Moscou année zéro

Note: 4/5
(4/5 pour 3 avis)

Fabien Nury et Thierry Robin ont « remonté » les deux récits dissociés qui composaient Mort au Tsar et en proposent une nouvelle lecture en miroir, plus intime et imbriquée pour un thriller politique implacable et inédit ! A voir aussi : Mort au Tsar


1900 - 1913 : Du début du XXe siècle aux prémices de la première guerre mondiale Moscou Reprises / Refontes Russie

1905. Les révolutions russes germent, la Russie tsariste décline. Dans ce contexte d'extrême tension politique et sociale, un geste en apparence anodin du gouverneur Sergueï Alexandrovitch met le feu aux poudres et signe son arrêt de mort. Georgi, un terroriste, fera tout pour l'éliminer.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 04 Octobre 2019
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Moscou année zéro © Dargaud 2019
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 3 avis)
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09/10/2019 | Mac Arthur
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Par Josq
Note: 4/5
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N'ayant jamais lu le diptyque Mort au Tsar, je me suis lancé dans cette refonte de l'histoire sans la connaître auparavant. Je ne pourrai donc pas comparer les deux versions de l'histoire, mais je suis plutôt content de l'avoir découverte dans la version souhaitée initialement par son auteur. Moscou année zéro succède donc au chef-d'œuvre La Mort de Staline, Nury et Robin nous offrant une nouvelle page marquante de l'histoire de la Russie, qui fait un écho assez impressionnant à leur précédente œuvre. Mettre en exergue ces deux bandes dessinées n'est en effet pas inutile, tant Nury nous offre deux facettes d'une même histoire, au point qu'on pourrait croire que les récits sont les mêmes alors qu'ils sont en réalité très différents. Dans leurs deux œuvres, Fabien Nury et Thierry Robin nous dépeignent la fin d'un régime. On pourrait même dire qu'ils nous dépeignent la fin d'un régime autoritaire, mais pourtant, les deux pouvoirs qu'ils décrivent connaissent des différences majeures. Ainsi, là où le régime stalinien est un pouvoir extrêmement fort et sans failles, le pouvoir tsariste, en 1905, est au contraire un régime faible. Un régime qui s'appuie sur des répressions sanglantes, mais qui, contrairement à la dictature communiste, n'arrive pas pour autant à faire taire l'opposition. Finalement, les deux récits de Nury et Robin fonctionnent plutôt en miroirs inversés. Dans l'un, on voit un régime écraser le peuple. Dans l'autre, on voit un peuple écraser le régime. Et les deux récits sont aussi captivants, ou presque. Contrairement à La Mort de Staline, Moscou année zéro nous présente des personnages envers lesquels on peut ressentir bien davantage d'empathie. Le montage prodigieux du récit lui donne un souffle en nous rapprochant toujours un peu plus d'êtres fragiles confrontés aux immenses conséquences de leurs choix. Ainsi, le gouverneur Sergueï Alexandrovitch apparaît bien vite plus comme une victime que comme un bourreau. N'étant pas sans évoquer un certain Louis XVI de par chez nous, il essaye de porter tant bien que mal une charge trop lourde pour ses faibles épaules. Et le peuple gronde... De l'autre côté, on sent également chez le terroriste Georgi un sentiment inexorable de vide. Alexandrovitch et Georgi sont finalement très similaires. Chacun est confronté à une impression d'être passé à côté de sa vie, de la vie. Et chacun s'est enfermé dans une spirale où son destin dépend intégralement de l'autre. Coincé dans sa paranoïa, le gouverneur attend la mort avec inquiétude et fatalité ; il sait qu'un jour, un homme lui ôtera la vie et lui fera payer les erreurs qu'il a commises au pouvoir. De son côté, Georgi a fait l'erreur de transformer son attentat en projet personnel : que le gouverneur démissionne ou non, il est de toute façon l'homme à abattre. Mais qu'arrivera-t-il une fois que le terroriste se sera débarrassé du gouverneur ? Sa vie aura-t-elle toujours un sens ? Avec son aisance habituelle, Fabien Nury nous plonge dans une de ces grandes pages d'histoire assez peu connues, en choisissant de nous y faire entrer par le biais des destins personnels. Face au triste itinéraire de ces deux destins tragiques, l'auteur nous dresse ainsi le portrait d'un pays et d'une société en plein délitement. Tout n'y est que négation de soi, de ses valeurs, d'un destin commun. Plusieurs visions s'affrontent dans l'arène sociale et politique sans que l'une réussisse à faire valoir sa position plus que les autres. Véritable tragédie, au sens antique du terme (le parallèle avec Agamemnon d'Eschyle est brillamment exécuté), Moscou Année Zéro nous mène inéluctablement à un dénouement qu'on connaît (ou devine) à l'avance, sans que, pour autant, on s'ennuie. L'étude de caractère est très poussée, et les implications des actes des uns et des autres trop intéressante pour qu'on reproche quoi que ce soit au récit. Malgré tout, dans les petites faiblesses de cette œuvre, il faut reconnaître que jamais les auteurs ne renouent avec l'intensité de La Mort de Staline. Cette dernière avait une force narrative qu'on ne retrouve jamais totalement dans Moscou année zéro (même si on n'en est pas toujours loin). En outre, il est dommage que Nury soit obligé de raccourcir certains points historiques pourtant très intéressants. Ainsi, on manque parfois de contexte : lorsqu'on découvre le gouverneur en début de récit, il est déjà détesté par la population, et fait déjà l'objet de tentatives d'assassinats. On comprend globalement pourquoi, mais les années précédentes auraient gagné à être un peu plus évoquées. De même, lorsque le tsar et son ministre évoque leurs mensonges antisémites et le Protocole des Sages de Sion, il aurait été intéressant d'expliquer un peu plus les tenants et les aboutissants d'une telle politique. Là, c'est assez schématique. Néanmoins, ces quelques faiblesses narratives ne nuisent jamais totalement à la qualité d'une œuvre qui reste une bande dessinée tout-à-fait mémorable et figure dans le haut du panier de la carrière de ses auteurs. Même si La Mort de Staline reste un chef-d'œuvre indépassable, Fabien Nury prouve une nouvelle fois qu'il est un auteur majeur sans lequel la bande dessinée française aurait beaucoup perdu.

