle, tout le monde pouvait être embarqué pour une défection. Mes grands-parents et arrière grands parents ont ainsi vu leurs frères partir dans une guerre qu'ils ne voulaient pas, mourir sur le front de l'est et avoir comme seule et mince consolation, l'idée que leur famille n'a pas déjà été tuée. Je parle beaucoup de la situation que je connais, mais parce que cette BD est totalement dans cet esprit : raconter ce qui fut fait sous la contrainte. Il est facile de se dire "j'aurais fait autrement" ou encore "j'aurais résisté", mais c'est oublier tout ce que cela comportait. Le voyage de Marcel Grob fut fait contre sa volonté, avant tout. Cependant, et c'est là tout l'intérêt de la BD, c'est aussi de ce fait qu'il participe à des massacres que l'armée allemande perpétue à cette époque. Il devient du coup difficile de dire ce qu'il faut ressortir de tout ça : condamner un gars qui est né au mauvais endroit au mauvais moment ? Lui reprocher d'être devenu un salaud pour ne pas en devenir un autre ? D'avoir été dans une situation d'où rien de bon ne pouvait sortir ? Il est facile de s'ériger en juge, mais c'est passer sur la complexité de cette époque. Je digresse beaucoup, parce que cette BD aborde avec une grande justesse toutes les problématiques liées à l'enrôlement des jeunes alsaciens. Comme le rappelle la BD, certains étaient franchement ravis d'aller dézinguer du coco, tandis que d'autres voulaient juste rentrer en vie. Les SS n'étaient pas tous des monstres assoiffés de sang, même si certains sont présentés comme des sadiques. Il y a là une diversité d'être humain qu'on peut croiser dans tout les groupes. Et lorsqu'on referme la BD, c'est avec plus de questions que de certitudes. C'est la force d'un tel récit : permettre de remettre les choses dans un contexte qui ne simplifie jamais rien. Mais c'est salutaire que de se rappeler que l'Histoire n'est pas monolithique et qu'il est dangereux de caricaturer en deux camps simplifiés, les gentils et les méchants. A la fin de cette BD, je repense à mes grands-mères et leurs frères qu'elle n'ont pas revu, leur père qui a fait la résistance et s'est fait descendre (par les gendarmes français), mon grand-père enrôlé dans l'armée allemande et qui a fuit en pyjama dans la neige le soir du Nouvel an (pour se réfugier en Suisse). Je repense à tout ces alsaciens qui avait comme seul tort d'être né là, dans un coin du monde qu'on se disputait alors, et qui ont pris de plein fouet l'absurdité d'une guerre. A l'heure où les guerre se rapprochent à nouveau de l'Europe, cette BD me fait penser que nous avons eu la chance, ces dernières années, de pouvoir vivre dans un pays qui ne nous a pas obligé à faire des choses et surtout, choisir un camp (comme disait Goldman). Sortir d'une BD avec autant de questions, de réflexions et d'images est sans doute ce qu'il y a de mieux, non ?


Alsacienne, amatrice d’histoire, cette BD fut un cadeau très sympathique, merci à la personne qui me l’a offerte alors qu’elle lui appartenait à la base, enfin bon passons à l’avis ! Cette BD nous narre l’histoire de Marcel Grob qui en 2009 se fait emmené via une procédure assez discutable, dans le bureau d’un juge plutôt détestable. En effet Marcel Grob doit pouvoir prouver qu’il était bien un « malgré-nous », les Alsaciens et mosellans incorporés de forces dans l’armée allemande, et non un volontaire. Il est intéressant de voir une bande dessinée traitant de ce sujet tout en évoquant aussi à quel point une guerre est traumatisante, autant pour les civils que pour les soldats, autant dans un camp que dans un autre. Marcel Grob incorporé à seulement dix-sept ans a été témoin de choses abominables et fut même forcé de tuer des personnes innocentes. Sa jeunesse fut en quelque sorte gâchée, car il est sûr qu'en sortant d’une guerre, on a changé. Les personnages sont très attachants, on remarque que ces jeunes soldats se chamaillaient ou parlaient un langage familier entre eux, puis un contraste important est créé quand ils sont pour la première fois confrontés à la violence de la guerre. Le dessin est très beau, la colorisation change entre le présent et le passé ce qui est une très bonne idée. L’émotion est présente dès le début avant même que l’histoire commence, une citation, un moyen de dire aux jeunes Européens à quel point ils ont la chance de vivre en paix mais aussi qu’ils ne doivent en aucun cas oublier le passé pour autant.


