Stum
Univers poétique et underground, rose et noir, à découvrir.
Bichromie Les petits éditeurs indépendants
Une souris au triste destin se retrouve entre les mains d’une société mystérieuse et tentaculaire, AG-Corp. Accompagnée de sa tumeur maligne (inoculée par AG-Corp), elle va vite découvrir que l’économie de l’entreprise repose, parmi ses diverses activités douteuses, sur la mise en place d’un système de recyclage permettant de transformer des citoyens considérés comme indésirables en matériaux de construction. A elles deux, elles vont semer le trouble dans la mécanique bien huilée d’AG-Corp... Entrecoupée par des histoires courtes racontant les aventures tragi-comiques d’un employé modèle d’A-G corp, d’une pâquerette complexée ou encore de la vie trépidante d’une allumette, cette bande dessinée muette de Yann Taillefer, dessinée entièrement au stylo bille deux couleurs et rappelant sous certains aspects un Dave Cooper ou Vermines de Guerse & Pichelin, détaille toute l’absurdité d’un système qui se nourrit de lui-même. Finalement, le principe du recyclage. Site éditeur
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Date de parution | 18 Octobre 2019 |
Statut histoire | Histoires courtes 1 tome paru |
Les avis
Imaginons une société légèrement différente où toute forme humanoïde, insectoïde ou tout simplement animale aurait sa raison de vivre et d'exister. L'ironie serait que cette société plurale serait complètement déshumanisée. C'est un peu ce que Yann Taillefer a voulu expliquer dans son fantastique Stum qui emprunte autant aux classiques "Blade Runner" ou "Soleil Vert" qu'aux univers de Disney maltraités par Winshluss ou Cizo qui signe l'étonnante couverture de ce petit bijou. En cela d'ailleurs, Stum pourrait s'apparenter à une suite fantasmée de Pinocchio (Winshluss) mais mettons de suite au placard les références avancées car Stum est unique et devrait rapidement devenir culte dans le monde trop méconnu des pépites indépendantes. Ce recueil fait constamment s'entrechoquer des êtres disgracieux dans un même univers perverti par le profit et le stupre. La bureaucratie est bien mise à mal : si vous êtes fiché vous serez mis au ban de la société et recyclé de la plus absurde des manières. Taillefer taille justement dans l'absurdité de la société actuelle pour en dresser un tableau connu et symbolique mais terriblement actuel : l'exploitation des individus pour autrui. S'il n'y a effectivement rien d'original dans cette métaphore, c'est ici le traitement utilisé qui l'est complètement. Le dessin est unique et semble animé sous la multitude de détails offerts pour la rétine. Synthèse d'autant plus originale que toute l'histoire est entièrement muette mais constamment compréhensible par un découpage pertinent et une narration virevoltante multipliant les différents points de vue. Et ce ne serait rien sans le coup de maître de Taillefer qui utilise uniquement le stylo à bille rouge ou noir pour griffonner, noircir, quadriller ses petits cartoons. On retrouve l'esprit des courts-métrages d'animation Looney Tunes ou Silly Symphonies avec une touche non dissimulée de scènes trash jamais gratuites. Le travail final est simplement un régal de tous les instants pour les yeux, on rit, on sourit, on pleure aussi et on fait preuve d'empathie face à cette vivisection des opinions mais également à de jolies scènes poétiques. Mais finalement le plus réussi est de ne jamais perdre le lecteur en cours de route par une narration éclatée mais d'une fluidité sans égal. Stum est un pur régal.
Rhaaaaaaaaaaaa. J’avais déjà amplement dépassé mon budget lors d’une de mes razzias sur Paris lorsque je suis tombé sur cet album. Je l’ai ouvert… et j’ai donc décidé d’oublier mon budget (ceinture, et patates pour quelques temps !). Car c’est typiquement le genre de trucs qui m’attirent. Graphiquement, j’ai immédiatement été accroché. C’est proche par certains aspects de l’univers et des tronches de Winshluss (d’ailleurs son complice Cizo a participé à la couverture), ou des univers déjantés de Dave Cooper – Stéphane Blanquet s’y trouverait à l’aise aussi. On est donc là, on le voit, en terrain miné pour le lecteur lambda. Mais pour les plus curieux, ceux qui sont friands d’univers originaux et décalés, c’est vraiment le genre de chose qui peut déclencher le coup de cœur – comme cela a été le cas pour moi. Car, outre l’univers, très underground – mais pas tant que ça finalement, il faut aussi parler du rendu. En effet, Yann Taillefer use d’une très jolie bichromie – rouge et bleu, en dessinant au stylo bille : cela donne un aspect crayonné très chouette, un peu brouillon, mais que j’ai vraiment beaucoup aimé ! Voilà pour ce qui m’avait scotché lors du feuilletage. Pour ce qui est de l’intrigue, ou plutôt des histoires courtes (plus que des chapitres, car en fait il n’y a pas forcément d’intrigue à proprement parler), il est très difficile de faire un résumé – est-il souhaitable d’ailleurs ? Dès le départ, on est happé par un univers à la fois loufoque et oppressant, une sorte de régime totalitaire, qui élimine les déviants, ceux qui sortent des clous, qui se construit sur les restes de ces rebuts. Société étrange, dont les personnages sont parfois des hybrides objets/humains, des bouts de corps difformes, des freaks tout droit sortis d’un imaginaire débridé et fantasmagorique. C’est parfois un peu trash, parfois énigmatique (mais comme devant un tableau, il faut savoir rester avec une question sans réponse, aimer ne s’explique pas toujours !), parfois poétique (mais alors une poésie très noire, malgré le bleu et le rouge rosâtre qui règnent en maîtres – et qui atténuent quelque peu le côté trash évoqué plus haut). A part quelques bruits et une ou deux onomatopées, c’est entièrement muet. Mais la lecture est très fluide – pour peu qu’on accroche à l’univers développé ici. Je voudrais finir en remerciant les éditeurs – ici Les Requins Marteaux et Super Loto – qui prennent le risque de publier ce qu’ils aiment, de le faire en dépit de certaines contingences, et qui le font très bien. En cela il n’y a pas de petit ou de grand éditeur, ou plus précisément la grandeur ne se mesure pas au chiffre d’affaires. Cela va sans dire, certes, mais ça va encore mieux en le disant. A découvrir !
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