Enferme-moi si tu peux

Note: 3.4/5
(3.4/5 pour 5 avis)

Six récits de vie étonnants qui interrogent sur des capacités trop rarement explorées de l’esprit humain. (texte de l'éditeur)


Art brut Auteurs nordiques Biographies La BD au féminin Peinture et tableaux en bande dessinée

Entre la fin du XIXe et le milieu du XXe siècle, femmes, pauvres, malades et fous n’ont aucun droit. Parmi eux, Augustin Lesage, Madge Gill, le Facteur Cheval, Aloïse, Marjan Gruzewski et Judith Scott sont enfermés dans une société qui les exclut. Ils vont pourtant transformer leur vie en destin fabuleux. Un jour, du fond de leur gouffre, une inspiration irrépressible leur ouvre une porte. Sans culture, sans formation artistique, ils entrent comme par magie dans un monde de créativité virtuose. Touchés par la grâce ou par un « super-pouvoir de l’esprit », ils nous ont laissé des œuvres qui nous plongent dans un mystère infini. (texte de l'éditeur)

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 23 Mai 2019
Statut histoire Histoires courtes 1 tome paru

Couverture de la série Enferme-moi si tu peux © Casterman 2019
Les notes
Note: 3.4/5
(3.4/5 pour 5 avis)
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04/06/2019 | Mac Arthur
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Par Présence
Note: 4/5
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Augustin, un jour tu seras artiste. - Ce tome contient un récit complet indépendant de tout autre. La première édition date de 2018. Il a été réalisé par Anne-Caroline Pandolfo (scénario) et Terkel Risbjerg (dessins) et comporte 145 pages de bande dessinée en couleurs. Il commence par une introduction de 2 pages rédigée par Michel Thévoz, fondateur et conservateur honoraire de la collection de l'Art Brut à Lausanne. Il se termine par 3 pages contenant chacune en vis-à-vis la photographie de 2 des artistes évoqués et leur représentation par Risbjerg. Un texte d'introduction évoque la fin du dix-neuvième siècle et le début du vingtième siècle où il vaut mieux être un homme, blanc, cultivé et bourgeois, les autres (femmes, enfants, paysans, malades vieux) étant mal lotis. Augustin Lesage (1876-1954) travaille à la mine comme son père avant lui, et son grand-père encore avant lui. Il a commencé à travailler dès la fin de ses études, c'est-à-dire à la fin de l'école primaire. Un jour de 1911, alors qu'il est en train de travailler sous terre dans la mine, il entend une voix qui lui dit qu'un jour il sera artiste. Il n'a aucune formation artistique. Il a entendu une voix : le mineur à côté se moque de lui. Pour se distraire, Augustin Lesage décide de participer à des séances de spiritisme. Il continue à entendre des voix. Un jour la voix fit noter à Augustin une liste de matériaux à se procurer, la dimension de la toile, les nuances de couleurs, la taille des pinceaux, les liants, et même le nom et l'adresse du fournisseur. Madge Gill (1882-1961) raconte son histoire. Elle est née ans un quartier très pauvre de Londres, sans père. Elle a été cachée par sa famille pour éviter la honte. Quand sa famille s'est installée à la campagne, elle a été placée en orphelinat à l'âge 9 ans. Elle s'est mariée à 25 ans, a perdu ses enfants, un œil. le 03 mars 1920, elle a ressenti quelque chose tout au fond d'elle, une sorte de grâce qui lui a donné la force de déployer ses ailes toutes chiffonnées, de composer au piano et de dessiner des fresques à l'encre et à la plume sur des rouleaux de calicots de onze mètres. le facteur Joseph Ferdinand Cheval (1836-1924) parcourait tous les jours 33 kilomètres à pied pour sa tournée. Un jour il trébucha sur une pierre au milieu du chemin. Il la mit de côté, et se mit à en sélectionner d'autres pendant ses tournées, qu'il revenait le soir pour récupérer. Puis il se mit à construire un palais. En Suisse à Lausanne dans le comté de Vaud, Aloïse Corbaz (1886-1964) chantait d'une voix pure dans le chœur de l'église. C'était sa sœur Marguerite qui s'occupait des enfants, sa mère étant décédée alors qu'Aloïse avait 11 ans. La jeune fille entretenait une passion pour les fleurs et leurs couleurs. Quelques années plus tard, Aloïse entretient une relation