Sentry - La Sentinelle

Note: 4/5
(4/5 pour 3 avis)

La mini-série qui a introduit dans l'univers Marvel le personnage de Sentry, un super-héros qui semble avoir été effacé des mémoires pour une obscure raison.


Auteurs britanniques Marvel Super-héros Univers des super-héros Marvel

Un héros de l'âge d'or, oublié par ses pairs, refait surface. Mais qui est Sentry ? Pourquoi a-t-il disparu pendant des décennies ? Ce retour était-il souhaitable ? Les Quatre Fantastiques, les Avengers, les X-Men et Spider-Man ne vont pas tarder à répondre. Texte: L'éditeur

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution Mai 2001
Statut histoire Histoires courtes 2 tomes parus

Couverture de la série Sentry - La Sentinelle © Panini 2001
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 3 avis)
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29/10/2019 | Gaston
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Présence

Continuité rétroactive & métacommentaire - Quelque part dans une maison isolée, Robert Reynolds se réveille au milieu de la nuit ; il a l'intuition qu'une entité malveillante (The Void) vient de faire son retour dans la réalité. Il se souvient d'un superhéros appelé Sentry dans des comics, il se souvient de pouvoir voler dans le ciel. Mais l'alcool qu'il vient d'avaler ne l'aide pas à focaliser ses idées et il a l'impression que The Void a pris possession de son chien. Alertée par le bruit, sa femme se réveille et le retrouve dans la cave, la bouteille vide par terre et le chien apeuré après avoir été frappé. Pourtant Reynolds se souvient qu'il tutoyait Reed Richards comme un ami précieux, qu'il avait épaulé Peter Parker dans un moment difficile, qu'il avait calmé Hulk au point qu'ils avaient pris l'habitude de travailler ensemble, et qu'il avait décillé Warren Worthington sur un aspect crucial de sa vie. Reynolds se rend sur le site de reconstruction du Baxter Building où il échange quelques mots avec Mister Fantastic, ce qui déclenche un questionnement difficile sur la véritable nature de Reynolds. J'ai horreur de ça ! Paul Jenkins introduit un superhéros antérieur aux Fantastic Four dont personne ne se souvient, mais dont l'existence est une certitude. Il remet en cause toute la continuité de l'univers partagé Marvel en insérant Sentry, le plus grand héros de cet univers, en action avant les FF. C'est insupportable : le lecteur que je suis crie au scandale, s'insurge contre ce révisionnisme facile, artificiel, invraisemblable et gratuit. Depuis la résurrection d'une célèbre mutante dans Phoenix Rising, je ne supporte plus les modifications de continuité accomplie rétroactivement et invalidant des histoires dans lesquelles je m'étais investi émotionnellement. Alors là, pensez donc, essayez de faire croire au lecteur que tout l'univers Marvel est faux depuis le début, c'est trop ! En plus cette histoire n'a de sens que si le lecteur connaît déjà les superhéros Marvel. N'importe quoi ! Sauf que ce révisionnisme n'a rien de gratuit. Paul Jenkins introduit un superhéros qui a le pouvoir d'un million de soleils en explosion (ça ne veut strictement rien dire). Rapidement, il s'avère que ce superhéros (Sentry) a été comme un père ou un grand frère pour tous les autres. Il a su faire ce que tous ses successeurs se sont avérés incapables de réussir. Sa lente remémoration s'accompagne d'une traversée de différents styles de comics au travers des décennies. Jae Lee (avec qui Paul Jenkins avait déjà collaboré pour Inhumans) a un style très sombre avec un encrage appuyé pour les visages qui rend cette histoire ténébreuse et inquiétante, augmentant encore l'angoisse liée à cette situation incompréhensible de Robert Reynolds qui existe malgré l'absence de souvenir chez tous ceux qui l'ont côtoyé. Jae Lee adapte son style lors des facsimilés de comics du Sentry évoqués à