Les Indes fourbes
Grand prix RTL de la bande dessinée 2019 Prix Landerneau BD 2019 Prix des libraires BD 2019 Prix Landerneau de la BD 2019 De l’ancien au Nouveau Monde, la fabuleuse épopée d’un vaurien en quête de fortune…
Auteurs espagnols BD à offrir Best of 2010-2019 Best-of des 20 ans du site Delcourt École européenne supérieure de l'image Grand prix RTL de la bande dessinée Les prix lecteurs BDTheque 2019 One-shots, le best-of Prix des Libraires de Bande Dessinée Prix Landerneau
Vulgaire escroc de bas étage vivant dans le Madrid du XVIIe siècle, Pablos décide de quitter l'Espagne pour s'embarquer à destination des colonies. Il y découvre un Nouveau Monde où tout est possible, même s'élever sur l'échelle sociale... Changeant d'identité comme de lieu, Pablos devient tour à tour esclave, noble, explorateur, traître... Des geôles espagnoles aux sommets de la Cordillère des Andes en passant par les méandres de l'Amazone, il connaît la gloire et la misère dans une épopée grandiose. Son but ? Voyons, la mythique El Dorado, bien sûr !
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Date de parution | 28 Août 2019 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Avec une dream team composée par Alain Ayroles au scénario et Juanjo Guarnido au dessin, il devient presque difficile de ne pas décevoir. Et j’avais beau avoir des attentes élevées, ca a très bien marché pour moi. Le récit explore des thèmes classiques du roman picaresque, où les petits vauriens règnent en maître. La survie par la ruse, la critique sociale et la quête de fortune dont donc au programme. Le scénario d’Alain Ayroles est riche et dense, mêlant habilement humour, satire et tragédie. La structure narrative est soignée, avec des retournements de situation bien placés et des dialogues vivants même si j’ai trouvé des passages un peu longs voire tirés par les cheveux. Le dessin de Juanjo Guarnido est comme on pouvait s’y attendre époustouflant. Quittant l'anthropomorphisme, Guarnido apporte un réalisme détaillé. Ses illustrations regorgent de détails, que ce soit dans les paysages luxuriants, les scènes de ville animées ou les expressions faciales des personnages. Chaque planche est une œuvre d’art en soi, j’adore. Si ce n’est une BD culte, "Les Indes fourbes" est pour moi une BD incontournable.
Mais que vaut la vie de celui qui ne sert à rien ? - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il s'agit d'une bande dessinée en couleurs, dont la première édition date de 2019. le scénario est d'Alain Ayrolles, les dessins et les couleurs de Juanjo Guarnido, avec l'aide d'Hermeline Janicot Texier pour les couleurs, Jena Bastide ayant réalisé la mise en couleurs des pages 75, 77 à 79, 81 à 84. L'ouvrage s'ouvre avec un court avant-propos d'un paragraphe évoquant El Buscon la Vie de l'Aventurier Don Pablos de Segovie (1626) de Francisco Gomez de Quevedo y Villegas (1580-1645), un des chefs d'œuvre du roman picaresque. Au seizième siècle, à la cour du roi d'Espagne, Pablos de Ségovie raconte son histoire : né gueux en Castille, il finit par décider de quitter l'Espagne pour gagner les Indes afin de connaître une vie meilleure. Il effectue la traversée vers l'Amérique du Sud sur un magnifique trois mats, en tant que membre d'équipage, tout en plumant les matelots aux cartes, en trichant. Mais l'un d'eux finit par comprendre la combine et Pablos est balancé par-dessus bord au large des côtes. Après une nuit difficile accroché à un bout de bois, il finit par échouer, épuisé, sur une plage. Quand il relève la tête, il constate qu'il est observé par une demi-douzaine d'africains. Au temps présent du récit, Pablos est allongé sur un chevalet de torture, en train d'être interrogé par l'alguazil de la place forte de Cuzco, assisté par l'intendant le seigneur Reyes. L'alguazil perd sa patience, mais Pablos insiste : il doit tout raconter dans l'ordre pour l'alguazil comprenne ce qu'il en est de l'Eldorado. Alors que Pablos perd conscience d'épuisement, Reyes fouille ses affaires et y trouve une tête réduite que l'alguazil identifie tout de suite : celle de don Diego, nom que Pablos pousse dans un cri soudain. Reyes lui conseille de raconter ce qu'il sait à l'alguazil. Pablos continue son histoire en reprenant au moment où il venait d'être intégré dans le petit village d'anciens esclaves africains, à qui il apprenait qu'une bulle papale interdisait de réduire les indiens en esclavage et que c'est la raison pour laquelle des africains avaient importés dans ce pays. Un soir, alors que les anciens discutent de son sort, Pablos se met à mimer sa vie en Espagne devant les autres villageois : son père, sa mère, son petit frère, leur vie de gueux. L'alguazil recommence à s'impatienter, mais Pablos explique que tout est important pour comprendre comment il en est arrivé à l'Eldorado. Après quelques jours passés avec la tribu, Pablos a décidé de s'en aller en catimini, ne souhaitant pas être cantonné à une vie de villageois fermiers. En logeant la côte, il finit par tomber sur un campement d'espagnols, des ouvriers dans une exploitation de cannes à sucre. L'un d'eux lui temps une machette pour aller travailler aux champs. Pablos se souvient du conseil de son père : ne jamais travailler. Alors que les travailleurs l'accompagnent vers leur nouvelle tâche, Pablos demande au meneur où on peut trouver l'or des Indes. le cavalier lui répond que toute la Nouvelle-Espagne a été grattée jusqu'à l'os et que pour l'or il faut aller au Pérou. Ils arrivent en vue d'un village et Pablos voit pour la première fois des Indiens, avec leur peau cuivrée. Il voit aussi le sort que leur réserve la main d'oeuvre de la plantation, à ces indiens qui ne peuvent servir à rien. Impressionnant de découvrir cette bande dessinée, d'un format un peu plus grand que d'habitude, avec une pagination plus importante (152 pages), et réalisée par le scénariste de de Cape et de Crocs (avec Jean-Luc Masbou), et le dessinateur de Blacksad (avec Juan Díaz Canales). D'autant plus que la couverture annonce qu'il s'agit d'une bande dessinée picaresque, le tome 2 d'El Buscón, jamais écrit par son auteur. Mais il est aussi possible de le lire comme une bande dessinée comme une autre, et même de se sentir un peu plus à l'aise en découvrant qu'Alain Ayrolles ne manque pas d'humour. L'ouvrage est composé de trois chapitres et il a intitulé, avec malice, le dernier : Qui traite de ce que verra celui qui lira les mots et regardera les images. de fait, cette bande dessinée se lit très facilement, avec de jolies cases, et une intrigue simple à lire. Les pérégrinations de Pablos de Ségovie sont hautes en couleurs, comme on peut s'y attendre dans un ouvrage se réclamant du genre picaresque, avec un personnage de rang social très bas qui ne rêve que de s'élever sans travailler, raconté sous la forme d'une biographie (Pablos racontant sa vie à d'autres personnages, la mimant parfois), réaliste, avec une discrète touche satirique. Le lecteur n'a pas besoin de disposer de connaissances préalables sur la conquête du Mexique par les espagnols pour apprécier l'histoire, même si le scénariste incorpore des éléments authentique. La reconstitution histoire réalisée par Juanjo Guarnido est très impressionnante. le lecteur éprouve la sensation d'être un invité de marque à la cour du roi d'Espagne, de s'appuyer contre un montant du trois-mâts pour assister à la partie de cartes de Pablos avec les marins, de se trouver dans une cave de la forteresse de Cuzco pour écouter l'histoire de la vie de Pablos, de regarder le port de Callao depuis la mer, de descendre au fond d'un mine de mercure, etc. L'artiste réalise des dessins en détourant traditionnellement les personnages et les éléments de décor, puis en les habillant de couleurs à l'aquarelle, pour des planches très plaisantes à l'œil, gorgées de lumière. le niveau de détails est épatant du début jusqu'à la fin, sans baisse de qualité, avec des décors représentés dans plus de 95% des cases, un travail descriptif de titan, de bout en bout. S'il souhaite prendre le temps pour savourer, le lecteur observe les différentes tenues vestimentaires, des officiels espagnols avec leurs armes aux simples indiens ruraux en passant par les mendiants, un prêtre, une matrone, le chef des rebelles péruviens… L'artiste sait donner des visages très expressifs à chaque personnage, parfois avec une touche d'exagération : la mine innocente de Grajalita qui explique que Pablos l'a forcée à tricher, l'alguazil excédé de la durée du récit de Pablos qui ne semble vouloir jamais aboutir à l'Eldorado, le visage souriant du prêtre Balthazar, le visage hostile de la tenancière de l'auberge La Mona de Gibraltar à Cuzco, etc. C'est un régal de côtoyer cette humanité si naturelle. C'est souvent irrésistible de comique, par exemple quand Pablos indique sa joie de revoir des figures de chrétiens, alors qu'en face lui il n'a que des individus à la mine patibulaire, et qu'il vient de quitter les africains réellement fraternels. Enfin, Juanjo Guarnido est passé maître dans l'art de tailler la barbe et la moustache aux personnages masculins, avec une variété inimaginable. À plusieurs reprises, Pablos est amené à user de la pantomime pour distraire des individus plus ou moins amènes. La première fois se produit en page 21 et les dessins montrent à nouveau avec clarté et évidence à quel point Pablos se montre expressif et est compris par les africains, malgré la barrière de la langue et de la culture. le spectacle des paysages s'avère tout aussi enchanteur : la mer et son écume (page 15), la dense jungle et sa faune (page 24), une superbe vue du dessus d'une crique (page 26), les routes et les chemins de montagne, les cimes enneigées, les rues et les bâtiments de Cuzco ainsi que sa forteresse, etc. Cela culmine avec l'expédition qui finit par aboutir à Eldorado, une séquence muette de 12 pages (de p.66 à p.77). Cette bande dessinée est un splendide spectacle visuel du début jusqu'à la fin, avec des moments étonnants. le lecteur ne s'attend pas forcément à des combats avec massacre d'indiens (un passage difficile à regarder), ou à l'explosion d'un crapaud dans le cadre d'un jeu d'enfants cruel. Cette histoire est pleine de surprises visuelles découlant directement du moment ou du lieu. Alain Ayrolles met en scène un individu créé dans un roman et il évoque rapidement son passé, en particulier ce que sont devenus son père, sa mère