L'Homme qui tua Chris Kyle

Le 2 février 2013, l'inconnu Eddie Ray Routh abat la Légende Chris Kyle. Ce livre raconte le crime – et ses conséquences.
Documentaires
Chris Kyle est un héros. Ancien sniper chez les Navy Seals durant la deuxième guerre d'Irak, il a tué plus de 160 « cibles ». Au faîte de sa gloire (Clint Eastwood a même acheté les droits de son autobiographie, bestseller aux États-Unis, pour en faire un film – ce sera "American Sniper"), Chris Kyle dédie sa vie à aider ses anciens camarades de combats marqués aussi bien physiquement que mentalement par la guerre. Eddie Ray Routh est l'un d'entre eux.
Scénario | |
Dessin | |
Couleurs | |
Editeur
|
|
Genre
/
Public
/
Type
|
|
Date de parution | 29 Mai 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis


Je n'ai franchement aucune affinité avec toute cette histoire, dont je ne connais pas le film d'ailleurs (American Sniper). Mais Nury et Brüno qui s'associent pour parler de ça, c'est suffisant pour me donner envie. Et j'ai donc commencé la BD sans trop d'attente, ce qui m'a permis de complètement l'apprécier. En effet, la BD pose deux conditions pour une lecture agréable : ne pas s'attendre à une histoire exhaustive, ne pas s'attendre à une considération sur les personnes. Ne connaissant pas l'histoire, donc, j'ai été surpris que l'ensemble présente les faits et (presque) que les faits. Les auteurs ne se posent jamais en père-la-morale et se contentent de présenter tout les personnages, leurs idées, comment cette journée arriva et ce qu'il en résultat. Mais aussi la suite, avec la veuve de Chris Kyle, tout ce qui s'est passé autour de son image etc ... Ce qui fait la confusion possible de plusieurs lecteurs et lectrices, c'est que la BD semble vouloir explorer cette histoire aux personnages assez peu manichéen, alors que le propos des auteurs me semble tout autre. Bien qu'il ne mette que les faits allant jusqu'à retranscrire des interviews télévisuelles, c'est dans l'organisation des pages que j'ai senti ce qui se jouait. Pour moi (du haut de mon expérience de lecteur), les auteurs veulent utiliser cette histoire pour présenter une société, la société américaine, dans toutes ses contradictions. Une société qui ne s'occupe pas de la santé de ses milliers de vétérans, fasciné par les armes à feux, embrassant la violence comme solution (le slogan est incroyable !), utilisant toute histoire pour faire de l'argent, capitalisant sur le succès populaire ... Pour moi, cette BD est surtout une constatation de ce qu'est l'Amérique de Chris Kyle. Une Amérique qui ne fait pas du tout rêver et qui semble surtout un échec cuisant. Voir la jeune veuve sortir livre sur livre et créer des sociétés en profitant de la mort de son mari me parait indécent, mais c'est l'Amérique ! Voir les personnages utilisés en tout sens, les procès s'empiler, les interviews (parfois lunaire) se succéder, le tout baigné des valeurs bien USA (arme, protestantisme, procès, argent ...). C'est une fin bien amère qui est présentée, à mon gout, lorsque l'on voit encore une page de mort qui s'entasse, morts anonymes qui ne seront jamais déplorés ... La BD est une enquête sur un sujet qui n'est pas le meurtre de Chris Kyle et dont j'ai l'impression que le sous-titre est le plus important : une histoire Américaine.


