Le Vagabond des Étoiles

Note: 4/5
(4/5 pour 14 avis)

Oscillant entre réalisme et fantastique, ce roman remarquablement adapté par Riff Reb's s'impose à la fois comme un procès contre l'univers carcéral et un hommage à la puissance de l'imaginaire.


Adaptations de romans en BD Gobelins, l'École de l'Image Jack London Les Meilleurs Diptyques Les prix lecteurs BDTheque 2019 Prisons Soleil

San Quentin. Dans la prison d'État de Californie, Darrell Standing, ingénieur agronome, s'apprête à être pendu. Pour supporter les tortures que lui infligent les geôliers, il s'évade au gré de voyages astraux dans des vies passées. Il se retrouve sous les traits du comte Guillaume de Sainte-Maure au coeur du Paris de Louis XIII ; sous ceux d'un enfant sur les pistes de la conquête de l'Ouest ; en ermite hystérique ; en migrante irlandaise ; ou encore en Viking devenu soldat romain...

Scénario
Oeuvre originale
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 23 Octobre 2019
Statut histoire Série terminée 2 tomes parus

Couverture de la série Le Vagabond des Étoiles © Soleil 2019
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 14 avis)
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24/10/2019 | Jetjet
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Par Emka
Note: 3/5
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Je vais pour une fois être moins enthousiastes que mes prédécesseurs. Je me suis fait un week end Riff Reb's avec la trilogie maritime et ce Vagabond des étoiles. Et c'est celui qui m'a le moins plu au final malgré un très bon premier tome. On est ici dans un univers carcéral oppressant, dur, sans échappatoire, et pourtant Jack London ouvre une porte : celle de l’esprit. Cette idée de s’évader autrement, par la pensée, m’a tout de suite parlé et m'a fait pensé à d'autres auteurs comme Soljenitsyne sur ce genre de thématiques. C’est une réponse inattendue à la violence physique et au confinement, presque un pied de nez au système qui broie. Le scénario prend son temps pour installer cette tension entre l’enfermement du corps et la liberté de l’esprit, et ça fonctionne. On s’accroche à cette fuite intérieure comme si c’était la seule bouffée d’air possible. Le rythme est maîtrisé, le dessin colle parfaitement au propos. Tout ça donne une première partie solide, marquante, qui ne lâche pas. Et puis vient la deuxième partie, et c'est là que ca a coincé pour moi. On passe d’une histoire à l’autre, des récits de vies passées ou de souvenirs, mais sans vraiment comprendre pourquoi ou comment ils s’enchaînent. En tous cas je n'ai pas compris le fil rouge. C’est comme si l’auteur voulait en dire trop, explorer plusieurs directions en même temps, sans réussir à garder une cohérence d’ensemble. Chaque fragment pris individuellement a de l’intérêt, on sent qu’il y a de la matière derrière, mais mis bout à bout, je n'ai pas compris la logique. Ça manque de liant. J’ai fini un peu frustré de ne pas retrouver l’intensité et la clarté de la première moitié. C’est dommage, parce que l’idée de départ est forte et la manière dont elle est amenée dans la première partie est vraiment réussie. On y croit, on s’implique. Mais ensuite, ça se dilue. Le propos devient flou, l’ensemble décousu. Au final, je retiens surtout cette première partie, percutante, qui montre que même dans l’enfermement le plus total, il reste un espace à soi, indestructible. La suite n’apporte pas grand-chose de plus, et c’est un peu frustrant.