et son petit frère. Sous des dehors parfois burlesques, il montre un individu issu d'une classe sociale inférieure, celle des gueux, et bien décidé à améliorer sa situation sociale. le lecteur se lie tout de suite d'amitié avec lui, du fait de ses talents de conteur, formidablement mis en scène par le scénariste. Il lui faut presque faire un effort conscient pour reconnaître que ce même gugusse n'hésite pas à prostituer une de ses compagnes, en page 35. Au fil de ces tribulations, Pablos de Ségovie se retrouve à côtoyer bien des personnages, et dans des situations sociales diverses. Cela le conduit à faire des remarques en passant qui sont autant de commentaires sur l'état de la société. Mais que vaut la vie de celui qui ne sert à rien ? se demande-t-il. Un peu plus loin, il fait le constat que partout les gros mangent les petits, et veillent à ce que jamais ils ne puissent enfler jusqu'à leur taille. Il ne peut que constater la façon dont les indiens sont traités, malgré la bulle papale sensée leur assurer une protection. Il grimace et il frémit quand le père Balthazar a pour objectif de faire de Pablos un bon pauvre, c'est-à-dire un individu qui reste à sa place sans chercher à la remettre en cause, à questionner l'ordre établi. Il ne perd aucune illusion quand les nobles révèlent leur véritable motivation, leur façon de faire. Cette dimension sociale reste toujours à l'arrière-plan, le lecteur étant totalement captivé par les aventures de Pablos, par sa ressource, par les revers de fortune, par la soif de l'or et ce qu'elle fait faire aux individus. Il se rend bien compte qu'il semble parfois y a voir plus que ce que raconte Pablos, ou un ou deux points pas si clairs que ça. Tout sera expliqué à la fin du récit dont l'intrigue ne se limite pas à trouver l'Eldorado, loin de là. Les Indes fourbes est un de ces albums dont le lecteur sait qu'il sera excellent avant même d'avoir commencé la première page. En fonction de sa disposition d'esprit, cela peut l'allécher ou au contraire le rebuter. Une fois qu'il a commencé l'histoire, il a bien du mal à s'arrêter. La narration visuelle est extraordinaire, sans aucune faiblesse, descriptive et lumineuse, un spectacle de chaque page sans pour autant jamais sacrifier la clarté de l'histoire. L'intrigue articule une succession de tribulations sur un fil directeur très simple, offrant une richesse impressionnante. À la rigueur, le lecteur peut regretter que les commentaires de Pablos de Ségovie ne soient pas plus mordants vis-à-vis des différents cercles de la société où il évolue. Mais il est vrai que cette critique très feutrée est en cohérence avec sa personnalité.
"Les Indes fourbes" est une bande dessinée qui m'a totalement captivé et diverti dès la première page jusqu'à la dernière. Écrit par Alain Ayroles et illustré par Juanjo Guarnido, ce chef-d'œuvre est une ode à l'aventure, à l'humour et à l'imagination débordante. L'intrigue de "Les Indes fourbes" est ingénieuse et pleine de rebondissements. On y suit les péripéties de don Pablos de Ségovie, un jeune homme rusé et débrouillard, embarqué malgré lui dans une quête aux dimensions épiques. Le scénario est riche en surprises et en retournements de situation, et on ne peut s'empêcher de tourner les pages pour découvrir ce qui attend notre héros atypique. L'un des points forts de cette bande dessinée réside dans ses personnages charismatiques et hauts en couleur. Don Pablos est un protagoniste attachant et plein de ressources, dont les répliques savoureuses ne manquent pas de faire sourire. Les autres personnages qui croisent sa route sont tout aussi mémorables, chacun avec sa personnalité unique et ses motivations propres. On se laisse entraîner avec enthousiasme dans cet univers foisonnant de détails et d'émotions. L'aspect visuel de "Les Indes fourbes" est un véritable régal pour les yeux. Juanjo Guarnido, célèbre pour son travail sur Blacksad, offre ici des illustrations d'une beauté époustouflante. Chaque planche est soigneusement dessinée, avec une maîtrise technique et un sens du détail qui donnent vie aux décors, aux costumes et aux expressions des personnages. Les couleurs chatoyantes viennent magnifier l'ensemble, créant une atmosphère à la fois vivante et envoûtante. Mais ce qui fait de "Les Indes fourbes" une œuvre exceptionnelle, c'est sa capacité à mêler différents genres avec brio. On retrouve des éléments de l'aventure épique, de la comédie, du drame et même de la satire sociale. L'humour est omniprésent et se manifeste à travers des dialogues percutants, des situations loufoques et des jeux de mots savoureux. Cette combinaison réussie des genres confère à la bande dessinée une originalité qui la distingue et lui confère un attrait universel. En conclusion, "Les Indes fourbes" est une véritable pépite de la bande dessinée. Son scénario ingénieux, ses personnages mémorables et son esthétique remarquable en font une lecture captivante et divertissante. Que vous soyez un passionné d'aventure, un amateur d'humour ou simplement un amateur de belles illustrations, cette BD saura vous charmer et vous transporter dans un voyage palpitant à travers les pages. Ne passez pas à côté de cette incroyable aventure !