J'ai beaucoup apprécié la lecture de ce BD documentaire de Nury et Brüno. Mes premières lectures de Nury m'ont mis en présence de personnalités complexes et l'auteur aime à cultiver ce côté ambigu de ses personnages. C'est encore le cas pour les trois intervenants principaux de la série. J'avais vu Americain Sniper au cinéma et je trouve que Nury ne trahit pas l'esprit si particulier du film et des conditions de la création du film. Je trouve qu'il arrive avec justesse à traduire les modes de pensées et les convictions profondes de cette Amérique patriotique et traditionnelle qui étonnent tellement en Europe. J'ai trouvé la mise en scène de Nury vraiment excellente car il analyse une somme importante d'informations dans différents domaines pour en proposer une synthèse intelligente à ses lecteurs. Le dosage et le découpage entre les interviews, les comptes rendus des enquêteurs et les éclaircissements sur le droit américain sont d'une grande précision pour que le récit reste fluide et compréhensible pour quelqu'un d'extérieur à cet univers américain. Je trouve que c'est la prouesse de l'auteur de nous rendre audible ce qui est si éloigné de nos schémas intellectuels habituel. Perso j'ai été captivé par les différentes parties du récit et j'ai admiré l'art des auteurs de manier les hommages (Clint Eastwood), les empathies ou les antipathies envers tel ou tel personnage. Dans ce domaine j'ai trouvé la description de Taya Kyle vraiment extraordinaire. Entre veuve et mère qui subit la violence de plein fouet puis vedette publicitaire pour vendre des armes de haute précision, c'est un monde quasi incompréhensible pour un Européen que les auteurs nous décrivent sans y mettre un jugement de valeur perso. Au lecteur de s'y retrouver en fonction de sa lecture individuelle. Le graphisme de Brüno soutient parfaitement la dureté du récit. Les personnages à l'exception de Taya sont dépourvus de regard ce qui les rend presque inhumains mais aussi presque irresponsables. Les différents plans entretiennent la dramaturgie du récit pour aller au delà du simple fait divers. Brüno multiplie les rendus avec des visuels de caméras de surveillances, de films publicitaires ou de scènes intimistes. Le côté documentaire qui explore plusieurs sources n'en est que mieux traduit. J'ai trouvé cette lecture très riche et vraiment très aboutie techniquement. Une oeuvre forte pour comprendre une partie importante de l'Amérique qui semble si différente de notre vision simpliste.


Après la lecture de cet ouvrage, le moins que je puisse dire est que je suis plutôt dubitatif. En fait quel est l'intérêt de la chose, nous sommes dans le documentaire pur et dur sur la trajectoire de vie et de mort d'un individu bien particulier. Un individu (sniper dans l'armée) encensé dans son pays pour le fait d'avoir en temps de guerre tué environ 160 personnes. Soit. Nous suivons de manière linéaire les évènements avec un côté appuyé sur l'après mort de Chris Kyle. Pour ma part j'ai bien aimé la façon de montrer sa veuve, femme de caractère et à mon sens assez ignoble, mais finalement très bien insérée dans cette société américaine qui sait faire fructifier ses affaires en s'appuyant sur la notoriété de son défunt mari, l'ancien vétéran qui utilise une sombre histoire de bagarre dans un bar pour lui aussi se faire un joli pécule. Accompagné de son complice Brûno, Fabien Nury nous concocte un récit au cordeau et avec le trait si particulier de son dessinateur. Un trait sans rondeur avec des cadrages très cinématographiques, j'aurais presque envie de dire que cette BD possède un aspect chirurgical jusque dans la manière dont les auteurs nous montrent l' Amérique; celle de Trump, Fox News, la NRA qui encense ses héros de manière fort étonnante pour nous autres vivant de ce côté de l'Atlantique. Album ô combien nécessaire après l'hagiographie qu'est le film de Clint Eastwood, républicain patenté, non vraiment chapeau bas à messieurs Nury et Brûno qui nous montrent si le besoin s'en faisait sentir que les choses ne sont ni noires ni blanches.


Ancien snipper chez les Navy Seals, Chris Kyle est un héros américain au sommet de sa gloire. Un héros qui a, à son actif, 160 morts… minimum. Sa légende grandit encore quand de retour aux States, il aide les vétérans victimes de stress post-traumatique. Le 2 février 2013, l’un d’eux, Eddie Ray Rough, l’abat froidement. Sa mort secoue l’Amérique qui prend en pleine figure l’assassinat de son héros par un ancien d’Irak qui souffre de grave dépression. Au-delà du fait divers, c’est tout un questionnement que met en place Fabien Nurry pour déconstruire pièce par pièce la figure du héros et pour faire remonter à la lumière ce qu’on voudrait ne pas voir : le mal qui ronge ses soldats et qui les rend difficilement réadaptables à une vie en société. Sacré challenge de passer après Clint Eastwood et « American snipper » ! Mais Fabien Nurry qui s’appuie sur une solide documentation réussit le pari et nous livre un récit « clinique », glaçant à souhait. C’est magnifiquement dessiné par Brüno qui restitue, lui-aussi, la froideur et le malaise qui se dégagent du récit. Y’a pas à dire, ça refroidit et ça fait réfléchir…


