Mais où est Kiki ? - Une aventure de Tif et Tondu
Blutch et Robber reprennent et rendent hommage aux personnages classiques de la BD franco-belge que sont Tif et Tondu.
Blutch École supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg Spin-off
Après une enquête de longue haleine, Tif et Tondu réussissent à mettre sous les verrous l'antiquaire des stars : Patrice Goret de Saint Guy. Il ne conservait rien de moins que soixante-trois toiles de maîtres déclarées comme volées. Quelque temps après, alors en pleine tournée de dédicace pour le roman narrant cette affaire, les deux comparses tombent sur deux fous furieux. Le premier est un géant qui leur transmet un message indiquant que Kiki, une de leurs amies proches, a probablement été enlevée. Le second est la fille de cet antiquaire véreux, qui tente de brûler la librairie et d'assassiner Tif ! Cette dernière jure que son père est innocent et qu'il a été obligé de cacher les œuvres pour le compte d'un criminel dangereux. Pour Tif et Tondu, la suspicion est on ne peut plus permise... Car c'est bien connu, les prisons sont pleines d'innocents, mais celui-là a l'air tout à fait coupable. Néanmoins, devant l'insistance de leur éditrice, Maxine, qui flaire le bon coup, ils reprennent l'enquête. Kiki, elle, manque bien à l'appel et ils se font un sang d'encre : le comble pour deux écrivains de leur trempe. Commence alors une enquête en eaux troubles, qui les mènera plus loin qu'ils n'auraient pu l'imaginer !
Scénario | |
Dessin | |
Couleurs | |
Editeur
|
|
Genre
/
Public
/
Type
|
|
Date de parution | 31 Janvier 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
On sait que Blutch aime la bande dessinée classique, son nom fait d'ailleurs référence à l'un des célèbres tuniques bleues. Il s'intéresse cette fois à Tif et Tondu -série mythique- de la bd franco-belge. Son frère Robber signe le scénario. On est ici dans la réappropriation ; bien évidemment, Blutch n'envisage pas de reprendre la série qui semble en stand-by depuis pas mal d'années. Je me rappelle que plus jeune, je me demandais ce que faisaient Tif et Tondu : journalistes ? détectives ? écrivains ? Blutch met un terme à ces discussions ; pour lui, les deux hommes sont romanciers, ce qu'il appelle même des justicio-romanciers. La série a été marquée principalement par le graphisme de Will qui a signé une bonne trentaine d'albums. Les scénaristes, eux, ont beaucoup changé : que ce soit Fernand Dineur au début, Rosy qui inventa le célèbre Monsieur Choc, Tillieux qui se servaient d'intrigues policières souvent tirées de Félix, Desberg et plus récemment le duo Sikorski et Lapierre. Les intrigues avaient souvent une petite note fantastique surtout avec Rosy et Desberg. Blutch et Robber rajoutent donc une petite note d'étrange en plus de l'intrigue policière. Choc ne sera pas de la partie ; par contre, on retrouve Kiki d'Yeu personnage créé par Tillieux. Celle-ci a disparu kidnappée. A cela s'ajoute une affaire de vengeance suite à l'arrestation d'un antiquaire véreux. Blutch et Robber placent les deux héros dans une atmosphère qui respire les années 80, sans cesse rappelée par la tonalité de couleurs constituées d'aplats bleus et de jaunes ou d'ocre qui rappellent les vieilles séries télévisées où les Renault 5 abondaient (j'ai fortement repensé à Médecin de nuit par exemple). Blutch s'en sort bien dans le dessin de Tif et Tondu, accentuant la part d'ombre des deux détectives par ses hachures omniprésentes. On regrettera une fin un peu hâtive, mais dans l'ensemble le projet m'a assez convaincu.