09/12/2024 (modifier)
Par sloane
Note: 5/5
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Riff Reb's nous offre un plaidoyer contre les conditions inhumaines dans les prisons de ce temps, mais cela a-t-il vraiment changé? Ce diptyque est également l'occasion d'offrir au lecteur des moments de grâce et de poésie, à ce titre je ne peux que lui octroyer la note maximale. Encore une fois je ne peux que plussoir aux avis précédents, Mr Riff Reb's est un tout grand de la bande dessinée. Son graphisme est singulier, reconnaissable entre mille. Après sa trilogie sur le monde marin voilà qu'ici il nous propose un autre voyage, celui de l'âme humaine et ses tréfonds. Librement inspiré de Jack London, et oui celui-ci n'est pas que l'auteur de "Croc Blanc", il s'empare de ce roman qui si l'on y réfléchit bien est une sorte d'attaque en règle du système carcéral, de la bêtise humaine. Certes Darrel Standing est loin d'être un saint, il a quand même commis un meurtre, sa manière d'entrer en relation avec la hiérarchie de la prison de Saint Quentin n'en fait pas le plus grand diplomate du monde, son orgueil est immense et va lui coûter bien cher. S'ensuivent alors plusieurs planches qui nous montrent avec quelle abjection les gardiens se chargent de casser un homme, de lui enseigner des valeurs qui n'ont aucun sens dans ce milieu. Cassé physiquement à cause de la punition dite de la "camisole", Standing n'aura d'autres moyens pour s'évader que de faire appel à son cerveau que l'on qualifierait aujourd'hui d’analytique. Dans sa cellule Standing va trouver le moyen de s'évader pour retrouver des moments de vies antérieures qui vont l'aider à supporter l’insupportable. J'attends avec impatience la suite de cette histoire magnifiquement adaptée par Riff Reb's. Adaptation et graphisme sont à l'unisson, bravo j'en redemande. Majoration après la sortie du deuxième et dernier tome. J'ai un peu peur de faire une redite de l'avis sur le premier tome, mais véritablement les deux albums à la suite forment un tout homogène qui évoque ce que dans les années 70 on appelait le "voyage astral" mais sans la connotation un peu baba-cool. Pour Darrel Standing c'est une évidence, un moyen d'échapper à l'enfer qu'il vit notamment avec ce supplice de la camisole. Encore une fois les matons, le directeur de la prison ont le mauvais rôle et on peut le comprendre. Ce diptyque est également l'occasion d'offrir au lecteur des moments de grâce et de poésie, à ce titre je ne peux que lui octroyer la note maximale

03/11/2019 (MAJ le 16/10/2023) (modifier)
L'avatar du posteur ThePatrick

Intrigante, frappante, saisissante, remarquable, marquante, il y avait longtemps qu'une bd ne m'avait autant transporté. Cette adaptation d'une œuvre de Jack London est magistralement réalisée par Riff Reb's. Décidément, le bonhomme sait y faire, et il met au service de cette œuvre toute la puissance de son trait, qui rend à merveille des personnages âpres, durs. Sa colorisation, encore une fois, est magistrale. Il utilise à perfection la bichromie. Non seulement le résultat est beau, mais en plus elle change selon le fil narratif, participant ainsi pleinement à la narration. Cet écrin graphique illustre une histoire révoltante et fascinante. Révoltante parce que les traitements réservés aux prisonniers relèvent de la torture pure et simple. Jack London sait présenter les choses de façon remarquablement convaincante. Aucun des personnages de cet univers carcéral n'est, même de loin, sympathique. Darrel Standing non plus, d'une intransigeance totale, d'une arrogance folle et d'une absence de tact confinant à la sociopathie. Et cependant, il est impossible cautionner ce qu'on lui inflige. Fascinante parce que Darrel Standing, s'échappant de son quotidien insupportable par une forme d'autohypnose, pense se souvenir de vies passées. Ces histoires se déroulant à travers toute l'histoire de l'humanité, sont partielles. Toutes sont dures, âpres, cruelles, et pourtant fascinantes. Résultat de son imagination ou souvenirs de ses réincarnations ? Le lecteur choisira son interprétation. A la lecture de ce plaidoyer contre des conditions de détention indignes, contre la peine de mort, contre la bêtise humaine, mais aussi pour la fraternité humaine, on ne peut rester insensible. Le temps qui me sépare de la corde m'est désormais compté. De toutes mes incarnations passées, je ne vous en aurai fait goûter que quelques instants. Il se trouve que Jack London est mort l'année suivant la parution du "Vagabond des étoiles". Sans cela, que d'histoires aurait-il encore pu nous laisser ! Note réelle : 4,5 / 5, mais je pousse avec plaisir jusqu'à 5.