amoureuse et charnelle avec Joseph un prêtre défroqué. Sa sœur l'envoie travailler en Allemagne à la cour de l'empereur Guillaume II, à Postdam. Au début de la guerre, elle revient en Suisse traumatisée, tenant des propos inintelligibles. Marjan Gruzewski (1898-?) est somnambule, médium et artiste. Mais au contraire des gens qui se promènent inconscient sur les toits, il s'est toujours senti dans un état d'éveil extrême où l'espace et le temps n'ont plus de limites, voyant toujours des choses que les autres ne voyaient pas. À l'âge de 8 ans, il a perdu le contrôle moteur de sa main qui lui semblait se mouvoir d'elle-même, sans sa volonté consciente. À l'âge de 17 ans, il a participé à sa première séance de spiritisme. Un jour c'est l'esprit de sa main qui se manifeste lors d'une séance. Judith (1943-2005) et Joyce Scott sont nées jumelles, dans l'Ohio en Amérique du Nord. Judith est atteinte du syndrome de Down, pas Joyce. Au cours de sa jeunesse, ses parents la place dans une institution pour enfants attardés, cas désespérés, considérés comme inéducables. Des années plus tard, Joyce Scott prend sa sœur en charge et l'inscrit dans un centre où sont organisés des ateliers d'expression. Dans l'introduction, Michel Thévoz développe la position de l'Art Brut par rapport à la marchandisation, et sa place dans le monde de l'art. Il insiste sur son rejet par les cercles culturels officiels et le fait que la bande dessinée, elle-même considérée comme un art mineur, soit particulièrement adaptée pour établir une passerelle entre ces artistes et un public d'une nature différente. Les auteurs ont donc choisi de présenter 6 artistes dont la production a été classée dans le registre de l'Art Brut, voire dont les œuvres ont contribué à la définition même de cette catégorie. La définition de l'Art Brut a été établie par Jean Dubuffet (1901-1985, peintre, sculpteur, plasticien) qui l'a retravaillée à plusieurs reprises pour aboutir à : Œuvres ayant pour auteurs des personnes étrangères aux milieux intellectuels, le plus souvent indemne de toute éducation artistique, et chez qui l'invention s'exerce, de ce fait, sans qu'aucune incidence ne vienne altérer leur spontanéité. Cette définition ne se trouve pas dans cet ouvrage, car ce n'est pas l'objectif des auteurs. Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg s'attachent à décrire le parcours de vie des 6 artistes qu'ils ont retenus, plutôt que l'accueil de leurs œuvres par les milieux institutionnels ou marchands, ou leur postérité. Le lecteur est tout de suite emmené dans un ailleurs par les planches. Terkel Risbjerg réalise des dessins descriptifs avec un bon degré de simplification, tout en s'approchant de l'expressionnisme avec certains éléments. La première page montre les mineurs sortant de l'usine. le lecteur se fait tout de suite une idée de l'état d'esprit accablé des travailleurs avec les couleurs grises, et les masses noires des cheminées. L'artiste joue ainsi régulièrement sur la couleur pour instaurer une sensation ou un ressenti : les teintes verdâtres sur fond noir pour les ectoplasmes lors de la première séance de spiritisme, les longs bras avec mains, déformés et allongés noirs ou blancs lorsque Madge Gill ressent la présence de Myrninerest, le blanc du ciel quand elle se représente les individus attachés à un fil flottant dans le néant au-dessus de la ville, le rose beaucoup plus charnel lors de la séance spiritisme à laquelle participe Marjan Gruzewski, le blanc vierge dans lequel Judith Scott semble créer ses cocons de couleur. D'une manière générale, Risbjerg ne s'attache aux décors que dans la mesure où ils permettent de comprendre où se déroule la scène. Il peut les représenter de manière détaillée (palais du facteur Cheval, Institut Métapsychique International, orgue dans l'église de Lausanne, etc.), comme juste les évoquer de quelques taches de couleurs ou de noir en fond de case (les galeries de la mine, les chemins parcourus par le facteur Cheval, la chambre d'Aloïse à l'Institut, la campagne pluvieuse où vit la famille Guzewski). Les personnages sont représentés par des silhouettes un peu simplifiées, mais présentant des différences entre