Le Château de mon père - Versailles ressuscité
Comment imaginer que voici 150 ans, il a fallu toute la détermination de Pierre de Nohlac pour sortir de l'oubli le Château de Versailles ?
1872 - 1899 : de la IIIe république à la fin du XIXe siècle Autobiographie La Boite à Bulles Les petits éditeurs indépendants Paris Versailles
Comme toute sa famille, Henri mène une vie de château… Et pas dans n’importe lequel ! Au château de Versailles où son père travaille. Mais grandir dans un palais ne rend pas la vie forcément plus belle, surtout lorsque votre père a décidé de dédier la sienne à cet édifice. En 1887, Pierre de Nolhac est nommé attaché au Château de Versailles afin de veiller sur ses collections, derniers trésors d'une royauté désormais abolie. Le jeune homme a de l'ambition : rapidement promu conservateur, il veut que le palais du Roi-Soleil retrouve une place de choix dans le cœur des politiciens, des artistes, des Français tout simplement. Il mettra toute son énergie pour redonner au lieu ses lettres de noblesse... Mais à quel prix pour sa vie personnelle et celle de ses proches ? Son fils Henri nous conte sa vie de famille et de château, un récit mêlant joies et drames, petite et grande histoire...
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Date de parution | 11 Décembre 2019 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
J'ai beaucoup apprécié la lecture de cette série sur le Château de Versailles. Les auteurs ont choisi une approche particulière en ne montrant pratiquement pas les salles ni les œuvres d'art du Château. Ainsi le scénario met l'accent sur la symbolique historique de l'édifice. Perçu comme une image de la royauté déchue, puis comme une insulte infligée par Bismark l'édifice aurait pu disparaître à cause d'une vision républicaine étroite et fausse. C'est le grand mérite d'hommes de cette époque d'avoir fait comprendre que ces trésors architecturaux étaient l'héritage du peuple et dépassaient les clivages historiques ou partisans. J'ai suivi avec intérêt les démarches et l'habileté politique de Pierre de Nolhac pour rendre à Versailles un lustre... républicain. En effet c'est cette thématique qui m'a le plus séduit. Les auteurs prennent le contrepied total de la maxime "du passé faisons table rase". Même si ce passé n'est pas conforme à l'esprit du moment, même s’il présente des aspects glorieux et des aspects sombres voire ignominieux, ce passé nous a forgé dans notre roman national. Y a-t-il un autre monument qui puisse faire la liaison entre royauté et république ? pouvoir absolu et démocratie ? Le Louvre peut-être et d'ailleurs les auteurs mettent souvent en évidence dans le récit les liens étroits qui se sont créés entre les deux institutions. Je trouve cet aspect du scénario déjà bien riche mais Maïté Labat et J.B Véber y ajoutent un côté intimiste qui rend le roman très humain. C'est là où le château de mon père fait la liaison avec le château de ma mère. Par un jeu de contrastes les auteurs renvoient à Pagnol avec les similitudes : esprit républicain, drames familiaux, une forte image du père et les oppositions : couleurs provençales et grisaille parisienne et bien sûr le Château ami ou ennemi de la mère. Pour accentuer les contrastes Alexis Vitrebert propose un formidable graphisme en N&B avec de superbes gouaches qui travaillent à chaque case pour approfondir une ambiance "Belle époque" comme on pourrait la voir sur de vieilles pellicules. Alexis Vitrebert nous rappelle par sa technicité, son originalité et sa maîtrise que la thématique principale reste la transmission, la conservation et le partage du génie artistique. Il y réussit formidablement bien à mes yeux. Une très belle lecture qui donne du sens à la conservation du patrimoine pour ceux qui en doutent.