09/09/2023 (modifier)
Par doumé
Note: 4/5
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Une bd adaptée d'un roman de Jack London. L'auteur dénonce la peine de mort, les conditions de vie des prisonniers et l'hypocrisie administrative sur l'incarcération comme mode de réinsertion. Un prisonnier nommé Standing échappe à la torture et à sa condition de prisonnier en s'évadant par l'esprit. En s'inventant des vies ou en s'intégrant dans des vies réelles, l'histoire navigue entre réalité et fantastique. Une forme de folie comme seule échappatoire à la torture physique, l'auteur nous transporte dans la tête de Standing qui conscient d'avoir tué un homme et de la date prochaine de son exécution continue pour survivre à vivre des vies par procuration. Des aventures qui nous transportent à travers les continents et les époques, elles n'ont aucun point commun entre elles mais révèlent un Standing s'imaginant avoir vécu plusieurs vies. Le dessin est superbe, les changements de couleurs permettent de nous positionner facilement d'un rêve à l'autre et de revenir à la réalité sans nous perdre dans toutes les vies vécues par Standing, un dessin qui participe à l'ambiance des voyages du prisonnier. Deux tomes d'une intensité constante construit sur un scénario poignant

20/03/2022 (modifier)
Par Yann135
Note: 4/5
L'avatar du posteur Yann135

C’est Paco qui m’a mis entre les mains cette série avec un petit sourire du coin des lèvres. Et lorsqu’il me soumet des albums, je dois avouer qu’il se trompe rarement le bougre. Me voilà donc installé confortablement dans mon canapé. J’attaque ! Les premières planches sont plutôt rudes à décrypter. Je n’arrive pas à plonger dans l’histoire. Je m’accroche et … j’ai bien fait. Après un début difficile, tout devient fluide. Je suis transporté. Impossible de décrocher. La narration omniprésente, est soutenue par un graphisme magnifique. Le rendu de l’univers carcéral est froid, sinistre, outrageusement violent et en même temps d’une finesse incroyable. On s’y croirait presque. L’histoire balance entre mondes imaginaires, dénonciation des conditions carcérales, et épisodes aventureux. L’imaginaire de Darrel Standing est sans limite. Le changement de la colorisation en mode sépia au fil de l’histoire permet de basculer plus aisément d’une scène à l’autre. C’est bien vu. Vos émotions seront donc rythmées en fonction des différents tableaux. Au final, je me suis régalé dans cet univers oppressant. C’est une tuerie cette série, au propre comme au figuré ! A découvrir. Merciiiiiiiii Paco.

09/10/2021 (modifier)
Par Solo
Note: 4/5
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Pouaah mais qu'est ce que j'adore Riff Reb's. Encore une adaptation fabuleuse, même si je ne veux pas la placer au même niveau que sa Trilogie Maritime (anthologique à mes yeux). Je suis peut être un tout petit peu frustré par la légère "répétitivité" du ton employé par rapport à ce que j'ai déjà lu de l'auteur. Même si les scènes ne se passent plus en mer mais dans une cellule (et surtout dans les passés du protagoniste), l'ambiance générale ne change pas trop trop. Qu'à cela ne tienne ! Je me trouve parmi les lecteurs les plus réceptifs de Riff Reb's. Son dessin est fabuleux, les ombres et l'expression des visages dégagent toujours une profondeur complexe. L'histoire en elle-même est originale et sans savoir si l'adaptation est réussie, il est clair que la BD à elle seule nourrit beaucoup notre imaginaire. L'ensemble paraît macabre mais on retrouve encore et toujours une poésie particulière qui permet de trouver une beauté pure à l'ouvrage. Le texte, que ce soit les dialogues et surtout la narration - très présente -, permet de nous emporter autant que le dessin. Encore merci à cet auteur, mon plaisir reste intact!