elles, et par des visages dont les traits sont également simplifiés. Pour ces derniers, le lecteur peut faire la comparaison avec les photographies qui se trouvent en fin d'ouvrage, et voir les caractéristiques structurantes que l'artiste a retenues (et donc celles qu'il n'a pas retenues) pour représenter les 6 artistes. Ces choix graphiques conduisent à une narration visuelle douce qui sait montrer les horreurs subies par les individus (de la guerre aux conditions de l'internement) sans donner l'impression d'agresser le lecteur avec des images choc, sans non plus gommer les privations, les conditions d'internement, le mal être des individus. le lecteur est également frappé par l'importance donnée aux pages sur fond noir ou sur fond blanc, dépourvues de décors, 45 pages dans l'ouvrage. Par cette mise en scène, les auteurs attirent l'attention soit sur le mal être de l'individu (majoritairement les pages sur fond noir), soit sur une forme de conquête d'un espace vierge par l'acte de création (les pages sur fond blanc), soit enfin sur les personnages (les discussions en fin de chapitre sur fond blanc). La narration visuelle recèle de nombreuses surprises, avec des subtiles variations de registre graphique et des images splendides. Les auteurs ont choisi ne pas intégrer de photographie des œuvres de ces artistes, préférant une représentation s'intégrant mieux dans la narration visuelle de Risbjerg. Les auteurs présentent donc des pans de la vie de ces 6 artistes : leur milieu socio-culturel, leur statut dans la société, la nature de leurs œuvres. le lecteur observe à chaque fois comment le carcan de la société pèse sur leur vie et impose des contraintes plus ou moins castratrices ou traumatisantes : la vie de la mine pour Lesage, le statut de fille naturelle pour Gill, le métier solitaire et physique du facteur Cheval, le traumatisme de la guerre pour Aloïse, un handicap physique pour Gruzemski, une déficience génétique pour Scott. le lecteur observe donc comment la société intègre ces individus différents, ou au contraire les met à l'écart des individus normaux. Il constate que les auteurs présentent ces faits en portant un jugement de valeur, ce qui est normal, mais avec la connaissance de ce qui est arrivé par la suite, plus qu'avec les éléments connus aux moments de ces décisions. Cela n'entame en rien la sympathie que le lecteur leur porte spontanément. le titre indique clairement que l'objet de l'ouvrage est de montrer comment il n'est pas possible d'enfermer un esprit quand il a la possibilité de s'exprimer de manière artistique, et l'objectif est atteint. Il aborde aussi la question de l'Art Brut, mais sans en donner de définition. Les dialogues entre les artistes et les commentaires de leur entourage précisent bien qu'aucun de ces individus n'a disposé d'une éducation artistique, ou d'un apprentissage des techniques de dessins, de peinture, ou d'architecture. Il est évoqué brièvement qu'Augustin Lesage a pu simuler pour partie le fait qu'un spectre lui parle, que le facteur Cheval a pu s'inspirer de nombreuses photographies touristiques contenues dans les catalogues qu'il acheminait vers leurs destinataires. Mais finalement, les auteurs ne s'intéressent pas tant que ça au processus créatif, à la réception des œuvres, à leur reconnaissance et à leur marchandisation. Il n'y a pas de réflexion sur la nature artistique de leur production, sur l'universalité de ce qu'ils communiquent ou expriment, sur le processus créatif qui peut sembler magique. Terkel Risbjerg et Anne-Caroline Pandolfo proposent au lecteur de découvrir le parcours de vie de six créateurs dont les œuvres relèvent de l'Art Brut. Ils les mettent en scène avec douceur et respect, sans porter de jugement de valeur, sans les réduire à l'état de victime d'un système dans lequel ils n'ont pas leur place. La narration visuelle rend ces vies supportables pour le lecteur qui ne se sent ni agressé, ni culpabilisé, et le scénario rend bien compte de qui ils étaient dans la société dans laquelle ils évoluaient. le lecteur peut regretter que les auteurs ne se soient pas aventurés un peu plus dans la question de l'art et des techniques d'expression.

