Le Loup
Rochette questionne la place de l’homme face au règne animal.
BD à offrir Casterman La Montagne Les Alpes Les Loups One-shots, le best-of
Comme dans son précédent album, l’action se déroule au cœur du Massif des Écrins, dans la vallée du Vénéon. Un grand loup blanc et un berger vont s’affronter passionnément, jusqu’à leurs dernières limites, avant de pactiser et de trouver le moyen de cohabiter. Rochette célèbre une nouvelle fois la haute montagne, sa beauté, sa violence ; l’engagement et l’humilité qu’il faut pour y survivre. Il tente aussi, par la fiction, de trouver une porte de sortie au conflit irréductible de deux points de vues, justes l’un et l’autre : les bergers qui veulent protéger la vie de leurs bêtes, les parcs qui tentent de sauver des espèces en voie d’extinction.
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Date de parution | 15 Mai 2019 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Second one-shot de la trilogie sur la montagne de Rochette et encore une fois c'est très bon. Après l'autobiographie, Rochette utilise la fiction et son récit est du déjà vu: l'affrontement entre l'homme et la nature au travers de cette lutte entre un berger et un loup. Tout m'a semblé convenu...et pourtant j'ai bien aimé le récit et je l'ai trouvé passionnant à lire. La lutte entre les deux protagonistes est prenante avec une bonne mise en scène et il y a des scènes vraiment mémorables. Il y a beaucoup de narration descriptive et cela ne m’a pas trop dérangé contrairement à d’autres BD. Je ne sais pas trop quoi ajouter de plus aux avis positifs hormis que c'est vraiment un bon one-shot. Le dessin de Rochette est toujours aussi bon lorsqu'il s'agit d'illustrer les merveilleux paysages de la montagne.
Je n'avais jamais encore lu de BD de JM Rochette, ayant toujours été rebuté par le dessin de prime abord. A force de voir cet auteur dans les classements, en voyant les avis ici et ayant épuisé ma pile à lire sur mon lieu de vacances, c'est donc sur "Le loup" que j'ai jeté mon dévolu pour découvrir cet auteur. JM Rochette nous livre ici une œuvre empreinte de la majesté et de la rudesse du massif des écrins. On s’attarde sur la relation complexe entre l'homme et la nature, incarnée ici par le loup, réintroduit dans les montagnes françaises, et un berger, Gaspard, dont la vie est bouleversée par ce prédateur. Ce qui frappe d’emblée dans cette bande dessinée, c’est l’atmosphère qui se dégage des pages. Le dessin charbonneux de Rochette, soutenu par une colorisation froide et qui m'avait rebuté de prime abord traduit parfaitement l’austérité des sommets enneigés, rendant palpable la solitude et la dureté de la vie en altitude. Rochette a une manière singulière de capturer la force brute de la nature, que ce soit à travers les paysages ou les traits des personnages, rudes comme la montagne elle-même. Sur le plan narratif, "Le Loup" se distingue par son approche minimaliste. Peu de personnages, peu de dialogues, mais une histoire dense qui se lit rapidement. JM Rochette parvient à transformer une simple confrontation entre un homme et un loup en une fable sur la coexistence, l’entêtement humain, et la nécessité de trouver un équilibre avec la nature. La relation entre Gaspard et le loup, qui oscille entre haine et respect, est l'épicentre du récit. Rochette dépeint avec finesse l’évolution du berger, qui, au fil de l’histoire, voit ses certitudes ébranlées. Cette transformation progressive pourrait rappeler la complexité des rapports entre l'homme et l'animal, un thème qui traverse toute l'œuvre. La fin du récit, marquée par une note d’espoir inattendue, pourrait surprendre, voire décontenancer, mais elle s’inscrit parfaitement dans la réflexion globale de l’œuvre : celle d'une nécessaire réconciliation entre l'homme et la nature. La postface vient ainsi apporter une conclusion philosophique à cette fable moderne, élargissant la portée du récit au-delà de la simple anecdote montagnarde. En résumé, "Le Loup" est une bande dessinée intense, où la puissance des images et la sobriété du récit se répondent pour créer une œuvre à la fois poétique et brute. Rochette nous invite à réfléchir sur notre place dans le monde, et sur notre capacité à coexister avec ceux qui y vivent depuis bien plus longtemps que nous. Une lecture qui, si elle se fait rapidement, laisse une empreinte durable.