28/08/2021 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Ahhhh retrouver Riff Reb's et son sublime graphisme s'attaquant de nouveau à une adaptation de Jack London ! Moi qui était tombé sous le charme envoutant de son album Le Loup des Mers (je vous renvoie à l'interview que j'avais réalisée à Angoulême il y quelques années), j'étais impatient de me laisser griser par ce nouvel album. Riff Reb's s'attaque donc cette fois-ci au roman "Le Vagabond des Étoiles" qui nous raconte la vie de Darell Standing, condamné à mort pour le meurtre d'un professeur d'université. C'est depuis sa cellule qu'il nous fait le récit de sa vie, de pourquoi il est arrivé ici et du curieux pouvoir qui l'habite... Sans trop en révéler pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte, ce "pouvoir" nous permet d'éviter un huis clos qui aurait vite tourné en rond et de nous faire voyager à travers le temps et l'espace et de donner à l'auteur toute la marge nécessaire pour déployer son talent et nous offrir des planches somptueuses. Putain qu'est-ce que c'est beau ! Cette maitrise de la bichromie où s'invite parfois à bon escient une couleur supplémentaire le temps d'une case ou d'une pleine page !!! On est vite happé par le récit et la maîtrise de la narration est parfaite. Pas de temps mort, tellement, qu'arrivé à la fin de l'album la frustration est grande en se rappelant que ce n'est que la première partie de l'histoire... LA SUITE BORDEL !!! Allez Riff, t'as intérêt à jouer les forçats pour nous sortir cette suite le plus rapidement possible !!! *** Tome 2 *** Ahhhh !!! Enfin !!! Si cette suite et fin s'est fait attendre, joie et réjouissance sont au rendez-vous. Enfin... pour nous, car notre cher Darell Stranding s'il réussit toujours à s'évader "astralement" n'en reste pas moins soumis à très rude épreuve par ses geôliers. Forte tête un jour... S'il est bien une chose que maîtrise Riff Reb's, c'est bien cette faculté à nous embarquer et à nous faire voyager. Si ses albums précédents emprunts d'aventures marines y parvenaient déjà sans peine, c'est ici à travers l'espace et le temps qu'il s'y emploie de manière magistrale, tout en maîtrisant sa narration, sans jamais nous perdre. Que ce soit au Far West, sous la Rome Antique ou chez les vikings, tout s'enchaîne à merveille dans ce récit avec pour seul fil rouge cette fameuse "colère rouge" de notre protagoniste, telle une mèche allumée prête à tout faire exploser. C'est beau, trépidant et envoutant, Riff Reb's réussit une nouvelle fois une très grande adaptation d'un auteur de talent qui m'a même donné envie de lire le roman de London. Bravo.

05/11/2019 (MAJ le 13/01/2021) (modifier)

Que d'attente entre les 2 tomes, un peu d'anxiété aussi, une suite va-t-elle arriver à garder le niveau de tension ressentie au 1er opus ? Nous sommes en face d'un récit d'extrêmes qui touche des sujets à la fois psychologiques voire mystiques mais également des expériences sensorielles avec une limite entre réalité, mystique et rêve très difficile à cerner. Un prisonnier que l'on comprend "forte tête" refuse de plier devant la bêtise humaine et va se retrouver accusé de choses qu'il n'a pas commise. Ceci va l'emmener dans les traitements les plus difficiles plus proches de la torture voire du meurtre que de la mesure disciplinaire. Engoncé dans une privation de liberté totale, notre condamné va alors faire des expériences extracorporelles l'emmenant non seulement hors de son corps mais surtout dans des époques différentes et dans des peux différentes. Le récit va enchaîner les histoires dans l'histoire mettant au prises différents personnages plus ou moins historiques ayant comme rare point commun l'injustice humaine. Cela finit généralement dans la mort et dans la rage. Dans le premier tome les Voyages peuvent encore être instables mais tout cela devient de plus en plus maitrisé et les histoires sont de plus en plus longues et complètes pourtant le lecteur rentre dans chacune avec beaucoup de facilité et il est rare que l'on voit clairement l'histoire arriver (mis à part celle qui tourne autour de 33 près de Jérusalem). les coupures sur l'histoire principale viennent donner un rythme bienvenue et remettre une tension. Le tome 2 est mois disruptif que le premier mais reste de bonne facture et surtout permet de suivre l'histoire principale. Le dessin magistral nous emmène, les planches magnifiques nous permettent de vivre les moments ésotériques sans a priori avec une lecture poétique. Si j'ai souvent apprécié le travail de cet auteur dans ses histoires de pirates je trouve qu'il a ici atteint un niveau absolument fabuleux entre une lisibilité, une poésie et un outil narratif pour en faire une arme massive. Je ne suis pas fan de la façon dont le personnage se raconte et chaque mini histoire n'est pas en soi incroyable, mais le dessin donne une cohérence globale qui rend le tout homogène et captivant. Je serai d'ailleurs bien en peine de raconter l'une ou l'autre des petits récit et pourtant quelle impression globale forte ! Vous pouvez vous lancer dans ce dyptique avec sérénité cela vous procurera de très bons moments y compris à la relecture car dans la durée il y a des redécouvertes ou des intérêts changeant suivant les humeurs. Vous serez révolté par les comportements humains, ou bien captivé par l'histoire principale, mais il est probable qu'à chaque lecture un nouvel intérêt vous happe. Bravo pour cette belle réussite hors de la zone de confort pirate dans laquelle Riff Rebb's s'était un peu installé. Etonnant mais magistral d'aborder ces sujets proches d'univers ésotériques, mystiques ou religieuses sans jamais aller vers la prise de position, cela permet de respirer sans se sentir jugé de nos propres sentiments face à l'impossible. Merci !

