Ce que font les gens normaux
La jeunesse de deux colocataires au Canada.
Canada
c'est l'histoire de deux jeunes femmes qui entrent dans la vie ensemble. Elles habitent le même appartement, et cela a créé une certaine intimité entre elles, une sorte d'admiration mutuelle. Frances est brune, toujours la queue de cheval, un petit nez à la Tintin, elle travail dans une de ses entreprises hyper hiérarchisées où l'objectif est de faire des sous pour des actionnaires. Vickie est comédienne, elle est le genre de filles que les autres regardent.
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Date de parution | 18 Janvier 2019 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Je suis plutôt circonspect après lecture de cette BD. Elle flirte entre le roman graphique et la BD intimiste, mais avec une dimension très américaine à mon sens. Je ne saurais le dire exactement, peut-être parce que c'est un ressenti très personnel, mais cette BD me fait très fortement penser à l'Amérique du Nord. Dans sa façon de représenter les choses, dans ses personnages, ses environnements et ses pensées. Le récit étant avant tout un roman graphique intimiste se plongeant dans la pensée et les réflexions d'un personnage, il est assez évident que lorsqu'on est dérangé par ce qui est dit, c'est un énorme frein. Déjà, le côté culture d'entreprise avec management ultra-libérale tel que présenté dans la BD me dégoute au plus haut point. Je vois là une façon ignoble d'asservir les employés et causant bien souvent des traumatismes et souffrances dont on parle peu (parce que la protagoniste est dans le camp de ceux qui s'en sortent, on invisibilise tout ceux qui sont au chômage). Ensuite, les problématiques de la protagonistes m'ont toujours paru futiles et sans importance. Déjà parce que l'on voit très peu les réelles interactions qu'elle a avec son travail (dans le sens, ce qu'elle fait au sein de l'entreprise) et bien plus la façon dont elle se considère et ce qu'elle veut faire. Et là, à mon avis, un écueil majeur apparait : d'avoir mis une femme qui entre dans les grands bureaux des juristes, ok, mais beaucoup de choses m'ont semblé fausses, notamment dans les interrogations qu'elle a vis-à-vis du monde et de sa place dedans. Parce que je me demande quel jeune ne se pose pas la question de ce que son travail lui apporte, à lui et à la société, à l'environnement et à l'humain. De plus en plus de choses sortent sur les bullshits jobs (dont le travail qu'elle fait semble faire partie), sur la catastrophe environnementale et sanitaire que nous vivons, sur la crise politique et sociale vécu par beaucoup de monde. Là, on dirait une BD sortie il y a plus de vingt ans où les problématiques sont très nombrilistes et les interrogations personnelles. C'est peut-être moi qui me trompe et généralise ce que je vois autour de moi, mais les réels questionnements que tout à chacun se pose parmi les jeunes englobe beaucoup plus large que leur simple vie. Pourquoi penser à une retraite ou une carrière quand on est pas sur que la planète nous permettra de vivre au-delà de nos cinquante ans ? Que le pétrole explose et se raréfie ? etc ... Bref, je trouve les questionnements trop nombrilistes et vague par rapport à tout ce qui peut être exposé dans une œuvre parlant de jeunes en insertion professionnelle. D'autre part, et là c'est totalement mon côté anti-capitaliste qui parle, je déteste profondément la façon dont la BD expose une entreprise ultra-libérale et capitaliste comme un endroit d'accomplissement personnel. C'est une fraude horrible lorsqu'on connait le burnout, qu'on voit tant de personnes virées sans aucune possibilité de se défendre, tomber au chômage ou en dépression, mais aussi tant de personnes bosser jusqu'à l'épuisement physique et moral, sans pouvoir refaire une vie à côté (et non, aller se bourrer la gueule en soirée n'est pas avoir une vie. Je parle d'interactions sociales régulières). Bref, la BD défend ce que je déteste et ne parle pas de ce qui me semble pourtant crucial à des jeunes générations. Le dessin est bon, avec un noir et blanc qui convient plutôt pour le propos. Je ne m'attarde pas trop dessus justement parce qu'il n'a rien de particulièrement notable. En somme, je suis assez rude avec cette BD mais principalement parce que je ne m'y reconnais pas, et que je trouve le message derrière assez effroyable. J'ai vu bien trop d'horreur d'un système d'entreprise tel que montrée dans cette BD pour avoir envie de voir cela montré positivement (même si des critiques à son égard subsiste, on est pas dans une apologie capitaliste). D'autre part, le message m'a fait voir assez négativement le personnage principal, me détachant donc de tout affect à son égard. Cela a rendu la lecture plus ennuyeuse encore. Et d'autant que l'autre protagoniste, actrice débutante, ne connait pas non plus de problématique dans son parcours (alors que pour avoir été en école de théâtre et avoir ensuite tenté de trouver du travail ... Faut pas se leurrer, c'est moins de 1% de succès). Bref, je suis dans une opposition au message, aux protagonistes et à cette BD en général. Je lui vois les qualités, mais les défauts sont bien trop importants selon moi. C'est gentil, et cela en fait, par la même occasion, une œuvre qui atteint ses limites bien trop facilement. Impossible pour moi d'en conseiller la lecture.
