Bien normal
Jérôme Dubois porte un regard acide et un humour noir dans ce recueil de strips de 4 cases.
Format à l’italienne Humour noir Les petits éditeurs indépendants Strips
Compressé dans le métro parisien, coincé entre un enfant qui hurle et une grand-mère qui sent l’urine, Jérôme Dubois procède à un exercice de résistance mentale pour échapper à la pression de la foule blanchie par la lumière blafarde des néons. Quatre cases s’alignent dans son cerveau, la grand-mère est rapidement mise sous terre et l’enfant abandonné sur une aire d’autoroute. Cet exercice de survie en milieu humain est pratiqué en secret par un grand nombre d’inconnus épuisés par les injonctions positives de l’époque. Mais il faut être un styliste émérite pour transformer de telles scories mentales en guillotines prêtes à officier pour le bien-être de l’humanité. La candeur de l’enfance, les miracles de la technologie, l’émancipation par le travail et la fugacité de l’existence, autant de poncifs qui sont ici consciencieusement décapités à la plus grande satisfaction du lecteur. Car, disons-le, c’est avec un peu moins de bons sentiments et un peu plus de misanthropie que le monde sera sauvé.
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Date de parution | 23 Août 2018 |
Statut histoire | Strips - gags 1 tome paru |
Les avis
Bien Normal, ce sont des strips sur deux pages de deux grosses cases chacune, pour des gags à base d'humour noir, d'un peu de politiquement incorrect et d'absurde. Ils semblent se vouloir parfois un peu choquants ou inattendus pour faire rire, mais c'est un genre déjà beaucoup usité donc au contraire beaucoup se révèlent plutôt prévisibles ou déjà-vus. Quant au dessin, c'est un style bizarre, à la fois faussement épuré et avec des traits de visage étranges. A vrai dire, il ne me plait pas. Entre le ton des gags et ce type de dessin, cela rappelle vaguement les albums de Ruppert et Mulot mais sans la maîtrise graphique ni atteindre la même originalité tant dans l'humour que dans la mise en scène.
« Bien normal », voilà un titre qui se révèle très éloigné de ce que le contenu nous propose, puisque l'on n’y trouve que des situations « anormales », totalement absurdes, et l’humour noir qui irrigue l’album met clairement en avant le mal plutôt que le bien. Ce titre en forme d'antiphrase est sans doute l'ultime (ou premier ?) pied de nez de Jérôme Dubois, dont les gags pince sans rire sont ici globalement réussis. L'utilisation de la bichromie (couleurs pétantes et pas du tout naturelles !) ajoute un côté improbable et froid à ces gags. C'est rarement hilarant, mais c'est très souvent drôle, et cet album développe un humour qui me plait (avec des tonalités absurdes, parfois débiles, souvent noires). Mais l’ensemble est trop maigre à mon goût, et c’est très (trop) vite lu en tout cas.
S'il s'agit du troisième ouvrage de Jérôme Dubois fidèle aux iconoclastes éditions Cornélius, il s'agit pour ma part d'une toute première incursion dans un univers bien noir que n'aurait sûrement pas renié Pierre Desproges. Enfin de noirceur, il n'est est pas question dans l'épurée mise en couleur utilisée dans ce petit ouvrage à l'italienne. En segmentant son livre d'un choix restreint noir/bleu/rouge puis noir/vert/rouge selon les chapitres, Dubois use d'un trait simple qui va directement à l'essentiel. Peu d'esbrouffes donc ici utilisées pour une mise en place rapide et une conclusion tout aussi rapide puisqu'il ne s'agira invariablement que de strips de 4 cases. Si le procédé est rapide, chaque strip dispose d'un titre pouvant aider à une meilleure compréhension ou renforcer l'effet comique. Il est temps à présent de parler du contenu... Dans la plupart des cas, Dubois fait mouche et étonne, écœure, choque, provoque l'hilarité pour la plupart des situations exposées (biffer la ou les mentions inutiles). Rien de neuf ou de follement original néanmoins mais les gosses, les animaux et les asociaux restent les principales cibles. Il s'agit bien ici d'un humour noir bien particulier qui ne plaira sûrement pas au plus grand nombre mais ravira les amateurs. Bien souvent corrosif il n'y a qu'un seul gag sur la trentaine ici présentée pour lequel je n'ai toujours pas bien saisi la chute ce qui nous amène au petit point négatif de ce bouquin : c'est court, bien trop court pour retenir l'attention au delà d'une dizaine de minutes de lecture. Et ce n'est sûrement pas le style graphique sommaire qui en ralentira la lecture. C'est bien dommage car l'univers et les différentes situations sont plaisants, les chutes pour la plupart inattendues et on aurait préféré avoir du rab, preuve que l'objectif est finalement bien atteint. Je suis partant pour une suite, ce qui ne serait que normal.
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