C'est une histoire entre le loup et moi. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2019. Il a été réalisé par Jean-Marc Rochette, scénario et dessins, et par Isabelle Merlet pour la mise en couleurs. Il se termine par un texte de 4 pages de Baptiste Morizot, complété par une peinture en double page de Rochette, un paysage du massif des Écrins, entre impressionnisme et expressionnisme. Quelque part dans le massif des Écrins en Isère, la nuit tombe et un grand troupeau de brebis achève de se déplacer pour s'installer pour la nuit. En hauteur, une louve et son petit les observent. La lune brille dans un ciel sans nuage. En pleine nuit, la louve se lance à l'attaque, suivie de loin par son louveteau. Elle se jette dans le troupeau et commence à égorger plusieurs bêtes. Alors qu'elle achève une brebis de plus, Gaspard, le berger, lui tire dessus et l'abat. Son chien Max se met à hurler : Gaspard le fait taire. Il prend soin d'extraire la balle de la blessure de l'animal, puis il indique à son chien qu'ils rentrent à la cabane. Dans le lointain, le louveteau a tout observé. Après le départ de l'homme et du chien, il s'approche de sa mère et cherche à téter, mais les mamelles sont mortes, taries. Affamé, il tête la blessure, s'abreuvant au sang encore chaud de sa mère. le lendemain, Gaspard est redescendu au village et il prend un verre au bar, en papotant avec un copain. Il indique que c'est la deuxième attaque de l'année, que la louve a égorgé cinquante bêtes, des agneaux et des brebis, un vrai carnage. Il a dû abattre dix bêtes blessées, et qu'il a dû en égorger d'autres de ses propres mains, faute d'avoir assez de cartouches. Il indique que si ça se reproduit, il abattra le loup même s'il se trouve dans le parc national. Les vautours ont fini par repérer le charnier et viennent arracher de la chair sur les carcasses. le louveteau vient lui aussi s'y nourrir. Gaspard a repris son métier de berger et accompagne son troupeau dans ses déplacements, avec l'aide de son chien Max. le temps est venu de redescendre le troupeau pour le livrer aux camions de l'abattoir. Dans le village, la propriétaire du café l'accompagne pour la fin du trajet. Gaspard lui avoue que c'est lui qui a tué la louve. Elle avait déjà tué 150 brebis la saison précédente. Il ajoute que le berger et le loup ne sont pas faits pour vivre ensemble. Il s'interroge sur le fait que les brebis vont toutes finir à l'abattoir et si ça fait vraiment une différence qu'elles meurent ici ou là-bas. Lui-même est content à l'idée que la chasse au chamois recommence la semaine prochaine, car ça le démange. Dès le lendemain, Gaspard est en montagne, il observe un aigle à la jumelle. Celui-ci de précipite sur un chamois, mais qui s'avère une proie trop lourde pour lui. Mais ce n'était pas son jour : Gaspard l'abat. Il s'approche du cadavre, en retire le coeur, le foie et les poumons qu'il laisse sur place pour l'aigle. En se retournant, il aperçoit le louveteau qui s'est approché et s'est emparé des abats. En 2018, Jean-Marc Rochette surprend la critique et le lectorat avec un ouvrage biographique, réalisé avec Olivier Bocquet : Ailefroide : Altitude 3 954, un succès mérité. En découvrant a couverture du présent tome, le lecteur établit une filiation immédiate : mêmes lieux, même personnage solitaire amoureux de la montagne, même palette de couleurs. Plus de la même chose ? Effectivement, le récit bénéficie d'une unité de lieu : le massif des Écrins, un grand massif montagneux des Alpes situé dans les Hautes-Alpes et en Isère. Qu'il ait lu ou non Ailefroide, le lecteur éprouve la sensation de gravir lui-même dans les pentes raides au côté de Gaspard, de marcher dans les herbages en surveillant les bêtes, de scruter l'horizon pour apercevoir le loup. Dès la première page le lecteur peut admirer le savoir-faire visuel de l'auteur. Trois cases montrent les brebis et les agneaux en train d'avancer en troupeau, jusqu'à un plateau, sous une lumière orangée de fin du jour. Les dessins semblent manquer un peu de finition dans les détails : des traits rapides pour donner l'impression de l'herbe, des petits traits secs pour la texture des brebis, des petits aplats de noir aux formes irrégulières pour les ombres allant grandissant. Les planches de Rochette peuvent donner l'impression en surface d'esquisses rapidement reprises, sans être peaufinées. Pourtant chaque lieu est unique et plausible, plus réaliste que s'il était représenté de manière photoréaliste. S'il n'est pas familier de la montagne, le lecteur s'en rend compte dans le village ou dans les rares séquences d'intérieur : ces endroits existent et sont représentés avec une grande fidélité à la réalité. Une fois ce constat effectué, le lecteur se rend plus