23/05/2024 (modifier)
Par Gaston
Note: 3/5
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Un album intéressant car il présente des artistes hors-normes et je ne connaissais aucun d'entre eux ! Chaque histoire est une courte biographie sur un artiste marginal qui a fait de l'art sans jamais avoir fait d'études et qui sort du moule 'homme blanc bourgeois' qui a dominé les arts du 19ème et d'une bonne partie du 20ème siècle. Il y a aussi un côté fantastique car la plupart des artistes présentés dans ce livre semblent avoir été victimes d'une force surnaturelle et le résultat n'est pas d'eux, quoiqu'on laisse planer le doute sur si c'est vrai ou si les artistes ont exagéré leur histoire. Il faut dire aussi qu’un mineur qui peint ce que lui dit une voix cela attire plus l'attention qu'un simple mineur qui peint et la manière dont est racontée l'histoire d'Aloïse montre clairement qu'elle a sans doute exagéré sa folie pour échapper à un monde qu'elle n'aimait pas. Le point fort est le dessin que j'ai trouvé sublime. La mise en page est excellente, ambitieuse et si...artistique ! Un album sympathique sur l'art brut qui me donne envie d'en apprendre plus sur cette forme d'art.

29/08/2023 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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« Enferme-moi si tu peux », excellent titre en forme de pied de nez à toute forme de récupération de cet art inclassable dénommé Art brut composant le sujet de cet ouvrage, que ce soit de la part des institutions ou des forces mercantiles. A ce titre, on ne pourra que souscrire à la préface de Michel Thévoz, fondateur et conservateur de la Collection de l’Art brut à Lausanne, qui donne une définition parfaite de cette forme d’art et explique pourquoi la BD était le meilleur moyen de l’évoquer. Celle-ci, de par « son côté enfantin », et « en dépit de son acronymie, opère comme une émajusculation de l’Art, particulièrement bienvenue dans ce feuilleton de l’enfermement et de l’habilitation artistique. » D’emblée, le lecteur est captivé par l’histoire de ces six personnages hors normes qui sont parvenus à s’affranchir des prisons mentales dans lesquelles on tentait de les maintenir, en les cataloguant comme fous ou inaptes à la vie en société. Et le talent de conteuse d’Anne-Caroline Pandolfo n’y est pas pour rien. En faisant ressortir l’aspect mystérieux de leurs vocations nées d’un déclic mental ou provoquées par ces fameuses voix intérieures, cette dernière parvient à nous faire pénétrer une dimension parallèle, le récit le plus étrange étant celui de Marjan Gruzewski, dont la main semblait être dirigée par une entité surnaturelle. On est souvent subjugué par ces portraits, et l’autrice, ne cherchant aucunement à se poser en juge vis-à-vis de ces témoignages ni à ironiser, bien au contraire, ne fait qu'exprimer un profond respect et beaucoup d’empathie. La « folie » de ces hommes et de ces femmes, qui généralement nous fait si peur, se révèle soudainement comme un délicieux refuge au milieu de la triviale réalité. De façon très originale, chaque récit est introduit par les personnages précédents qui se rassemblent au fur et à mesure dans une sorte de boudoir céleste, une façon originale de relier ces artistes qui ne se sont jamais rencontrés mais apparaissent ici tous connectés par une sorte de complicité espiègle face au cartésianisme aveugle de leurs congénères « sains d’esprit ». Dans cette entreprise de réhabilitation de ces célébrités longtemps dédaignées par l’art officiel, Anne-Caroline Pandolfo est comme toujours admirablement relayée par son compère Terkel Risbjerg, qui expose ici toute l’étendue de son art, encore plus que d’habitude. Son trait époustouflant se déploie sur des planches entières comme sur la toile d’un peintre, explosant les cases dans une sorte de tourbillon où liberté et folie se mêlent dans une communion totale. Une démarche qui ne fait que corroborer les propos de Michel Thévoz, relayés plus haut, selon lesquels art brut et bande dessinée font décidément bon ménage. Avec ce superbe ouvrage, Pandolfo et Risbjerg ne déçoivent pas, tant s’en faut, et savent nous ensorceler avec des choix narratifs et graphiques qui les placent actuellement parmi les auteurs les plus passionnants dans le domaine du neuvième art. Chacun de leurs albums nous régalent et ne fait que confirmer ce statut au fil de leur production. Inutile de dire qu’on attend leur prochain opus avec une impatience non dissimulée.

