Saccage

Note: 3.25/5
(3.25/5 pour 8 avis)

Frederik Peeters est un animal insaisissable, et comme le prouve son parcours, jamais où on pourrait l'attendre ; Saccage, son nouveau livre, le démontre une fois encore. Saccage, voilà un ouvrage qui défie toute forme de définition, de classification : entre livre d'images et bande dessinée, Saccage dépeint une épopée pleine de tourments, celle d'un homme (prophète ? héraut de l'apocalypse ? ) qui traverse un monde dément, chaotique, baroque, où toute la folie – et l'histoire – de l'homme semble se télescoper, se mélanger, pour former un magma empli de visions fantasmagoriques, juxtaposant alors écho d'un enfer bien trop terrestre, jeu de références, et fresque prémonitoire.


Atrabile Auteurs suisses BD muette Environnement et écologie Format à l’italienne Frederik Peeters Les petits éditeurs indépendants Une image par page

Fable d'anticipation, allégorie hallucinée, Saccage se lit comme un poème graphique en forme de constat pour le moins amer, et présente un monde en pleine déliquescence, sidérant comme un massacre, effrayant comme un cauchemar – mais Saccage est bien plus qu'un délire visuel, c'est une véritable oeuvre coup-de-poing, incroyablement habitée par un artiste au sommet de son art, et les dessins sans texte (mais pas "muets"! ) de Frederik Peeters donne alors bien plus à lire que nombre de romans ou d'essais. Dans une bibliographie où le changement et le renouvellement font quasiment office de règle, Saccage pousse le bouchon encore un peu plus loin, et ce livre unique (carrément ! ), joyau torturé et incandescent, marquera, à coup sûr, les esprits de tous les lecteurs qui oseront s'y aventurer.

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 15 Mars 2019
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Saccage © Atrabile 2019
Les notes
Note: 3.25/5
(3.25/5 pour 8 avis)
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05/04/2019 | Jetjet
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Par gruizzli
Note: 2/5
L'avatar du posteur gruizzli

Je rejoins l'avis de Ro à propos de cette BD. Au-delà de l'aspect purement esthétique, chaque image étant plutôt bien réalisée et assez complète pour qu'on s'y attarde un petit peu, nous avons tout de même une BD entre les mains, et il est assez évident ici que la narration n'est pas réellement le centre d'intérêt. Sauf que, dans un gout purement personnel, je dois avouer qu'une telle BD ne m'intéresse franchement pas . C'est très beau et j'apprécie le fait que chaque image prise isolément puisse être utilisée comme tableau décoratif, mais lorsque je dois me battre avec chaque indice pour comprendre le défilé des images je passe à côté de la BD. Je pense que c'est une limite que j'ai avec l'art abstrait et les histoires comme celles-ci. Je comprends le sous-texte de la guerre et la dévastation du monde mais l'ensemble reste très métaphorique et trop contemplatif pour moi. Il manque réellement le plus qui me fait m'y intéresser, et juste des beaux dessins ne me suffit pas. Comme je l'avais dit après avoir lu Moi ce que j'aime, c'est les monstres, je reste assez mitigé par certaines idées qui font parfois des œuvres à la limite de la bande-dessinée. Ici, ça reste dans cette zone floue selon moi. Il est parfaitement possible de la considérer comme une œuvre abstraite et simplement illustrative. Je suis peut-être trop fermé, mais là je suis dans mes limites au niveau de la lecture, et la possibilité de le lire en l'empruntant à la bibliothèque m'a bien arrangé sur ce coup. C'est pas vraiment fait pour moi.

06/06/2023 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

On est sans doute là à la limite de la BD – même si je pense que c’en est une. Un léger fil narratif unit les images qui nous sont données à voir. Comme le titre pouvait le laisser pressentir, Peeters nous livre ici une vision sacrément noire d’un univers qui pourrait être le nôtre (qui ne devrait pas l’être en fait). Ça peut se lire comme un recueil de cauchemars, de visions hallucinées d’un monde en déliquescence, un portfolio dans lequel un artiste chercherait à exorciser sa déprime. Par contre visuellement, c’est à la fois fort et beau ! Clairement inspirés d’artistes de différentes époques (je n’avais pas repéré toutes les références, mais Peeters livre les clés en fin d’album), ces dessins sont vraiment très chouettes. Et la colorisation (ainsi que le travail éditorial d’Atrabile) habillent superbement les visions de Peeters. Un imaginaire franchement influencé par le surréalisme sur plusieurs tableaux, une esthétique proche de celle de Burns ou de Micol je trouve, j’ai vraiment été captivé par cette lecture – très rapide, mais aussi inspirée et inspirante. A découvrir !