Nury-Brüno, duo gagnant et qui commence mine de rien à être prolifique. Voici donc leur nouveau bébé, un documentaire qui retrace l’histoire de la mort de Chris Kyle, sniper américain dont j’avais déjà entendu parler à l’occasion de la sortie du film de Clint Eastwood sur lui (mais que je n’avais pas vu). Il s’agit ici d’un résumé de toute l’affaire et de tout ce qui entoure la mort de Chris Kyle. Sa famille, sa carrière jusqu’à sa mort de la main de Eddie Ray Routh et l’après, notamment le traitement de sa mort par sa femme. Cette bd s’attarde assez longtemps sur le meurtrier et son passé, sa situation personnelle au moment du drame, etc. La force de cette bande dessinée est de se pencher à parts égales sur tous les protagonistes, à savoir sur Eddie et sur Chris et sa famille. Ce double traitement permet de sortir d’une dichotomie classique du bien et du mal. Chris Kyle est ici dépeint de façon complète. Par certains côtés, on peut admirer l’homme, qui prenait une bonne partie de son temps pour aider des soldats mutilés ou traumatisés par la guerre. Cet aspect de sa personnalité semblait très important et, même si le moyen utilisé peut être discuté, il s’agit véritablement d’une intention louable. Le fait qu’il ait accepté d’aider Eddie Ray Routh s’inscrit dans cette démarche. Mais les auteurs ne s’en tiennent pas à ce côté “héroïque” du bonhomme, qui a été mis en avant notamment dans le film de Clint Eastwood. Sont évoqués certains côtés plus sombre, comme le fait qu’il se soit vanté de tuer des civils après l’ouragan Katrina, ce qui constituerait ni plus ni moins qu’un meurter. De même, sa mentalité conservatrice et son amour des armes sont largement évoqués. Eddie Ray Routh, lui, est dépeint comme un pauvre type dont la vie part en cacahuète et qui n’a pas l’air hyper sain : il séquestre sa petite amie et la menace avec un couteau, se drogue etc. Les auteurs relatent les faits mais s’attardent aussi sur les raisons qui peuvent avoir poussé Eddie à avoir commis ce meurtre. Ce n’est pas tout blanc ou tout noir. Certes Chris Kyle a voulu aider Ray Routh, mais c’est en partie son attitude à l’égard d’Eddie qui a poussé ce dernier à le tuer. Une attitude qui a pu être ressentie comme hautaine par Routh et qui l’était peut-être (au moins en partie). Loin de moi l’idée de justifier l’acte, au contraire. Mais il est très intéressant de chercher à comprendre le pourquoi, et cette bd est suffisamment complète pour permettre de se poser la question. Personnellement, si je devais tirer des conclusions de cette affaire, c’est que la thérapie par les armes est dangereuse et ne me semble pas être la meilleure solution (mais il y a sûrement tout un tas de vétérans qui diront en avoir ressenti des bénéfices) ; et que aider certaines personnes, dont ceux qui présentent de réels troubles psychologiques comme c’était le cas pour Eddie Ray Routh, n’est pas quelque chose d’aisé et doit être fait par des personnes formées ou préparées à cela. Ici, Kyle fait la démarche d’aller aider Routh mais ne fait preuve d’aucune empathie envers lui ni de compréhension, parce qu’il n’était visiblement pas prêt à aider quelqu’un d’aussi en difficulté et dans cet état psychologique. Pire, il a fait naître chez Routh un sentiment d’infériorité qui a dû participer à son passage à l’acte. Indirectement se pose aussi la question du traitement de certains troubles et de leur acceptation par la société. Il est intéressant de voir toutes les réactions après l’affaire notamment celles du style “il (Eddie Routh) n’a participé à aucun combat, donc il ne peut pas souffrir de PTSD et n’a donc aucune excuse”. Personnellement, ça me laisse un peu sans voix, et ce n’est pas la seule chose de l’album. On notera en particulier les interviews de la Fox et la femme de Chris Kyle qui capitalise à fond l’image de son mari et semble être devenue une espèce d’idole chrétienne conservatrice pro-armes. Vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé cet album car il s’agit d’un documentaire complet qui permet de se faire un avis et de s’interroger sur la société américaine et les comportements individuels de manière plus générale. Et tout ça est servi par le trait de Brüno. Bon, je crois que maintenant je peux l’affirmer, en matière de bd il s’agit de mon dessinateur préféré. Il est parvenu à pleine maturité de son style, et c’est magnifique. Ce qui m’a frappé par rapport aux autres de ses bds qui étaient des oeuvres de pure fiction, c’est la façon dont il a retranscrit certaines images réelles. On ne peut pas dire que son style soit hyper “réaliste”, il y a plein de dessinateurs dont le rendu se rapproche plus de la réalité. Mais en voyant certaines photos sur internet, j’ai eu l’impression de les avoir déjà vues. Brüno a réussi à retranscrire de façon impressionnante certaines scènes et certaines photos. Quand on tombe sur des photos de Kyle ou de Routh, on ne peut pas avoir de doute sur le fait que c’est bien eux qui étaient représentés. Donc, en plus de trouver le dessin de Brüno très beau, voilà que je trouve qu’il retranscrit très bien la réalité. Je ne peux que conseiller la lecture, même si ça peut sembler un peu lourd pour certains ; il s’agit d’un vrai documentaire, sans dialogues, avec pas mal de texte. Mais ça vaut vraiment le coup.