l'intérieur de l'histoire comme la seule preuve de l'existence de Sentry. Jae Lee n'éprouve qu'un intérêt modéré pour les décors qui manquent souvent à l'appel. Mais il est secondé par Jose Villarrubia qui effectue une mise en couleurs extraordinaire. Chaque fond coloré intensifie les émotions ressenties et l'ambiance, au point que le lecteur pris dans la tempête en oublie l'absence des décors. Alors que les superhéros se préparent à l'affrontement inéluctable contre The Void, ils commencent à se souvenir chacun de leur rencontre décisive avec Sentry. Reed Richards porte le poids de sa trahison vis-à-vis du Sentry (illustrations à la mode des années 1970, pas très agréables mais très détaillées). Peter Parker se souvient de l'impossible altruisme du Sentry (illustrations types années 1990, peu agréables). Hulk se souvient du seul ami qu'il n'a jamais eu dans un épisode incroyable d'émotion, avec des illustrations de Bill Sienkiewicz exceptionnelles : entre 1 et 3 cases par page, pas de décors et pourtant une force graphique hallucinante. Là encore, la mise en couleurs de Villarrubia renforce la puissance de chaque expression, chaque composition. Il s'agit sans aucun doute de l'épisode le plus incroyable de ce tome atypique. Et Warren Worthington se rappelle la leçon donnée par Sentry (illustrations également impressionnantes de Texeira). L'histoire se termine et Paul Jenkins boucle son intrigue de manière satisfaisante en ayant livré toutes les clefs de l'énigme. le lecteur se dit qu'il vient de vivre une expérience de lecture atypique, dérangeante et gorgée d'émotions. Il n'est plus possible de prendre ce récit au premier degré, comme un coup de pub primaire pour faire vendre du papier. le dispositif commercial conçu au départ s'accompagnait même d'une campagne de publicité effectuée dans le magazine Wizard expliquant que Sentry était un superhéros conçu par Stan Lee et un artiste fictif avant les FF, avec fausse interview de Stan Lee incluse. Il faut prendre un peu de recul et se rendre compte que Sentry ressemble furieusement à une variation proche de Superman. Paul Jenkins ose écrire une histoire commentant le fait que les superhéros Marvel n'était pas les premiers du genre et que Superman était là 40 ans avant. Il semble même se moquer des superhéros Marvel, incompétents et névrosés par rapport à Sentry qui est le parangon des superhéros. Mais dans le même temps, il montre en quoi l'univers Marvel est plus synchrone avec son époque que l'univers DC qui n'a plus qu'à être oublié comme une relique du passé. Alors que le dispositif de la continuité rétroactive est une véritable insulte aux fans de l'univers partagé Marvel, et aux codes des histoires de superhéros en général, Paul Jenkins propose un récit ambigu sur les différences entre Marvel et DC, sur la notion d'héroïsme, sur le sacrifice, sur l'évolution des valeurs de la société du vingtième siècle, tout en étant très nombriliste car les personnages sont tous de superhéros (les civils ne semblent avoir aucune importance, aucune existence). Les illustrations de Jae Lee dépassent le stade de la mise en images des actions et des dialogues pour transmettre des sensations et des conflits psychologiques, et atteignent leur objectif grâce à la mise en couleurs de Jose Villarrubia. Et ce tome recèle une pépite hallucinée lorsque le père spirituel (pour les choix artistiques) de Jae Lee prend les commandes pour apaiser Hulk, l'enfant terrible. Il ne reste plus au lecteur qu'à interpréter la métaphore de The Void. Paul Jenkins met le lecteur de comics au défi d'accepter qu'il s'agit d'une histoire imaginaire, une provocation sans équivalent ou presque. Il faut remonter à Whatever Happened to the Man of Tomorrow ? où Alan Moore proposait le même défi : ceci est une histoire imaginaire, ne le sont-elles pas toutes ?

12/06/2024 (modifier)