05/02/2022 (modifier)
Par cac
Note: 3/5
L'avatar du posteur cac

Un album atypique et surprenant. Le grand format à l'italienne permet de profiter de superbes dessins au format paysage. J'aimerais bien être aussi doué avec un stylo bic ... C'est tellement stylé qu'on a envie de découper certaines pages et les mettre dans un joli cadre pour les admirer au mur. On pourrait rester devant de longues minutes à scruter le moindre détail. Bon après l'histoire. Bien bien. C'est pour moi le problème, il n'y en a pas vraiment. On a des thèmes autour de l'écologie, la dégradation de la planète avec un personnage tout jaune qui traverse des étendues ravagées. On essaie de trouver un fil conducteur entre les planches. C'est un peu à chacun de faire sa propre interprétation, comme au musée face à un tableau en fait. Ça nécessiterait bien un guide conférencier.

19/01/2021 (modifier)
L'avatar du posteur Guillaume.M

Si la Renault série limitée Palme d’Or est une voiture qu’elle est bien pour la conduire, « Saccage » est une bande-dessinée qu’elle est dure pour la noter… Habitué des œuvres peu conventionnelles, Frederik Peeters livre carrément ici une BDNI (bande dessinée non identifiée). D’ailleurs, est-ce vraiment une bande dessinée ? Des dessins muets plus ou moins surréalistes se succèdent, suivant apparemment un certain fil rouge, soit celui d’un être fantastique qui se confronte à un monde en pleine déliquescence. La seule explication provient d’une introduction écrite de Frederik Peeters qui explique en substance qu’il a laissé aller son stylo bille pour expulser des bribes d’inspirations artistiques refoulées depuis parfois plusieurs années. Graphiquement, c’est exceptionnel et bien servi par une belle qualité d’édition. Déjà amateur du style de l’auteur genevois, je ne peux que constater une maîtrise encore accrue. Le trait évolue selon les scènes, les planches et le contexte. Les dessins sont si expressifs qu’ils pourraient raconter une histoire claire, sans aucun texte, ce qui est loin d’être une évidence. Seulement voilà… je n’ai justement pas tout compris. Peut-être qu’il n’y avait rien à comprendre, qu’il fallait simplement contempler et accepter l’expression artistique dans sa forme la plus brute ? Il n’empêche que j’apprécie tout de même de comprendre un minimum ce que je lis. En l’occurrence, trop de planches sont restées un mystère pour moi. Une chose est certaine, « Saccage » ne laissera pas indifférent. Les lecteurs aimeront, ou pas, sans nuance. C’est pourtant ce que ma note tente d’apporter. Une sorte de compromis suisse entre la récompense d’un dessin magistral et la sanction d’une œuvre trop abstraite à mes yeux.

04/08/2020 (modifier)
Par Ro
Note: 2/5
L'avatar du posteur Ro

Difficile de voir dans cet album davantage qu'un recueil d'illustrations. OK, celles-ci ont vaguement un fil conducteur, un personnage central récurrent mais rares sont celles qui se succèdent pour de bon et encore pour certaines il faut vraiment un effort pour se dire que la succession peut coller et s'expliquer ainsi ou ainsi. Globalement, cela ressemble donc à une succession de dessins surréalistes, parfois proche d'un Dali ou de la représentation de rêves chaotiques. Il s'en dégage une critique visible de la société moderne, de la pollution, de la guerre et de tout ce qui crée la misère, la mort, la maladie et les catastrophes humanitaires, inégalités sociales incluses. Le personnage central, création humanoïde issue de l'explosion d'une centrale nucléaire, assiste à toutes ces scènes en spectateur inhumain, simple témoin de la manière dont l’humanité détruit sa planète et sa propre société. Les dessins sont souvent très beaux même si leur thématique et leur apparence surréaliste ne me parle parfois pas du tout. Ce qui me gêne, c'est le manque d'histoire. Quand je lis une BD, j'aime qu'elle me raconte quelque chose et pas qu'il s'agisse juste d'une suite de dessins d'où se dégage certes une idée générale mais qui ont souvent ni queue ni tête et qui surtout ne raconte rien de concret. Il n'en reste qu'un catalogue de jolies images, mais comme seulement certaines d'entre elles me séduisent vraiment, ce n'est pas un ouvrage pour moi.