27/04/2020 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
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Quand j'étais étudiant, j'étais allé voir une exposition sur l'Art Brut et je dois dire que je n'avais pas été tellement convaincu. C'est pourtant bien ce sujet qu'aborde cet album en nous présentant successivement des biographies succinctes de plusieurs artistes de ce domaine. Leur particularité, n'être à la base absolument pas formé aux techniques artistiques ou même à une quelconque culture artistique, et avoir su malgré tout produire des œuvres sortant totalement des sentiers battus. A noter aussi que la majorité d'entre eux sont présentés comme n'étant pas consciemment les auteurs de leurs œuvres mais plutôt comme si leur corps était guidé par un ou des esprits extérieurs, une force surnaturelle qui s'exprime à travers eux sans qu'eux-mêmes n'y comprennent rien. Concrètement, à part le Facteur Cheval et son palais, je ne connaissais aucun des autres artistes de cette BD. Je suis cependant assez fasciné par le résultat artistique de leurs créations qui, en effet, sont plutôt originales. La mise en scène semblant impliquer une origine plus ou moins surnaturelle à leur art est assez intrigante je dois dire et je ne sais trop quoi en penser. Les dialogues des personnages entre eux m'ont un petit peu refroidi tout de même, à la manière de discours illuminés de ceux qui ont trouvé "la voie" et ont libéré leur esprit, contrairement aux lecteurs lambda de cette BD. Je retiens donc le côté instructif et documentaire de cette BD mais j'ai moins été touché par le message un peu plus métaphysique ou poétique qu'elle essaie de dégager.

17/11/2019 (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

Cet album nous présente plusieurs artistes hors normes. De ces gens qui ont créé une œuvre personnelle, unique, impossible à relier à d’autres courants. Sortis de nulle part, et surtout pas des traditionnelles académies d’art, ils ont connu le succès un peu par hasard, parfois parce qu’ils ont été perçus comme des phénomènes de foire ou grâce à l’aura fantastique qui entourait leurs œuvres. Il s’agit donc de courtes biographies, animées par une voix off ou par une narration à la première personne puisque chaque artiste se présente par lui-même, encouragé par les autres à se dévoiler. Cette manière de faire permet d’apporter de la vie à ce récit, de le rendre plus simple, plus humain. les différents récits sont ainsi reliés les uns aux autres, de sorte que la structure se situe entre un assemblage de courts récits et un seul long récit composé de plusieurs chapitres. Le dessin, assez brut, va dans le même sens que la narration, préférant accentuer l’émotion, l’humanité des personnages plutôt que de chercher à reproduire avec une exactitude photographique leurs traits ou leurs œuvres. Hormis l’histoire du facteur Cheval, que je connaissais, les autres récits m’ont permis de découvrir des artistes dont j’ignorais tout. Des personnages toujours étonnants, dont on ne saurait dire s’ils étaient pleinement sincères ou s’il y avait derrière leurs dires une volonté d’embellir la vérité en l’emballant dans un nuage de mystère et d’ésotérisme. Qu’importe ! J’ai vraiment aimé cette lecture… sans être fasciné par les œuvres présentées (même si j’y trouve quelque chose de différent et par là même intéressant). Ces artistes, affranchis de toutes contraintes (de mode, de courant artistique, ou pour être plus vendeurs), dégagent une telle sincérité dans leurs démarches qu’ils deviennent immédiatement sympathiques à mes yeux. Des illuminés, des fous, des malades mentaux… sans doute, oui ! Mais ce qui les rendait différents des autres, ils l’ont mis au service de l’art. Un art unique que l’on peut trouver laid ou quelconque ou sans intérêt… mais de l’art quand même, venu de leur monde intérieur dans lequel ils pouvaient se réfugier, s’enfuir, vivre, s’exprimer, quand bien même certains d’entre eux étaient enfermés derrière des barreaux (d’où le titre de l’album). A lire par tous ceux que l’art intéresse et qui ne sont pas rebutés par les biographies (surtout que dans le cas présent, ces biographies sont tout sauf lourdes et académiques). Et j’invite chaleureusement les autres à y jeter un œil tant ces personnages valent la peine qu’on leur consacre quelques minutes de sa vie, rien que pour le simple plaisir de les rencontrer.

04/06/2019 (modifier)