Ce roman graphique est passionnant à plus d’un titre, notamment parce qu’il raconte autant la « renaissance » du Château de Versailles vers son entrée dans le XXe siècle que le parcours d’un homme, Pierre de Nolhac, dont la vie avait fini par se confondre avec le monument dont il fut le conservateur pendant près de trente ans. A tel point que cela n’avait pas été sans conséquences sur sa vie privée, occasionnant brouilles et disputes avec sa famille. En particulier sa femme, qui finira pas le quitter, considérant que le château avait pris l’ascendant sur elle-même et ses enfants. A travers ce personnage remarquable et pourtant méconnu, sont évoqués les faits historiques ayant jalonné sa vie, de la construction de la tour Eiffel pour l’exposition universelle de 1889 jusqu’à la première guerre mondiale, en passant par la construction du métro parisien, ou, plus anecdotique, l’arrivée du téléphone à Versailles même… Inspirée des mémoires de Pierre de Nolhac lui-même, cette saga familiale se déroulant sous l’ombre imposante voire écrasante du célèbre château bénéficie d’une narration fluide et prenante. On est littéralement immergé dans cette Belle époque qui succédait à une période de troubles, mais où désormais tous les espoirs étaient permis à l’approche d’un XXe siècle que révolutionneraient à coup sûr les progrès scientifiques et techniques. Las, ceux qui en connaîtront les deux premières décennies verront ces espoirs bien vite douchés… Sans être forcément très précis, le trait semi-réaliste en noir et blanc d’Alexis Vitrebert met davantage l’accent sur les atmosphères, avec sobriété. Le dessin n’est parfois qu’esquissé, permettant au lecteur de s’en emparer pour reconstituer et extrapoler lui-même les décors et les situations, dans une approche à mi-chemin entre BD et littérature. On peut concevoir, comme le dit très bien Jean Dytar, dont le style est similaire, ces « images pensées comme des maillons de la chaîne narrative, qui n'ont pas de sens en dehors de cette économie [de détails, ndr] ». Et comme par une magie inexplicable, le château, se réveillant d’un long sommeil, nous fait entendre le grincement de ses parquets fatigués, nous fait humer avec délice les vapeurs de cire de son mobilier antique, ainsi que l’odeur de poussière de ses vastes pièces bien souvent abandonnées… « Le Château de mon père » est donc une excellente BD historique avec une perspective très originale, de l’intérieur, une description passionnante de ce symbole d’une royauté engloutie, sans nostalgie malsaine ni admiration ostentatoire, un symbole qui aura d’une certaine manière permis à la République de se réconcilier avec la monarchie. Ce récit revisité par Maïté Labat, en quelque sorte héritière de Nolhac puisqu’elle a travaillé huit ans dans le mythique château, et Jean-Baptiste Véber, fut possible grâce aux témoignages d’un homme, d’une énergie peu commune, qui à la fin de sa vie trouva encore la force de les consigner par écrit, un homme animé par une passion qui se transforma au fil des années en obsession et fut parallèlement son drame, puisqu’elle entraîna l’éclatement de sa famille. Enfin, le titre, comme une évidence, n’est pas qu’un clin d’œil au roman de Marcel Pagnol, puisque les auteurs ont décidé de placer le fils du conservateur, Henri, dans la position du narrateur, ajoutant à cette histoire le doux parfum de l’enfance.
J’étais passé à côté de cet album lors de sa sortie fin 2019, la faute à un sujet et un graphisme que j’avais bêtement jugé trop austère… comme j’avais tort ! J’adore quand une BD mélange l’Histoire avec un grand « H » (ici la renaissance du Château de Versailles, mais aussi la politique de l’époque, la 1ere guerre mondiale) et les drames plus humains, à savoir la vie de Pierre de Nolhac, attaché au Château de Versailles. On y retrouve des thèmes universels, avec cet homme qui a du mal à concilier son travail très prenant et sa vie de famille parfois difficile (certains passages m’ont beaucoup touché). Le travail de documentation est impressionnant (voir mini dossier et bibliographie en fin de volume), mais sans que cela n’alourdisse l’histoire, qui reste fluide et facile à lire. La mise en image d’Alexis Vitrebert est superbe, avec notamment des lavis du plus bel effet. Quel plaisir de visiter le Versailles mais aussi le Paris de l’époque. Un album que j’ai englouti d’une traite, malgré mes préjugés. A recommander à tout amateur de BD historique.
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