02/01/2020 (modifier)
L'avatar du posteur Pokespagne

Difficile de trouver les mots pour partager l'expérience extrême que constitue la découverte de "Saccage" de Frederik Peeters. Difficile de dire si l'on a aimé, même de manière "oblique", cette expérience. Difficile de prétendre qu'on a compris quelque chose à cet ouvrage - ne parlons pas de BD, pour le coup, mais il ne s'agit pas non plus d'un livre de "belles images", même si les images ici sont pour la plupart terriblement belles, et terribles, à coup sûr. Difficile de recommander ce livre, à ses amis (qu'ils en deviennent meilleurs...!) ou à ses ennemis (qu'ils en crèvent en un longue agonie cauchemardesque...!). Difficile de ne pas reconnaître çà et là au moins quelques unes des innombrables références listées par Peeters en conclusion, mais difficile aussi de ne pas voir que "Saccage" broie, engloutit et revomit ses références pour en faire quelque chose de radicalement différent, de radicalement AUTRE. Difficile de ne pas saisir qu'il s'agit ici de notre présent, de notre futur imminent, de ce saccage irréversible d'un monde et d'une humanité que bientôt on ne pourra plus qualifier ni de monde, ni d'humanité. Difficile d'admettre que cette violence, qui déferle ici dans des certaines illustrations avec une puissance tellurique, est déjà la nôtre, au quotidien. Difficile de ne pas voir que "Saccage" ne diffère en rien de ce que la Télé ou Internet nous montrent sur l'état des choses. Difficile de ne pas reconnaître ce que la VISION d'un artiste du calibre de Peeters ajoute à ce chaos répugnant : quelque chose de vraiment sublime, qui fait peur, vraiment peur. Et honte, vraiment honte. Difficile d'ignorer que nos tentatives presque désespérées de trouver un sens à "Saccage" ont été infécondes. Difficile de nier et que nous avons ressenti une terrible frustration à avoir perdu ainsi l'usage des mots (réconfortants) et de la logique la plus élémentaire (rassurante). Difficile de ne pas trouver "Saccage" terrible. Insupportable. Irregardable par instants. Difficile de ne pas admettre que, comme un poison violent, nous n'y avons survécu qu'en l'absorbant à petite dose, au fil des jours. Difficile d'écrire ici que nous nous sommes reconnus dans cet étranger jaune de peau, et que nous avons détesté ça.