L'adage nous le répète " Les voyages forment la jeunesse." Mais le type de voyage de Marcel Grob l'a détruite d'une façon cataclysmique. L'excellent ouvrage de Philippe Collin et de Sébastien Goethals nous conte une histoire de "Malgré-nous". Nos compatriotes Alsaciens et Mosellans ont eu la pénible obligation de servir de chairs à canons pour les unités allemandes décimées par les combats dès 1942. C'était probablement plus une volonté d'affirmer la volonté d'accaparement et de contrôle de ces territoires et de leurs habitants par les occupants qu'une réelle aide militaire quand on voit le nombre d'incorporés par rapport à l'immensité de l'armée allemande. Toujours est-il que quand cela vous tombait dessus c'était affreux. L'ouvrage nous renvoie aux interrogations fondamentales de la condition humaine. Le scandale du mal, la liberté, la conscience et la responsabilité de ses actes et la justice. J.P Sartre a dit que les hommes n’avaient jamais été aussi libres que pendant la guerre (39/45) dans "La République du Silence" Cette phrase paradoxale est superbement illustrée par le récit des mésaventures de Marcel Grob. Contrairement à ce qu'il nous fait croire et ce qu'il veut encore se persuader sur son lit de mort, il avait le choix à chacune de ces étapes. Comme le grand Max qui prend le maquis, comme Koenig et Riedweg qui désertent et même comme Müller ou le lieutenant Brehme. Il y a des conséquences qui peuvent être terribles mais ce sont pour ces hommes-là que les GI sont morts sur les plages. Etre ou ne pas être, Mourir ... dormir, Grob lui se soumet à la situation et les quelques rares initiatives qu'il prend sont pour sauver ses Frères d'armes. Je ne sais pas si j'aurais fait mieux que lui mais dans la vérité du cœur au moment de l'agonie, je serais probablement rongé par le dégout de moi-même si j'acceptais ma conscience en toute lucidité. C'est ce tribunal qu'il a à affronter. C'est celui de madame Coscienza la greffière mais aussi, en français, sa conscience italienne. Je trouve l'idée du tribunal de l'examen de conscience excellente car elle permet de poser la question de la justice au delà du droit naturel et du droit positif. Grob a bénéficié d'un droit positif dont il s'est bien accommodé. Alors que ses victimes de Marzabotto auraient bien aimé pouvoir jouir de leur droit naturel. Les dessins de Sébastien Goethals sont précis, alternant la tension du bureau, la beauté des paysages italiens et la férocité de la violence paroxysmique. Pas de couleur pour ce monde infernal. Le plus c'est le dossier historique de Christian Ingrao qui remet certaines pendules à l'heure à propos des choix politiques fait au sortir de la guerre. C'était probablement légitime dans les années 50-60 mais aujourd'hui le temps de l'histoire, de la justice et de la vérité doit pouvoir voir le jour sans polémique. Un ouvrage à faire lire à tous les lycéens européens. Comme l'indique la dédicace d'entrée.


Ce n'est pas parce que je suis alsacien que j'ai aussi bien aimé le voyage de Marcel Grob. Sans doute suis-je beaucoup plus sensibilisé au fait de savoir que ma région l'Alsace a beaucoup souffert au cours des deux précédents siècles où elle fut littéralement ballotée entre l'Allemagne et la France. Du coup, la participation de soldats alsaciens à la Wehrmacht n'est pas si facile que cela à comprendre. Cela me tient à coeur car la question des Malgré-Nous n’a pas toujours été exposée et étudiée avec l’attention que mérite la situation subie par l’Alsace et la Moselle. Nous avons encore un de ses petits juges arrogants qui n'a rien compris à la guerre et qui ne porte que le mépris en lui. Nous apprendrons qu'il est à la fois juge et partie sans vouloir dévoiler la fin de cette oeuvre. Et c'est également tout le poids de l'Histoire qui pèse sur les frêles épaules de Marcel Grob qui a plus de 80 ans. L'ignoble chantage de l'ennemi de l'époque... C'est le récit poignant d'un jeune alsacien engagé de force dans la SS en Juin 1944 alors que les Alliés débarquaient sur les places normandes. On va donner le point de vue de l'autre côté de l'histoire officielle écrite par les gagnants de ce conflit. Bien entendu, on condamne fermement les actes de cruauté et de tuerie mais il s'agit de comprendre avant de juger au nom de l'Histoire. Cependant, une question me taraude : qu'aurions-nous fait à sa place si la vie de nos proches en dépendait ? Si j'étais né à Leidenstadt en 1920 ? C'est tout le drame des "Malgré-Nous" qui est mis en lumière sur ce pan méconnu de l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale. Le dessin en noir et blanc ou en sépia selon les époques colle vraiment à l'histoire. J'ai rien à redire pour une fois. Une oeuvre à apprécier car très bien écrite et au contenu très enrichissant. Une bd pour l'ouverture d'esprit et pour une certaine forme de tolérance face à l'Histoire. Il faut savoir la vérité avant de juger. Je reprends cet avis un an après afin de faire un petit ajout pour signaler que ce titre est le gagnant d'un concours parmi une large sélection de bd lors d'un concours lié au prix Cezam Grand-Est 2019. Cela fait toujours plaisir quand son favori remporte la compétition. C'est largement mérité.


Sur les conseils de mon frère, je me suis lancé dans la lecture de ce récit. Dès le début, j'ai été pris dans la tourmente de cette histoire et je n'ai lâché le livre qu'à la fin, malgré les presque 180 pages qui le composent. Quel destin que celui de Marcel Grob, grand oncle alsacien de l'auteur, Philippe Collin et qui devient ici la figure des "malgré-nous". Cette génération sacrifiée d'Alsaciens, nous la connaissons tous, mais pas à travers l'histoire d'un seul homme, comme l'illustre la couverture de l'album. J'ai été secoué par cette lecture, qui ne peut laisser le lecteur indifférent : du front italien, en passant par le massacre de Marzobotto, au front Russe, on se demande encore comment Marcel Grob a pu affronter et survivre et tout cela. Bien sûr, les auteurs nous décrivent les horreurs de cette guerre, mais avec quelques éclaircies comme le comportement du lieutenant Brehme, amoureux de littérature. Du début à la fin du récit, on ressent une certaine empathie pour Marcel Grob, sans pour autant justifier ses choix. Contrairement à certains lecteurs, je n'ai pas été dérangé par le scénario qui renvoie sans cesse à l'entretien que Marcel Grob a avec le jeune juge d'instruction fictif,qui le renvoie directement à ses actions passées, à sa conscience. Au contraire, cela donne un certaine respiration au récit. A noter que le dessin, avec ses couleurs sépia et gris-bleu, est parfaitement en phase avec le récit. Une lecture très forte.
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