26/06/2022 (modifier)
Par Benjie
Note: 4/5
L'avatar du posteur Benjie

1904-1905, alors que la Russie est en proie à de graves troubles sociaux, plusieurs attentats terroristes sont commis contre des représentants du régime tsariste. Moscou Année Zéro, n’est ni une intégrale, ni une addition des deux albums Mort au Tsar, mais un album entièrement repensé par l’excellent scénariste, Fabien Nury. En ce début du XXe siècle, on sent que la Russie est sur le point de basculer vers autre chose. C’est la fin d’une époque que chaque acteur de cette histoire ressent sans pour autant aborder ouvertement le sujet. Le peuple a faim. Les tensions montent. Dans l’ombre, les couteaux s’aiguisent. On assemble des bombes. On sait QUI va tuer et on sait QUI va mourir. C’est inéluctable et c’est ce qui fait toute l’intelligence de ce récit, déjà raconté par plusieurs auteurs dont Albert Camus avec Les Justes. Alternant entre le point de vue de la future victime, le gouverneur général de Moscou Sergueï Alexandrovitch qui attend, résigné, et celui de l’assassin qui guette le bon moment pour passer à l’acte, l’album est construit avec rigueur. On sent la tension qui monte. On sympathiserait presque avec la victime qui a pourtant des centaines de morts sur la conscience. Cet album est aussi un joli défi éditorial par la reprise de deux albums préexistants qui racontaient la même histoire, par les mêmes auteurs, mais avec une construction scénaristique séparant le parcours de la victime dans un tome de celui de ses assassins dans un autre. Très fan des scénarios de Fabien Nury, je n’en dirai une fois de plus que du bien, et les dessins de Thierry Robin ainsi que la mise en page sont parfaits. C’est bien écrit, bien documenté, bien monté et cohérent. Les personnages ont une vraie profondeur, une vraie réflexion sur leur vie et leur destin. Un indispensable…

07/03/2021 (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

Cet album est étonnant. Il s’agit ni plus ni moins que de la refonte de Mort au Tsar. Une refonte totale au niveau du découpage qui, à en croire les propos de Fabien Nury lisibles à la fin de cet album, permet à ce récit de trouver la forme dans laquelle les auteurs l’avaient d’abord imaginé avant de devoir revoir leur copie, faute d’un résultat convaincant. Et donc, alors que cet album aurait pu se réduire à une simple intégrale, les auteurs nous offrent une relecture complète de Mort au Tsar. Finis les deux tomes qui chacun développaient le point de vue d’un des deux personnages, voici un récit dans lequel nous, lecteurs, ne cessons de passer d’un personnage à l’autre. Les deux destinées s’entremêlent, les recoupements se font évidences… et le résultat est magistral. Je suis, en fait, ébahi que ça marche si bien alors que les dessins sont les mêmes que ceux que l’on retrouve dans Mort au Tsar (seules deux pages ont été retirées, l’une faisait double emploi et l’autre aurait stupidement décalé certaines doubles pages). Après cet aspect purement technique, et pour ceux qui n’auraient pas lu « Mort au Tsar », ce récit peut se voir comme un thriller psychologique. Le gouverneur de Moscou, suite à un massacre qu’il a maladroitement ordonné, sait qu’il peut à tout instant mourir dans un attentat. Nous allons le suivre dans ses derniers jours, alors qu’il cherche encore une échappatoire à l’inéluctable. Par ailleurs nous suivons le terroriste en charge de la mise en place de cet attentat. Un personnage extrêmement sombre, sans pitié et sans attaches. Ces deux êtres que tout oppose portent ce récit. Je me suis attaché à ce gouverneur dépassé par les événements, et j’ai suivi avec délice les péripéties et les pensées de ce terroriste froid et déterminé. Le passage d’un personnage à l’autre nous permet de sauter du caractère quasi burlesque des pages dédiées au gouverneur à des passages beaucoup plus noirs, beaucoup plus conformes au genre « thriller » consacrés au terroriste. Le dessin de Thierry Robin, par son aspect anguleux et froid, convient très bien à l’ambiance de ce récit. Les décors sont soignés, les visages sont expressifs et le côté semi-caricatural des personnages permet à la fois de bien les singulariser tout en leur apportant un côté « marionnette » qui favorise l’empathie. Une réussite. Et à titre personnel, j’ai préféré ce récit sous cette forme que sous sa première mouture. De là à ce que ceux qui possèdent déjà Mort au Tsar achètent cette nouvelle version, il y a un pas que je n’oserais franchir… mais dans tous les cas de figure « Moscou année zéro » est un album qui mérite d’être lu par tout amateur de récit historique et de polar psychologique.

09/10/2019 (modifier)