C'était la guerre des tranchées
Will Eisner Awards 2011 - Best U.S. Edition of International Material & Best Reality-Based Work La guerre de 14-18 vue par Tardi....
1914 - 1918 : La Première Guerre Mondiale Best of 1990-1999 Casterman Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs Les années (A SUIVRE) Noir et blanc One-shots, le best-of Première Guerre mondiale Tardi Will Eisner Awards
Ce livre n' est pas un travail "d'historien"...il ne s'agit pas de l'histoire de la Première Guerre mondiale racontée en bande dessinée, mais d'une succession de situations non chronologiques, vécues par des hommes manipulés et embourbés, visiblement pas content de se trouver où ils sont... Il n'y a pas de "héros", pas de "personnage principal", dans cette lamentable "aventure" collective qu'est la guerre. Rien qu'un gigantesque et anonyme cri d'agonie. Il s'agit de notre histoire, celle de l'Europe, et c'est à Sarajevo que commence le xx° siècle, celui de l'industrialisation de la mort.... (extrait de l'intro de Tardi pour "C'était la guerre des tranchées")
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Date de parution | Octobre 1993 |
Statut histoire | Histoires courtes 1 tome paru |
Les avis
Tardi a beaucoup publié sur ce sujet, est sans cesse revenu sur un thème qui lui tient à cœur. Mais, même si aucune de ses autres séries tournant autour du carnage de la première guerre mondiale n’est inintéressante (elles sont toutes au moins « bien faites »), je crois qu’aucune n’atteint l’intensité, la réussite de celle-ci qui, il est vrai, est celle que j’ai lue la première, il y a maintenant très longtemps, et sur laquelle je reviens après l’avoir relue une nouvelle fois. C’est un album bouleversant, écœurant, qui remplit parfaitement le rôle que Tardi avait voulu lui donner, à savoir montrer la bêtise, l’horreur absolue, l’ignoble hypocrisie, l’écœurante abjection de cette guerre, si ce n’est de la guerre en générale. Tardi explique bien qu’il n’a pas voulu faire d’œuvre d’historien. Et que les témoignages directs de poilus lui ont été plus utiles que les travaux des historiens (qu’il ne méprise pas, mais ce n’est pas son propos). C’est ainsi que la longue bibliographie en fin de volume, si elle est très fournie et intéressante, ne cite presqu’aucun historien. Ce sont essentiellement des récits, des romans, et des films évoquant l’horreur des tranchées. Mention spéciale parmi ce bon choix, en ce qui me concerne, à « Johnny got is gun », de Trumbo, et aux « Sentiers de la gloire » de Kubrick (mais voulu par un grand acteur engagé et récemment disparu, Kirk Douglas), des œuvres ou auteurs ayant eu affaire à la censure… Le dessin de Tardi est ici très bon, très caractéristique de son trait à mi-chemin entre le réalisme cru et la caricature. Il atteint ici une force proche par certains aspects de quelques tableaux expressionnistes allemands (d’Otto Grosz par exemple), et donne une vision sidérante de cet enfer sur Terre. C’est sans doute l’œuvre majeure de Tardi, et en tout cas un album absolument à connaître si ce n’est pas déjà le cas. Un album très fort, à la fois engagé et sobre, simple et bouleversant.
Attention : œuvre à lire absolument ! « C’était la guerre des tranchées » est, à mes yeux, le meilleur récit traitant du quotidien du soldat durant cette horrible boucherie que fût la première guerre mondiale. L’album enchaine les anecdotes souvent absurdes que vivent des êtres humains désemparés, révoltés ou résignés, attachants ou répugnants. Pas de héros ici, pas plus de traître ou de lâche, chacun essaye simplement de s’en sortir du mieux qu’il peut, en accord avec ses principes, et quitte à s’automutiler ou à se planquer. L’ennemi n’est pas non plus celui que l’on croit, et le boche parait finalement bien plus sympathique que les gendarmes ou les officiers, planqués qui n’hésitent pas à envoyer au massacre de simples trouffions. Le parallèle avec « Adieu Brindavoine », mais aussi avec un film tel que « Un long dimanche de fiançailles » est évident. Cependant, cet album est bien antérieur au film de Jeunet, et ne propose pas de véritable intrigue. La structure proposée par Tardi est composée de courtes séquences qui s’enchainent pour aboutir à une conclusion chiffrée effrayante. Le soldat de base, alias chair à canon, se trouve au centre du récit, dans toute son humanité, mais l’on ne s’attardera jamais sur un cas en particulier. Ce choix a un gros défaut (on n’a pas vraiment le temps de s’attacher aux personnages) mais aussi une énorme qualité : celle de nous rappeler toute la précarité de la vie, et le peu de valeur qu’un dirigeant lui accordera en cas de besoin. On a à peine le temps de se rendre compte que ces personnages sont humains … qu’ils sont déjà morts. Cet aspect aussi horrible, inhumain qu’absurde est, je pense, voulu par l’auteur, … et très réussi. D’autre part, Jacques Tardi parvient à nous faire ressentir tout l’enthousiasme, l’engouement que la déclaration de guerre suscita, et le désespoir, l’écroulement moral dans lequel sombrent les soldats enlisés dans l’horreur des tranchées. Malgré la brièveté des séquences et le passage incessant d’un personnage à un autre, une certaine progression dramatique est présente dans cet album. Le souci de véracité de Tardi est également à souligner, et toutes ces sordides anecdotes reposent sur une indiscutable réalité historique. Le trait de l’artiste ne surprendra pas ceux qui le connaissent. C’est du Tardi, sans discussions. Un noir et blanc semi réaliste à l’encrage épais au travers duquel les personnages semblent toujours « tirer la gueule », ce qui, dans ces circonstances précises, est tout à fait adéquat. Un très bel album, au caractère documentaire indiscutable ! Et un superbe plaidoyer contre l’absurdité de la guerre. Une oeuvre "coup de poing".
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