Un auteur de BD en trop
Daniel Blancou aborde à travers un récit drôle et féroce : la trahison, la création, le rapport aux autres… Universel.
École supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg Les petits éditeurs indépendants Profession : bédéiste
Daniel, auteur de BD sans grand talent, tombe par hasard sur Kévin, ado amorphe, auteur de quelques planches faites à la va-vite. Sauf que ces planches… sont tout simplement géniales ! Ambitieuses, novatrices, magnifiques, intelligentes : le choc est violent pour Daniel, qui subit durement la comparaison. Daniel envoie alors le projet à son éditeur, en se faisant passer pour l’auteur. Aussi enthousiaste que surpris, l’éditeur le signe illico et vise le festival d’Angoulême pour la sortie de l’album… À la clé : quitte ou double ! Le succès si ça marche, la honte du plagiat si Daniel se fait prendre…
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Date de parution | 08 Janvier 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Je pense que Blancou a sans doute mis pas mal d’éléments autobiographiques dans cette histoire (certains moments de solitude en dédicace, le travail en atelier avec d’autres auteurs, etc. – pour le reste j’espère pas trop…). en tout cas cette histoire se laisse lire agréablement. D’abord parce que l’éditeur a fait un très beau travail : grand format, couverture et papier épais, présentation aérée, rien à dire de ce côté-là. Ensuite parce que la narration est fluide, légère (comme le dessin, un peu minimaliste et stylisé), autour de cet auteur qui galère pour publier, il est vrai cantonné, sans trop d’idées, à des documentaires aux sujets rébarbatifs. Pour le reste, il vivote – de moins en moins bien, avec de petits travaux alimentaires. Puis le hasard le met en relation avec le projet BD d’un gamin, qui s’avère génial. Que doit-il en faire ? Peut-il le piller, jouer au coucou ? Voilà le sel de l’intrigue. Intrigue à la lecture agréable, mais que j’attendais peut-être plus dynamique parfois, plus drôle. Même si l’autodérision, jouant sur cet auteur loser, agrémente la lecture de quelques bons sourires. Lecture sympathique en tout cas.
Entre autobiographie et fiction, Daniel Blancou s’est inspiré — très vraisemblablement — de sa propre expérience pour nous livrer cette comédie jubilatoire. L’auteur, qui n’en est pas à ses débuts — il a déjà à son actif six ouvrages — est un bédéaste multi-facettes, aussi à l’aise au pinceau qu’au stylo. Dans le cas présent, cet album fait presque office de carnet intime. Blancou, qui est donc (un peu) Daniel, le protagoniste central, prof de dessin par nécessité, pratique une forme d’autodérision assez poussée (désespérée ?), ne se contentant pas de se mettre dans la peau d’un loser, mais également d’un mythomane utilisant à son profit le talent d’un jeune homme un peu dépressif et couvé par sa mère. Daniel prendra sous son aile le jeune élève brillant et très prometteur, génie naïf qui s’ignore, avant de « subtiliser » ses planches dans le but de propulser sa carrière. Et l’effet comique fonctionne à plein, du seul fait que notre vilain menteur, exultant d’autosatisfaction dans un premier temps, finira par ne plus assumer pas ce succès soudain. Succès qui culminera au festival d’Angoulême avec une razzia sans précédent sur les récompenses — quatre, dont le très convoité prix du meilleur album. Avec un humour subtil que n’aurait pas renié Woody Allen, la narration tourne autour de notre héros en proie à la culpabilité et au doute, terrifié par la pression engendrée par cette notoriété inopinée. Comment réagir face à son éditeur qui le harcèle pour donner une suite à son magnifique plagiat encensé à l’unanimité ? Que répondre aux journalistes qui le comparent à un papillon après des années à n’avoir été que chenille ? Quoi de pire que d’être attendu au tournant par la meute des critiques ? Faire une suite, vraiment, au risque d’être démasqué ? Préférant minimiser son talent, Daniel répète à qui veut l’entendre qu’il n’a qu’une idée en tête : faire « des BD rigolotes », un des gimmicks bien sentis de cet album « désespérément hilarant ». Le trait minimaliste, dans sa ligne claire délicieusement enfantine, révèle parallèlement un côté très graphique, parfois très poussé, et qui, chose rare pour une BD humoristique, se laisse volontiers admirer. Comme par exemple ces quelques scènes urbaines dans un style quasi art déco — une rue de nuit bordée par un vieux cinéma Vox, un tramway sous la pluie — ou, plus abstraites, comme ce labyrinthe pleine page symbolisant la confusion mentale de Daniel. Le tout dans des couleurs primaires acidulées à l’agencement étudié, vaguement « vintage », que renforce la très plaisante reliure à dos toilé — avec cette odeur si particulière, presque grisante, que jamais la BD sur tablette ne pourra nous offrir —, de la belle ouvrage à laquelle nous a souvent habitués l’éditeur Sarbacane. Nombre de dessinateurs se reconnaîtront sans doute dans ce témoignage décrivant et questionnant avec espièglerie et tendresse les coulisses d’un métier qu’on ne choisit jamais par appât du gain, il faudrait pour cela être totalement inconscient. L’appât de gain viendrait plutôt des éditeurs, qui semblent, comme il l’est décrit avec une ironie désabusée dans plusieurs passages, montrer peu d’empathie à leur endroit, les considérant pour ainsi dire comme des esclaves à leur service. Cette « BD rigolote », faussement joyeuse, est une réussite, révélant un auteur attachant qui n’est certainement pas « en trop ». La bibliographie de Daniel Blancou ressemble beaucoup à son auteur, dilemme vivant, capable de passer du genre documentaire (environnemental, politico-judiciaire) à l’humour décalé. Mais désormais, avec « Un auteur de BD en trop », notre quadra candide nous livre une sorte de synthèse des deux, dans un style clairement plus affirmé qu’à ses débuts. Blancou aurait-il trouvé sa voie ? On a bien envie de le croire, et bien sûr, on attend la suite… oups, désolé pour la pression !
Daniel est un auteur de BD qui aimerait raconter des histoires rigolotes, mais reste cantonné aux documentaires. Ses albums ayant peu de succès, il est plutôt au creux de la vague lorsqu’il rencontre un jeune homme qui lui montre les planches d’une BD qu’il écrit à ses heures perdues, et qui sont tout simplement géniales. Il ne tarde pas à s’approprier les dites planches… Daniel Blancou s’est mis lui-même en scène dans cette histoire, n’hésitant pas à faire preuve d’autodérision. Au passage, il n’épargne pas non plus les autres, qu’il s’agisse des éditeurs peu soucieux du sort des auteurs ou de la prof d’art contemporain snob au possible. Si l’ensemble est traité sur un ton humoristique, on ressent une pointe d’amertume à l’égard du milieu de la bande dessinée. Graphiquement, c’est un style très affirmé qui ne plaira pas à tout le monde ; personnellement j’apprécie énormément cette ambiance rétro, ce dessin simple et en même temps très précis. Pour peu que l’on connaisse certaines personnes ou certains lieux représentés, on les reconnait très aisément. De plus, j’ai aimé la mise en page soignée sur l’ensemble de l’album. Malgré la narration qui manque parfois de fluidité, et l’histoire qui ne réserve au final pas beaucoup de surprises, j’ai passé un agréable moment de lecture.
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