Cet album est un régal pour les yeux et pour l’esprit. C’est très bien écrit, le scénario est vif et maîtrisé, et le lecteur est tenu en haleine jusqu’à la dernière page (même si la fin est un peu précipitée). Pablos de Ségovie est un personnage truculent qui a plus d’un tour dans son sac et peu de scrupules pour parvenir à ses fins. Un précepte hérité de son père guide sa vie : « Tu ne travailleras point ! ». Les petites escroqueries de sa jeunesse ne l’ayant pas mené bien loin, il embarque pour le Nouveau Monde. Et c’est là que l’Aventure commence… C’est intelligent, drôle et plein d’imagination. Les références à la littérature sont bien trouvées et celles qui font renvoient à la peinture espagnole sont bien vues et intéressantes. Le récit est ponctué de réflexions pertinentes sur la société : la pauvreté, le pouvoir de l’argent ou le ridicule de l’étiquette chez les Grands d’Espagne… Le scénario est découpé en trois chapitres à la pagination importante qui donne tout l’espace nécessaire au développement de l’intrigue. Le lecteur est entraîné vers une série de fausses pistes qui fonctionnent très bien : on les suit sans se poser de questions. Ayroles et Guarnido sont deux auteurs de grand talent tant pour le scénario que pour le dessin. Ils nous donnent un album bien équilibré et même s’il y a quelques baisses de rythme de temps en temps, c’est vraiment un très bon moment de lecture.
La bande dessinée me casse les roubignolles actuellement. Ce n'est un secret probablement pour personne. Je passe beaucoup moins de temps à lire et donc à venir chroniquer par ici pour x raisons qui je l'espère s'estomperont. Pourtant il était difficile en 2019 de passer au travers de cette grosse sortie de rentrée. Pensez-donc, une œuvre à 4 mains du dessinateur de Blacksad, série devenue très rapidement culte par la seule force de ses dessins animaliers détaillés de toute beauté d'une part et d'autre part du scénariste d'autres séries remarquables avec également des bestioles douées de paroles dont je ne vais pas vous faire l'affront de vous les citer naïvement. Si vous n'avez pas lu Garulfo ou De Capes et de.... OUPS ! Je l'ai dit ! Et bien arrêtez la lecture de mon humble critique pour vous gorger des bons mots de Maître Ayroles dans les titres qui ont fait la gloire de ce grand monsieur. Les autres ont surement donc lu Les Indes Fourbes et n'ont pas attendu aussi longtemps que moi pour avoir leur avis. Mais qu'importe, je vais enfin donner le mien qui peut se résumer en peu de choses : pourquoi ai-je attendu autant de temps pour lire ce petit bijou ? (d'autant que je le possède depuis sa sortie ahem). Et surtout, comment ai-je pu ne pas être spoilé bêtement de cette intrigue à tiroirs ce qui aurait probablement bien gâché cette lecture vierge de tout ressenti. Car je ne peux que conseiller, non même de recommander à la plupart des âmes curieuses et tout aussi vierges que moi de se jeter sans aucune retenue dans ce récit sans aucune influence extérieure, quelle qu'elle soit. Les auteurs laissent déjà bien trop d'indices parsemés par ici ou par cela. On retrouve l'intérêt du papa d'Eusèbe le lapin pour les mises en scène théâtrales et autres farces dignes de Molière. Le récit des tristes mésaventures de Pablos qui constitue le premier acte et une bonne partie du récit (un copieux 160 pages livré en un seul tome complet) n'est qu'une mise en bouche où l'humour de la situation se dispute au ridicule et à la cruauté des hommes. Désirant faire fortune en Amérique du Sud que l'on appelait encore les Indes au XVIIème siècle, notre malandrin n'a décidément pas beaucoup de chance ou du moins c'est ce que l'on suppose. En quête d'un Eldorado qui pourrait établir sa gloire, Pablos va rencontrer tout un tas de personnages qui vont l'élever ou le rabaisser. La mise en scène en histoires imbriquées pourrait être pénible à suivre mais Ayrolles qui insuffle un tel souffle et un tel rythme qu'il est difficile de couper sa lecture. Et lorsqu'arrivent les second et troisième actes bien plus courts mais ô combien jubilatoires, on arrive en fin de lecture avec le sourire aux lèvres et surtout l'envie de tout relire immédiatement pour déceler certaines fourberies. Ai-je parlé du dessin ? Non mais il est magnifique. Guarnido prouve en deux temps trois mouvements qu'il peut dessiner autre chose que des polars félins et il le fait très bien (sa double page en aquarelle regorge de détails de toute beauté) et ne faiblit jamais. On sent ces deux auteurs s'amuser énormément. Peu importe certaines ficelles scénaristiques, j'ai passé un excellent moment et vous savez quoi ? Oubliez ma première phrase. ^^