Je ne comprendrai jamais ce besoin de s'approprier des personnages déjà existants pour les transformer en quelque chose qui n'a quasiment plus rien à voir avec la saga d'origine. Mais où est Kiki ? n'en est pas le pire exemple, mais il témoigne bien de cette manie idiote. Si on veut écrire une histoire si différente que ça de la saga initiale, pourquoi vouloir la rattacher à tout prix et au forceps à la saga en question, sinon pour des raisons purement cyniques et commerciales ? Si on retrouve vaguement l'esprit de Tif et Tondu dans quelques rares dialogues de ce one-shot, les personnages auraient pu être totalement différents que ça n'aurait rien changé... Mais bon, quand on voit le gloubi-boulga informe qu'est le scénario de cette BD (enfin, ce qui en tient lieu), le reproche fait précédemment n'est que très accessoire. En revanche, ce scénario... Mais que s'est-il passé ? Pendant quasiment la moitié de l'album, j'avoue, ça passait presque, je trouvais ça relativement plaisant même si ça ne cassait franchement pas des briques. Puis tout-à-coup rentre dans l'histoire une cape d'invisibilité, ayant pour seule fonction de remplir les trous d'un scénario dont on se demande si quelqu'un l'avait écrit avant que Blutch essaye de le mettre en images. Et à partir de là, c'est le drame... De fait, l'introduction de cette cape d'invisibilité dans l'histoire semble être l'élément déclencheur qui permet à Robber de faire littéralement n'importe quoi avec ses personnages et son récit. A partir de là, je l'avoue sans complexes, j'ai été complètement paumé. La narration devient si confuse que je me suis retrouvé dans une sorte d'état second, où mon cerveau était incapable de trouver le moindre lien entre ce que mes yeux lisaient. J'ai juste compris qu'il n'y avait rien à comprendre. En même temps, quand on voit le mobile de l'antagoniste principal, on se demande quelle somme Robber et Blutch ont pu donner aux éditions Dupuis pour qu'elles acceptent de publier un truc aussi inepte. Heureusement, l'auteur avait sans doute prévu que son absence totale de scénario ne serait pas comprise par tous les lecteurs et il balance cash dans le récit un personnage qui vient expliquer au héros le pourquoi du comment. Je ne dis pas que c'est plus clair après, mais le recours à un procédé aussi facile et éculé a le mérite de montrer que l'ambition des deux auteurs s'est envolée en même temps que le scénario. Bref, tout ça n'a ni queue ni tête, peut-être Robber essaie-t-il de faire passer ça sur le compte de l'humour, mais c'est raté puisqu'hormis quelques échanges un peu amusants, Mais où est Kiki ? n'a pas grand-chose de drôle et encore moins de divertissant. Comme en plus, le dessin de Blutch n'est pas franchement beau (remarquez mon sens de la diplomatie) et n'est pas du tout adapté à ce genre de récit, on se rend compte en refermant cette BD qu'il n'y a littéralement rien à en retenir et qu'en tant que fan de Tif et Tondu, on est assez dubitatif face à cet hommage en forme d'insulte à la saga d'origine. Et finalement, la seule issue qu'on a, c'est d'aller lâcher nos nerfs sur notre site de BD préféré... Breaking News : Aux dernières nouvelles, les habitants de la ville de Johannesburg aurait vu passer dans le ciel de la ville une liasse de feuilles de papier qu'aucun ne parvint à intercepter. La légende dit qu'il s'agissait des pages manquantes du scénario de Robber... Si quelqu'un réussit un jour à mettre la main dessus, les éditions Dupuis sont prêtes à en donner un bon prix pour enfin savoir comment tout ça était censé se terminer. Merci d'avance et bonne chasse.
Je me retrouve avec un avis similaire de celui de Ro. L'album est très bon durant une bonne partie, je pensais même mettre 4 étoiles sauf que voilà la conclusion est bâclée et après avoir tout lu, je me demande un peu ce que voulait faire Blutch parce que le dernier tiers de l'album est vraiment moyen. J'ai bien aimé l'ambiance de l'album. Le trait de Blutch est sensuel comme celui de Will et le scénario mélange habillement le polar et la science-fiction. Bref, on est en plein dans le style du Tif et Tondu de l'époque Will-Rosy/Tillieux/Desberg. J'ai retrouvé un univers que j'aime et la lecture est agréable durant la majorité de l'album. J'ai commencé à décrocher lorsque je me suis rendu compte qu'il y avait en faite deux intrigues parallèles (voire même trois comme le dit Ro). J'avais cru que le méchant antiquaire et sa fille étaient derrière l’enlèvement de Kiki et en fait non. D'ailleurs, je me demande pourquoi Kiki donne son nom à l'album vu que son enlèvement n'est pas l'intrigue qui prend le plus de place dans le récit. Il y a aussi le fait qu'on dirait que les deux intrigues ne sont pas terminées, comme si l'auteur avait été limité dans le nombre de pages sauf que ce n'est pas un album de 44 pages comme à l'époque où les albums devaient absolument faire 44-60 pages. Il y a 78 pages et donc l'auteur avait probablement la liberté de faire autant de pages qu'il voulait. Je suis déçu par cette dernière partie moyenne parce que le reste est bon. Au final, un one-shot à lire pour les fans de Tif et Tondu. Il faut juste s'attendre à ne pas lire un excellent d'album. Je me demande si cela va inciter d'autres auteurs à faire du Tif et Tondu, comme les Spirou de... qu'on retrouve depuis une dizaine d'années.