17/12/2020 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5
L'avatar du posteur Blue boy

Première partie Avec sa version du « Loup des mers » parue il y a sept ans, Riff Reb’s nous avait totalement subjugués. Allait-il récidiver avec « Le Vagabond des étoiles » ? Cela semble en tout cas extrêmement bien parti, à la seule lecture de cette première partie d’un diptyque annoncé… Comme pour la précédente adaptation de London, le premier choc est visuel. La puissance du trait ardent de l’auteur havrais, alliée à un encrage soutenu qui vient creuser les visages, exprime très bien l’âpreté du monde décrit ici. Le côté oppressant de l’univers carcéral où croupit Darell Standing cloue le lecteur sur place et le traverse jusque dans ses veines. La camisole de force de Standing, c’est la nôtre, et on souffre avec lui. Et puis il y a ces voyages cosmiques salutaires, magnifiquement mis en images, qui permettent au prisonnier, par une technique d’autohypnose, d’oublier la douleur et de s’évader vers les mondes de l’esprit et du souvenir, et, dans un deuxième temps, de revivre ses multiples vies antérieures. Mais ces échappées immobiles ne font que renforcer la rage des gardiens, déconcertés par la capacité de résistance de Standing, obligés de resserrer toujours davantage les liens de son habit suppliciant, sous le regard narquois de leur souffre-douleur. Une fois de plus, les variations de bichromie au fil des pages fonctionnent parfaitement. C’en est tellement devenu la marque de fabrique de Riff Reb’s qu’une colorisation traditionnelle apparaîtrait presque déplacée. Plusieurs choses rendent l’histoire captivante : sous-tendue dès le début du livre par le mystère du meurtre commis par Darrel Standing, « victime » de ses « colères rouges », elle porte sur la captivité de ce dernier dans des conditions épouvantables, suite à la trahison d’un autre prisonnier prêt à tout pour raccourcir sa peine. Vient ensuite le temps du désespoir et de la mort imminente qui précéderont la découverte providentielle de l’autohypnose, moyen de survie et porte d’entrée vers ses pérégrinations mentales. Autant d’éléments qui suffisent à tenir le lecteur en haleine. Et le talent de conteur de Riff Reb’s de faire le reste pour ce qui se révèle être une ode formidable à l’imagination. Paradoxalement, Jack London était athée et ne croyait donc pas à la vie après la mort, ce qui peut surprendre. En revanche, l’auteur américain combattait l’injustice et, ayant connu lui-même la brutalité dans les prisons pour « délit de vagabondage », réussit avec à ce roman à faire interdire la camisole pour les prisonniers de droits communs aux Etats-Unis. Grâce à toutes les qualités énoncées plus haut, ce premier volet du « Vagabond des étoiles », dont on a évidemment la plus grande hâte de connaître la suite, s’impose incontestablement comme l’un des must de l’année. Seconde partie Même si la sidération et l’émerveillement ressentis à la lecture du premier tome se sont émoussés ici, la suite de ce diptyque reste tout de même d’une très bonne tenue. Pas si simple d’adapter ce récit aux multiples enchâssements du mythique Jack London, et Riff Reb’s, armé de son talent et de son pinceau expressif, gère plutôt bien cette complexité, permettant à la narration de rester fluide. A l’intérieur du récit cadre, caractérisé par son unité de lieu (le pénitencier où végète Darrell Standing), se déploient plusieurs tranches de vie évoquées plus ou moins longuement, à des époques et sur des continents différents, des vies toujours marquées par la violence ou la solitude liée au bannissement. C'est ainsi que nous suivrons un convoi de colons vers un Far West hostile, un marin au destin shakespearien, un jeune viking devenu officier dans l’Empire romain, une naufragée chassée de son pays d’origine, et enfin un indien rejeté par sa tribu… Chaque mini-histoire comporte un lien unissant chacun des personnages centraux à Darrell Standing, outre le fait que lui-même est la réincarnation de ces derniers. Standing, qui est le propre narrateur de son récit, connaît parfaitement ce lien, qui n’est autre que cette fameuse « colère rouge » qui l’habite. Une colère maudite venue du fond des âges qu’il n’a jamais, de réincarnation en réincarnation, réussi à dompter. Quant à en donner l’explication, il avoue son impuissance : « Est-ce par amour que nous avons défriché des forêts, construit des maisons, traversé des océans ? Est-ce par amour que nous avons inventé la poésie et commis des crimes de sang ? (…) Peut-être avez-vous une réponse à toutes ces questions, moi pas ». Standing n’est certain que d’une chose : le cycle de ses réincarnations ne cessera que lorsque ses destinées ne seront plus annihilées dans le sang et la violence… Quand bien même nous n’aurions pas la réponse, il est toutefois possible de tirer quelques enseignements de ce « Vagabond des étoiles », servi par le magnifique dessin de Riff Reb’s et les beaux textes de Jack London. Si l’histoire de cet homme aux multiples vies peut surprendre de la part d’un auteur qui se disait athée, il conviendra d’en chercher la finalité ailleurs. Sans doute n’est-elle qu’un simple prétexte destinée à susciter l’empathie dans un monde qui en a manqué cruellement depuis que l’humanité existe, et par extension, un plaidoyer contre la violence des uns sur d’autres, mais surtout — et là il faut resituer le contexte, London ayant publié ce roman en 1915 après avoir séjourné dans les prisons américaines, d’où il ressortit, révolté par les conditions d’incarcération — la torture en prison (la camisole entre autres) et bien sûr la peine de mort (toujours d’actualité au pays de l’Oncle Sam…). Admettre sa propre multiplicité pour mieux accepter l’autre, modelé dans le même « argile », issu de la même poussière d’étoile, telle est peut-être le message humaniste qui émerge de ce récit aussi âpre et tragique que vivifiant, et pas optimiste pour autant car laissant chacun à sa réflexion.