J'avais de grandes attentes concernant cette BD, déjà avec le nom de l'auteur sur la couverture, vu la qualité des avis sur elle et surtout au vu du prix par rapport à l'objet (beaucoup l'ont souligné, et effectivement il semble un peu excessif même si c'est un bel objet). J'ai donc tenté de retarder un peu ma lecture, et pourtant lorsque je me suis plongé dedans, j'en suis ressorti émerveillé. Les Indes fourbes, c'est du pur roman picaresque en Bande-dessinée. Peu importe que l'on trouve cela peu crédible au final, c'est tout l'intérêt de cette BD : une histoire qui dépasse l'entendement et qui offre des séquences faisant rêver plutôt que d'être réalistes. Si on y adhère, l'aventure nous attend à bras ouverts. C'est mené avec brio tout du long, entre les différents chapitres (dont chacun apportera son lot de surprises) et le ton oscillant toujours entre l'humour et le sérieux. C'est une peinture (certes déformée) de cette époque pas si glorieuse que ça des Amériques. Avis aux amateurs de la phrase "c'était mieux avant", allez découvrir la vie qui était celle de ces pionniers faisant rêver aujourd'hui. Le racisme, la pauvreté, le génocide amérindien, la division en classes sociales si marquées, la destruction de cultures américaines ... On découvre une série d'horreurs en même temps que l'on rit de ce personnage principal si avide de richesse mais cherchant avant tout à sauver sa peau. Le mélange est suffisamment bien dosé pour que l'on ne sente pas le poids de tout ceci mais qu'il joue sur le récit pour donner un cadre à la fois réaliste (une bonne piqure de rappel dans un roman au tel ton) et de l'enjeu aux actions. Le personnage principal gagne en épaisseur alors que l'on découvre sa vie et les raisons de son comportement. Cela ne le rend jamais moral pour autant, pour notre plus grand bonheur. Et justement, l'humour est le centre de toute cette histoire : on rit de ce personnage, ses exactions mais également sa façon de louvoyer dans un monde impitoyable, pour toujours s'en sortir par une pirouette, un pied-de-nez et un coup dans le dos. Lâche, menteur, voleur, manipulateur, il accumule les défauts et semble pourtant sympathique d'un bout à l'autre. Alors même qu'il est odieux dès lors que l'on fait le compte de ses exactions. Mais quel plaisir jouissif de le voir nous raconter ses histoires à sa façon, sans trop d'artifices et porteur de sens sur la condition du monde. J'en parle depuis le début, mais je trouve que justement l'auteur a réussi l'exploit de faire à la fois une BD d'humour, une aventure rocambolesque, un récit construit en plusieurs facettes et également une critique de l'ordre social de ces époques qui transpire dans la plupart des scènes. Tout y passe, de la noblesse au bas-peuple en passant par le clergé, tout le monde en prend pour son grade. Et c'est justement cette représentation assez acide du monde qui donne tout son sel à ce personnage fourbe : il ne l'est jamais plus que le monde dans lequel il vit. Ayroles n'a pas son pareil pour faire une BD qui brasse un mélange des genres mais tenir aussi un propos cohérent et peut-être terriblement en phase avec l'actualité. Je m'extasie beaucoup sur le texte, mais j'ai trouvé que le dessin n'est largement pas en reste, avec ces décors magnifiques (la taille de la BD permet de ressentir tous les décors que l'auteur s'est fait suer à faire), ces personnages hauts en couleurs et ces cases parfois composées d'une façon surprenante (plusieurs cases m'ont impressionné par leurs compositions). Les planches sont réellement agréables à lire, et j'ai encore plusieurs visuels en tête après la lecture qui remonte à une semaine. Un excellent signe ! Et j'ajouterais que l'auteur réussit à faire passer beaucoup de choses (notamment niveau sentiment) via son dessin et ses cases. C'est un très bon support à ce genre de récit. Si vous en doutiez encore, j'ai adoré ma lecture, mais je n'ai pas poussé jusqu'au culte parce qu'il manquerait un petit rien, un tout petit plus pour que ce récit atteigne vraiment les sommets de la BD. En attendant, je le considère réellement comme un immanquable du genre. Ayroles me régale décidément à chaque BD que je lis, et j'ai hâte de découvrir la suite de ses créations. Si vous êtes encore passé à côté de cette BD encensée depuis le début d'année, je vous enjoins à vous précipiter pour la lire, elle en vaut réellement la peine.