Très fan du trait épuré de Brüno et ayant apprécié plusieurs des séries scénarisées par Fabien Nury, j'étais curieux de voir ce que cette nouvelle collaboration allait donner. Je ne connaissais pas le personnage de Chris Kyle et l'adaptation cinématographique de sa vie "légendaire" par Clint Eastwood ; autant je suis fan de l'acteur et du réalisateur, mais son engagement politique envers les républicains m'insupporte, et du coup la polémique autour de son film sur une légende américaine en la personne d'un sniper m'avait dissuadé d'aller le voir. Mais revenons à cet album. Beau pavé de plus de 160 pages, "L'Homme qui tua Chris Kyle" se veut un album documentaire complet pour comprendre comment un autre ex-marine américain en est arrivé à assassiner une telle icône du "rêve" américain. Pas de circonvolution narrative, juste les faits exposés chronologiquement, presque chirurgicalement avec ce dessin minimaliste qui fait la marque de fabrique de Brüno. Le tout est découpé en chapitres plus ou moins passionnants mais nécessaires pour parvenir à ce que Fabien Nury va distiller avec subtilité au fil de ses pages. Car plutôt que de rentrer pleine bille dans une critique de la société américaine puritaine, néocapitaliste et pro arme, il parvient en compilant les faits qui gravitent autour de ce Chris Kyle à en démontrer toute l'absurdité. Qu'il s'agisse de cet ancien acteur devenu sénateur ou pire encore, la femme de ce fameux Chris Kyle, on ne sait lequel est le plus odieux... Voilà donc un album surprenant qui par un traitement original nous propose un documentaire saisissant sur cette frange de l'Amérique proche de la caricature, mais dont on réalise qu'elle est bien réelle et dangereuse ; même pas besoin de parler de son ambassadeur principal...


Je connaissais un peu l'histoire de Chris Kyle à cause des controverses autour du film American Sniper, mais c'est tout. Je ne me souviens même plus si j'avais appris qu'il était mort ! L'idée géniale de l'album est que c'est fait sous forme de documentaire, un vrai, avec des extraits d'interviews et tout, on dirait presque qu'on regarde un documentaire filmé au lieu d'une bande dessinée. Ce qui est fascinant est que l'ancien soldat Chris Kyle, a été adulé comme un héros pour être le sniper qui a eu le plus de victimes et au final il se fait tuer par Eddie Ray Routh, un ancien soldat lui aussi, qui n'avait tué personne durant son service et qui était le gros loser typique qui vit avec sa mère et a des problèmes de consommations. Même si on peut deviner que les auteurs ont un parti pris, le ton est neutre. On ne fait que montrer tout le délire autour de Chris Kyle et ça fait froid dans le dos. Je ne suis pas forcément anti-armes, mais voir tous ces gens réunis uniquement pour voir des gens tirer sur des cibles me semble incompréhensible. C'est un album qui m'a apporté plusieurs réflexions sur lesquelles je ne veux pas trop m’étaler pour ne pas que cela tourne en billet politique. Je dirais simplement que j'ai trouvé choquant la différence du traitement de certains médias entre les cibles de Kyle et la mort de Kyle lui-même, le cirque autour de sa femme qui est maintenant aussi célèbre que son mari juste parce qu'elle était sa femme et le procès avec Jesse Ventura (qui est montré de manière bien pathétique dans le récit je trouve). Cela montre une société américaine un peu malade qui risque d'exploser un jour, quoique je me demande si ça ne va pas se produire bientôt... Le dessin sobre est correct et va très bien pour un documentaire de ce genre.