On peut être surpris de voir Blutch réaliser un album de Tif et Tondu. Son graphisme charnel et son encrage charbonneux tranchent avec le trait de Will qui était plus léger et dans la pure lignée de l'Ecole de Marcinelle. On imagine aussi avec étonnement cet auteur de one-shots assez artistiques, aux scénarios parfois proches du cinéma d'art et d'essai, se lançant dans un polar à la trame aussi claire que ceux qu'imaginaient Rosy, Tillieux ou Desberg au temps de la gloire de la série Tif et Tondu. Et effectivement, on constate dès les premières pages que le duo composé de Blutch et de son frère Robber au scénario a imposé sa patte à cet album à la fois hommage et récit à part entière. L'action se déroule dans les années 80. Tif et Tondu y sont des justiromanciers, à savoir des enquêteurs qui démasquent les criminels avec des méthodes parfois légèrement musclées, puis qui écrivent le roman de leurs propres aventures pour les vendre au grand public. Ils ont ainsi appris à côtoyer deux milieux sans pitié : celui des malfrats et des nombreux indics qui leur permettent de les coffrer, et celui du monde éditorial et des séances de dédicaces. Alors que leur dernier livre vient de sortir, narrant la façon dont ils ont piégé un trafiquant de tableaux de maîtres volés, deux affaires parallèles s'entament soudainement pour eux : d'une part la fille du trafiquant leur affirme que ce dernier est innocent, a été piégé et qu'il faut faire éclater la vérité, et d'autre part Kiki, la meilleure amie du duo, a disparu et un étrange personnage les met au défi de la retrouver. Les deux écrivains auront bien du mal à jongler entre ces deux enquêtes qui s'entrechoquent. Le récit joue grandement sur l'ambiance des années 80. Outre les véhicules d'époque, l'absence de téléphones portables et autres Internet, les personnages jouent des rôles qui semblent tout droit sortis de films dramatiques ou policiers français très sérieux de la fin 70, début 80. Tif et Tondu y sont des quarantenaires voire cinquantenaires bien en chair, hommes d'action engoncés dans des costumes qu'ils quittent rarement, qui traitent la vie de l'air un peu blasé de ceux qui ont bourlingué et appellent les femmes "ma petite". Un comportement rétrograde et paternaliste qui détonne avec leurs personnalités plus lisses et légères de la série originelle, entre le Tondu bougon et le Tif dragueur. On pourra aussi apprécier leur éditrice - ou s'en agacer c'est selon -, stéréotype de la lesbienne mondaine dominatrice qui appelle les femmes "mon petit bouchon" et qui infantilise les hommes. Avec la fille du trafiquant, on retrouvera là encore l'amour de Blutch pour les femmes de tête, mais aussi celui qu'il porte aux femmes plus évaporées et ultra-féminines en la personne de Kiki. Cette atmosphère réaliste est différente de celle des albums classiques des deux héros. On retrouvera tout de même un zeste de fantastique-science-fiction rappelant certaines inventions de leurs aventures à l'ancienne, grâce à un artefact technique assez peu crédible mais sympathique, qui joue un rôle important dans l'intrigue. Il ne faut pas s'attendre à retrouver ici du pur Tif et Tondu mais bien une oeuvre de Blutch et son frère mettant en scène ces héros et une petite part de leur univers. Concrètement, c'est une lecture plaisante et bien menée, avec une vraie personnalité, qui m'aura séduit... quasiment jusqu'à ses dernières pages. Car la conclusion m'a laissé un sentiment mi-figue mi-raisin. L'intrigue d'ensemble était déjà plutôt confuse, d'autant plus qu'aux deux intrigues parallèles s'y ajoute plus tard une troisième presque complètement décorrélée, dans le club des mafieux. Mais la fin du récit, même si elle apporte une bonne partie des réponses attendues, parait expédiée, comme s'il restait trop peu de pages pour la mener à bien sur le même rythme que le reste de l'album. C'est frustrant. D'autant que ces réponses qu'elle apporte laissent en partie perplexe. Les motivations ayant amené à l'enlèvement de Kiki tiennent à peu près la route, mais nettement moins celles du défi lancé aux héros dont l'objectif qu'on pense visé aurait pu être atteint de bien des manières plus simples. De même, certains rebondissements et indices reçus sonnent artificiels quand on y réfléchit. Quant à l'intrigue autour du trafiquant d'art, elle se termine un peu en queue de poisson, comme si elle attendait une suite. Cet album a une belle âme et une vraie force de caractère, tant dans son graphisme que dans son esprit. Elle transforme les héros Tif et Tondu en quelque chose de sensiblement différent de ce que l'on connait d'eux mais ce n'est pas désagréable pour autant et cela permet d'explorer des sentiers nouveaux à leurs côtés. Je regrette donc juste sa conclusion que je trouve trop abrupte et pas forcément convaincante.
Site réalisé avec CodeIgniter, jQuery, Bootstrap, fancyBox, Open Iconic, typeahead.js, Google Charts, Google Maps, echo
Copyright © 2001 - 2024 BDTheque | Contact | Les cookies sur le site | Les stats du site