« Les Indes fourbes » ne pouvaient pas mieux tomber pour que je poste mon 900ème avis sur ce site de bédéphiles. En effet, après avoir lu ce gros pavé, ma réaction fut : « Purée, quel job ! ». Je me demandais ce que faisait Juanjo Guarnido depuis quelques années… La réponse est dans la réalisation des « Indes fourbes », une bande dessinée de 160 pages ( !), en collaboration avec Alain Ayrolles en tant que scénariste. « Les Indes fourbes » est une adaptation d’un récit d’aventures espagnol assez méconnu en France : « La vie de l'aventurier Don Pablos de Ségovie ». Ça se passe au XVIIème siècle à mi-cheval entre la péninsule ibérique et l’Amérique du Sud. Je ne voudrais pas en dire trop sur ce récit pour que vous gardiez l’effet de surprise en découvrant les (très) nombreuses péripéties de Pablo, le personnage principal de cette bande dessinée. Ce fut une histoire très intéressante à lire du fait du contexte de l’époque et aussi, parce qu’à travers les situations rocambolesques de Pablo, le lecteur ne pourra que mesurer à quel degré la folie des hommes peut atteindre ! J’ai été donc très emballé par cette bande dessinée, elle aurait pu être parmi mes panthéons du 9ème art s’il n’y avait eu cet épilogue qui –à mon avis- discrédite complètement l’histoire et qui ne m’est pas apparu utile. Il est clair que ma relecture de ce récit s’arrêtera avant ce dernier chapitre afin que je puisse en apprécier pleinement toutes ces qualités. Je ne vous ai pas encore parlé du coup de patte de Juanjo Guarnido, il est tout simplement exceptionnel ! L’apothéose de son travail est –à mon avis- atteint dans ce fameux passage muet et les vues panoramiques d’une extraordinaire beauté ! « Les Indes fourbes » est une bande dessinée assez chère à acquérir mais ce coût m’est apparu amplement justifié par le grand plaisir de lecture qu’elle m’a procuré. Cela fait longtemps que je n’avais pas feuilleté un tel ouvrage scénaristiquement et graphiquement exceptionnel. Dommage que l’épilogue (qui n’apporte pas grand chose à la compréhension de l’histoire) des « Indes fourbes » m’a un peu gâché ce feuilletage mais au moins, je saurai désormais m’arrêter avant ce chapitre. Mon coup de cœur de l’année 2019 !
Alain Ayroles (De Cape et de Crocs) au scénario et Juanjo Guarnido (Blacksad) au dessin, ça ressemble à une association de rêve ! Je pouvais difficilement passer à côté. Physiquement, Les Indes Fourbes est un beau gros bouquin. Il ne paie pas de mine mais il fait tout de même 160 pages et quand on voit la qualité du dessin de chaque planche, c'est vraiment un très bel ouvrage ! Car le dessin de Guarnido y est superbe. En début de lecture, je me faisais la réflexion qu'il était ici un peu moins époustouflant que sur Blacksad mais plus les pages passaient plus j'étais soufflé par la constance de l'excellence du dessin et de la peinture, et plus j'étais épaté qu'il ait pu ainsi nous offrir autant de planches toutes aussi belles et travaillées. Pour l'histoire également, sur le premier tiers de l'album, j'étais un petit peu déçu car je m'attendais à un scénario et des dialogues du niveau de De Cape et de Crocs et je me retrouvais face à une sorte de fable d'aventure picaresque à la manière des romans du 16e et 17e siècle où les péripéties s’enchaînent comme autant de saynètes épisodiques qu'on finit un peu par oublier et mélanger tant elles s’enchaînent les unes après les autres. Mais c'est arrivé en fin du premier chapitre que j'ai constaté que c'était voulu. Et même si je m'attendais fortement au retournement de situation du second chapitre, j'ai véritablement adoré la manière dont il fut mis en scène. Et à partir de là, je me suis mis à profondément apprécier ma lecture et le déroulé de son intrigue. La fin, ceci dit, m'a paru un petit peu tirée par les cheveux, l'aventure amusante finissant par tourner un peu plus à la véritable farce, mais ça reste dans la même idée et ça reste toujours plutôt drôle. J'en retiens un vraiment bel album, que je prendrais plaisir à rouvrir, à admirer et très probablement à relire !