Brüno étant l’un de mes dessinateurs préférés, mon attention a logiquement été attirée lorsque je suis tombé sur cet album. Mon intérêt s’est retrouvé grandement renforcé quand j’ai réalisé que l’album parlait du même Chris Kyle qu’« American Sniper » de Clint Eastwood. En 2014, j’avais déjà bien aimé le film, malgré le biais ultra patriotique - à l’américaine - choisi par ce cher Clint. Quand j’ai compris que Fabien Nury avait opté pour un documentaire, je n’ai plus hésité une seule seconde. Je précise encore avoir lu l’édition en noir et blanc. Après avoir feuilleté la version couleur, je ne regrette pas mon choix. Les couleurs n’apportent en effet pas grand-chose et atténuent selon moi la puissance de certaines planches. Graphiquement, les amateurs de Brüno voyageront en terres connues. Épurés, nets et tranchants, les dessins sont une réussite. Ces caractéristiques sont encore renforcées par la version B&W, ce d’autant plus que les planches sont plus grandes. Everything is bigger in Texas ! Le scénario est linéaire, mais rappelons qu’il s’agit ici d’un documentaire. Une temporalité classique est donc non seulement prévisible, mais adaptée et bienvenue. Ici et là, j’ai lu plusieurs critiques qui comparaient cet album à la série Tyler Cross, autre œuvre des mêmes auteurs. Autant le dire tout de suite, ces deux histoires n’ont rien en commun, ce qui est tout à fait normal. Tyler Cross est une fiction policière façon gangster, alors que « L’Homme qui tua Chris Kyle » relate des faits réels, avec tout ce que cela implique en terme de narration. Le suspense ne disparaît pas pour autant, surtout dans le chapitre qui traite d’Eddie Ray Routh. Nul besoin d’avoir vu le film pour comprendre et apprécier ce beau one shot. Toutefois, la lecture me paraît bien plus intéressante après l’avoir regardé. La différence de point de vue est frappante, même si prévisible. Nury et Brüno remettent l’église au milieu du village. Ils livrent sans doute ici l’histoire de Chris Kyle que Clint Eastwood aurait racontée, s’il n’était pas un américain made in Hollywood et républicain de surcroît. Si le ton reste neutre, le lecteur restera perplexe devant ce patriotisme primaire teinté de religion, cet amour irrationnel pour les armes et ce capitalisme à tout épreuve. Les interviews télévisées sont particulièrement inquiétantes… merci Fox news… Dieu pourtant sait si j’aime ce magnifique pays que sont les États-Unis. Contrairement au film, l’album couvre un spectre beaucoup plus large, puisqu’au contexte et à la vie de Chris Kyle s’ajoute le parcours de son meurtrier et l’exploitation de sa mort par son épouse, qui semble encore plus dangereuse que son défunt mari car moins primaire. « L’Homme qui tua Chris Kyle » est un bel album et une très bonne lecture que je recommande chaudement.