05/10/2019 (modifier)
Par Blue Boy
Note: 4/5
L'avatar du posteur Blue Boy

Ce nouvel ouvrage de Frederik Peeters arrive tel un OVNI dans une bibliographie déjà bien consistante. On hésite à le classer entre la bande dessinée et le livre d’images, on le dira donc inclassable, tout simplement. Dans une succession de dessins pleine page dépourvus de textes, on retrouve le même personnage, seul élément qui permette de tisser une sorte de lien narratif, si ténu soit-il. Il n’y a pourtant pas d’obligation à y voir une histoire, toutes les pages pouvant se regarder comme des tableaux indépendants. Délivré dans un format à l’italienne, il n’a en rien à voir avec la Dolce Vita, bien au contraire. Recourant à la ligne claire qui lui est chère et apparenterait ainsi son ouvrage à la bande dessinée, Frederik Peeters nous assène ici un véritable électrochoc graphique et émotionnel, récipient de toutes ses obsessions disséminées à travers son œuvre. Tel un cauchemar psychédélique qui nous saute au cortex, l’auteur suisse expose dans un esprit Pop-Art ses propres peurs et ses révoltes inhérentes aux tares de notre monde : explosions et incendies, catastrophes diverses, accidents nucléaires et baleines échouées, décors apocalyptiques, chaos et désolation, mutations, difformités, créatures grotesques et effrayantes, parfois inspirées de nos cartoons d’enfance, formes de vie hybrides et invasives… on n’est pas là pour rigoler ! L’imagerie déployée révèle une multitude d’influences artistiques, d’anonymes ou de célébrités, que l’auteur énumère d’ailleurs en fin d’ouvrage. On pense notamment à Jérôme Bosch, Michel-Ange, Otto Dix, H.G. Wells, David Hockney, Charles Burns, ou encore Salvatore Dali, qui curieusement n’est pas cité. Le monde dépeint est terrifiant, à la fois surréaliste et familier Ce monde est bien le nôtre. Ce monde, qui ressemble à l’enfer, est bien la Terre. Car l’enfer est désormais sur Terre. Et nous en sommes les seuls créateurs, un peu piteux, un peu merdeux, avec juste nos yeux pour pleurer un paradis perdu. Mais pour sortir de sa cage, l’Homme devra peut-être passer par le saccage… « Saccage », œuvre graphiquement riche et puissante, ne plaira sans doute pas à tout le monde mais ne saurait laisser indifférent. Par son hyper-contemporanéité et son surréalisme agressif, dans des couleurs contrastées, maladives et fluorescentes, elle se révèle comme un ultime cri de rage alors que tout se délite autour de nous, de plus en plus vite, de plus en plus violemment. Son pouvoir hypnotique est tel que la répulsion possiblement induite par les premières images sera vite oubliée. Ce livre est un vaccin mental contre le déni et l’indifférence obscènes de nos « télé-achats-réalité »… Inclassable et incontournable. Une fois encore, Frederik Peeters nous prouve qu’il est un auteur hors du commun, un explorateur du neuvième art, bref, un véritable artiste.

03/08/2019 (modifier)
Par Jetjet
Note: 4/5
L'avatar du posteur Jetjet

Attention oeuvre OVNI ! Réalisé entièrement au stylo Bic et conçu comme une suite d'illustrations muettes de manière équivoque, cet étrange album raconte une histoire simple ou complexe selon la concentration et l'implication du lecteur sur la déliquescence de notre monde contemporain. Contemporain, oui et non tant Peeters s'amuse à brouiller constamment les pistes par une superposition de différentes époques et civilisations convergeant immuablement vers le chaos. En prenant comme témoin et repère un curieux personnage jaune fluo qui va traverser un monde post apocalyptique, Peeters reprend le principe du "Marabout, Bout de Ficelle" pour justifier cette écriture automatique de paysages dévastés par la seule présence de l'homme dans son environnement. Les dessins sont superbes. Le choix des couleurs permet de s'y retrouver par de subtils allers-retours d'une planche vers une autre. Conçu comme le 5ème tome muet de sa série culte Aâma, l'auteur nous délivre un message peut être trop manichéen sur l'écologie mais également trop cryptique pour pouvoir être apprécié lors d'une première lecture. Le pouvoir d'attraction est tel qu'on aimera s'y replonger ultérieurement par petites touches et y passer du temps, le talent de dessinateur prenant réellement le pas sur un scénario étouffé par trop de références. D'ailleurs la préface et les clins d’œil à d'autres auteurs permettent un peu de s'y retrouver tel un livre où il faudrait retrouver Charlie. Les lecteurs de bandes dessinées plus traditionnelles risquent d'être confrontés à un mur d'incompréhensions et de n'y trouver qu'un livre sans aucune clé ni âme. Conçu pour ne pas plaire au plus grand nombre, il s'agit probablement de l’œuvre la moins accessible du prolifique auteur mais elle mérite amplement la peine de s'y perdre pour peut-être mieux s'y retrouver. Dans tous les cas, le plaisir graphique décuplé par le format à l'italienne idéal en fera forcément un indispensable pour tous les fans de l'auteur.

05/04/2019 (modifier)