Cette aventure épique, dans la grande tradition du roman picaresque, nous narre les tribulations de don Pablos de Ségovie, mendiant magnifique mais peu recommandable, bien décidé, malgré les innombrables dangers, à se faire une place au soleil, celui d’Amérique du sud – qu’à cette époque on croyait être les Indes -, grâce à un lieu mythique et plein de promesses : l’Eldorado. Handicapé par des origines misérables, il ne reculera devant rien pour arriver à ses fins, accumulant les coups sans broncher et endossant mille personnages afin de traverser toutes les couches de la société et ainsi mieux tromper son monde… Le dessinateur de Blacksad et le scénariste de De Cape et de Crocs ont uni leur talent pour produire une œuvre remarquable à tous points de vue. Tout comme leur héros Pablos, le lecteur embarque pour le Nouveau monde avec délectation. Certes, les rebondissements seront nombreux et les conséquences plus âpres pour le premier, dur à la douleur, qui parviendra néanmoins à retomber sur ses pieds à chaque coup du sort, en ressortant comme renforcé, comme dopé… Alain Ayroles nous a concocté ici un scénario aux petits oignons, qui est en fait la continuation du roman picaresque « El Buscón (Vie de l’aventurier Don Pablos de Ségovie) », signé d’un certain Francisco de Quevedo, figure majeure des lettres ibériques au XVIIe siècle. A la fin du livre, qui se situait en Espagne, l’écrivain annonça une suite qui ne vit jamais le jour. Le créateur de Blacksad, Juanjo Guarnido, avait toujours été fasciné par ce classique de la littérature espagnole. Quant à Alain "DCEDC" Ayroles, il envisageait de raconter les aventures de Don Quichotte dans le Nouveau monde. C’est donc tout naturellement que les deux auteurs ont conçu ce projet haut en couleurs. Dans un style littéraire soigné, Ayroles fait s’exprimer le narrateur principal, qui n’est autre que Pablos, en s’inspirant du langage de l’époque. L’histoire est extrêmement bien construite, respectant la linéarité du roman picaresque, avec plusieurs récits enchâssés au sein du récit central. C’est sans relâche que nous suivons les péripéties de Pablos, personnage ambigu qui suscite autant la pitié que la répulsion, même si cette fripouille pour le moins rusée a des raisons de vouloir s’extirper de sa condition sociale calamiteuse. Le twist final est juste ahurissant, mais l’auteur parvient à le rendre crédible de façon subtile, avec une ironie totalement subversive contre tous les puissants de ce monde. Du reste, le propos de cette saga au souffle épique reste tout à fait transposable à nos sociétés contemporaines, où la misère la plus noire côtoie plus que jamais la richesse la plus obscène. Juanjo Guarnido de son côté ne fait que, preuve s’il en fallait, confirmer son talent, quand bien même les animaux ont repris ici leur rôle de figurants silencieux… De Blacksad, les humains ont conservé le sourire carnassier ou les yeux de chien battu selon les cas. Pour le reste, le dessinateur espagnol nous emmène littéralement au cinéma, tant la représentation des paysages de l’Altiplano et de l’Amazonie est époustouflante. Le passage décrivant la découverte de l’Eldorado par Don Diego et ses hommes est à couper le souffle. Confessant s’être rendu au Pérou pour parvenir à un rendu le plus réaliste possible, Guarnido n’a utilisé que des couleurs directes, à l’aquarelle, et le résultat est somptueux. A n’en pas douter, « Les Indes fourbes » s’impose d’emblée comme une réussite et rencontrera le succès, plus que mérité. Cela apparaît presque comme une évidence quand on sait que ces deux auteurs talentueux avaient l’envie de travailler ensemble. Cette brillante épopée, qui prouve que l’alchimie entre les deux hommes a parfaitement fonctionné, figurera non seulement parmi les meilleurs albums de 2019 mais également au panthéon du neuvième art. À noter en outre que l’objet est publié en grand format et dans un superbe tirage.
Tout amateur de bandes dessinées se doit évidemment de lever tout au moins un sourcil intrigué lorsqu'il entend dire qu'Alain Ayroles va scénariser une histoire dessinée par Juanjo Guarnido. Savoir en outre qu'Ayroles s'inspire d'un célèbre roman picaresque pour lui donner la suite qu'il aurait dû avoir mais n'a jamais eue satisfera également l'amateur de belle littérature. On en concluera donc ainsi logiquement que toute personne de goût ne peut que se précipiter en librairie dès ce 28 août 2019 pour se procurer - à un prix certes quelque peu ironique par rapport au sujet de l'oeuvre - ce qui s'annonçait d'ores et déjà comme une pépite. Et dès que l'on ouvre l'ouvrage, on constate avec plaisir que l'on ne s'est pas trompé. Le sens aigu de la mise en scène parcourant toute l'oeuvre d'Ayroles a été convoqué une nouvelle fois ici, son talent incroyable pour les dialogues et pour le pastiche également, tandis que le génie visuel de Juanjo Guarnido n'a rien perdu de sa superbe. Tout amateur du monument De Cape et de Crocs ne pourra se sentir perdu face à ces dialogues d'une élégance toute ayrolienne - tout sauf du vent ! -, d'une langue parfaite qu'il fait bon lire en ces temps où le commun des mortels lui enlève toute sa substance. Oui, à nouveau, Alain Ayroles nous propose plus qu'une bande