Une fois n’est pas coutume, le duo de choc Nury-Brüno, qui depuis Tyler Cross, fait figure de référence dans le milieu du neuvième art, tente une incursion dans le documentaire. Fascinés par le western et le roman noir « hard boiled », ces deux-là ne pouvaient que s’intéresser à Chris Kyle, celui qui de son vivant était surnommé « La Légende ». Le fait de tuer de sang froid 255 personnes, dont 160 « confirmés », fit de lui le « recordman du nombre de tués homologués de toute l’histoire de l’armée américaine ». Un palmarès impressionnant qui d’un point de vue européen pose beaucoup de questions sur cette Amérique toujours encline à se fabriquer des héros, a fortiori quand cela réactive le mythe du cow-boy à la gâchette facile, prêt à sauver la veuve et l’orphelin. L’approche de Fabien Nury pourra déconcerter ceux qui s’attendent à trouver dans l’ouvrage une charge cinglante contre cette Amérique que nous adorons détester de ce côté-ci de l’Atlantique. La narration retranscrit de façon extrêmement objective le cours des événements, depuis le retour d’Irak du vétéran Chris Kyle jusqu’à son assassinat en février 2013 par l’ex-Marine Eddie Ray Rouch. Ce dernier, qui avait été également en Irak ainsi qu’en Haïti pour une mission humanitaire, était victime tout comme Kyle de PTSD (trouble de stress post-traumatique). Rouch n’avait pourtant jamais tué personne mais il avait vu l’horreur. Vouant une admiration sans bornes à l’ancien sniper, il rêvait de le rencontrer. Mais Rouch avait pris la voie inverse. Gavé d’antipsychotiques, en proie à la démence et passant ses journées à se défoncer, il était devenu l’antithèse de Kyle, le pur loser, un envers de rêve américain. Si Nury ne se livre pas une attaque violente du système US dans ce docu-BD, sa façon d’égrener les faits est beaucoup plus subtile et constitue en elle-même une accusation si l’on reste un tant soit peu attentif. L’auteur semble faire confiance à l’intelligence de ses lecteurs, et rien que pour cela, on peut lui en être reconnaissant. Il est possible d’aimer les westerns ou les polars sans pour autant défendre le port d’armes, et le co-auteur de Tyler Cross semble vouloir le prouver ici. Quant au dessin de Brüno, il reste toujours impeccable, malgré le format « copier-coller » pour la retranscription des quelques interviews qui pourra éventuellement frustrer les plus accros aux vues panoramiques hollywoodiennes auxquelles il nous a habitués. « L’Homme qui tua Chris Kyle », une fois de plus, confirme la parfaite alchimie entre ces deux auteurs. Sachant maintenir le lecteur en haleine, la narration est passionnante, puissante, décuplée par le minimalisme parfaitement calibré du dessin. Sous la lumière tapageuse d’une certaine Amérique, Nury et Brüno ont su en débusquer la proportionnelle noirceur, sans ostentation inutile. Et du coup réussissent avec brio leur entrée dans le documentaire.


Comme certains, je n'ai pas attendu la sortie de l'album en couleur pour me procurer la version n&b, tant je suis fan du dessin en n&b très épuré de Brüno. (je possède d'ailleurs l'ensemble de ses albums en n&b) Ce livre s'ouvre sur la célèbre réplique de "L'homme qui tua Liberty Valance" de John Ford "quand la légende devient réalité, on imprime la légende", ce qui sied parfaitement à cette histoire. Le scénario se base sur l'histoire de Chris Kyle (qui avait déjà fait l'objet d'un film "American sniper" de Clint Eastwood) mais surtout va beaucoup plus loin que le film, à travers notamment le portrait d'Eddie Ray Routh, le meurtrier. En suivant ces deux personnages, Chris Kyle et Eddie Ray Routh, Fabien Nury nous dresse un portrait sans concession des États-Unis, empreints de nationalisme, de suprématie blanche, mais aussi et surtout très attachés aux armes à feu, et au business (le destin de la veuve de Chris Kyle est d'ailleurs à ce point remarquable). Bien sûr cet album relève beaucoup plus du reportage dessiné que d'une aventure classique dont nous avaient habitués Nury et Brüno. D'ailleurs, il n'y a pas de dialogue ici (Fabien Nury s'en explique d'ailleurs dans le très bon dossier présent à la fin de l'album). Avec un découpage assez original, les auteurs utilisent les clip vidéo, les interviews TV données par les différents protagonistes pour nous livrer leur version de l'histoire. Certes on peut regretter un peu trop de copié/collé niveau dessin, mais sur la pagination (152 pages) cela passe. Graphiquement, le travail de Brüno est parfait, et je me contenterai uniquement de la version noir et blanc tant elle est parfaite à mes yeux. Pour ceux qui s'attendaient à une aventure type Tyler Cross, jetez-y un coup d’œil tout de même, cela vaut le coup d’œil. En tout cas , j'ai bien aimé cet album à la fois déconcertant sur la forme mais passionnant sur le fond.
Site réalisé avec CodeIgniter, jQuery, Bootstrap, fancyBox, Open Iconic, typeahead.js, Google Charts, Google Maps, echo
Copyright © 2001 - 2025 BDTheque | Contact | Les cookies sur le site | Les stats du site