Voilà un album relativement épais, mais qui se lit finalement rapidement, et agréablement. Car il se révèle frais et vivant. Nous suivons deux jeunes femmes, colocataires, qui semblent être l’opposé l’une de l’autre, mais qui se révèlent complémentaires et très liées, même lorsque l’une d’elle part très loin pour des raisons professionnelles. Francès vient d’intégrer un cabinet d’avocats d’affaires, aux méthodes managériales féroces, pour augmenter les bénéfices et les dividendes des actionnaires. Elle n’est pas sûre d’elle, et se laisse ballotter par les événements. Vickie est comédienne, bordélique, pas du tout scolaire et très éloignée de la réalité. Mais elle est sûre de réussir, et fait le grand saut en partant pour la Californie. Les deux se confient tous leurs secrets, par-delà leurs vies (horaires compris) très différentes. Ce qui est amusant, c’est comment les deux femmes vont presque inverser les rôles : Vickie va gagner en maturité, en ayant une situation plus stable en tant que star de série américaine, tandis que Francès semble incertaine dans le milieu carnassier du monde de la finance et de l’entreprise ultra libérale. Et, au final, c’est Francès qui s’intègre à ce monde de requins, alors que Vickie se pose des questions sur sa carrière. Bref, les allers-retours, les échanges d’émotions entre les deux femmes leur donnent une consistance crédible. Des femmes ordinaires, peut-être, mais dont on a pris le temps de découvrir la personnalité, auxquelles on s’attache. Le dessin est simple, mais efficace et fluide, et la lecture de cet album est agréable.
Pour la petite histoire, je me suis littéralement endormi en lisant cette œuvre en plein milieu d'une après-midi ce qui ne m'était jamais encore arrivé. Je pense que cette bd peut vaincre vos pires insomnies. Elle a donc une parfaite utilité. Cependant, je doute que cela soit sa fonction première. Il est vrai que la lecture nous entraîne dans le suivi de deux carrières professionnelles distinctes entre deux jeunes colocataires. On suivra particulièrement Frances qui travaille comme une folle en sa qualité d'assistante juridique dans un grand cabinet d'avocats. L'autre est une jeune comédienne qui a du mal à percer mais qui va finir par y arriver. C'est vrai que toutes ces histoires de boulot m'ont paru ennuyeuses c'est à dire loin du divertissement. C'est très très bavard. Pourtant, cette œuvre recèle de véritables qualités à commencer par un graphisme fort réussi. Bref, je n'ai pas été emballé mais cela peut certainement toucher d'autres lecteurs plus réceptifs à cette histoire d'amitié entre les deux femmes.
Mélancolique. Deux filles qui commencent dans la vie dans le même appartement, et qui portent, presque malgré elles, deux modèles qui s'écartent. Frances, brune à queue de cheval, est clerc dans une grosse boîte d'avocat. Travailleuse, persévérante, elle ne fait pas de vague, n'a pas vraiment d'autre horizon que le travail, elle ne participe pas aux cabales diverses de la machine à café, n'a pas d'ennemi, mais pas d'ami non plus dans l'entreprise. Les autres la trouvent terne et sans ambition. Petit à petit les patrons apprécient sa concision, sa droiture, son absence d'égo. Elle est tout simplement de bon conseil, si on le lui demande. Elle monte en grade, passe devant les plus diplômés, les hommes. Vickie est blonde, porte les cheveux détachés, elle plait aux hommes, elle est comédienne, passe de troupe en troupe jusqu'à accepter de travailler sur une série télé, ce qui l'éloigne de leur appartement commun. Ce qui lui donne, par la même occasion, le sentiment de réussite. Et de vacuité aussi. Elles continuent de se téléphoner, et leur regard respectif, leur permet de conserver ce petit pas de coté qui donne une boussole à leur vie. Tout au long de cette tranche de vie, elles gardent un lien d'admiration l'une pour l'autre, se soutiennent , financièrement, psychologiquement. C'est comme deux parts de chacun d'entre-nous. Peut-être le yin et le yang de notre société. Le dessin en noir et blanc, sans gris, pourrait se rapprocher de Tintin chez les soviets. Pas de fioriture, mais des situations quotidiennes très justes (contrairement à Hergé). Bref, joli travail, noir et doux à la fois.
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