dessinée : il nous offre un bijou de rhétorique et de langue française. Rien que pour cela, Les Indes fourbes est déjà un monument. Mais il faut avancer davantage sans ombre ni trouble au visage dans l'opulente jungle verbale où nous fait pénétrer l'intrépide Ayroles pour découvrir plus en détail ce temple d'or qu'il a bâti pour nous. Si l'on s'en réfère à la structure de l'oeuvre, ce n'est plus du Francisco de Quevedo, c'est du Quentin Tarantino. Divisé en trois chapitres, le récit nous prend et nous surprend plus d'une fois, jouant avec sa propre mécanique narrative et dramaturgique pour mieux la mettre en valeur. Cela commence comme un simple récit d'exploration, récit à deux étages comme Ayroles sait si bien les écrire, afin de mieux mettre en abyme une histoire somme toute très classique. Un vulgaire escroc s'enfuit d'Espagne pour chercher la fortune dans les colonies du royaume, et découvre à la fois les noblesses et les turpitudes de ce monde qui, Nouveau, a déjà toutes les caractéristiques de l'Ancien. Il s'agit du chapitre le plus long. Sans doute le moins passionnant des trois, pourtant déjà captivant et, on le découvrira à la fin, essentiel pour installer lentement mais sûrement les rouages de l'implacable mécanique dans laquelle nous sommes plongés. Dans cette partie, l'on appréciera l'aisance avec laquelle l'auteur prend le ton des plus grands récits de voyage et nous immisce dans une atmosphère magnifiée par le trait d'une incomparable beauté issu de la main de Guarnido. Le souffle épique, la vérité cachée y établissent déjà leurs premiers bourgeons, qui écloront dans les deux parties suivantes. Après l'apothéose du premier chapitre, on croit déjà avoir tout vu. C'est précisément parce qu'en réalité, on n'a encore rien vu. Il faut s'arrêter là et ne rien dire du contenu des deux chapitres suivants pour conserver la surprise à l'aimable lecteur qui n'aura pas encore déserté cette humble critique, poussé par un ennui naturel. Que l'on dise simplement qu'Alain Ayroles, fidèle à son habituel style narratif, ne met en place cette mécanique en trois actes que pour mieux berner son lecteur. Si le premier chapitre de l'oeuvre passait - et c'est normal, pastiche oblige - par toutes les étapes attendues du récit picaresque comme du récit d'exploration, les chapitres II et III s'ingénient à briser tout ce que ces attendus avaient mis en place dans notre cerveau habilement endormi. On admirera également l'art avec lequel Ayroles domine son oeuvre tout en laissant une place égale à son dessinateur Guarnido, qui trouve là un exceptionnel terrain de jeu, la chance d'une vie, peut-être même l'apogée d'une grande carrière de dessinateur, afin de déployer tous les ors de son dessin merveilleux, baroque et titanesque. Derrière la sobriété d'une couverture où se dit pourtant l'essentiel (et à laquelle a participé le génial Alex Alice, notons-le au passage) se cachent les splendeurs d'un foisonnement graphique plein de vie et d'exubérance. L'auteur s'efface même parfois complètement derrière le dessinateur dans des planches colossales, muettes et pourtant éloquentes, telles ces douze pages sans un seul mot (!) narrant l'épopée d'un groupe de colons rencontrant les innombrables péripéties de la route vers l'El Dorado, qui redonne toutes ses lettres de noblesse au genre si souvent dénigré de la bande dessinée. Il sera toutefois permis au lecteur d'émettre quelques réserves sur l'esprit d'une bande dessinée dont la richesse ne peut masquer un (léger) manque. Si l'épopée possède un souffle incroyable et que le récit d'exploration semble passer par toutes les étapes essentielles, on pourra regretter que l'émotion ne vienne jamais percer la surface de la caricature. Certes, celle-ci est très intelligente et parfaitement justifiée par l'emploi du pastiche. Toutefois, il arrive que l'on se lasse quelque peu de cette dépiction du monde dans ce qu'il a de plus sale et de plus ignoble (au sens littéral comme au figuré). Bien sûr, la satire l'exige, mais cette saleté ambiante, certes réelle ou au moins réaliste, pouvait cohabiter - et ce, au sein du Nouveau Monde plus que partout ailleurs - avec une véritable noblesse et une authentique grandeur d'âme qu'Ayroles, sans doute à la suite de Quevedo, tend parfois à oublier, même s'il nous la fait par moments toucher du bout des doigts. Quand on songe à l'émotion puissante qui se dégageait de certaines pages de De Cape et de Crocs et de Garulfo, on peut trouver légèrement décevant qu'Ayroles ne nous propose aucun pic émotionnel dans cette bande dessinée. Mais il est vrai qu'il n'en a pas fait son sujet, et que ce manque est donc assumé. Qu'il ne soit toutefois pas accordé à ce petit reproche plus d'importance qu'il ne le lui faille, car en-dehors de cet élément soulevé par un historien et lecteur quelque peu tâtillon, Les Indes fourbes reste un véritable monument. Il est de ces bandes dessinées qui n'outragent le réel que pour mieux le faire parler, qui n'épuisent leur lecteur que pour mieux l'élever, et ne l'égarent que pour mieux le faire aboutir à cette conclusion qui s'impose d'elle-même : oui, dans le monde de la bande dessinée, l'El Dorado existe.
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