facilement compte de la justesse de la représentation des paysages de montagne. le regard de Gaspard porte souvent sur les montagnes au loin, et elles sont représentées avec la même impression de spontanéité que le reste, sans jamais être génériques. Il y a une cohérence d'un plan à l'autre et une intelligence du terrain. À aucun moment, le lecteur ne se dit que dans la réalité ça ne peut pas être comme ça, ou que le relief présente des caractéristiques farfelues. de la page 55 à la page 64, dans la neige, le berger se livre à une longue traque du loup de l'entrée du vallon jusqu'au sommet des barres rocheuses. À chaque planche, le lecteur éprouve la sensation de respirer un air plus froid, de sentir le pas assuré de Gaspard marchant dans une neige fraîche, de sentir son souffle devenir plus court, de progresser sur des reliefs traîtres où le loup progresse sans difficulté. L'effort physique se ressent, alors même que les dessins ne montrent qu'une silhouette humaine emmitouflé dans un anorak, avec un bonnet, se déplaçant sur des surfaces grises. Il faut un grand savoir-faire de bédéiste pour réussir à faire passer ainsi ces ressentis, et une grande connaissance de la montagne pour savoir aussi bien la représenter. Après plusieurs nuits passées dans un refuge de haute montagne, Gaspard reprend sa traque dans une neige nouvelle et beaucoup plus lumineuse, pour des paysages grandioses dans lesquels l'individu est dérisoire, et malhabile par rapport à un animal comme le loup. Après coup, le lecteur se dit que la mise en couleurs est parfaitement en phase avec les dessins, comme si elle avait été réalisée par Rochette lui-même. Ce dernier a dû donner des consignes précises à Isabelle Merlet, ce qui n'enlève rien à la qualité de son travail. Il est possible de prendre ce récit au pied de la lettre : un berger d'une cinquantaine d'années qui refuse de laisser le loup décimer son troupeau. L'homme lutte contre un prédateur terriblement efficace, une forme de rivalité guerrière comme le développe Baptiste Morizot dans sa postface. Il s'agit alors pour l'homme d'envisager autrement sa place dans l'environnement. Il développe également une vision plus sociologique, dans laquelle l'homme doit passer à un mode relationnel de respect mutuel et de réciprocité. Ces interprétations du récit parlent au lecteur et lui rappellent plusieurs images où l'histoire semble s'approcher du conte : les dents de la louve dans la nuit (page 7), le louveteau s'abreuvant au sang du cadavre de sa mère (page 11), le louveteau devenu grand interdisant à deux autres loups de se nourrir du troupeau du berger (pages 46 & 47), le loup menant le berger toujours plus haut dans les montagnes (pages 59 à 63), l'apparition de Max à Gaspard dans le refuge (page 70), et quelques autres. Autant d'images fortes, agissant comme des symboles ou des métaphores. Le lecteur est également frappé à la pagination dévolue à la traque du loup, de la page 55 à la page 94. Il s'agit d'un passage terrifiant, Gaspard pourchassant le loup sur son propre territoire, à la fin de l'hiver, alors que les pentes sont encore enneigées. Les pages montrent un individu bien équipé, totalement isolé de la civilisation, dérisoire dans l'immensité de blanc, dans un environnement totalement indifférent à son existence. En cohérence avec ses actions précédentes, Gaspard s'entête prenant des risques : c'est à la fois une obsession que de tuer le loup, mais aussi un défi que de se montrer à la hauteur de la montagne. Il apparaît alors une dimension psychologique : l'individu obstiné, refusant de reconsidérer son objectif, prenant des risques pour l'atteindre. le lecteur ne peut pas s'empêcher de trouver son comportement absurde (risquer sa vie en sautant par-dessus une crevasse), et en même temps admirable (donner le maximum pour réussir son entreprise). Il devient le témoin de l'expression d'une obsession au-delà du raisonnable, que ce soit en termes de risque raisonnable, ou en termes de ne pas pouvoir raisonner quelqu'un. L'issue de cette quête permet de sortir d'un système de pensée binaire (tuer le loup ou subir ses attaques) et provoque une libération d'une situation bloquée, une libération psychologique intense. Malgré les apparences (dessins, couleurs) cette bande dessinée est bien autre chose que le précédent ouvrage de son auteur. Jean-Marc Rochette raconte une histoire flirtant par instant avec le conte. Sa représentation de la montagne est toujours aussi extraordinaire dans sa justesse et sa capacité à y projeter le lecteur, avec une mise en couleurs en parfaite adéquation. le récit se prête à plusieurs interprétations, d'un point de vue écologique, d'un point de vue socioculturel, ou encore d'un point de vue psychologique.