10/11/2019 (MAJ le 07/11/2020) (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

J’avais déjà lu – et apprécié ! – les précédentes adaptations de Riff Reb’s, généralement situées sur les grandes étendues marines. C’est dire si le cadre change ici, puisque nous sommes en grande partie confiné dans une prison, et le plus souvent même dans le mitard – même si nous nous en évadons momentanément lors des rêveries et autres périodes de folie du héros. Je ne connais pas l’œuvre originale de Jack London. Mais ce qu’en a fait Riff Reb’s est en tout cas très intéressant. D’abord son dessin, comme toujours réussi, j’aime beaucoup. Comme la colorisation, sombre à souhait, multipliant les couleurs : cela donne un résultat vraiment chouette. Le récit quant à lui a quelque chose d’oppressant. Nous savons que le héros, Darrell Standing, va bientôt être exécuté (nous ne savons pas encore exactement pourquoi). Dans sa prison, un concours de circonstance l’a amené à subir les pires sévices, qu’il combat grâce à son esprit, toujours en activité (c’est d’ailleurs sa réflexion, son insatisfaction permanentes qui lui causent systématiquement du tort, Darrell étant incapable de transiger, de « s’écraser » devant l’erreur ou la mauvaise foi de son interlocuteur, qu’il soit son supérieur ou le directeur de la prison). Les passages fantasmés – mais pourtant fortement « vécus » par Darrell – donnent une touche poétique, voire prophétique à son discours, et permettent au lecteur d’échapper à l’étouffante situation du détenu - je devrais dire ici du supplicié. Enfin – mais là je pense qu’on retrouve le discours de London, c’est aussi un plaidoyer contre la prison et l’enfermement, Darrell prenant plusieurs fois le lecteur à témoin pour lui rappeler que c’est avec ses impôts que l’on torture des hommes, que l’injustice se développe.

26/10/2020 (modifier)