Nengue - L'histoire oubliée des esclaves des Guyanes
Un hommage à un explorateur qui a inspiré aussi bien Jules Verne que Claude Levi-Strauss ou Hergé et à un peuple qui a arraché sa liberté aux colons français et néerlandais.
Amérique du sud Esclavage La France d'Outre-Mer Les petits éditeurs indépendants
1877. Jules Crevaux, médecin français, explore l'intérieur des terres de la Guyane. Accompagné d'un piroguier, Apatou, au fil de la navigation et au rythme de leur amitié naissante, il va découvrir l'histoire des Bonis.
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Date de parution | 02 Mai 2018 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Le dessin est très lisible, mais pas exempt de défauts, un peu brouillon (j’ai bien aimé la colorisation par contre). L’histoire en elle-même se déroule sur un rythme assez pépère, avec quelques côtés un chouia trop didactiques (lorsque l’explorateur français demande à son guide de lui raconter, lors des pauses durant le voyage le long du Maroni, l’histoire des Marrons Bonis). Mais ces quelques bémols évoqués, je peux quand même dire que la lecture de cet album est agréable, fluide. Et surtout très instructive. Si je sais ce qu’est le marronnage, je ne connaissais pas du tout la situation dans les Guyanes. Car la bonne idée des auteurs est de « suivre » un vrai explorateur français de la fin du XIXème siècle, ouvert et cherchant à comprendre la « réalité » du terrain, l’histoire des communautés locales, que nous découvrons donc en même temps que lui. Les éditions Steinkis ont aussi fait du très bon boulot, et les préfaces, mais aussi l’important dossier final, permettent aux lecteurs de sortir de leur lecture avec le sentiment d’avoir appris des choses sur un pan méconnu de l’histoire coloniale (l’album en montre certains aspects violents – et ce dès l’entame de l’album, avec une scène révoltante), mais aussi de cette région d’Amérique du sud. Une lecture finalement instructive et recommandée.
Même si je ne considère pas cet album comme un indispensable, je le trouve intéressant et bien pensé dans sa conception. Plutôt que de simplement nous narrer l’histoire du clan de Marrons qui se trouve au cœur même du récit, les auteurs vont se servir d’une rencontre, historiquement véridique, entre un explorateur et cartographe français et un descendant des premiers Bonis pour nous faire découvrir ce pan de l’histoire. Pour ceux qui l’ignoreraient, le qualificatif de Marrons désignait les esclaves évadés qui s’étaient réfugié dans des zones difficiles d’accès pour y recréer une vie en société. Le bayou aux USA, les cirques quasi inaccessibles de l’Ile de la Réunion ou, dans le cas présent, les denses forêts de la Guyane et du Suriname étaient alors des refuges pour des bandes qui versaient la plupart du temps, et faute d’autre échappatoire, dans la criminalité organisée (meurtres, vols, massacres de familles d’esclavagistes, etc…). Le destin des Bonis est éloquent et très bien raconté au travers de cet album. C’est le premier atout du livre, cette retranscription réaliste de la naissance, de l’évolution puis enfin de la reconnaissance légitime de ce clan est historiquement très intéressante. La scène d’ouverture est totalement révoltante et témoigne d’une époque et d’un état d’esprit que l’on rêverait de ne plus jamais revivre. C’est une excellente entrée en matière qui nous fait comprendre et partager toute la haine que ces esclaves devaient ressentir face à leurs ‘maitres’. Mais l’évolution de ce clan, avec des choix politiques à faire, des dissensions, des trahisons internes ou externes, et l’adaptation à un milieu qui n’était pas le leur, tout cela est également très instructif. Comme je l’ai dit plus avant, ce récit nous est conté via deux personnages ayant réellement existé : Jules Crevaux (un médecin et explorateur français) et Apatou, piroguier de l’expédition et descendant de Bonis. Leur relation, qui va évoluer au fil de cette expédition pour se transformer en une véritable amitié, est un bel exemple de fraternité. Et cette relation nous permet de partager le quotidien de cette expédition d’un autre siècle et par là même de découvrir l’environnement dans lequel ces Bonis vivent. C’est le deuxième attrait du livre, certes moins prenant que toute la partie traitant directement des Bonis, mais il nous permet véritablement de nous plonger dans la forêt amazonienne et d’en comprendre la dangerosité comme la complexité des liens unissant ou divisant les différentes ethnies qui s’y abritent. Tout au long du récit, le trait de Samuel Figuière reste agréable à lire. Ce style qui va à l'essentiel, sans surcharger les planches mais sans simplifier pour autant les décors, est vraiment celui que j'affectionne pour ce type de documentaire historique. Enfin, le dossier proposé en fin d’album nous permet d’encore un peu approfondir le sujet. C’est vraiment un bon album. Pas un essentiel, pas un indispensable mais le genre de livre qui, couplé à d’autres documents (et je pense directement à « Un Marron », de Denis Vierge), permet d’appréhender un pan de notre histoire (avis aux professeurs). Une bande dessinée que je conseille à tous les lecteurs curieux que ce type de thématique historique et humaniste intéresse.
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