Une fois de plus, j’ai été estomaqué par la maîtrise dans la narration de cet auteur. Car il faut bien avouer que le synopsis de ce récit est loin d’être original puisqu’il nous propose un conte construit autour de l’affrontement entre un chasseur et un prédateur. Conte écologique, conte philosophique, conte humaniste… mais conte basique tout de même. Seulement, Jean-Marc Rochette a l’art de raconter une histoire. Son récit devient passionnant et il est difficile de lâcher l’album avant d’avoir tourné la dernière page. Et même la dernière page tournée, je me suis encore surpris à réfléchir au sens profond du titre (le loup désigne-t-il uniquement le prédateur ?) C’est un conte, mais un conte moderne qui ferait presque oublier sa forme pour laisser le lecteur se concentrer sur le fond. La morale de cette histoire, très dans l’air du temps (nous ne sommes pas propriétaire de la terre mais nous devons apprendre à la partager avec d’autres êtres vivants), plaira à un large public. L’histoire se centrant principalement sur le chasseur, nous sommes avant tout devant le portrait d’un homme, qui va évoluer au fil des événements. Il est facile de se projeter, de juger et d’apprécier le personnage central comme son évolution. Le dessin n’est pas ma tasse de thé (un trait trop charbonneux pour vraiment me séduire) mais il est diantrement efficace. Et le découpage est excellent. Un très bon album, donc, difficile à lâcher dès qu’on en entame la lecture.
« Le Loup » aborde une thématique qui suscite le débat en Suisse comme en France depuis des années. Le loup a-t-il encore sa place dans nos contrées ? En résumé, d’un côté, les bergers et éleveurs y sont farouchement opposés en raison des dégâts que le loup inflige aux troupeaux. De l’autre, des écologistes et associations de protection de la nature, entre autres, soutiennent sa réintroduction et sa protection. Le débat est vif et émotionnel. À titre purement personnel, je suis dans le camp des protecteurs du loup. Ce magnifique animal était là bien avant nous, mais surtout avant que nos activités humaines et notre développement galopant ne limitent son habitat et ses sources de nourriture et le force à disparaître ou presque. Comme bien souvent, l’homme s’oppose à une situation problématique, ici les attaques sur les troupeaux, qu’il a lui-même engendrée, ce que Baptiste Morizot explique très bien dans la postface de l’album. Les autres exemples sont légions à travers le monde, comme le « problème » des attaques de requins à la Réunion ou d’ours polaires dans le Grand Nord. Bref, revenons à nos moutons si j’ose dire. Avec ce one shot, Jean-Marc Rochette livre un récit âpre, rude, brut et intense, comme la montagne qu’il aime tant. Le scénario est relativement simple mais puissant. Gaspard, berger solitaire écorché par la vie, va affronter un loup blanc venu s’installer dans sa vallée et qui décime son troupeau. Le combat gagne en intensité, page après page, jusqu’à un paroxysme presque absurde mais finalement assez poétique. L’homme contre la bête ? Pas tout à fait. Le manichéisme que je craignais n’est finalement pas de la partie. Le dénouement m’a également beaucoup plu et offre, selon moi, une fin satisfaisante bien qu’utopique, quand on la met en perspective avec l’actualité. Quant au dessin, là encore, Jean-Marc Rochette fait dans l’authenticité et l’intensité. Le trait est gras, épais et puissant, comme tracé par la roche et les éléments. Les personnages ont des gueules et sont teintés de mélancolie, sans doute due à la dureté de la vie en montagne. Le loup dégage une vraie force et une grande noblesse. Le milieu montagnard est représenté dans toute sa majesté, son immensité et sa rudesse. « Le Loup » nous raconte une bien belle histoire et devrait combler tant les amateurs de montagne que les adeptes de la plaine. Le coup de cœur est mérité.
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