Enferme-moi si tu peux
Six récits de vie étonnants qui interrogent sur des capacités trop rarement explorées de l’esprit humain. (texte de l'éditeur)
Art brut Auteurs nordiques Biographies La BD au féminin Peinture et tableaux en bande dessinée
Entre la fin du XIXe et le milieu du XXe siècle, femmes, pauvres, malades et fous n’ont aucun droit. Parmi eux, Augustin Lesage, Madge Gill, le Facteur Cheval, Aloïse, Marjan Gruzewski et Judith Scott sont enfermés dans une société qui les exclut. Ils vont pourtant transformer leur vie en destin fabuleux. Un jour, du fond de leur gouffre, une inspiration irrépressible leur ouvre une porte. Sans culture, sans formation artistique, ils entrent comme par magie dans un monde de créativité virtuose. Touchés par la grâce ou par un « super-pouvoir de l’esprit », ils nous ont laissé des œuvres qui nous plongent dans un mystère infini. (texte de l'éditeur)
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Date de parution | 23 Mai 2019 |
Statut histoire | Histoires courtes 1 tome paru |
Les avis
« Enferme-moi si tu peux », excellent titre en forme de pied de nez à toute forme de récupération de cet art inclassable dénommé Art brut composant le sujet de cet ouvrage, que ce soit de la part des institutions ou des forces mercantiles. A ce titre, on ne pourra que souscrire à la préface de Michel Thévoz, fondateur et conservateur de la Collection de l’Art brut à Lausanne, qui donne une définition parfaite de cette forme d’art et explique pourquoi la BD était le meilleur moyen de l’évoquer. Celle-ci, de par « son côté enfantin », et « en dépit de son acronymie, opère comme une émajusculation de l’Art, particulièrement bienvenue dans ce feuilleton de l’enfermement et de l’habilitation artistique. » D’emblée, le lecteur est captivé par l’histoire de ces six personnages hors normes qui sont parvenus à s’affranchir des prisons mentales dans lesquelles on tentait de les maintenir, en les cataloguant comme fous ou inaptes à la vie en société. Et le talent de conteuse d’Anne-Caroline Pandolfo n’y est pas pour rien. En faisant ressortir l’aspect mystérieux de leurs vocations nées d’un déclic mental ou provoquées par ces fameuses voix intérieures, cette dernière parvient à nous faire pénétrer une dimension parallèle, le récit le plus étrange étant celui de Marjan Gruzewski, dont la main semblait être dirigée par une entité surnaturelle. On est souvent subjugué par ces portraits, et l’autrice, ne cherchant aucunement à se poser en juge vis-à-vis de ces témoignages ni à ironiser, bien au contraire, ne fait qu'exprimer un profond respect et beaucoup d’empathie. La « folie » de ces hommes et de ces femmes, qui généralement nous fait si peur, se révèle soudainement comme un délicieux refuge au milieu de la triviale réalité. De façon très originale, chaque récit est introduit par les personnages précédents qui se rassemblent au fur et à mesure dans une sorte de boudoir céleste, une façon originale de relier ces artistes qui ne se sont jamais rencontrés mais apparaissent ici tous connectés par une sorte de complicité espiègle face au cartésianisme aveugle de leurs congénères « sains d’esprit ». Dans cette entreprise de réhabilitation de ces célébrités longtemps dédaignées par l’art officiel, Anne-Caroline Pandolfo est comme toujours admirablement relayée par son compère Terkel Risbjerg, qui expose ici toute l’étendue de son art, encore plus que d’habitude. Son trait époustouflant se déploie sur des planches entières comme sur la toile d’un peintre, explosant les cases dans une sorte de tourbillon où liberté et folie se mêlent dans une communion totale. Une démarche qui ne fait que corroborer les propos de Michel Thévoz, relayés plus haut, selon lesquels art brut et bande dessinée font décidément bon ménage. Avec ce superbe ouvrage, Pandolfo et Risbjerg ne déçoivent pas, tant s’en faut, et savent nous ensorceler avec des choix narratifs et graphiques qui les placent actuellement parmi les auteurs les plus passionnants dans le domaine du neuvième art. Chacun de leurs albums nous régalent et ne fait que confirmer ce statut au fil de leur production. Inutile de dire qu’on attend leur prochain opus avec une impatience non dissimulée.
Cet album nous présente plusieurs artistes hors normes. De ces gens qui ont créé une œuvre personnelle, unique, impossible à relier à d’autres courants. Sortis de nulle part, et surtout pas des traditionnelles académies d’art, ils ont connu le succès un peu par hasard, parfois parce qu’ils ont été perçus comme des phénomènes de foire ou grâce à l’aura fantastique qui entourait leurs œuvres. Il s’agit donc de courtes biographies, animées par une voix off ou par une narration à la première personne puisque chaque artiste se présente par lui-même, encouragé par les autres à se dévoiler. Cette manière de faire permet d’apporter de la vie à ce récit, de le rendre plus simple, plus humain. les différents récits sont ainsi reliés les uns aux autres, de sorte que la structure se situe entre un assemblage de courts récits et un seul long récit composé de plusieurs chapitres. Le dessin, assez brut, va dans le même sens que la narration, préférant accentuer l’émotion, l’humanité des personnages plutôt que de chercher à reproduire avec une exactitude photographique leurs traits ou leurs œuvres. Hormis l’histoire du facteur Cheval, que je connaissais, les autres récits m’ont permis de découvrir des artistes dont j’ignorais tout. Des personnages toujours étonnants, dont on ne saurait dire s’ils étaient pleinement sincères ou s’il y avait derrière leurs dires une volonté d’embellir la vérité en l’emballant dans un nuage de mystère et d’ésotérisme. Qu’importe ! J’ai vraiment aimé cette lecture… sans être fasciné par les œuvres présentées (même si j’y trouve quelque chose de différent et par là même intéressant). Ces artistes, affranchis de toutes contraintes (de mode, de courant artistique, ou pour être plus vendeurs), dégagent une telle sincérité dans leurs démarches qu’ils deviennent immédiatement sympathiques à mes yeux. Des illuminés, des fous, des malades mentaux… sans doute, oui ! Mais ce qui les rendait différents des autres, ils l’ont mis au service de l’art. Un art unique que l’on peut trouver laid ou quelconque ou sans intérêt… mais de l’art quand même, venu de leur monde intérieur dans lequel ils pouvaient se réfugier, s’enfuir, vivre, s’exprimer, quand bien même certains d’entre eux étaient enfermés derrière des barreaux (d’où le titre de l’album). A lire par tous ceux que l’art intéresse et qui ne sont pas rebutés par les biographies (surtout que dans le cas présent, ces biographies sont tout sauf lourdes et académiques). Et j’invite chaleureusement les autres à y jeter un œil tant ces personnages valent la peine qu’on leur consacre quelques minutes de sa vie, rien que pour le simple plaisir de les rencontrer.
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